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Full text of "Catéchisme de persévérance, ou, Exposé historique, dogmatique, moral et liturgique de la religion ..."

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University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/catchismedeper07gaum 


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CATÉCHISME 


DE  PERSËVÉRAIË. 


Les  exemplaires  non  revêtus  de  la  signature 
ci-dessous  seront  réputés  contrefaits. 


(S^m)^ 


TàBIS.  —  IMFRIKBRIB  DB  DBC0tmCHA:7T,   RUS    d'eRTORTH,  1, 


CATÉCHISME 


PERSÉVÉRANCE, 


EXPOSÉ  raSTORIQUE,  DOGMATIQUE,  MORAL  ET  LITURGIQUE 

DE  LA  RELIGION,  DEPUIS  L'ORIGINE  DU  MONDE 

JUSQU'A  NOS  JOURS  ; 


Par   l'abbé  J.  «AUHE. 

CHANOIHK   DB   RBVBHS. 


Jesus-Christus  heri  et  koiie,  ipse 

et  in  secula.  Hebr. ,  xiii,  8. 
Jésus-Christ  hier,  aujourd'hui  et 
dans  tous  les  siècles. 
Deus  charitas  est.  i  Jean.,  it,  •• 
Dieu  est  charité. 


^ 


GAUME  FRÈRES,    ÉDITEURS-LIBRAIRES, 
Rue  du  Pot-de-Fer-Saint-Sulpice,  5. 


1839    ,^ 


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* 


CATÉCHISME 

DE  PERSÉÏÉRAIE.     ,      /  . 

aUATBIÈHE   PABTIE 

V^  LEÇON. 


CULTE  EXTÉRIEUR,   OU   LE  CHRISTIANISME  &ENDU 
SENSIBLE. 

L'avocat  et  le  mathématicien.  —  Définition  du  culte  intérieur  et 
extérieur.  —  Cérémonies,  rites,  liturgie.  —  Culte  extérieur  né- 
cessaire à  riiomme,  à  la  société.  —  Premier  avantage  du  culte 
extérieur.  —  Il  redit  à  nos  sens  toutes  les  vérités  de  la  Religion, 
sous  les  patriarches,  sous  la  loi  de  Moïse,  sous  l'Evangile. 


«Vous  êtes  donc  un  ange?  vous  êtes  donc  un  pur  es- 
prit? »  telles  furent  les  paroles  qui  retentirent  à  mon 
oreille,  lorsqu'au  mois  de  septembre  de  l'année  der- 
nière, je  prenais  place  dans  une  voiture  publique  en 
marche  vers  la  capitale  ;  et  ces  paroles,  qui  passaient 
de  bouche  en  bouche,  étaient  accompagnées  d'un  sou- 
rire moqueur  dont  le  mystère  m'intrigua  tout  d'abord. 
Je  me  hasardai  à  demander  le  mot  de  l'énigme  :  un  de 
mes  nouveaux  compagnons  de  voyage  me  répondit  : 

X.  VIK  1 


4  CATÉCHISME 

gisirats  et  des  lois,  ou  plutôt  faites  que  l'homme  soit  un 
ange,  alors  vous  pourrez  supprimer  le  culte  extérieur; 
mais  tant  que  l'homme  sera  une  intelligence  servie  et 
trop  souvent  asservie  par  des  organes,  vouloir  réduire 
la  religion  au  pur  spirituel,  c'est  la  reléguer  dans  l'em- 
pire de  la  lune. 

»  Pendant  qu'un  rire  approbateur  accueillait  la  saillie 
du  vieux  géomètre,  l'avocat,  interloqué,  s'est  empressé 
de  battre  en  retraite  et  de  transporter  la  conversation  sur 
un  nouveau  terrain.  Nous  en  étions  là  lorsque  la  trom- 
pette du  conducteur  a  sonné  l'arrivée  au  relais  :  ces 
messieurs  sont  descendus,  et  la  table  d'hôte,  nous  l'es- 
pérons, fera  la  paix.  » 

Au  risque  de  troubler  le  repos  de  Vangèlique  adver- 
saire de  nos  cérémonies,  nous  allons  le  rappeler  au 
combat.  Notre  intention  n'est  pas  de  le  confondre,  ni 
lui  ni  ceux  qui  partagent  ses  préjugés;  mais  de  les 
instruire  tous  en  leur  faisant  connaître  la  nécessité,  la 
beauté,  la  sainteté  et  les  avantages  du  culte  extérieur 
de  l'Eglise  catholique. 

Et  d'abord,  qu'entend-on  par  ces  mots  :  culte  exté' 
rieur,  cérémonies,  rites,  liturgie? 

Dans  toutes  les  langues,  le  mot  culte  veut  dire  hon- 
neur, respect,  vénération,  révérence,  service.  Dans  la 
langue  religieuse,  nous  appelons  culte  intérieur  les 
sentiments  de  foi,  d'admiration,  de  respect,  de  recon- 
naissance, de  confiance,  d'amour,  de  soumission  que 
nous  devons  avoir  pour  Dieu,  parce  que  nous  recon- 
naissons en  lui  toutes  les  perfections.  Nous  appelons 


DE    PERSÉVÉRANCE.  5 

culte  extérieur  les  signes  sensibles  par  lesquels  nous 
manifestons  ces  sentiments,  comme  les  génuflexions, 
les  proslernements,  les  prières,  les  vœux,  les  offrandes. 
Nous  enseignons  que  lorsque  ces  témoignages  ne  sont 
pas  accompagnés  des  sentiments  du  cœur,  ce  n'est  plus 
un  culte  vrai  et  sincère,  c'est  une  pure  hypocrisie,  vice 
que  Jésus-Christ  et  les  Prophètes  ont  souvent  reproché 
aux  Juifs. 

Nous  reconnaissons  un  culte  suprême  ;  il  se  compose 
des  sentiments  et  des  témoignages  qui  ne  sont  dus  qu'à 
Dieu  ;  un  culte  inférieur  et  subordonné,  que  nous  ren- 
dons aux  Anges  et  aux  Saints,  et  par  lequel  nous  res- 
pectons et  honorons,  dans  les  Anges  et  dans  les  Saints, 
les  grâces  surnaturelles  que  Dieu  leur  a  faites,  la  di- 
gnité à  laquelle  il  les  a  élevés,  le  pouvoir  qu'il  leur  ac- 
corde. Ce  cnlie  in férieur  était  déjà  commandé  et  prati- 
qué chez  les  Juifs.  Dieu  leur  dit  :  Respectez  mon  Ange, 
parce  que  mon  nom  est  en  lui*.  Nous  voyons  la  femme 
de  Samarie  se  prosterner  devant  Elisée,  qui  venait  de 
ressusciter  son  enfant,  pour  honorer  en  lui  la  qualité  de 
saint  prophète,  d'homme  de  Dieu,  et  le  pouvoir  d'opé- 
rer des  miracles  ^. 

C'est  ainsi  que  dans  l'ordre  civil  on  peut  appeler  culte 
suprême  celui  que  l'on  rend  au  roi,  et  culte  inférieur 
ou  subordonné  celui  que  l'on  rend  à  ses  ministres. 

Il  faut  se  souvenir  encore  que  dans  la  société  civile 
on  emploie  souvent  les  mêmes  démonstrations  exté- 

'  Exod.,  xxm,  21. 
*  IVReg,,  IV,  9,37. 


6  CATÉCHISME 

rieures  pour  témoigner  un  culte  inférieur  et  pour  rendre 
un  culte  suprême;  c'est  alors  l'intention  seule  qui  dé- 
termine la  significalion  des  signes.  On  s'incline,  on  se 
découvre,  on  se  met  à  genoux,  on  se  prosterne  devant 
les  grands  aussi  bien  que  devant  les  rois,  sans  avoir 
pour  cela  l'intention  de  leur  rendre  un  honneur  égal. 
Il  en  est  de  même  dans  la  religion  à  l'égard  de  Dieu  et 
à  l'égard  des  Anges  et  des  Saints  :  presque  toute  la  dif- 
férence se  trouve  dans  la  forme  des  prières.  Nous  de- 
mandons à  Dieu  de  nous  accorder  ses  grâces  par  lui- 
même,  et  nous  supplions  les  Anges  et  les  Saints  de  les 
obtenir  pour  nous  par  leur  intercession  :  cela  est  très- 
différent. 

Enfin  nous  distinguons  un  culte  absolu  et  un  culte 
relatif.  Cette  distinction  est  aussi  admise  dans  l'ordre 
civil.  Les  honneurs  que  l'on  rend  au  roi  sont  un  culte  ci- 
vil absolu,  parce  qu'ils  se  terminent  à  lui;  le  respect 
que  l'on  a  pour  son  image,  pour  son  ministre  ou  pour 
son  ambassadeur,  est  relatif:  on  ne  les  honore  pas  pour 
eux-mêmes,  mais  en  considération  du  roi.  Il  en  est  de 
même  dans  l'ordre  religieux. 

Ce  culte  relatif  était  aussi  commandé  et  pratiqué 
chez  les  Juifs  :  Adorez  Vescabeau  des  pieds  du  Sei- 
gneur, parce  qu'il  est  saint;  adorez  sa  sainte  mon- 
tagne '.  Lors  donc  que  les  Juifs  se  prosternaient 
devant  l'arche  d'alliance,  devant  le  temple,  devant 
la  montagne  de  Sion;  lorsqu'ils  se  tournaient  de  ce 
côté  -  là  pour  prier,  ils   ne  prétendaient  pas  rendre 

'  P«.  XCVIII. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  7 

leur  culte  à  la  montagne,  au  temple  ni  à  l'arche,  mais 
à  Dieu,  qui  était  censé  y  être  présent.  Donc,  lorsque 
nous  faisons  de  même  devant  une  image  du  Sauveur  ou 
devant  sa  croix,  ce  n'est  point  à  ces  symboles  que  se 
termine  notre  culte,  mais  à  Jésus-Christ  lui-même. 
N'a-t-il  pas  dit  que  le  culte  qu'on  rend  à  ses  saints  se 
rapporte  à  lui?  Celui  qui  vous  écoute  m'écoute,  celui 
qui  vous  méprise  me  méprise^  celui  qui  vous  reçoit  me 
reçoit  ' .  Comme  on  le  voit,  le  culte  intérieur  et  extérieur, 
suprême,  subordonné,  absolu  et  relatif,  est  une  loi  de 
rhumanilé,  pratiquée  universellement  dans  l'ordre  civil 
aussi  bien  que  dans  l'ordre  religieux.  En  le  prescrivant, 
l'Eglise  ne  manque  ni  de  sagesse  ni  de  raison. 

Le  culte  extérieur  ne  s'exerce  pas  sans  cérémonies. 
On  entend  par  cérémonies  religieuses  des  actions  mxjê- 
térieuses  et  extérieures  établies  pour  accompagner  le 
culte  divin  et  le  rendre  plus  auguste,  plus  expressif, 
plus  majestueux  et  plus  solennel. 

Les  cérémonies  sont  des  actions  mystérieuses^  c'est- 
à-dire  qu'elles  renferment  et  expriment  un  sens  caché. 
On  dirait  un  voile  transparent  qui  laisse  entrevoir  des 
choses  purement  spirituelles.  Je  vois  un  homme  qui  se 
prosterne,  je  n'ai  pas  besoin  de  leçon  pour  comprendre 
qu'il  a  dans  le  cœur  un  sentiment  de  respect  et  de  sou- 
mission :  sa  cérémonie  me  le  fait  voir.  Il  élève  les  yeux 
et  les  mains  vers  le  Ciel,  je  comprends  qu'il  l'invoque  ; 
il  se  frappe  la  poitrine,  je  vois  qu'il  a  du  repentir.  Il 

'  Luc,  X,  16.  Matth.,  x,  40.  f'oy.  Ber^çier,  Dict.  de  théolog.,  art. 
Culte.  Jauffret,  du  Culte  publfi' 


8  CATÉCHISME 

n'est  aucun  sentiment  qui  ne  se  montre  au  dehors  par 
un  geste  particulier,  tant  il  est  vrai  que  les  cérémonies 
sont  naturelles  à  l'homme,  et  que  nous  en  avons  en 
nous-mêmes  le  sentiment  et  l'intelligence  :  aussi  le 
mot  cérémonie  veut-il  dire  manifestation  du  cœur*.... 

Fondées  sur  la  nature  de  l'homme,  les  cérémonies 
ont  été  en  usage  chez  tous  les  peuples,  dans  la  société 
civile  comme  dans  la  Religion;  elles  sont  nécessaires,  de 
l'aveu  même  des  impies.  Les  signes  extérieurs  de  bien- 
veillance mutuelle  adoucissent  les  mœurs,  les  démon- 
strations de  respect  envers  la  Divinité  rendent  l'homme 
religieux. 

Dieu  n'a  pas  voulu  que  les  cérémonies  de  son  culte 
fussent  abandonnées  aux  caprices,  à  l'ignorance  et  aux 
passions  des  hommes.  Les  cérémonies  tantôt  infâmes, 
tantôt  cruelles,  souvent  ridicules,  et  toujours  supersti- 
tieuses des  religions  païennes  et  des  sectes  hérétiques, 
ne  prouvent  que  trop  combien  il  était  nécessaire  que 
Dieu  réglât  les  formes  extérieures  de  la  Rehgion. 
D'ailleurs,  c'est  àDieu  seul,  et  aux  dépositaires  de  son  au- 
torité, qu'il  appartient  de  prescrire  la  manière  dont  il 
veut  être  servi,  comme  il  appartient  au  roi  de  régler  le 
cérémonial  de  sa  cour.  En  donnant  sa  loi  à  Moïse,  il 
entre  lui-même  dans  les  plus  petits  détails  du  culte,  et 
Notre-Seigneur  prescrit  les  principales  cérémonies  de 
l'Église  catholique,  laissant  à  ses  Apôtres  et  à  leurs  suc- 
cesseurs,dirigés  par  son  esprit,  le  soin  d'établirles  autres. 

'  n  est  dérivé  de  car,  ker,  le  cœur,  et  de  moneo,  avertir,  rnani* 
fester,  faire  connaître.  Foj.  Bergver,  art.  Cerém. 


DE   PERSÉVÉRANCE.  9 

Pour  être  agréables  ù  Dieu,  les  cérémonies  doivent  donc 
s'exercer  suivant  les  prescriptions  de  Dieu  même  ou  de 
ses  minisires  :  de  là  le  rit. 

On  appelle  rit  un  usage  ou  une  cérémonie  selon 
l'ordre  prescrit.  Le  mot  rit  vient  du  latin  rite  ou  recfe, 
qui  veut  dire  ce  qui  est  bien  fait,  ce  qui  est  conforme  à 
l'ordre.  Ainsi  les  rites  catholiques,  ce  sont  les  cérémo- 
nies religieuses  comme  elles  sont  prescrites  par  l'Église 
catholique.  Le  rit  romain,  \ertt  milanais,  le  rit  parisien, 
le  rit  lyonnais,  ce  sont  les  cérémonies  telles  qu'elles 
sont  prescrites  a  Rome,  à  Milan,  à  Paris,  à  Lyon  *. 

•  Un  auteur  païen,  Festus,  nomme  rituels  les  livres  qui  appre- 
naient les  cérémonies  de  la  consécration  des  villes,des  temples  et  des 
autels,  et  nous  nommons  à  présent  rituel  le  livre  qui  prescrit  la 
manière  d'administrer  les  sacrements. 

On  appelle  rit  mozarabe  le  rit  suivi  par  les  églises  d'Espa<»ne 
depuis  le  commencement  du  huitième  siècle  jusque  vers  la  fin  du 
onzième.  Les  Arabes  s'étant  emparés  de  l'Espagne  en  712,  les  Espa- 
gnols qui  subsistèrent  sous  leur  domination  furent  nommés  Moza- 
rabes, c'est-à-dire  Arabes  externes,  pour  les  distinguer  des  Arabes 
d'origine;  suivant  le  cardinal  Bona,  le  mot  mozarabe  veut  dire 
mêlé  avec  les  Arabes  :  cum  Arabibus  mixti.  Ce  rit  est  aussi  appelé 
gothique  à  cause  qu'il  fut  suivi  par  les  Goths,  devenus  Chrétiens  et 
maîtres  de  l'Espagne  jusqu'au  temps  des  Maures. 

On  appelle  sacramentaire  le  livre  qui  contient  les  prières  et  les 
paroles  que  les  évéques  et  les  prêtres  récitent  en  célébrant  la  messe 
et  en  administrant  les  sacrements. 

Missel.  Tout  le  monde  sait  que  c'est  le  livre  qui  contient  tout  ce 
qui  se  dit  à  la  messe  pendant  le  cours  de  l'année.  On  dit  le  Missel 
romain,  gothique  ou  mozarabe,  gallican,  parisien,  pour  indiquer 
le  Missel  en  usage  dans  ces  différents  pays. 

Jntiphonaire  ou  Antiplionier.  On  nommait  ainsi  autrefois  le 
livre  qui  contenait  tout  ce  qui  devait  être  chanté  au  chœur  pen- 
dant la  messe,  à  cause  que  les  introïts  avaient  pour  titre  :  Jnti- 
phona  ad  introitum.  Depuis  longtemps  on  ua  plus  appelé  Antipho- 


10  CATÉCHISME 

Le  culle  extérieur,  les  cc'TÔmonies,  les  rites  se  rap- 
portent à  l'acte  par  excellence  de  la  Religion,  l'auguste 
sacrifice  de  la  messe.  Ainsi,  dans  le  Christianisme  con- 
sidéré intérieurement  et  extérieurement,  Jésus-Christ 
est  le  terme  final  auquel  tout  aboutit  ;  de  là  le  nom  de  li- 
turgie donné  à  l'ensemble  des  cérémonies  et  des  prières 
qui  composent  le  culle  extérieur  de  l'Eglise  catholique. 

Liturgie  est  un  mot  grec  qui  signifie  œuvre  publique, 
œuvre  par  excellence  ;  c'est  ce  que  nous  nommons  en  fran- 
çais le  service  divin.  C'est  la  messe  ou  la  consécration  de 
l'Eucharistie,  qu'on  nomme  proprement  liturgie,  parce 
qu'elle  est  la  partie  la  plus  auguste  du  service  divin.Voilà 
pourquoi  les  livres  qui  contiennent  la  manière  de  célé- 
brer les  saints  mystères  sont  nommés  les  liturgies  *. 

Après  avoir  défini  le  culte  extérieur,  parlons  de  sa 
nécessité.  Le  monde  visible  est  un  miroir  dans  lequel 
se  réfléchit  le  monde  invisible.  Les  merveilles  qui  nous 

naire  que  le  livre  qui  contient  les  antiennes  de  matines,  de  laudes 
et  des  autres  heures  canoniales. 

Ordre  romain.  C'est  le  livre  qui  contient  la  manière  de  célébrer 
ia  messe  et  les  offices  de?  principaux  jours  de  l'année,  surtout  ceux 
des  quatre  derniers  jours  de  la  semaine  sainte  et  de  roctave  de 
Pâques. 

Ordinaire  de  la  messe.  On  nomme  ainsi  ce  qui  se  dit  à  chaque 
messe,  pour  le  distinguer  de  ce  qui  est  propre  aux  fêtes  et  aux 
autres  jours  de  l'année. 

Heures.  Ce  sont  les  livres  qui  contiennent,  outre  les  offices  des 
principales  fêtes  et  l'ordinaire  de  la  messe,  des  prières  sur  diffé- 
rents sujets.  On  les  appelle  heures  parce  que  l'office  ecclésiastique 
ae  divise  en  différentes  heures  :  matines, laudes,  prime,  tierce,  etc. 

'  f^ox-  Bergier,  art.  Liturgie,  et  le  P.  Le  Brun,  Cérém.  de  la  messes 
p.  1. 


DE   PERSÉVÉRANCE.  H 

environnent  et  que  nous  voyons  nous  révèlent  des  vérités 
que  nous  ne  voyons  pas  :  Dieu,  son  unité,  sa  puissance, 
sa  sagesse,  sa  bonté,  sa  providence  :  c'est  la  pensée  du 
grand  apôtre. 

Eh  bien,  le  culte  extérieur  est  aux  vérités  et  aux 
préceptes  de  la  religion  ce  que  le  monde  visible  est  au 
monde  invisible  :  c'est  un  miroir  dans  lequel  nous 
voyons  les  vérités  de  l'ordre  surnaturel,  comme  nous 
voyons  les  vérités  de  l'ordre  naturel  dans  le  monde  phy- 
sique. Par  le  culte  extérieur  sont  rendus  sensibles  et 
même  palpables  les  dogmes  de  la  foi  et  les  préceptes 
de  la  morale  :  la  chute  de  l'homme,  sa  rédemption,  ses 
espérances  immortelles,  ses  devoirs,  sa  dignité.  Que  di- 
rai-je  encore?  le  culte  extérieur  est  à  la  religion  ce  que 
la  parole  est  à  la  pensée  :  il  en  est  l'expression  vraie, 
c'est-à-dire  tour  à  tour  douce,  joyeuse,  terrible,  sui- 
vant la  nature  des  vérités  qu'il  exprime.  En  un  mot,  le 
culte  extérieur  catholique  est  le  christianisme  présenté 
aux  sens  ;  et  voilà  pourquoi  le  titre  général  de  nos  le- 
çons, dans  celte  quatrième  partie,  est  celui-ci  :  le  Chris- 
tianisme rendu  sensible.  Cela  posé,  nous  disons  que  le 
culte  extérieur  est  nécessaire  à  l'homme  et  à  la  société  : 
Nécessaire  à  l'homme,  l°parce  que  l'homme  n'est  pas 
un  pur  esprit.  Composé  d'un  corps  et  d'une  âme,  il  lui  faut 
nécessairement  des  signes  ex  térieurs  pour  manifester  ses 
sentiments  et  pour  connaître  ceux  des  autres.  Il  nous  est 
même  impossible  d'éprouver  des  sentiments  vifs  d'a- 
mour, de  joie,  de  crainte,  d'espérance,  d'admiration, 
sans  recourir  aussitôt  à  des  signes  extérieurs  propres  à  les 


12  CATÉCHISME 

produire  au  dehors.  Bien  plus,  les  sentiments  que  nous 
devons  avoir  pour  Dieu  naîtraient  difficilement  dans  le 
cœur  de  la  plupart  des  hommes;  ils  n'y  dureraient  pas 
longtemps  si  l'on  n'employait  pas  des  signes  extérieurs 
pour  les  exciter,  les  entretenir,  et  se  les  communiquer 
les  uns  aux  autres  :  ce  qui  ne  frappe  point  nos  sens  ne 
fait  jamais  sur  nous  une  impression  vive  et  durable. 

Voilà  une  des  raisons  fondamentales  du  culte  exté- 
rieur. «  L'homme  étant  tel,  dit  le  saint  concile  de  Trente  * , 
qu'il  ne  peut  que  difficilement,  sans  le  secours  des  signes 
sensibles,  s'élever  à  la  méditation  des  choses  divines, 
l'Eglise,  comme  une  tendre  mère,  a  établi  certains  rites, 
ordonné  que  certaines  parties  de  la  messe  se  dissent  à  voix 
basse  et  d'autres  à  haute  voix.  Elle  a  aussi  institué  des 
cérémonies  :  tels  sont  les  bénédictions  mystérieuses,  les 
flambeaux,  les  encensements,  les  habits,  et  beaucoup 
d'autres  choses,  d'après  la  discipline  et  la  tradition  apo- 
stolique.» Tout  cela  a  pour  but  de  relever  la  majesté  de 
l'auguste  sacrifice  et  de  porter  l'esprit  des  fidèles,  au 
moyen  de  ces  signes  visibles  de  piété  et  de  religion, 
à  la  contemplation  des  profonds  mystères  cachés  dans 
l'auguste  sacrifice. 

Au  reste,  les  impies  eux-mêmes  conviennent  de  la 
nécessité  du  culte  extérieur. 

«La  Religion,  réduite  au  pur  spirituel,  dit  l'un  d'en- 
tre eux,  est  bientôt  reléguée  dans  l'empire  de  la  lune.» 
c  Les  dogmes,  dit  un  autre,  ont  disparu  avec  les  signes 
extérieurs  qui  les  attestaient.»  Quand  les  disciples  de 

*  Sess.  XXII,  c.  5. 


DE   PERSÉVÉRANCE.  13 

ces  hommes  qui  raisonnaient  si  bien  ont  voulu  détruire 
la  Religion,  par  où  ont -ils  commencé?  par  le  culte 
extérieur;  ils  ont  d'abord  tourné  les  cérémonies  en 
dérision,  puis  ils  ont  abattu  les  temples,  les  croix  et  les 
autels. 

Mais  en  vain  l'homme  veut-il  lutter  contre  la  na- 
ture. Ces  impitoyables  ennemis  du  culte  extérieur  ont 
à  peine  tenu  les  rênes  du  gouvernement,  qu'ils  ont  senti 
toute  la  nécessité  des  rites  publics  et  solennels  pour  con- 
vertir les  peuples  à  leur  morale  ;  ils  se  sont  empressés 
de  pratiquer  ce  qu'ils  condamnaient  dans  les  Catholi- 
ques, en  appelant  à  leur  secours  le  culte  extérieur.  Ils 
en  ont  seulement  changé  l'objet  immortel,  et  l'ont  rap- 
porté tout  entier  aux  humaines  vertus,  qui  ne  sont  qu'un 
pompeux  néant  quand  elles  sont  séparées  de  leur  auteur. 

Ils  se  moquaient,  dans  leurs  ouvrages  et  dans  leurs 
lycées,  du  culte  des  Saints,  et  ils  lui  ont  substitué  celui 
des  héros,  à  la  manière  des  Païens,  qui  ne  rendaient  les 
honneurs  de  l'apothéose  qu'aux  actions  éclatantes  et  aux 
génies  le  plus  souvent  dévastateurs  des  nations.  Ils 
tournaient  en  dérision  la  piété  des  Catholiques  pour  les 
restes  précieux  de  l'homme  juste,  et  ils  ont  rendu  des 
honneurs  presque  divins  à  leurs  grands  hommes.  Enfin, 
est-il  une  seule  partie  du  culte  catholique  dont  ils  n'aient 
fait  usage  pour  donner  à  leurs  leçons  plus  de  faveur  et 
de  crédit,  plus  d'accès  et  de  confiance  sur  l'esprit  de  la 
multitude?  Les  hymnes,  les  cantiques,  les  autels,  les 
tables  de  la  loi,  l'arche  de  la  constitution,  les  candéla- 
bres, le  feu  sacré,  l'usage  des  parfums,  l3S  jours  de  fête, 


a  CATÉCHISME 

les  figures  de  la  Liberté  et  de  l'Egalité,  les  génies  tuté- 
laires  et  les  autres  emblèmes  de  la  révolution,  ne  nous 
ont-ils  pas  offert  une  suite  de  cérémonies  religieuses 
aussi  étendues  que  celles  des  autres  cultes? 

2°  Le  culteextérieur  est  nécessaire  parce  que  l'homme, 
composé  d'une  double  substance,  doit  à  Dieu  l'hommage 
de  son  être  tout  entier,  c'est-à-dire  de  son  corps  et  de 
son  âme.  L'âme  honore  Dieu  par  le  culte  intérieur,  et 
le  corps  l'honore  à  sa  manière  par  le  culte  extérieur. 
Ce  n'est  pas  seulement  son  corps  que  l'homme  soumet  et 
offre  à  Dieu  quand  il  s'agenouille  ou  se  prosterne  devant 
lui,  c'est  le  monde  matériel  tout  entier,  dont  le  corps 
humain  est  le  mystérieux  abrégé.  De  telle  sorte  que, 
par  le  culte  intérieur  et  extérieur,  la  création  tout  en- 
tière retourne  à  Dieu  purifiée,  ennoblie,  sanctifiée,  di- 
vinisée en  quelque  sorte  :  Dieu  jouit  par  l'homme  de  la 
plénitude  de  ses  œuvres. 

Le  culte  extérieur  est  nécessaire  pour  soutenir  le 
culte  intérieur,  l'un  ne  peut  exister  sansl'autre. Dieu,  en 
associant  la  matière  à  l'esprit,  l'a  associée  à  la  Religion, 
d'une  manière  si  admirable,  que,  lorsque  l'âme  n'a  pas 
la  liberté  de  satisfaire  son  zèle  en  se  servant  de  la  pa- 
role, des  mains,  des  prosternemenls,  elle  se  sent  comme 
privée  d'une  partie  du  culte  qu'elle  voudrait  rendre,  et 
de  celle  même  qui  lui  donnerait  le  plus  de  consolation. 
Mais  si  elle  est  libre,  et  que  ce  qu'elle  éprouve  au 
dedans  la  louche  vivement  et  la  pénètre,  alors  ses  re- 
gards vers  le  Ciel,  ses  mains  étendues,  ses  cantiques,  ses 
prosternemenls,  ses  adorations  diversifiées  en  cent  ma- 


»B   PERSÉVÉRANCB.  15 

nières,ses  larmes  que  la  pénitence  et  l'amour  font  éga- 
lement couler,  soulagent  son  cœur  en  suppléant  à  son 
impuissance;  il  semble  dès  lors  que  c'est  moins  l'âme 
qui  associe  le  corps  à  sa  piété  et  à  sa  Religion,  que  ce 
n'est  le  corps  môme  qui  se  hâte  de  venir  à  son  secours 
et  de  suppléer  à  ce  que  l'esprit  ne  saurait  faire.  De 
telle  sorte  que  dans  l'action,  non- seulement  la  plus 
spirituelle,  mais  aussi  la  plus  divine, la  communion,  c'est 
le  corps  qui  tient  lieu  de  ministre  public  et  de  prêtre, 
comme  dans  le  martyre  c'est  le  corps  qui  est  le  témoin 
visible  et  le  défenseur  de  la  vérité  contre  tout  ce  qui 
l'attaque'. 

En  résumé ,  le  culte  extérieur  est  nécessaire  à 
l'homme  pour  manifester,  pour  compléter  et  pour  en- 
tretenir le  culte  intérieur.  D'où  ce  raisonnement  :  Point 
d'homme  sans  Dieu  ;  point  de  Dieu  sans  religion  ;  point 
de  religion  sans  culte  intérieur  ;  point  de  culte  intérieur 
sans  culte  extérieur  :  donc  point  d'homme  dans  ses  rap- 
ports avec  Dieu  sans  culte  extérieur.  La  nécessité  du 
culte  extérieur  est  donc  fondée  sur  la  nature  de  l'homme 
et  sur  la  nature  de  Dieu. 

Nous  avons  dit,  en  second  lieu,  que  le  culte  extérieur 
est  nécessaire  à  la  société  :  un  simple  raisonnement 
suffit  pour  le  prouver.  Point  de  société  sans  religion  ; 
point  de  religion  sans  culte  intérieur;  point  de  culte 
intérieur  sans  culte  extérieur  :  au  dire  des  impies  eux- 
mêmes,  la  Religion,  réduite  au  pur  spirituel,  est  bien- 
tôt reléguée  dans  l'empire  de  la  lune  :  donc  sans  culte 

•  Encyclop.,  art.  Religion. 


16  CATÉCHISME 

extérieur  point  de  société.  La  société  est  d'autant  plus 
éclairée,  plus  prospère,  plus  tranquille  et  plus  forte,  que 
son  culte  extérieur  est  plus  parfait  et  mieux  observé. 

De  la  nécessité  du  culte  extérieur,  soit  pour  l'homme, 
soit  pour  la  société,  passons  à  ses  avantages. 

Premier  avantage  ;  Le  culte  extérieur,  et  nous  par- 
lons ici  du  culte  catholique,  rappelle  et  fixe  toutes  les 
vérités,  bases  de  la  conduite  et  sauvegarde  de  la  société. 
Suivons-le  rapidement  depuis  son  origine  jusqu'à  nos 
jours. 

Sous  les  Patriarches,  dans  le  premier  âge  du  monde, 
le  culte  extérieur  avait  pour  objet  d'inculquer  aux 
hommes  le  dogme  essentiel  d'un  seul  Dieu,  créa- 
teur et  conservateur  de  l'univers,  souverain  distribu- 
teur des  biens  et  des  maux,  protecteur  des  familles, 
vengeur  du  crime  et  rémunérateur  de  la  vertu  ;  de  les 
faire  souvenir  que  l'homme  est  pécheur  et  qu'il  a  be- 
soin de  pardon  :  toutes  les  cérémonies,  même  les  plus 
petites  en  apparence,  tendaient  à  resserrer  entre  eux 
les  liens  de  l'amitié  fraternelle.  Il  serait  aisé  de  le 
montrer  en  les  considérant  en  détail.  Le  culte  exté- 
rieur préserva  les  premiers  hommes  de  l'idolâtrie  et 
de  tous  les  crimes  qui  en  furent  la  suite  ;  car,  puis- 
qu'il faut  à  l'homme  des  rites  extérieurs,  il  ne  peut 
être  préservé  des  cérémonies  superstitieuses  que  par 
des  pratiques  saintes  et  raisonnables. 

Sous  la  loi  de  Moïse,  les  rites  religieux  étaient  desti- 
nés à  persuader  aux  Juifs  que  Dieu  est  non-seulement 
l'unique  maître  de  la  nature,  mais  le  souverain  législa- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  17 

leur,  le  fondateur  et  le  père  de  la  société  civile,  l'arbitre 
des  nations,  qui  dispose  de  leur  sort  comme  il  lui  plaît, 
les  récompense  par  la  prospérité  et  les  punit  pour  des 
malheurs.  La  plupart  des  cérémonies  juives  étaient  au- 
tant de  monuments  des  faits  miraculeux  qui  prouvaient 
la  mission  de  Moïse,  la  protection  spéciale  de  Dieu  sur 
son  peuple,  la  certitude  des  promesses  que  Dieu  lui  avait 
faites.  Elles  devaient  donc  tenir  les  Juifs  en  garde  con- 
tre l'erreur  générale  des  autres  peuples,  contre  les 
dieux  locaux,  indigènes,  nationaux,  auxquels  ils  of- 
fraient leur  encens.  Dieu  lui-même  témoigne  par  ses 
Prophètes  qu'il  n'a  prescrit  aux  Juifs  cette  multitude 
de  cérémonies  que  pour  réprimer  leur  penchant  à  l'ido- 
lâtrie *. 

Et  voyez,  tandis  que  les  Philistins,  les  Chaldéens,  les 
Perses,  les  Grecs,  les  Egyptiens,  les  Carthaginois,  les 
Gaulois,  les  Romains,  tous  ces  peuples  si  vantés,  étaient 
prosternés  devant  des  divinités  infâmes  et  cruelles,  dont 
ils  célébraient  les  fêles  par  des  sacrifices  humains  et 
des  cérémonies  abominables,  le  seul  peuple  juif  n'ado- 
rait qu'un  seul  Dieu,  grâce  à  son  culte  extérieur,  qui 
formait  entre  lui  et  les  nations  païennes  une  barrière 
insurmontable. 

Sous  le  Christianisme,  les  cérémonies  ont  un  objet 
encore  plus  auguste  et  un  sens  plus  sublime.  Elles  nous 
mettent  continuellement  sous  les  yeux  un  Dieu  sancti- 
ficateur des  âmes,  qui,  par  Jésus-Christ  son  Fils,  a  ra- 
cheté les  humains  du  péché  et  de  la  damnation  ;  qui,  par 

•  Ezech.,  XXII,  5.  Jer.,  vu,  22. 

T.    VII.  2 


18  CATÉCHISME 

des  grâces  continuelles,  pourvoit  à  tous  les  besoins  de 
notre  âme  ;  qui  a  établi  entre  tous  les  hommes,  de  quel- 
que nation  qu'ils  soient,  une  société  religieuse  univer- 
selle, que  nous  nommons  la  communion  des  saints  *. 

Ainsi  sous  le  Christianisme,  comme  sous  la  loi  et  sous 
les  Patriarches,  c'est-à-dire  depuis  le  commencement 
du  monde  jusqu'à  nos  jours,  le  culte  extérieur  est  1"  une 
prédication  non  interrompue  et  une  profession  solennelle 
des  dogmes  les  plus  esserlliels  à  l'homme  et  à  la  société, 
la  création,  l'unité  de  Dieu,  sa  providence,  la  chute 
originelle,  la  venue  du  Rédempteur,  la  spiritualité,  la 
liberté,  l'immortalité  de  l'âme,  la  résurrection,  la  vie 
future.  Cette  prédication  est  nécessaire  ;  car  le  peuple 
qui  n'eût  pas  été  fidèle  à  pratiquer  le  cérémonial  tel  que 
Dieu  l'avait  prescrit,  n'eût  pas  tardé  à  méconnaître  ces 
mêmes  vérités  ;  2"  le  culte  extérieur  est  une  leçon  de 
morale  intelligible  aux  ignorants  comme  aux  sages,  qui 
leur  rappelle  continuellement  leurs  devoirs  envers  Dieu, 
envers  leurs  semblables,  envers  eux-mêmes,  devoirs 
qui  découlent  naturellement  des  dogmes  dont  nous  ve- 
nons de  parler.  Le  cérémonial  des  sacrements,  par 
exemple,  est  un  tableau  des  obligations  du  Chrétien 
dans  toutes  les  circonstances  de  la  vie.  Les  vrais  fidèles 
comprennent  toutes  ces  leçons,  ce  langage  figuratif  pro- 
duit sur  leurs  cœurs  les  plus  douces,  les  plus  vives,  les 
plus  salutaires  impressions.  Malheur  à  ceux  qui  ont  des 
yeux  pour  ne  point  voir,  des  oreilles  pour  ne  point  en- 
tendre :  cette  insensibilité,  qui  les  rend  semblables  aux 

'  Bergier,  art.  Cérémonies, 


DE    PERSÉVÉRANCE.  1^ 

bêtes  stupides  ou  aux  idoles  de  pierre  et  de  bois,  est  le 
premier  châtiment  de  leur  incrédulité. 

PRIÈRE. 

0  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  établi  le  culte  extérieur,  pour  conserver  la  Re- 
ligion ;  failes-nous  la  grâce  de  bien  comprendre  le  sens 
des  cérémonies  de  l'Eglise. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu  ;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  j'étudierai 
avec  beaucoup  de  soin  cette  quatrième  partie  du  Caté- 
chismd. 


PETIT  catéchisme: 

CDLTE  EXTÉRIEUR,  OU  LE  CHRISTIANISME  RENDU 
SENSIBLE. 

Q'  Qu'est-ce  que  le  culte? 

R.  Culte  veut  dire  hommage,  respect,  vénération. 
Ainsi,  le  culte,  ce  sont  les  témoignages  de  respect,  d'a- 
doration, d'amour  et  de  confiance  que  nous  rendons  à 
Dieu. 

Q.  Combien  y  a-t-il  d'espèces  de  culte? 

jR.  Il  y  a  deux  espèces  de  culte  :  le  culte  intérieur, 
qui  comprend  tous  les  sentiments  de  respect,  d'adora- 
tion et  d'amour  que  nous  devons  à  Dieu;  et  le  culte  ex- 
térieur, qui  est  la  manifestation  de  ces  sentiments. 


20  CATÉCHISME 

Ainsi,  se  mettre  à  genoux  devant  la  croix*,  élever  les 
yeux  au  Ciel,  se  frapper  la  poitrine,  sont  des  actes  du 
culte  extérieur,  parce  qu'ils  manifestent  les  sentiments 
de  respect,  de  confiance,  de  repentir  qui  sont  dans  notre 
âme. 

Q.  Qu'est-ce  que  les  cérémonies? 

R.  Les  cérémonies  sont  des  actions  mystérieuses  et 
extérieures  établies  pour  accompagner  le  culte  exté- 
rieur et  le  rendre  plus  auguste,  plus  expressif  et  plus 
majestueux.  On  dit  des  actions  mystérieuses,  parce 
qu'elles  renfement  un  sens  caché.  Ainsi,  l'encensement 
du  livre  des  Evangiles  est  une  cérémonie  qui  manifeste 
le  profond  respect  que  nous  avons  pour  ce  livre  divin. 

Q.  Qu'est-ce  qu'un  rit? 

R.  Un  rit,  c'est  une  cérémonie  accomplie  suivant  l'or- 
dre prescrit  par  l'Eglise.  On  dit  le  rit  romain,  le  rit  pa- 
risien, pour  marquer  les  cérémonies  comme  elles  se 
font  à  Rome  et  à  Paris. 

Q.  Qu'est-ce  que  la  liturgie? 

'R.  La  liturgie,  c'est  l'ensemble  des  cérémonies  em- 
ployées dans  le  service  divin.  Le  mot  liturgie  veut  dire 
action  sublime,  action  par  excellence,  parce  que  le  ser- 
vice divin  est  l'œuvre  la  plus  noble  que  nous  puissions 
faire,  puisqu'elle  nous  met  en  rapport  avec  Dieu  même. 

Q.  Le  culte  extérieur  est-il  nécessaire? 

R.  Le  culte  extérieur  est  absolument  nécessaire, 
1°  parce  que  l'homme  doit  à  Dieu  l'hommage  de  son 
âme  et  de  son  corps  :  l'âme  honore  Dieu  par  le  culte 
intérieur,  la  foi,  l'espérance,  la  charité,  l'adoration;  et 


DE    PERS^VIÉRANCE.  2l 

le  corps  l'honore  à  sa  manière  par  le  culte  extérieur, 
les  génuflexions,  les  prières  ;  2°  parce  que  l'homme  n'est 
pas  un  pur  esprit:  notre  âme  est  tellement  dépendante 
des  sens,  qu'elle  ne  peut  que  très-difficilement  s'élever 
aux  choses  spirituelles  sans  le  secours  des  choses  sen- 
sibles. Sans  le  culte  extérieur,  le  culte  intérieur  périrait 
bien  vite.  «Vouloir  réduire  la  Religion  au  pur  spirituel, 
disait  un  impie,  c'est  la  reléguer  dans  l'empire  de  la 
lune. » 

Q.  Quel  est  le  premier  avantage  du  culte  extérieur? 

R.  Le  premier  avantage  du  culte  extérieur,  c'est  de 
rappeler  sans  cesse  à  notre  esprit  et  de  mettre,  pour 
ainsi  dire,  sous  nos  yeux,  toutes  les  vérités  qu'il  nous 
importe  le  plus  de  connaître,  d'aimer  et  de  pratiquer. 
Sous  les  Patriarches,  le  culte  extérieur  rappelait  la  créa- 
tion du  monde,  l'unité  de  Dieu,  sa  providence  infinie,  la 
vie  future  ;  sous  la  loi  de  Moïse,  il  rappelait  que  Dieu 
est  non-seulement  le  maître  de  la  nature,  mais  le  lé- 
gislateur suprême  et  l'arbitre  des  nations,  qu'il  récom- 
pense ou  qu'il  punit  infailliblement  suivant  leurs  vertus 
ou  leurs  crimes.  C'est  le  culte  extérieur  qui  préserva 
les  Juifs  de  l'idolâtrie  dans  laquelle  étaient  plongés  tous 
les  autres  peuples.  Sous  le  Christianisme,  le  culte  exté- 
rieur nous  rappelle  toutes  les  grandes  vérités  révélées 
aux  Patriarches  et  à  Moïse,  ainsi  que  tous  les  mystères 
de  Notre-Seigneur.  C'est  aussi  un  tableau  de  tous  les  de- 
voirs que  nous  avons  à  remplir  envers  Dieu,  envers  le 
prochain  et  envers  nous-mêmes. 


22  CATlêCHISME 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  établi  le  culte  extérieur,  pour  conserver  la  Re- 
ligion ;  faites-nous  la  grâce  de  bien  comprendre  le  sens 
des  cérémonies  de  l'Eglise. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu  ;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  j'étudierai 
avec  beaucoup  de  soin  cette  quatrième  partie  du  Caté- 
chisme. 


DE   PERSEVERANCE.  23 


3i?TOfn 


IP   LEÇON. 


LE   CHRISTIANISME   RENDU   SENSIRLE. 


Second  avantage  duculte extérieur,  il  fixe  toutes  les  Térités  de  la 
Religion.  —  Troisième  avantage,  c'est  le  premier  lien  social.  — 
Quatrième  avantage,  il  influe  admirablement  sur  les  arts.  — 
Origine  des  cérémonies.  —  Variété  des  cérémonies.  —  Respect 
qui  leurjest  dû.  —  Empressement  à  les  étudier. 


Non-seulement  le  culte  extérieur  redit  sans  cesse  à 
l'esprit,  au  cœur,  aux  sens,  les  dogmes  de  la  foi  et  les 
préceptes  de  la  morale,  il  a,  de  plus,  l'inestimable  avan- 
tage de  les  fixer. 

Ainsi, 'second  avantage  du  culte  extérieur  :  il^fixe 
toutes  les  vérités  de  la  Religion. 

Nos  cérémonies,  nos  prières,  sont  autant  de  témoins 
incorruptibles  de  la  croyance  des  anciens  jours  :  on 
dirait  une  longue  galerie  de  tableaux,  qui  commence  à 
l'origine  du  monde,  se  continue  sous  Moïse,  et  se  pro- 
longe jusqu'au  seuil  de  l'éternité.  Tous  ces  tableaux, 
tantôt  terribles,  tantôt  gracieux,  toujours  pleins  de  vé- 
rité, peints  à  des  époques  si  éloignées  les  unes  des  au- 
tres, et  par  des  mains  si  différentes,  nous  montrent,  dans 
leur  parfaite  conformité,  la  Religion  toujours  la  même, 
quoique  inégalement  développée,  toujours  proportion- 


24  CATÉCHISME 

née  aux  lumières,  aux  besoins  et  i\  l'état  social  du  genre 
humain  pour  lequel  elle  est  faite. 

Toute  celte  chaîne  de  cérémonies,  tout  ce  culte 
extérieur  si  magniOque  dans  son  ensemble,  si  va- 
rié dans  ses  détails,  rend  à  la  Religion  un  témoignage 
authentique,  vivant,  perpétuel,  en  môme  temps  qu*il 
la  fixe,  comme  les  monuments  de  bronze  ou  de  marbre 
fixent  et  perpétuent  le  souvenir  des  événements.  Par 
là  notre  Religion  est  mise  à  l'abri  des  caprices  des  no- 
vateurs et  des  interprétations  arbitraires  de  l'hérésie. 
De  tout  temps  on  s'est  servi  du  culte  extérieur  pour 
montrer  aux  hérétiques  la  véritable  doctrine  de  Jésus- 
Christ  et  des  Apôtres,  et  pour  éclaircir  au  besoin  le  sens 
des  paroles  de  l'Ecriiure  sainte,  sur  lesquelles  on  con- 
testait. Aux  Ariens  les  Pères  des  quatrième  et  cinquième 
siècles  opposèrent  les  cantiques  de  la  primitive  Eglise, 
qui  attribuaient  à  Jésus-Christ  la  divinité  ;  aux  Péla- 
giens,  les  prières  par  lesquelles  l'Eglise  a  conti- 
nuellement imploré  le  secours  de  la  grâce  divine. 

Dans  les  temps  modernes,  on  a  fait  de  même  à  l'é- 
gard des  Protestants.  On  a  tiré  des  anciennes  liturgies, 
conservées  même  par  les  sectes  orientales,  séparées  de 
l'unité  catholique  dès  le  quatrième  siècle,  la  preuve 
invincible  de  la  présence  réelle,  de  la  confession  auri- 
culaire, de  la  prière  pour  les  morts,  etc.  N'ayant  rien 
de  solide  à  répUquer  à  cet  argument,  qu'ont  fait  les 
novateurs  ?  ils  ont  supprimé  chez  eux  tout  l'appareil  du 
culte  extérieur  qui  les  condamnait.  Cela  est  plus  court*. 

*  Voy.  fa  Perpétuité  de  la  foiy  Arnaud,  Renaudot,  Le  Brun. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  25 

Le  troisième  avantage  du  culte  catholique,  c'est  d'être 
un  lien  social.  L'histoire  nous  apprend  que  les  pre- 
miers rendez-vous  des  nations,  les  premiers  monuments 
des  peuples,  les  premiers  asiles  des  vertus  sociales,  ont 
été  des  lieux  consacrés  à  la  Divinité,  des  autels,  des 
tombeaux.  Le  Patriarche,  voyageur  du  désert,  réunit 
autour  de  l'autel  de  pierre  et  de  gazon  ses  enfants  et  ses 
pelits-enfants  pour  offrir  le  sacrifice  au  Seigneur,  leur 
parler  de  ses  miracles  et  leur  rappeler  ses  promesses. 
Trois  fois  chaque  année,  les  grandes  solennités  de  Pâ- 
ques, de  la  Pentecôte  et  des  Tabernacles  appellent  tou- 
tes les  tribus  d'Israël  à  Jérusalem  :  on  prie,  on  adore, 
on  chante,  on  pleure,  on  mange,  on  se  réjouit  ensem- 
ble; voilà  tous  les  liens  de  charité  rétablis  ou  resserrés. 

C'est  aux  Catacombes  que  les  Chrétiens  éperdus,  dis- 
persés par  la  persécution,  viennent  apprendre  à  vivre 
en  saints  et  à  mourir  en  héros  :  là  se  cimente  dans  leur 
sang  généreux  la  société  moderne.  Plus  tard,  les  mo- 
nastères, les  Eglises-mères  furent  en  Europe  les  pre- 
miers lieux  de  réunion.  C'est  là  que  se  rendaient,  pour 
assister  au  service  divin,  les  habitants  de  vastes  con- 
trées. Pour  nourrir  la  foule  des  pieux  pèlerins  qui  ve- 
naient entendre  la  messe,  près  de  l'antique  église  on 
établit  des  hôtelleries.  Aux  hôtelleries  se  joignirent 
bientôt  des  boutiques  où  l'on  vendait  les  objets  de  pre- 
mière nécessité. 

De  là,  le  nom  de  messe,  qui,  dans  la  langue  allemande, 
signifie  encore  foire  ou  marché.  On  dit  la  messe  de 
Strasbourg,  la  messe  de  Francfort,  pour  signifier  les 


26  CATÉCHISME 

foires  qui  se  tiennent  dans  ces  deux  villes.  Souvent 
même  l'humble  cellule  du  solitaire  a  donné  naissance 
à  des  bourgades  et  à  des  villes.  C'est  autour  de  la  croix 
de  bois  plantée  par  le  missionnaire  qu'ont  pris  nais- 
sance les  vastes  sociétés  du  Nouveau-Monde.  Aujour- 
d'hui encore,  le  véritable  point  de  réunion,  c'est  l'église 
paroissiale.  Détruisez-la,  et  les  habitants  des  campa- 
gnes, c'est-à-dire  les  trois  quarts  des  hommes,  vivront 
éternellement  isolés,  à  la  manière  des  peuplades  sau- 
vages de  l'Amérique. 

La  commune  y  direz -vous,  les  rassemblera.  Je  le 
veux  ;  mais  elle  ne  les  civilisera  pas.  Pour  civili- 
ser les  hommes,  il  ne  suffit  pas  de  les  assembler, 
il  faut*  les  rendre  meilleurs.  Or  le  culte  catholique 
seul  a  cet  avantage.  Nos  églises  sont  de  véritables 
écoles  de  morale.  Là,  tous  les  habitants  d'une  con- 
trée, réunis  dans  la  maison  de  leur  Père  commun,  en- 
tendent la  parole  éternellement  sociale,  parce  qu'elle 
est  toute  charité  ;  là  ils  entendent  la  voix  de  leur  pas- 
teur, de  leur  évêque,  et  ils  comprennent  qu'ils  sont  en 
rapport  de  fraternité  avec  les  habitants  d'une  vaste  pro- 
vince; là  ils  entendent  nommer  avec  respect  le  souve- 
rain pontife,  ils  prient  pour  lui,  et  ils  comprennent 
qu'ils  sont  les  enfants  de  cette  grande  société  répandue 
sur  tous  les  points  du  globe.  Pour  eux,  il  n'y  a  plus  ni 
mers  ni  montagnes,  ni  Grecs  ni  Barbares  ;  ils  voient 
dans  tous  les  Catholiques  des  amis  et  des  frères  ;  ils 
savent  qu'en  priant  ils  prient  avec  eux  ;  qu'au  moment 
où  ils  sont  réunis  au  pied  des  autels,  mille  voix^  s'élè- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  27 

vent  de  l'orient  et  de  l'occident,  qui  s'unissent  à  la 
leur,  et  qui,  toutes  ensemble,  portent  au  pied  du  tr6ne 
de  Dieu  les  vœux,  les  hommages,  les  cœurs  de  la 
grande  famille  humaine. 

Et  puis,  que  de  souvenirs  propres  à  rendre  les  hom- 
mes meilleurs  !  Cette  église  où  l'on  a  été  baptisé,  ma- 
rié, où  l'on  sera  présenté  une  dernière  fois  à  la  mort;  et 
ce  vieux  pasteur  à  cheveux  blancs  qui  instruisit  l'en- 
fance et  qui  vit  faire  la  première  communion,  et  enfin 
ce  cimetière  où  dorment  les  aïeux  ;  ce  cimetière  qu'il 
faut  traverser  pour  entrer  à  l'église  :  tous  ces  souve- 
nirs, et  bien  d'autres  encoi  î,  contribuent  infiniment 
plus  qu'on  ne  pense  à  rendi  les  hommes  plus  déta- 
chés de  la  terre,  moins  égoïstes,  plus  moraux,  plus 
sociaux  en  un  mot.  Si  vous  en  doutez,  voyez  ce  que 
deviennent  les  habitants  des  villes  et  des  villages  qui 
ne  fréquentent  pas  l'église. 

Là  encore,  dans  ces  réunions,  les  hommes  sont  rappe- 
lés à  cette  égalité  nécessaire  au  bien  de  la  société, 
parce  qu'elle  abaisse  l'orgueil  des  uns,  et  relève  le 
courage  des  autres.  Dans  l'église,  on  ne  connaît  plus 
d  e  titre  ni  de  dignité  ;  le  prêtre  ne  voit  que  des  enfants 
et  des  frères  :  en  proclamant  les  futurs  mariages,  en  ap- 
pelant les  époux,  ou  les  parrains  et  marraines,  en  adres- 
sant son  prône,  il  ne  dit  pas  :  Messieurs,  mesdames, 
mais  mes  frères,  mes  sœurs.  Là  enfin,  à  la  table  sa- 
crée, à  la  table  de  Dieu,  Père  commun  des  rois  et  des 
u  jets,  tous  se  placent  indistinctement  :  c'est  la  seule 
able  dans  le  monde  où  il  n'y  ait  pas  de  haut  bout. 


28  CATÉCHISME 

Le  véritable  h-pe  de  la  civilisation,  c'est  donc  la  pa- 
roisse, et  non  pas  la  commune  ;  l'église,  et  non  pas  la 
mairie.  A  la  paroisse,  on  parle  de  Dieu,  de  la  charité 
mutuelle,  du  ciel  et  des  vertus  qui  y  conduisent;  dans 
la  commune,  on  parle  intérêts,  vente,  achat,  contrat, 
cadastre,  champs,  vignes,  bestiaux.  Dans  la  paroisse,  je 
vois  un  prélre  qui  parle  au  nom  de  Dieu,  qui  console, 
qui  encourage,  qui  rappelle  au  devoir,  qui  rend  la  paix 
à  l'âme,  qui  réconcilie  les  ennemis  ;  dans  la  commune, 
je  vois  le  maire  qui  lit  les  arrêtés  du  préfet,  le  garde 
champêtre  qui  fait  des  rapports,  tout  au  plus  le  juge  de 
paix  qui  inflige  des  amendes,  et  des  gendarmes  qui  con- 
duisent en  prison.  Dites,  que  vous  en  semble?  laquelle 
des  deux,  de  la  paroisse  ou  de  la  commune,  est  la  plus 
propre  à  rendre  les  hommes  meilleurs  ?  Si  c'est  la  pa- 
roisse, rendez  grâce  au  culte  catholique,  sans  lequel  la 
paroisse  n'existerait  pas. 

Nous  avons  montré,  en  parlant  des  sacrements, 
comment  ils  donnent  à  l'homme  une  haute  idée 
de  sa  dignité,  comment  ils  consacrent  toutes  les  épo- 
ques solennelles  de  la  vie,  comment  ils  lui  confèrent 
tous  les  moyens  de  vivre  saintement,  c'est-à-dire  d'être 
sur  la  terre  un  citoyen  utile  à  la  société  temporelle,  et 
après  la  mort  un  habitant  glorieux  de  la  Jérusalem  cé- 
leste. Bientôt  nous  verrons  tout  ce  que  les  fêtes  catho- 
liques offrent  de  consolant  et  d'utile  à  l'homme  et  à  la 
société.  Disons  un  mot  de  l'influence  du  culte  catholi- 
que sur  les  arts,  ce  sera,  si  vous  le  voulez,  un  quatrième 
avantage. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  29 

Les  arts  sont  fils  de  la  Religion.  L'artiste  qui  ne  croit 
pas  à  l'autre  vie,  qui  ne  voit  pas  au-dessus  de  sa  tête  un 
monde  plus  parfait  que  le  nôtre,  où  son  imagination  et 
son  âme  aille  chercher  des  modèles  et  puiser  des  inspi- 
rations, cet  artiste-là  est  mort  dès  cette  vie.  Pour  lui  ni 
poésie,  ni  avenir,  ni  gloire  :  c'est  à  l'autel  de  la  foi  que 
s'allume  le  flambeau  du  génie.  Dans  le  Paganisme 
même,  tous  les  cliefs-d'œuvre  de  poésie,  de  sculpture, 
d'architecture  et  de  musique  sont  dus  ii  l'inspiration 
religieuse.  Il  en  est  de  même  chez  les  nations  moder- 
nes :  ici  les  chefs-d'œuvre  sont  d'autant  plus  parfaits, 
que  la  Religion  qui  les  inspire  est  plus  divine.  Arts  et 
artistes,  tombez  à  genoux  devant  le  culte  catholique; 
c'est  à  lui  que  vous  devez  votre  gloire.  Les  Vierges  de 
Raphaël,  la  coupole  de  Saint-Pierre  de  Rome,  les  cathé- 
drales gothiques,  la  musique  de  Mozart,  de  Pergolèse, 
d'Haydn,  le  chant  de  la  Préface,  le  Te  Deum,  le  Stabat, 
le  Lauda  Sion,  le  Dies  irœ,  tous  ces  chefs-d'œuvre  et 
mille  autres  sont  fils  du  culte  catholique.  Il  est  donc 
bien  beau,  bien  majestueux,  bien  divin,  le  culte  catho- 
lique qui  inspira  tant  de  génies  et  qui  créa  tant  de  chefs- 
d'œuvre.  A  lui  seul  cette  nouvelle  gloire.  Où  sont  les 
chefs-d'œuvre  de  poésie,  d'architecture,  de  peinture,  de 
musique,  inspirés  par  le  Protestantisme,  par  le  Maho- 
métisme,  par  l'Arianisme,  par  toutes  les  sociétés  sépa- 
rées de  la  véritable  Eglise  ? 

C'est  encore  au  culte  catholique  que  nous  devons  les 
plus  beaux  instruments  de  musique,  l'orgue  et  la  cloche  : 
l'orgue,  cette  réunion  de  tous  les  instruments,  l'orgue, 


90  CATÉCHISME 

qui,  par  la  variété  de  ses  sons,  remue  toutes  [les  fibres 
de  l'âme,  parle  toutes  les  langues,  fait  entendre  toutes 
les  voix,  voix  de  la  douleur,  voix  de  l'épouvante,  voiï 
de  l'espérance  et  de  la  joie,  voix  de  la  mort,  voix  du 
Ciel  ;  la  cloche,  qui  fait  naître  à  la  même  minute  un 
même  sentiment  dans  mille  cœurs  divers.  Considérée 
comme  harmonie,  la  cloche  a  indubitablement  une 
beauté  de  la  première  sorte  :  celle  que  les  artistes  ap- 
pellent le  grand.  Le  bruit  de  la  foudre  est  sublime, 
et  ce  n'est  que  par  sa  grandeur  :  il  en  est  ainsi  des  vents, 
des  mers,  des  volcans,  des  cataractes,  de  la  voix  de  tout 
un  peuple.  Avec  quel  plaisir  Pythagore,  qui  prétait  l'o- 
reille au  marteau  du  forgeron,  n'eûl-il  point  écouté  le 
bruit  de  nos  cloches  la  veille  d'une  solennité  de  l'Eglise  ! 
L'âme  peut  être  attendrie  par  les  accents  d'une  lyre, 
mais  elle  ne  sera  point  saisie  d'enthousiasme  comme 
lorsque  la  foudre  des  combats  la  réveille,  ou  qu'une  pe- 
sante sonnerie  proclame  dans  la  région  des  nuées  les 
triomphes  du  Dieu  des  batailles  ^ 

Perpétuer  les  vérités  de  la  Religion,  les  fixer  et  les 
mettre  à  couvert  des  attaques  de  l'impiété  et  de  l'héré- 
sie, être  un  lien  social,  élever  Ihomme  et  le  consoler, 
inspirer  les  arts  et  leur  faire  produire  d'inimitables 
chefs-d'œuvre,  voilà  quelques-uns  des  avantages  du 
culte  catholique.  En  faut-il  davantage  pour  lui  mériter 
notre  respect  et  notre  amour  ?  Ah  !  nous  devons  être 
fiers,  nous.  Catholiques,  de  professer  un  culte  source 
féconde  de  tant  de  beautés,  principe  de  tant  de  vertus. 

'  Génie  du  christianisme,  4*  part.,  cb.  1. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  S| 

Parlons  maintenant  de  l'origine  des  cérémonies  qui 
le  composent,  du  respect  qui  leur  est  du,  et  de  la  néces- 
sité de  les  connaître. 

C'est  Dieu  qui  a  donné  à  l'homme  le  besoin  de  mani- 
fester par  des  signes  extérieurs  les  sentiments  qui  nais- 
sent dans  son  âme  ;  il  est  donc  le  premier  auteur  des  cé- 
rémonies. Il  en  a  fait  sentir  la  nécessité;  il  a  inspiré 
les  premiers  actes  religieux  ;  lui-même  en  régla  chez 
les  Juifs  la  manifestation.  Plus  tard,  son  Fils,  qu'il  a  en- 
voyé sur  la  terre,  après  avoir  révélé  certaines  cérémo- 
nies essentielles,  a  délégué  à  son  Eglise  le  pouvoir  de 
régler  le  culte  que  les  hommes  doivent  à  Dieu. 

Telle  est  la  noble  origine  des  cérémonies  ecclésiasti- 
ques ;  elles  viennent  de  Dieu,  soit  qu'il  les  ait  instituées 
lui-même  par  Jésus-Christ  son  Fils,  soit  qu'elles  aient 
été  établies  par  les  Apôtres  ou  par  leurs  successeurs, 
qu'il  a  remplis  de  son  esprit  et  revêtus  de  son  auto<« 
rite». 

Ainsi  les  cérémonies  de  l'Eglise  sont  ou  d'institution 
divine,  ou  d'institution  apostolique,  ou  d'institution  ec- 
clésiastique. Les  premières  sont  celles  que  Jésus-Christ 
a  instituées  lui-même,  comme  la  bénédiction  et  la  con- 
sécration du  calice,  la  formule  des  sacrements  ;  les  se- 
condes sont  celles  que  les  Apôtres  ont  établies,  telles  que 
l'usage  pour  les  hommes  de  prier  la  tête  découverte 
et  tournés  vers  l'orient,  telles  encore  que  certaines 
prières  de  l'offlce  divin  ;  les  troisièmes  enfin  sont  celles 
que  l'Eglise  a  instituées  dans  la  suite  des  temps  :  un 

»  Voy.  Bergier,  art.  Cérémonies. 


32  CATÉCHISME 

grand  nombre  de  bénédictions,  de  génuflexions,  de 
prières,  de  processions,  etc. 

De  là,  les  cérémonies  de  l'Eglise  se  divisent  en  céré- 
monies essentielles  et  en  cérémonies  accessoires.  Les 
cérémonies  essentielles  appartiennent  à  l'essence  même 
du  sacrifice  et  des  sacrements,  et,  par  cette  raison,  elles 
ne  peuvent  point  être  changées  :  telles  sont  les  paroles 
de  la  consécration  de  l'Eucharistie  et  la  forme  des 
sacrements.  Les  cérémonies  accessoires  sont  celles  qui 
regardent  la  décence,  la  commodité  ou  la  majesté  du 
service  divin.  Souvent  elles  diffèrent  dans  les  divers 
diocèses,  et  elles  peuvent  être  changées  selon  les  temps 
et  les  circonstances  par  l'Eglise,  qui  a  reçu  de  Jésus- 
Christ  le  pouvoù-  de  les  instituer  et  de  les  modifier  pour 
la  gloire  de  Dieu  et  le  salut  des  hommes. 

Cette  diversité  de  rites  ne  nuit  point  à  l'unité  de  l'E- 
glise. Il  est  vrai,  la  première  marque  distinctive  de 
l'Eglise  catholique  c'est  l'unité;  elle  n'a  qu'un  seul 
chef  invisible,  Jésus-Christ;  qu'uu  seul  chef  visible, 
notre  saint  Père  le  pape  ;  elle  est  une  dans  sa  foi  et  dans 
sa  morale.  Les  temps  et  les  lieux  n'ont  apporté  aucun 
changement  aux  commandements  de  Dieu,  aux  véri- 
tés qu'il  a  révélées,  à  l'essence  du  gouvernement  qu'il  a 
établi  dans  son  Eglise. 

Il  n'en  est  pas  de  même  de  la  discipline;  elle  peut 
varier  selon  les  circonstances  ;  car  la  discipline  est  la 
police  extérieure  de  l'Eglise'.  La  succession  des  siè- 

»  La  discipliue  de  l'Eglise  est  la  police  extérieure,  quant  au  gou- 
vernement. Elle  est  fondée  sur  les  décisions  et  les  canons  descon- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  33 

des,  les  usages  des  pays,  les  mœurs  des  peuples,  exi- 
gent des  modifications  qu'une  autorité  sage  et  bienveil- 
lante a  toujours  le  droit  d'opérer. 

Le  Grec  et  le  Romain  catholiques  professent  la  même 
Religion,  ont  la  même  foi,  observent  les  mêmes  pré- 
ceptes ;  cependant  il  y  a  une  grande  différence  dans  la 
discipline  de  leur  Eglise. 

Ce  que  nous  disons  de  la  discipline,  nous  devons 
l'entendre  des  cérémonies  qui  en  font  une  partie  essen- 
tielle, mais  non  pas  de  toutes.  Celles  qui  sont  d'insti- 
tution divine  ne  changent  pas;  elles  appartiennent  à  la 
foi  ;  Jésus-Christ  les  a  instituées  en  y  attachant  une  grâce 
particulière  :  elles  sont  les  mêmes  dans  toute  l'Eglise, 
dans  tous  les  temps  et  dans  tous  les  lieux.  Quant  aux 
cérémonies  purement  ecclésiastiques,  et  qui  n'appar- 
tiennent pas  à  ^l'essence  du  saint  sacrifice  ou  des  sacre 
ments,  l'Eglise  qui  les  a  établies  peut  les  modifier,  les 
supprimer,  en  instituer  d'autres  selon  les  circonstances 
et  pour  l'édification  des  fidèles.  Ce  pouvoir,  elle  en  a 
usé  dans  tous  les  siècles,  et  voilà  pourquoi  nous  trou- 
Yons  une  si  grande  différence  entre  le  rite  grec  et  le 


ciles,  sur  les  décrets  des  papes,  sur  les  lois  ecclésiastiques,  sur 
les  usages  et  coutumes  des  pays.  D'où  il  s'ensuit  que  des  règle- 
ments sages  et  nécessaires  dans  un  temps  n'ont  plus  été  de  la 
même  utilité  dans  un  autre  ;  que  certains  abus  ou  certaines  cir- 
constances, des  cas  imprévus,  etc.,  ont  souvent  exigé  qu'on  fît  de 
nouvelles  lois,  quelquefois  qu'on  abrogeât  les  anciennes;  quelque- 
fois aussi  celles-ci  se  sont  abolies  par  le  non-usage  :  ce  qui  a  né- 
cessairement introduit  des  variations  dans  la  discipline  de  l'E- 
glise. Bergier,  art.  Discipline. 

T.    VII.  3 


34  CATÉCHISME 

rite  latin.  C'est  par  la  même  raison  que  chaque  diocèse 
a  ses  usages  particuliers. 

Celte  diversitù  de  rites,  comme  nous  l'avons  dit,  né 
nuit  en  rien  à  l'unité  de  l'Eglise,  et  sert  à  faire  ressor- 
tir sa  beauté.  «  L'unité  de  la  foi,  dit  saint  Augustin, 
qui  est  la  même  par  toute  l'Eglise,  est  ce  qui  fait  la 
beauté  du  corps  de  l'épouse  de  Jésus-Christ,  selon  celte 
parole  du  Prophète  :  Toute  la  beauté  de  la  fille  du  roi 
est  au  dedans;  et  si,  dans  le  culte  que  produit  cette 
unité  de  foi,  il  se  trouve  des  pratiques  différentes,  celle 
diversité  de  cérémonies  n'est  que  la  variété  de  la  robe 
de  cette  épouse,  selon  ce  qui  est  dit  au  même  endroit  : 
L'épouse  est  revêtue  d'une  robe  en  broderie  d'or,  semée 
de  diverses  couleurs^  » 

•  Bpist.  36.  Foy.  M.  Thirat,  Esprit  des  cérémonies,  p.  14. 

Les  philosophes  et  les  Protestants  ont  prétendu  que  nos  céré- 
monies étaient  imitées  des  Païens.  Je  ne  connais  pas  de  reproche 
plus  maladroit.  Il  est  certain  que  tous  les  peuples  ont  eu  des  cé- 
réruonies  religieuses.  Dans  ce  fatras  de  pratiques  superstitieuses, 
il  restait  quelques  lambeaux  de  vérités,  de  même  que  dans  leurs 
croyances  et  dans  leur  morale.  Qu'a  fait  l'Eglise.'*  Héritière  uni- 
▼erselle  de  toutes  les  vérités,  elle  a  fait  le  triage  du  vrai  et  du 
faux,  du  bon  et  du  mauvais.  En  adoptant  ce  qu'elle  a  trouvé  de 
bien  et  de  vrai,  elle  a  chassé  les  usurpateurs  et  leur  a  dit  :  «  Je 
suis  avant  vous,  je  suis  la  première,  je  remonte  jusqu'aux  premiers 
jours  du  monde,  j'ai  reçu  la  vérité  en  dépôt  et  en  héritage,  je  re- 
prends mon  bien  :  tout  ce  que  vous  avez  conservé  de  bon,  de  vrai, 
'''•  louable,  est  à  moi.  ••  Puis  elle  a  purifié,  sanctifié  ces  usages, 
comme  elle  a  sanctifié  les  temples  des  idoles  et  les  a  fait  servir  à 
la  gloire  de  leul-  véritable  maître.  »  Tel  est  le  sens  de  la  réponse 
de  saint  Augustin  à  Fauste  le  Manichéen.  {Contr.  Faust.,  lib.  20, 
c.  4,  21.)  L'emploi  des  cérémonies  au  culte  du  vrai  Dieu,  dit  Ber- 
gier,  n'est  pas  un  emprunt,  c'est  la  restitution  d'un  vol  fait  par 
les  Païens  :  la  vraie  Religion  est  plus  ancienne  que  les  fausses; 
elle  a  droit  de  revendiquer  des  rites  que  ses  rivales  ont  profanés» 


DE    PERSÉVÉRANCE.  35 

Et  maintenant,  quoi  de  plus  propre  à  inspirer  le 
plus  profond  respect  pour  nos  cérémonies  que  leur  noble 
origine,  leur  antiquité,  leur  beauté,  leur  utilité? Elles 
mettent  la  Religion  à  l'abri  des  nouveautés  ;  elles  nous 
aident  à  nous  élever  jusqu'aux  choses  les  plus  spiri- 
tuelles; elles  captivent  nos  sens  ;  elles  réjouissent  notre 
cœur  ;  elles  environnent  le  culte  de  tant  de  grandeur 
et  de  dignité,  que  l'impie  même  ne  saurait,  sans  se 
rendre  coupable  aux  yeux  de  la  science  et  de  la  raison, 
ne  pas  vénérer  des  rites  si  pleins  de  sagesse,  et  qui  pro- 
duisent de  si  heureux  résultats  pour  l'homme  et  pour 
la  société.  Aussi  sainte  Thérèse,  cette  âme  si  aimante 
et  si  bien  inspirée,  disait-elle  :  «  Je  donnerais  ma  tête 
pour  la  plus  petite  cérémonie  de  l'Eglise.  » 

Rien  ne  prouve  mieux  le  respect  que  nous  devons 
avoir  pour  les  cérémonies  saintes  que  l'extrême  impor- 
tance que  l'Eglise  y  attache,  et  que  les  suites  déplo- 
rables qu'entraîne  le  mépris  qu'on  en  fait. 

L'Eglise  recommande  à  ses  ministres  de^  les  con- 
aaître,  d'en  étudier  l'esprit  et  de  s'y  conformer  avec 
soin.  Un  prêtre  ne  pourrait  sans  crime,  et  sans  nuire 
à  l'intégrité  du  sacrifice  et  à  la  validité  des  sacrements, 
omettre  quelqu'une  des  cérémonies  essentielles  ;  et  s'il 
négligeait  par  légèreté  ou  par  ignorance  les  cérémonies 
non  essentielles,  il  pécherait  d'une  manière  plus  ou 
moins  grave,  selon  que  son  omission  volontaire  serait 

Faut-il  nous  abstenir  de  prier  Dieu,  parce  que  les  Païens  ont  prié 
Jupiter  ?  cesser  de  nous  mettre  à  genoux,  parce  qu'ils  se  sont 
prosternés  devant  les  idoles  ? 


36  CATÉCHISME 

plus  OU  moins  importante.  Ce  n'est  que  dans  le  cas  d'une 
extrême  nt^'ccssité  qu'on  peut  omettre  les  cérémonies 
qui  ne  sont  point  essentielles  à  l'intégrité  du  sacriflce  et 
à  la  validité  des  sacrements,  par  exemple,  lorsque  le 
prêtre  qui  célèbre  la  messe  est  menacé  de  mort  par  la 
ruine  de  l'édiflce  ou  par  l'approche  des  ennemis  de  la 
Religion,  qui  veulent  le  faire  mourir.  Dans  un  danger 
pressant  de  mort,  on  supprime  les  cérémonies  du  bap- 
tême, avec  obligation  toutefois  de  les  suppléer  si  l'en- 
fant survit. 

De  tout  ce  qui  précède  il  est  facile  de  conclure  que 
nous  devons  étudier  avec  soin  les  cérémonies.  1°  Les 
conciles  ordonnent  aux  ecclésiastiques  de  les  expliquer 
aux  fidèles  *  :  c'est  donc  pour  ceux-ci  un  devoir  de  s'en 
instruire.  2o  Les  cérémonies  sont  établies  pour  nous  édi- 
fier, nous  instruire  et  réveiller  notre  attention  :  des 
grâces  particulières  y  sont  attachées.  Les  cérémonies 
sont  un  livre,  une  suite  de  tableaux  qui  nous  présen- 
tent la  Religion  sous  des  images  sensibles.  Mais  ce  livre, 
tout  beau  qu'il  est,  sera  pour  nous  un  livre  fermé  ;  il 
ne  dira  rien  à  notre  foi,  si  nous  ne  connaissons  pas  la 
langue  dans  laquelle  il  est  écrit  ;  ces  tableaux,  tout  ex- 
pressifs que  vous  les  supposiez,  seront  pour  nous  de 
vaines  images,  si  nous  n'en  connaissons  ni  le  sujet,  ni 
le  sens,  ni  la  raison. 

Dès  lors  tout  le  culte  extérieur  nous  sera  à  peu  près 
inutile.  Le  spectacle  de  nos  saintes  cérémonies ,  au  lieu 
de  ranimer  notre  foi,  d'exciter  notre  amour,  de  satisfaire 

*  Couc.  Trid.,  sess.  xxii,  c.  viii. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  37 

une  sainte  curiosité,  ne  nous  inspirera  que  du  dégoût  et 
de  l'ennui,  peut-être  du  mépris;  car  c'est  le  propre  des 
ignorants  de  se  moquer  de  ce  qu'ils  ne  comprennent 
pas.  Ces  ignorants,  on  les  rencontre  partout  aujourd'hui. 
Ne  serait-il  pas  honteux  pour  les  Chrétiens  de  ne  pou- 
voir défendre  leur  culte?  de  participer  à  des  cérémo- 
nies dont  on  ne  peut  rendre  compte?  Et  cependant 
combien  de  fidèles  qui  assistent  depuis  longtemps  à  la 
messe,  qui  ont  paru  à  l'église  comme  parrains  ou  mar- 
raines, qui  ont  vu  administrer  la  confirmation,  l'ex- 
trême-onction,  tous  les  sacrements,  sans  rien  com- 
prendre à  ce  qui  se  passait  sous  leurs  yeux  !  Eh  quoi  ! 
aujourd'hui  on  met  un  empressement  extraordinaire 
pour  découvrir  le  sens  caché  des  anciennes  écritupes, 
des  inscriptions  gravées  sur  les  colonnes  et  les  tom- 
beaux profanes,  n'aurions-nous  pas  à  rougir,  nous, 
Chrétiens,  d'apporter  moins  d'empressement  à  com- 
prendre le  sens  de  nos  cérémonies,  mille  fois  plus  in- 
structives que  tous  les  monuments  de  l'antiquité  païenne? 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu,  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  rendu  sensibles  à  mes  yeux  les  vérités  de  la  Re- 
ligion; je  vous  demande  pardon  de  n'avoir  pas  eu  assez 
de  respect  pour  les  cérémonies  de  l'Eglise. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par -dessus 
toute  chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour 
l'amour  de  Dieu  ;  et ,  en  témoignage  de  cet  amour, 
j'étudierai  avec  beaucoup  de  soin  les  cérémonies  de 
l'Eglise. 


38  CATÉCHISME 

PETIT  CATÉCHISME. 

LE   CHRISTIANISME    RENDU   SENSIBLE. 

Q.  Quel  est  le  second  avantage  du  culte  extérieur? 

R.  Le  second  avantage  du  culte  extérieur  est  de 
fixer  les  vérités  de  la  Religion,  et  de  les  mettre  h  l'abri 
des  attaques  et  des  innovations  des  hérétiques.  Dans  les 
premiers  siècles,  on  opposa  aux  Ariens  les  cantiques 
des  fidèles,  qui  contenaient  la  divinité  de  Notre -Sei- 
gneur ;  et  aux  Protestants,  les  prières,  les  cérémonies, 
les  liturgies  de  toutes  les  Eglises,  qui  prouvent  la  pré- 
sence réelle  du  Sauveur  dans  l'eucharistie.  Ne  pouvant 
rien  répondre  à  cela,  les  Protestants  ont  supprimé  le 
culte  extérieur  qui  les  condamnait. 

Q.  Quel  est  le  troisième  avantage  du  culte  extérieur? 

R.  Le  troisième  avantage  du  culte  extérieur,  c'est 
d'être  un  lieu  de  réunion  pour  rendre  les  hommes  meil- 
leurs. C'est  à  l'église  qu'on  apprend  aux  hommes  leurs 
devoirs  enVers  Dieu,  envers  le  prochain,  envers  eux- 
mêmeâ.  S'il  n'y  avait  ni  église,  ni  dimanche,  ni  obliga- 
tion d'assister  à  la  messe,  les  habitants  des  campagnes, 
c'est-à-dire  les  trois  quarts  des  hommes,  vivraient  iso- 
lés les  uns  des  autres,  et  deviendraient  bientôt  très- 
méchants  et  très-dangereux. 

Q.  Quelle  est  l'origine  des  cérémonies  qui  compo- 
sent le  culte  de  l'Eglise  catholique? 

R.  L'origine  des  cérémonies  qui  composent  le  culte 
de  l'Eglise  catholique  est  divine  ;  c'est  Dieu  lui-même 


DE    PERSÉVÉRANCE.  30 

qui  les  a  établies  par  Jésus-Christ,  ou  par  les  Apôtres, 
ou  par  leurs  successeurs  remplis  du  Saint-Esprit  et  re- 
vêtus de  son  autorité. 

Q.  D'où  vient  que  les  cérémonies  ne  sont  pas  pjav 
tout  les  mêmes? 

R.  Quoique  les  cérémonies  viennent  de  Dieu,  elles 
ne  sont  pas  partout  les  mômes.  11  y  a  des  cérémonies 
essentielles,  telles  que  la  forme  des  sacrements:  celles- 
là  sont  partout  les  mêmes.  Il  y  a  des  cérémonies  acces- 
soires établies  pour  la  décence  et  la  majesté  de  la  Re- 
ligion :  celles-là  peuvent  changer  suivant  le  temps  et 
les  lieux.  Celte  diversité  ne  nuit  point  à  l'unité  de  la 
foi  ;  elle  contribue  au  contraire  à  faire  briller  la  beauté 
de  l'Eglise. 

0.  Les  cérémonies  de  l'Eglise  méritent -elles  notre 
respect  et  notre  amour  ? 

R.  Les  cérémonies  de  l'Eglise  méritent  notre  res- 
pect à  cause  de  leur  origine,  de  leur  antiquité  et  de 
leurs  avantages;  et  notre  amour,  à  cause  des  services 
qu'elles  nous  rendent,  de  la  joie  qu'elles  nous  procu- 
rent, et  de  la  gloire  qui  en  revient  à  Dieu. 

Q.  Devons-nous  étudier  les  cérémonies  de  l'Eglise? 

R.  Oui,  nous  devons  étudier  les  cérémonies  de  l'E- 
glise. 1"  L'Eglise  veut  que  les  prêtres  les  expliquent 
aux  fidèles  ;  c'est  donc  une  obligation  pour  nous  de  les 
connaître.  2°  C'est  pour  nous  que  les  cérémonies  ont 
été  instituées;  c'est  pour  nous  instruire,  nous  édifier, 
nous  aider  à  comprendre  et  à  aimer  la  Religion  au 
moyen  d'images  sensibles.  3°  Il  serait  honteux  d'assis- 


40  CATÉCHISME 

ter  à  la  messe,  aux  fêtes,  ù  l'adminislralion  des  sacre- 
ments, sans  rien  comprendre  à  ce  qui  se  passe  sous  nos 
yeux.  Au  lieu  d'éprouver  du  bonheur  et  de  la  piété, 
quand  nous  sommes  à  l'église,  nous  ne  ressentirons 
bientôt  que  du  dégoût  et  de  l'ennui,  si  nous  ne  com- 
prenons rien  aux  cérémonies.  4°  Beaucoup  de  personnes 
ignorantes  tournent  en  dérision  les  cérémonies  de  l'E- 
glise ;  c'est  donc  un  devoir  pour  nous  de  les  bien  con- 
naître, afin  de  ne  pas  nous  laisser  ébranler  par  les  mau- 
vais discours. 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu,  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  rendu  sensibles  à  mes  yeux  les  vérités  de  la 
Religion;  je  vous  demande  pardon  de  n'avoir  pas  eu 
assez  de  respect  pour  les  cérémonies  de  l'Eglise. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par -dessus 
toute  chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour 
l'amour  de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amour, 
j'étudierai  avec  beaucoup  de  soin  les  cérémonies  de 
l'Eglise. 


DE   PERSÉVÉRANCE.  41 


IIP  LEÇON. 


LE    CHRISTIANISME   RENDU   SENSIBLE. 


Eglises,  leur  nécessité.  — Nécessité  de  leur  décoration.  —  Habil- 
lements convenables  et  décents  pour  les  jours  de  fête.  —  Des- 
cription des  anciennes  églises.  —  Nos  églises  actuelles  pleines 
des  souvenirs  des  Catacombes.  —  Crypte.  —  Autel.  —  Balustrade. 


Puisque  nous  allons  expliquer  en  détail  le  culte  ca- 
tholique, parlons  premièrement  de  l'église  où  il  s'ac- 
complit. 

1"  Il  faut  des  églises,  quoique  Dieu  soit  partout,  quoi- 
que l'univers  soit  un  temple  magnifique.  Il  y  a  eu  dans 
tous  les  temps  et  chez  tous  les  peuples  des  lieux  spécia- 
lement consacrés  à  honorer  la  Divinité.  Le  sommet  des 
raontagnes,laprofondeurdesforêtsétaientchoisisd'e  pré- 
férence :  celles-ci  parce  qu'elles  favorisaient  davantage 
le  recueillement';  celui-là  parce  qu'il  semblait  davan- 
tage rapprocher  l'homme  du  ciel.  Ces  lieux  devinrent 
chez  les  païens  un  théâtre  de  crimes.  Le  culte  des  as- 
tres, qu'on  découvrait  mieux  du  haut  des  montagnes,  fut 
la  première  idolâtrie.  Il  est  très-probable  qu'une  des 

*  Num.  XIII,  41.  Mcm.  de  l'Acad.,  p.  63. 


48  CATÉCHISME 

raisons  pour  lesquelles  Dieu  voulut  que  l'on  construisît 
le  tabernacle,  fut  de  convaincre  le  peuple  juif  qu'il 
n'était  pas  nécessaire  d'aller  sur  les  montagnes  pour 
s'approcher  de  Dieu,  et  qu'il  daignait  lui-même  s'ap- 
procher de  son  peuple  en  rendant  sa  présence  sensible 
dans  le  temple  portatif  érigé  en  son  honneur.  Le  ta- 
bernacle fut  donc  un  préservatif  d'idolâtrie  *. 

Ce  fut  aussi  un  moyen'de  soutenir  la  piété  des  Israéli- 
tes, en  leur  inspirant  plus  de  respect  et  de  crainte  pour 
le  Seigneur,  et  en  leur  donnant  la  facilité  de  s'acquitter 
plus  commodément  du  culte  divin.  En  effet,  le -taber- 
nacle était  placé  au  milieu  de  leur  camp;  on  y  voyait 
rassemblés,  dans  une  étroite  enceinte,  les  symboles  de 
la  présence  de  Dieuet  les  marques  de  sa  toute-puissance. 
L'arche  de  l'alliance,  les  tables  de  la  loi,  les  deux  ché- 
rubins aux  ailes  étendues,  le  vase  rempli  de  manne,  la 
verge  d'Aaron,  redisaient  éloquemment  et  les  bienfaits 
et  lapuissaTice  du  Dieu  maître  des  éléments,  législateur 
suprême,  monarque  des  anges,  vengeur  du  crime,  père 
de  ses  enfants,  seul  saint,  seul  digne  de  respect, 
d'amour,  de  louange  et  d'adoration. 

Toutes  ces  choses,  et  d'autres  plus  admirables  en- 
core, la  plus"*  pauvre  église  de  village  les  redit  encore 
parmi  nous.  Il  n'est  donc  pas  vrai,  comme  le  prétendent 
certains  impies,  qu'il  ne  faut  point  d'autre  temple  que 
l'univers.  Non,  l'upivers  ne  suffit  pas.  Les  trois  quarts 
des  hommes,  accoutumés  au'  spectacle  de  l'univers, 

•  Bergier,  art.  Eglise. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  lo 

le  voient  sans  émotion  ;  au  lieu  qu'ils  demeurent  frappés 
d'admiration  à  la  vue  d'un  temple  richement  et  décem- 
ment orné.  Comment  entrer  dans  nos  sombres  cathé- 
drales, sans  être  saisi  d'un  respect  religieux?  D'ail- 
leurs, l'univers,  avec  toute  sa  magnificence,  ne  dit  pas 
au  cœur  tout  ce  que  dit  la  modeste  église  du  hameau. 
Sur  le  sommet  des  collines,  à  la  face  du  ciel,  vous  ne 
trouvez  ni  la  croix,  ni  l'autel,  ni  le  tabernacle,  ni  la  ta- 
ble sainte,  ni  le  tribunal  de  la  miséricorde,  ni  les  fonts 
sacrés,  ni  les  tombes  des  aïeux,  ni  aucun  de  ces  sym- 
boles si  pleins  de  souvenirs  et  si  puissants  sur  le  cœur 
et  sur  les  sens. 

Et  puis  l'église  est  un  lieu  social.  Or,  réunissez, 
je  vous  prie,  les  hommes ,  les  femmes,  les  enfants, 
les  vieillards,  en  plein  air,  sur  les  collines,  à  la  face 
du  Ciel,  quand  la  terre  est  couverte  de  neige  et 
de  glace,  ou  que  la  pluie  tombe  à  torrents!  Dé- 
truire les  églises,  c'est  donc  détruire  le  culte  ex- 
térieur; détruire  le  culte  extérieur,  c'est  détruire 
le  culte  intérieur,  c'est  détruire  la  religion,  c'est  dé- 
truire la  société.  Ah!  au  lieu  de  détruire  les  églises, 
ou  d'en  diminuer  le  nombre,  il  faut  en  construire  de 
nouvelles  :  plus  vous  en  élèverez,  moins  vous  bâtirez 
de  prisons.  Ils  ne  méritent  donc  pas  d'être  écoutés,  ces 
censeurs  bizarres  qui  s'érigent  contre  ce  que  le  sens 
commun  dicte  à  tous  les  hommes.  Qu'ils  aillent  adorer 
Dieu  à  la  face  du  Ciel,  sur  la  hauteur  des  montagnes, 
après  l'avoir  adoré  dans  le  temple  :  qui  les  en  empê- 


44  CATÉCHISME 

che?  Mais  ils  ne  radorcnl  d'aucune  manière;  ils  vou- 
draient, retrancher  (oui  exercice  public  de  la  Religion, 
parce  qu'ils  savent  que  sans  le  culte  extérieur,  elle 
n'existerait  plus. 

2°  Il  faut  que  les  églises  soient  convenablement  dé- 
corées. Les  impics  disent  encore  :  A  quoi  bon  tant  de 
luxe  dans  les  églises?  Jésus-Christ  n'esl-il  pas  né  dans 
une  crèche?  n'a-t-il  pas  institué  l'Eucharistie  dans  une 
chambre  ? 

A  quoi  bon  tant  de  luxe  dans  les  églises?  A  leur 
compte,  tout  ce  qu'on  fait  pour  honorer  Dieu  est  perdu. 
Ce  langage  n'est  pas  nouveau  :  c'est  celui  de  Judas, 
murmurant  contre  la  Madelaine  qui  répandait  un  par- 
fum précieux  sur  les  pieds  du  Sauveur.  Vraiment  les 
modernes  Judas  ont  bonne  grâce  de  se  plaindre  de  la 
magnificence  du  culte  catholique.  Voyez,  ils  se  disent 
les  amis  du  peuple,  et  ils  trouvent  bon  que  les  richesses 
soient  prodiguées  pour  les  filles  publiques,  pour  les 
théâtres  qui  corrompent  les  mœurs,  pour  les  amuse- 
ments de  toute  espèce  ;  et  ils  déplorent  la  dépense  qui  se 
fait  pour  les  spectacles  de  religion,  parce  qu'ils  instrui- 
sent les  hommes,  les  excitent  à  la  vertu,  les  consolent 
par  l'espérance  d'un  bonheur  à  venir.  Ils  affectent  de 
la  compassion  pour  la  misère  du  peuple,  et  non-seule- 
ment ils  ne  voudraient  rien  retrancher  pour  le  soulager, 
mais  ils  veulent  encore  ôter  au  peuple  le  seul  moyen 
qui  lui  reste  de  se  consoler  et  de  s'encourager  dans  les 
temples  du  Seigneur,  par  des  motifs  de  religion.  Sans 


DE    PERSÉVÉRANCE.  45 

doute  il  vaut  mieux,  suivant  leur  opinion,  qu'il  aille 
s'en  distraire  dans  les  lieux  de  débauche  et  dans  les 
écoles  du  vice  ;  aussi  les  a-t-on  multipliés  pour  sa  com- 
modité. Mais  où  iront  ceux  qui  craignent  l'infection  de 
ces  lieux  empestés,  et  qui  ne  veulent  pas  se  perver- 
tir? Laissons  déraisonner  les  insensés,  et  consultons  la 
simple  lumière  naturelle  et  l'expérience  de  toutes  les 
nations. 

Oui,  il  faut  qu'il  y  ait  un  certain  luxe  dans  nos  églises, 
parce  qu'il  est  nécessaire  de  donner  aux  hommes  une 
haute  idée  de  la  majesté  divine  et  de  rendre  son  culte 
respectable.  Or,  on  n'y  parviendra  pas  sans  le  secours 
d'une  pompe  extérieure.  L'homme  ne  peut  être  pris  que 
par  les  sens  :  voilà  le  principe  duquel  il  faut  partir;  on  ne 
réussira  point  à  captiver  son  imagination,  si  l'on  ne  met 
sous  ses  yeux  les  objets  auxquels  il  attache  un  grand 
prix.  A  moins  que  le  peuple  ne  trouve  dans  la  Religion 
la  même  magnificence  qu'il  aperçoit  dans  les  cérémo- 
nies civiles,  à  moins  qu'il  ne  voie  rendre  à  Dieu  des 
hommages  aussi  pompeux  que  ceux  que  l'on  rend  aux 
puissances  de  la  terre,  quelle  idée  se  formera-t-il  de  la 
grandeur  du  maître  qu'il  adore?  c'est  la  réflexion  de 
saint  Thomas.  Les  Protestants  sentent  aujourd'hui  les 
suites  funestes  de  la  nudité  à  laquelle  ils  ont  réduit  le 
culte  divin;  un  incrédule  même  est  convenu  que  le  re- 
tranchement du  culte  extérieur,  en  Angleterre,  en  a 
banni  la  piété,  y  a  fait  éclore  l'athéisme  et  l'irréligion. 
Aussi  nos  frères  séparés  rétablissent-ils  peu  à  peu  dans 
leurs  temples  les  antiques  symboles  que  leurs  pères 


46  Catéchisme 

avaient  bannis,  brûlés,  profanés  avec  tant  de  fureur  et 

d'aveuglement*. 

Si  donc  nous  décorons  les  églises,  ce  n'est  pas  que 
Dieu  ait  besoin  de  cette  magniûcence  ;  c'est  nous  qui 
en  avons  besoin  pour  nous  élever  à  lui.  Nous  avons  be- 
soin de  lui  offrir  noire  or,  nos  richesses,  les  chefs-d'œu- 
vre des  arts,  parce  que  c'est  un  devoir  de  rendre  l'hom- 
mage de  toutes  ces  choses  à  celui  de  qui  viennent  l'or,  les 
richesses  et  les  talents.  Ce  tribut  de  reconnaissance  et 
d'adoration  est  un  titre  à  de  nouveaux  bienfaits  :  l'in- 
gratitude est  un  vent  brûlant  qui  dessèche  la  source  des 
grâces  :  sous  ce  nouveau  rapport,  la  pompe  du  culte  est 
encore  tout  entière  dans  nos  intérêts. 

Il  est  vrai,  Notre-Seigneur  est  né  dans  une  crèche^  il 
a  institué  la  sainte  Eucharistie  dans  une  chambre;  par 
cette  simplicité  et  cette  pauvreté,  il  a  voulu  nous  té- 
moigner son  immense  amour,  qui  ne  demande,  pour 
se  manifester,  ni  la  richesse  des  édifices,  ni  la  pompe 
des  cérémonies.  Pauvres  de  toutes  les  générations,  il  a 
voulu  vous  apprendre  que  vous  aussi  vous  pourriez  parti- 
ciper à  ses  mystères  d'amour;  qu'il  daignerait  habiter 
sous  votre  église  couverte  de  chaume.  Il  a  voulu  encore 
apprendre  aux  Chrétiens  que  le  culte  véritable  était  le 
culte  de  l'esprit  et  du  cœur,  et  par  là  nous  préserver  des 
illusions  du  peuple  charnel,  qui  supposait  que  l'appareil 
des  cérémonies,  la  multitude  des  victimes  était  tout  ce 
que  le  Seigneur  demandait  de  lui.  Mais  il  n'a  pas  voulu 
interdire  la  magnificence  du  culte  extérieur  ;  autre- 

*  Bergier,  art.  Culte. 


DE   PERSÉVIÉIIANCE.  4t 

ment  il  aurait  voulu^  l'anéantissement  de  la  Religion. 
Or,  il  savait  mieux  que  nos  philosophes  que  l'homme 
ne  peut  être  pris  que  par  les  sens,  et  qu'une  religion 
réduite  au  pur  spirituel  serait  bientôt  reléguée  dans 
l'empire  de  la  lune. 

3°  La  pompe  extérieure  doit  passer  du  temple 
matériel  au  temple  vivant,  c'est-à-dire  à  l'homme. 
On  doit  être  convenablement  habillé  les  jours  de 
fête.  La  magnificence  des  églises  sert  à  témoigner  le 
respect  que  l'on  a  pour  Dieu  ;  à  reconnaître  que  tous 
les  biens  viennent  de  lui,  et  que  tout  doit  être  consacré 
à  son  service.  L'homme,  le  pauvre,  l'habitant  des  cam- 
pagnes veut  de  la  magnificence,  parce  qu'il  aime  la  Re- 
ligion ;  elle  est  sa  seule  ressource.  Il  le  comprend  si 
bien  que,  pour  assister  aux  assemblées  religieuses  les 
jours  de  fête,  il  se  met  le  plus  proprement  qu'il  lui  est 
possible.  Il  doit  en  être  ainsi,  afin  que  cet  appareil  ex- 
térieur le  fasse  souvenir  de  la  pureté  de  l'âme  qu'il 
doit  y  apporter  ;  afin  que  les  grands  qui  dédaignent  ces 
assemblées  aient  moins  de  répugnance  à  se  mêler  avec 
le  peuple  ;  afin  que  l'énorme  disproportion  que  mettent 
les  richesses  entre  les  uns  et  les  autres,  disparaisse  un 
peu  devant  le  souverain  maître,  aux  yeux  duquel  tous 
les  hommes  sont  égaux.  Déjà  il  en  était  de  même  dans 
l'ancienne  loi.  Jacob,  prêt  à  offrir  un  sacrifice  à  la  tête 
de  sa  maison,  ordonne  à  ses  gens  de  se  laver  et  de 
changer  d'habits*.  Dieu  commanda  la  même  chose  aux 
Hébreux,  quand  il  voulut  leur  donner  sa  loi  sur  le  mont 

>  Gen.,  xxxY,  2. 


48  CATÉCHISME 

Sinaï  *.  Ce  signe  extérieur  de  respect  se  retrouve  chez 
toutes  les  nations;  toutes,  sans  exccplion,  mettent  dans 
les  hommages  qu'elles  rendent  à  la  Divinité  le  plus  de 
pompe  qu'il  leur  est  possible  *. 

Cet  appareil  extérieur  indique  et  fait  naître  les  dis- 
positions intérieures  avec  lesquelles  on  doit  venir  à 
l'église.  Le  sentiment  qui  doit  dominer  tous  les  autres 
est  celui  de  la  joie.  Revoir  l'église,  la  maison  de  notre 
Père,  la  maison  où  il  nous  attend,  les  bras  ouverts,  le 
cœur  brûlant  d'amour,  pour  nous  recevoir  et  nous  em- 
brasser; sa  table  servie  pour  nous  nourrir  de  son  pain 
céleste  et  nous  abreuver  de  son  vin  délicieux  ;  l'église 
où  nous  sommes  nés,  où  nous  avons  éprouvé  nos  pre- 
mières joies,  où  notre  esprit  s'est  ouvert  à  la  vérité,  notre 
cœur  à  l'innocence,  où  nos  pas  se  sont  affermis  dans  les 
sentiers  de  l'innocence  et  du  bonheur  frère  de  l'inno- 
cence ;  l'église  où  nous  retrouverons  les  compagnons  de 
notre  enfance,  nos  frères,  nos  amis,  nos  parents  ;  où 
nous  prierons  avec  eux  et  pour  eux,  comme  ils  prieront 
eux-mêmes  avec  nous  et  pour  nous  ;  où  nous  mangerons 
ensemble  le  pain  de  bénédiction,  pour  nous  rappeler 
que  nous  sommes  tous  frères;  où  toutes  nos  voix  se 
réuniront  à  celles  des  Ange§  pour  répondre  à  leurs  can- 
tiques éternels,  et  redire  avec  eux,  à  la  louange  de 
notre  Père  :  Saint,  saint,  saint  le  Seigneur  Dieu  des 
armées,  des  Anges  et  des  hommes  ;  l'église  près  de  la- 
quelle est  le  cimetière,  et  dans  le  cimetière  la  tombe  de 

•  Exod.,  XIX,  lOi 

*  Bergier,  art.  Culte. 


DE   PERSÉVÉRANCE.  49 

noire  mère,  de  noire  sœur,  de  notre  frère,  sur  laquelle 
il  nous  sera  permis  de  déposer  en  passant  une  larme, 
une  prière,  une  fleur;  l'église  enfin  où  l'on  va  dire  aux 
riches  de  donner  l'aumône  aux  pauvres,  aux  grands 
d'être  les  protecteurs  des  petits  et  des  faibles,  aux  maî- 
tres de  traiter  doucement  leurs  domestiques,  à  nous  tous 
de  nous  aimer,  de  nous  aider,  de  nous  pardonner  comme 
des  frères,  et  de  ne  former  tous  ensemble  qu'un  cœur 
et  qu'une  âme. 

Pleins  de  celte  disposition,  parlons  pour  l'église.  Afin 
do  la  respecter  et  de  l'aimer  encore  davantage,  appre- 
nons à  la  connaître;  en  voici  l'histoire  et  la  description. 

Dès  l'origine,  nos  pères  dans  la  foi  eurent  des  lieux 
consacrés  aux  assemblées  de  religion  et  à  l'offrande  des 
saints  mystères*.  Mais  c'est  dans  les  Catacombes  qu'il 
faut  chercher  le  modèle  et  les  éléments  primitifs  de 
nos  églises  '".  Tout  y  retrace  le  souvenir  de  ces  lieux  à 
jamais  vénérables  ;  nous  le  ferons  remarquer  en  parlant 
de  chaque  partie  de  l'église.  Lorsqu'il  leur  fut  permis 
de  célébrer  leur  culte  à  la  face  du  soleil,  les  Chrétiens 
s'empressèrent  de  bâtir  des  églises  et  de  les  disposer 
de  la  manière  la  plus  convenable  à  l'accomplissement 
des  cérémonies  en  usage  dans  ces  jours  de  sainte  mé- 

•  s.  Clem.,  cpist.  1,  n.  40.  S.  Ignace,  epist.  ad  Magnes.,  n.  7. 
Clem.  Alexand.,  Strom.,  liv.  7,  etc. 

*  Il  est  certain,  dit  le  célèbre  antiquaire  Bottari,  que  les  petites 
chapelles  des  Catacombes  furent  une  ébauche  très-grossière  des 
églises  et  des  basiliques  qu'on  a  bâties  dans  la  suite  :  E  certo  che 
qiieste  cappellette.,,.  furono  un  rozzissimo  abbozzo  délie  chiese 
e  délie  basiliche  edificate  dipoi.  T.  m,  p.  75. 

T.    TH.  4 


50  CATÉCHISME 

moire;  elles  «liaient  divisées  en  sept  parties*,  comme 
on  peut  le  voir  dans  la  ûgure  suivante  : 


SI  d  d    m    ti  n  n 


'  Nous  prenons  pour  guides  les  antiquaires  de  Rome  :  plus  que 
tout  autre  ils  méritent  confiance;  chacun  le  comprend.  V07.  Ma- 
machi,!.  1. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  51 

1  Le  porche  ou  le  vestibule  extérieur  \  C'était  un  es- 
pace oblong  qui  se  trouvait  à  l'entrée  de  l'église  ;  il  élait 
couvert  et  soutenu  par  des  colonnes  placées  de  dislance 
en  dislance.  Les  empereurs  ambitionnaient  l'honneur 
d'être  ensevelis  sous  le  vestibule  des  églises;  ce  qui  fait 
dire  à  saint  Chrysostôme  que  les  empereurs  sont 
dans  la  maison  des  pêcheurs,  c'est-à-dire  dans  les  tem- 
ples dédiés  aux  Apôtres,  ce  que  les  concierges  sont  dans 
la  maison  des  empereurs. 

2  Le  cloître  \  Du  vestibuleon  entrait  dans  le  cloître. 
C'était  une  allée  soutenue  par  des  colonnes  et  qui  en- 
vironnait la  troisième  partie  de  l'église  appelée  le  par- 
vis. C'est  là  que  se  tenaient  les  pénitents  de  la  pre- 
mière classe,  appelés  fientes  ou  pleurants,  parce  qu'ils 
pleuraient  leurs  péchés  et  imploraient  la  piété  des  fidè- 
les qui  entraient  dans  l'église. 

3  Le  parvis  ^.  Le  parvis  était  une  cour  carrée  ;  il  n'a- 
vait d'autre  couverture  que  le  ciel,  et  d'autres  flambeaux 
que  les  astres  elles  rayons  du  soleil,  afin  que  tous  ceux 
qui  entraient  pussent  contempler  à  loisir  les  beautés  du 
ciel,  et  se  préparer,  par  l'adoration  du  Dieu  de  la  nature, 
à  l'adoration  du  Dieu  de  la  Rédemption.  Au  milieu  du 
parvis  jaillissait  une  fontaine,  symbole  de  la  purification; 
ons'y  lavait  les  mains  et  le  visage  avant  d'aller  plus  loin. 
Sur  le  bassin  de  la  fontaine  étaient  gravées  ces  paroles  : 

•  Ce  vestibule  s'.Tppelait  riartex,  c'est-à-dire  verfje  ou  bâtoD,  à 
cause  de  sa  forme  alloDgée. 
'  Claustrum. 
^  Atrium. 


52  CATÉCHISME 

Lavez  vos  péchés  et  non  pas  seulement  votre  visage. 
Celte  eau  était  bénite  par  le  prêtre  la  veille  ou  le  jour 
même  de  l'Epiphanie.  Dans  la  suite  des  temps  on  a  sup- 
primé la  fontaine;  elle  a  été  remplacée  par  les  béni- 
tiers. 

L'eau  bénite,  prise  avec  respect  et  componction, 
remet  les  péchés  véniels  '.  L'usage  de  se  purifier  avec 
de  l'eau,  avant  de  paraître  devant  Dieu,  est  aussi  ancien 
que  le  monde;  les  Patriarches  et  les  Juifs  le  prati- 
quaient ".  On  le  retrouve  chez  les  Païens,  quoique 
dépositaires  infidèles  de  la  révélation.  Ainsi,  dès  le 
premier  pas  que  nous  faisons  dans  l'église,  nous  ren- 
controns un  souvenir  de  la  plus  vénérable  antiquité. 
Puissions-nous,  en  nous  servant  de  l'eau  bénite,  être 
animés  des  mêmes  sentiments  de  respect  et  de  com- 
ponction que  nos  vertueux  ancêtres  ! 

4  Le  vestibule  intérieur^.  En  avançant  on  passait 
du  parvis  dans  le  vestibule  intérieur.  Dans  les  grandes 
églises,  ce  vestibule  intérieur  était  séparé  de  la  nef  par 
un  mur;  là  se  plaçaient  les  catéchumènes,  les  énergu- 
mènes,  les  pénitents  appelés  audientes,  auditeurs,  parce 
qu'il  leur  était  permis  d'écouter  les  hymnes  elles  psau- 
mes qui  se  chantaient  dans  l'église,  ainsi  que  la  parole 
de  Dieu;  ils  y  restaient  jusqu'au  moment  où  le  diacre, 
élevant  la  voix,  disait  :  «  Dehors^  les  auditeurs  et  les  infi- 
dèles. »  L'entrée  du  vestibule  intérieur  était  également 

"^^  s.  Thomas,  3»  p  ,  quesî.  65,  art.  1 . 
•Gen.,  c.  35. 
*  Nartex  interior. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  53 

permise  aux  Païens,  aux  Juifs,  aux  hérétiques  et  aux 
schismatiques,  afln  qu'ils  pussent  entendre  les  instruc- 
tions des  ministres  de  l'Evangile,  et  se  convertir  si  Dieu 
daignait  leur  loucher  le  cœur. 

5  La  nef\  Plusieurs  grandes  portes  communiquaient 
du  vestibule  intérieur  dans  la  nef.  Cette  partie  princi- 
pale de  l'église  s'appelait  comme  aujourd'hui  nef,  d'un 
mot  latin,  wams,  qui  veut  dire  vaisseau.  Ce  nom  lui  a  été 
donné  pour  deux  raisons  ;  la  première,  parce  qu'elle  est 
beaucoup  plus  longue  que  large  ;  la  seconde,  pour  rap- 
peler aux  Chrétiens  que  l'église  est  un  vaisseau.  Rien 
de  plus  commun  dans  les  Pères  que  la  comparaison  de 
l'église  avec  un  navire  ou  une  barque  :  Notre- Seigneur 
en  est  le  pilote  invisible,  saint  Pierre  le  pilote  visible, 
les  ministres  sacrés  les  officiers,  les  fidèles  les  heureux 
passagers;  toujours  battue  par  les  vagues,  jamais  l'é- 
glise n'est  engloutie  sous  les  flots,  ni  ne  se  brise  contre 
les  écueils  ;  il  faut  être  dans  son  sein  pour  traverser  la 
mer  du  monde,  échapper  au  déluge  d'iniquités  qui 
inonde  la  terre  et  aborder  sain  et  sauf  aux  célestes  riva- 
ges. Quel  sens  admirable  dans  cette  simple  parole  de 
notre  langue  religieuse!  c'est  toute  l'histoire  de  l'homme 
ici-bas  ;  y  avions-nous  jamais  pensé  ! 

A  l'entrée  de  la  nef,  près  du  mur  qui  la  séparait  du 
vestibule  intérieur,  était  la  troisième  classe  de  péni- 
tents qu'on  appelaitprosfraii,  ou  prosternés.  Aprèsavoir 
passé  trois  ans  sous  le  cloître  à  pleurer  leurs  péchés,  et 
trois  ans  sous  le  vestibule  intérieur  à  écouter  la  parole 

'  ISavis. 


bi  CATÉCHISME 

de  Dieu,  il  leur  restait  encore  six  ans  de  pénitence  à 
faire  avant  d'ôlre  admis  à  la  communion  publique  ;  ils 
demeuraient  prosternés  à  l'entrée  de  la  nef,  afin  de 
recevoir  l'imposition  des  mains  de  l'évoque  lorsqu'il 
passait. 

En  avançant  un  peu  dans  la  nef,  se  (rouvail  Vambon 
ouïe  jubé,  du  haut  duquel  on  lisait  au  peuple  l'Ecriture 
sainte  et  on  annonçait  la  parole  de  Dieu. Placé  au  milieu 
de  la  nef,  il  était  assez  large  pour  contenir  plusieurs  lec- 
teurs. Les  évêques  prêchaient  ordinairement  sur  les 
marches  de  l'autel  ;  mais  saint  Chrysoslôme  préférait 
l'ambon.  Au-dessus  de  l'ambon  étaient  la  quatrième 
classe  de  pénitents  appelés  consislcntes,  parce  qu'ils  se 
tenaient  debout,  ou  compétentes  parce  qu'ils  ressem- 
blaient à  des  enfants,  dit  saint  Augustin,  qui  pressent  les 
entrailles  de  leur  mère  pour  naître  à  la  lumière. 

A  partir  de  cet  endroit,  la  nef  était  partagée  dans  sa 
longueur  en  deux  parties  par  deux  cloisons  qui  empê- 
chaient les  hommes  et  les  femmes  de  se  voir.  Entre  les 
deux  cloisons  était  un  large  couloir  pour  la  circulation 
des  ministres  sacrés  :  les  hommes  étaient  à  gauche  et  les 
femmes  à  droite.  En  considérant  Jésus-Christ  assis 
dans  le  tabernacle  tourné  vers  les  fidèles,  les  hommes  se 
trouvaient  donc  réellement  à  sa  droite  :  cette  place  con- 
venable à  leur  dignité  est  encore  aujourd'hui  pour  eux 
dans  un  grand  nombre  d'églises  '. 

Tous,  hommes  et  femmes,  demeuraient  debout,  ou  à 

'  si  dans  la  célébration  du  mariage  cet  ordre  est  interverti,  c'est 
afin  que  l'époux  soit  à  la  droite  de  l'épouse,  dont  il  est  le  chef- 


DE   PERSÉVÉRANCE.  55 

genoux,  ou  assis  sur  leurs  jambes  croisées,  àla  manière 
des  Orientaux  ;  il  n'y  avait  pour  les  fidèles  ni  bancs  ni 
chaises.  Plus  tard,  les  religieux  qui  passaient  une  grande 
partie  du  jour  à  l'église  s'appuyèrent  sur  leurs  bâtons, en- 
suite sur  des  sièges  attachés  aux  murailles;  c'est  ce  que 
représentent  les  stalles  des  chanoines  :  ils  ne  sont  ni  as- 
sis ni  debout,  mais  simplement  appuyés.  De  là  il  n'y  eut 
qu'un  pas  pour  introduire  dans  les  églises  les  bancs  et 
les  chaises  en  faveur  des  fidèles.  Néanmoins  l'Espagne 
a  conservé  l'usage  primitif  :  elle  n'a  point  de  chaises 
dans  ses  églises. 

6  Le  chœur  ^.  Cette  partie  de  l'église  porte  ce  nom 
parce  qu'elle  était  réservée  aux  ministres  saints,  con- 
ducteurs du  chant  et  de  la  prière.  Il  était  séparé  de  la 
nef  par  une  grille  demi-circulaire  ;  autour  régnaient  des 
sièges  plus  ou  moins  élevés  suivant  la  dignité  des  ec- 
clésiastiques ;  le  plus  élevé  était  pour  l'évêque,  aQn  qu'il 
pût  avertir,  surveiller  et  garder  le  troupeau. 

7  Le  sanctuaire  ^.  Le  sanctuaire  était  séparé  du 
chœur  par  une  grille  ou  balustrade  à  laquelle  se  trou- 
vaient trois  portes  ;  celle  du  milieu,  plus  large  que  les 
deux  autres,  était  appelée  la  Porte  sainte.  Comme  le 
sanctuaire  se  terminait  en  demi-cercle,  cette  partie  de 
l'église  se  nommait  abside,  c'est-à-dire  coupure.  Le 
rideau  tendu  à  l'entrée  dérobait  la  vue  de  l'autel  et  em- 
pêchait qu'on  ne  vît  les  saints  mystères  dans  le  temps 
de  la  consécration  ;  on  ne  l'ouvrait  qu'après.  C'est  ce 

•  Chorus. 

*  Btma  vel  tanctuarium. 


56  CATÉCHISME 

qui  faisait  dire  à  saint  Chrysoslôrae  •  :  «  Quand  on 
est  au  sacrifice,  quand  Jésus  -  Christ ,  l'Agneau 
de  Dieu,  est  offert  ;  quand  vous  entendez  donner  le 
signal,  réunissez-vous  pour  prier;  lorsque  vous  voyez 
tirer  le  rideau,  pensez  que  le  ciel  s'ouvre  et  que  les  An- 
ges descendent.»  Dans  le  sanctuaire  était  l'autel;  à  côté 
du  grand  autel  il  y  en  avait  un  plus  petit  sur  lequel  on 
déposait  le  pain  et  le  vin  offert  par  les  fidèles  pour  le 
saint  sacrifice.  Cet  autel  est  remplacé  dans  nos  églises 
par  les  crédences  ;  c'est  là  qu'on  met  encore  les  buret- 
tes. Les  clercs  seuls  pouvaient  entrer  dans  le  sanctuaire  : 
de  là  vient  qu'on  l'appelait  le  lieu  inaccessible  et  sacré. 

L'autel  était  toujours  à  l'orient.  Nos  pères  dans  la  foi, 
regardant  Notre-Seigneur  comme  le  véritable  soleil  du 
monde,  comme  l'orient  d'en  haut,  plaçaient  leurs  au- 
tels et  se  tournaient  pour  prier  du  côté  de  l'Orient,  afin 
de  marquer  leur  espérance  et  leur  foi. 

Sous  l'autel  était  une  grotte  souterraine  appelée 
crypte  %  dans  laquelle  reposait  le  corps  d'un  ou  de  plu- 
sieurs martyrs;  sur  l'autel,  des  flambeaux  allumés;  sur 
les  côtés  de  l'église,  des  tableaux  et  des  chapelles;  enfin 
la  partie  de  l'église  derrière  l'autel  se  terminait  en 
rond  ;  en  sorte  que  la  forme  de  nos  églises  est  celle 
d'une  niche  :  tout  autant  de  souvenirs  des  Catacombes. 
Souvenirs  sacrés  si  jamais  il  en  fût,  chaque  jour  encore 
nous  les  avons  sous  les  yeux,  et  peut-être  n'ont-ils 
jamais  rien  dit  à  notre  cœur.  Qu'il  n'en  soit  plus  ainsi! 

'  Hoini].  3,  in  Ephes. 

'  Crypta,  caverne,  fosse,  souterrain. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  57 

l'ignorance  du  moins  ne  nous  servira  plus  d'excuse. 
Un  mot  sur  chacun  de  ces  souvenirs  si  vénérables. 

Commençons  par  la  crypte.  Dans  un  grand  nombre 
d'anciennes  églises,  on  voit  encore  sous  Taulel  principal 
une  cryple  ou  chapelle  souterraine  :  c'est  un  souvenir 
des  Catacombes.  En  effet,  c'est  dans  les  grottes  sou- 
terraines de  ces  vastes  cimetières  que  nos  pères  dans 
la  foi  offraient  les  saints  mystères.  Quand  il  leur  fut  per- 
mis de  bâtir  des  églises,  ils  conservèrent  autant  qu'il 
fut  en  eux  les  souvenirs  de  ces  temps  d'épreuves  et  de 
vertus.  Pour  montrer  ce  que  nos  superbes  basili- 
ques ont  emprunté  aux  Catacombes,  jetons  un  ra- 
pide coup  d'œil  sur  celte  multitude  de  petites  églises 
aujourd'hui  enfouies  dans  les  entrailles  de  Rome.  Creu- 
sées dans  le  tuf,  elles  sont  en  général  plus  longues 
que  larges  ;  au  fond,  terminé  en  forme  circulaire,  et 
surmonté  d'une  voûte  en  forme  d'arc*,  est  le  tombeau 
d'un  martyr. 

On  appelle  ce  tombeau  autel,  parce  que  c'est  sur 
la  table  de  marbre  ou  de  pierre  qui  le  recou- 
vrait, et  qui  s'avançait  en  saillie,  qu'on  offrait  le 
saint  sacrifice.  Il  s'appelait  aussi  confession,  parce 
que  le  martyr,  en  mourant,  avait  confessé  sa  foi  ;  ses 
os  étaient  là  pour  la  confesser  encore  et  lui  rendre 
témoignage  ^.  Dans  quelques-unes    de   ces   petites 

'  Monumentum  arcuatum. 

*  En  Italie,  les  autels  ont  fini  par  porter  exclusivement  le  nom 
de  confession.  Ainsi  on  dit  la  confession  de  saint  Pierre  pour  dé- 
signer l'autel  et  le  tombeau  du  Prince  des  Apôtres.  Quelquefois 
Tautel,  c'est-à-dire  le  tombeau,  est  dftaché  du  fond  et  placé  au 


58  CATÉCHISME 

églises,  on  trouve  encore  en  place,  au-devant  du 
tombeau  du  martyr,  une  dalle  de  marbre  percée  à  jour, 
et  posée  comme  une  espèce  de  grille  :  premier  modèle 
des  balustrades  placées  dans  les  temples  chrétiens  au- 
devaiitde  l'autel  principal,  et  dont  l'intention  originaire 
devient  évidente  d'après  l'observation  des  Catacombes. 
Il  est  clair,  en  eftet,  qu'elle  a  eu  pour  objet  de  mettre 
les  restes  sacrés  recueillis  dans  la  tombe,  à  l'abri  des 
atteintes  d'un  zèle  trop  ardent  ou  irréfléchi,  et  d'inspi- 
rer plus  de  vénération  pour  le  lieu  où  ils  reposent. 

A  Rome,  les  églises  ont  été  bâties  sur  ces  églises 
souterraines  :  l'autel  de  la  grotte  répond  au  point  central 
de  l'intersection  de  la  nef  et  de  la  croisée;  l'abord  du 
souterrain  où  il  est  placé,  et  auquel  on  descend  par  des 
degrés,  est  fermé  par  une  grille.  C'est  au-dessus  de  ce 
souterrain,  et  au  niveau  du  sol  de  l'église,  qu'est  placé 
un  second  autel,  servant  à  la  célébration  de  la  messe  ; 
il  rappelle  par  sa  forme  et  par  sa  position  même,  direc- 
tement au-dessus  de  l'autel  souterrain  ou  du  tombeau^ 
son  origine  sépulcrale  et  sa  première  destination, 
comme  le  caveau  auquel  il  répond  témoigne  du  lieu 
d'où  il  est  sorti.  Presque  toutes  les  anciennes  basiliques 
de  Rome,  bien  que  reconstruites  dans  les  temps  moder- 
nes avec  plus  ou  moins  d'éclat  et  de  magnificence,  of- 
frent ce  trait  essentiel  des  monuments  du  culte  pri- 
mitif. 

centre  de  la  grotte.  De  là  sont  venus  les  autels  à  la  rowci/je,  c'est- 
à-dire  les  autels  avancés  dans  le  sanctuaire  et  autour  desquels  on 
peut  circuler. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  59 

Nous  n'en  citerons  ici  qu'un  exemple.  Entre  les  ôgli- 
ses  de  la  plus  ancienne  époque,  une  des  plus  remarqua- 
bles à  tous  égards  est  l'église  dédiée  à  sainte  Prisca, 
fille  d'un  sénateur  romain,  qu'on  dit  avoir  été  baptisée 
par  saint  Pierre  lui-même.  Ayant  été  mise  à  mort  pour 
la  foi,  son  corps  fut  déposé  dans  un  cercueil  qui  a  la 
forme  d'un  autel  antique.  Ce  tombeau  de  Prisca  fut 
placé  au  centre  de  sa  propre  chambre,  dans  le  palais 
de  son  père,  dont  on  voit  encore  aujourd'hui  les  restes 
sur  le  mont  Aventin.  Celte  chambre,  avec  le  tombeau 
qu'elle  renfermait,  devint  ainsi  une  espèce  de  petit 
temple  funèbre  ;  et  lorsque  plus  tard  on  construisit  au- 
dessus  l'église  qui  existe  encore,  elle  en  forma  la  con- 
fession souterraine. 

Ainsi  cet  édifice  intéressant  présente  tout  ce  que 
l'on  trouvait  dans  les  Catacombes  :  un  tombeau  ser- 
vant d'autel,  une  chapelle  souterraine,  et  enfin  une 
église  supérieure  ;  monuments  nés  les  uns  des  autres, 
et  où  le  culte  des  morts  se  lie,  par  un  rapport  intime, 
avec  celui  de  la  Divinité,  de  même  que  le  Christia- 
nisme s'y  unit  matériellement  à  l'antiquité,  par  la  con- 
struction même  de  cette  église,  élevée  sur  les  fonde- 
ments d'un  palais  romain  *. 

La  Religion  a  tant  de  respect  pour  les  usages  de  ses 
jours  naissants,  que  tous  ses  autels  sont  en  forme  de 
tombeau,  et  que  dans  les  autels  il  y  a  une  ou  plusieurs 
cavités  appelées  tombeaux,  où  sont  renfermées  les  re- 
liques de  quelque  saint  :  il  n'y  a  pas  d'autel  sans  reli- 

'  Tableau  des  Catacombes. 


60  CATÉCBISMB 

ques.  Ordinairement  le  tombeau  est  placé  au  milieu  de 
l'autel  ;  c'est  là-dessus  que  repose,  après  la  consécra- 
tion, Jésus-Christ  immolé  à  la  gloire  de  son  Père.  Ainsi, 
dans  un  espace  d'un  pied  carré,  l'Eglise  réunit  tout  ce 
qu'il  y  a  de  plus  puissant  pour  toucher  le  cœur  de 
Dieu  ;  elle  ressemble  à  une  veuve  qui,  pour  obtenir 
une  grâce,  s'en  irait  trouver  le  prince,  et  lui  présen- 
tant d'une  main  les  ossements  de  ses  fils,  et  de  l'autre 
le  corps  de  son  époux  immolés  pour  le  service  de  l'Etat, 
lui  dirait  :  Voilà  mes  titres  à  vos  faveurs!  Est-il  un 
prince  dans  l'univers  qui  refuse  à  cette  veuve  l'objet 
de  sa  prière?  Dieu  serait  donc  moins  qu'un  homme,  s'il 
n'exauçait  l'Eglise  quand  elle  lui  présente  dans  nos 
saints  mystères  et  le  sang  de  son  époux  et  les  osse- 
ments de  ses  enfants. 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  voulu  vous  choisir  une  demeure  parmi  les  hom- 
mes; faites-moi  la  grâce  de  venir  toujours  à  l'église  avec 
un  grand  sentiment  d'amour,  comme  un  enfant  qui 
vient  dans  la  maison  de  son  père. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par -dessus 
toute  chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour 
l'amour  de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je 
prendrai  de  l'eau  bénite  avec  beaucoup  de  respect. 


DB   PERSÉVÉRANCE.  61 

PETIT  CATÉCHISME. 

LE   CHRISTIANISME   KENDU    SENSIBLE. 

Q.  Y  a-t-il  eu  dès  le  commencement  du  monde  des 
ieux  consacrés  à  honorer  Dieu? 

Jî.  II  y  a  eu  dès  le  commencement  du  monde  des 
ieux  consacrés  à  honorer  Dieu.  Les  Patriarches  l'ado- 
•aient  de  préférence  sur  le  sommet  des  montagnes, 
)arce  qu'il  était  plus  propre  à  la  contemplation.  Chez 
;ertains  peuples,  on  avait  choisi  le  centre  des  fo- 
"êts,  parce  qu'il  favorisait  davantage  le  recueillement. 
l,e  Seigneur  fit  ensuite  construire  le  Tabernacle,  où  il 
éunit  les  principaux  monuments  de  sa  puissance  et  de 
a  miséricorde  à  l'égard  des  Juifs.  Vint  ensuite  le  tem- 
)le  de  Salomon,  où  se  trouvait  tout  ce  qui  pouvait  frap- 
>er  les  sens  et  inspirer  aux  Juifs  un  grand  respect  pour 
)ieu.  Nos  églises  nous  offrent  encore  des  symboles  plus 
rappants  de  sa  bonté  :  la  croix,  l'autel,  la  table  sainte, 
es  fonts  du  baptême.  C'est  pourquoi  la  vue  d'une  église 
nspire  plus  de  respect  et  de  reconnaissance  que  le 
pectacle  de  l'univers. 

Q.  Pourquoi  orne-t-on  les  églises  ? 

R.  On  orne  les  églises  :  !<>  afin  de  captiver  nos  sens 
îlde  nous  inspirer  une  grande  idée  de  Dieu  ;  2°  afin  de 
émoîgner  à  Dieu  que  nous  tenons  de  lui  toutes  nos  ri- 
;hesses;  que  l'or,  l'argent,  le  marbre,  sont  les  bien- 
aits  de  sa  miséricorde.  Quand  nous  venons  à  l'église, 
lurtoul  le  dimanche,  nous  devons  nous  habiller  plus 


62  CATÉCHISME 

proprement,  afin  de  témoigner  à  Dieu  notre  joie  et  notre 
reconnaissance,  en  nous  servant  ce  jour-là,  pour  l'ho- 
norer, de  ce  que  nous  avons  de  meilleur  et  de  plus  beau. 
Celte  propreté  extérieure  serait  une  vanité  déplacée  et 
une  sorte  d'hypocrisie,  si  elle  n'était  jointe  à  la  joie  inté- 
rieure de  notre  cœur  et  à  la  pureté  de  notre  conscience. 

Q.  Combien  y  avait-il  de  parties  dans  les  églises  des 
premiers  Chrétiens? 

R.  Dans  les  églises  des  premiers  Chrétiens,  il  y  avait 
sept  parties  :  1°  le  porche  ou  vestibule  extérieur.  C'é- 
tait un  espace  plus  long  que  large,  qui  se  trouvait  à 
l'entrée  de  l'église  ;  il  était  couvert  d'un  toit,  et  sup- 
porté par  des  colonnes.  C'est  là  que  se  tenaient  les  péni- 
tents appelés  Pleurants.  2°  Le  cloître.  Du  vestibule  on 
entrait  dans  le  cloître  :  c'était  une  galerie  couverte  qui 
environnait  la  troisième  partie  de  l'église,  appelée  le 
parvis. 

Q.  Quelle  était  donc  la  troisième  et  la  quatrième 
partie  de  l'église? 

R.  La  troisième  partie  de  l'église  était  le  parvis.  Le 
parvis  était  une  cour  carrée,  qui  n'avait  d'autre  couver- 
ture que  le  ciel.  Au  milieu  était  une  fontaine  ou  bassin 
d'eau  bénite  ;  lous  ceux  qui  entraient  s'y  lavaient  les 
mains  et  le  visage.  Cette  fontaine  est  aujourd'hui  rem- 
placée par  le  bénitier.  L'eau  bénite,  prise  avec  respect 
et  componction,  efface  les  péchés  véniels.  La  quatrième 
partie  de  l'église  était  le  vestibule  intérieur.  En  sor- 
tant du  parvis,  on  entrait  dans  le  vestibule  intérieur. 
Cet  espace,  plus  long  que  large,  était  réservé  aux  pé- 


DE  PERSÉVÉRANCE.  63 

oitents  appelés  auditeurs,  aux  Païens,  aux  Juifs,  aux 
Hérétiques,  qui  pouvaient  de  lu  entendre  la  parole  de 
Dieu.  Un  mur  percé  de  grandes  portes  le  séparait  de 
la  nef. 

Q.  Quelle  était  la  cinquième  partie  de  l'église? 

R.  La  cinquième  partie  de  l'église,  c'était  la  nef. 
Cette  partie  de  l'église  s'appelle  nef,  c'est-à-dire  vais- 
seau, parce  que  l'Eglise  est  un  vaisseau  qui  vogue  sur 
la  mer  du  monde,  jusqu'à  ce  qu'il  arrive  au  port  de 
l'éternité.  A  l'entrée  de  la  nef  étaient  les  pénitents  ap- 
pelés prosternés.  Un  peu  plus  avant,  au  milieu  de  la 
nef,  était  l'ambon  ou  le  jubé,  du  haut  duquel  on  prê- 
chait. Au  delà  du  jubé  étaient  les  pénitents  appelés 
compétents.  La  nef  était  partagée  dans  sa  longueur  par 
deux  cloisons  séparées  par  un  couloir.  A  gauche  étaient 
les  hommes,  à  droite  les  femmes  :  ils  ne  pouvaient  se 
voir. 

Q.  Quelles  étaient  les  sixième  et  septième  parties 
de  l'église  ? 

R.  La  sixième  partie  de  l'église  était  le  chœur;  il  était 
séparé  de  la  nef  par  une  grille.  Dans  le  chœur  étaient 
les  sièges  des  ecclésiastiques  et  le  trône  de  l'évêque  ; 
il  avait  la  forme  d'un  demi-cercle.  La  septième  partie 
était  le  sanctuaire  ;  il  était  séparé  du  chœur  par  un  ri- 
deau qu'on  ouvrait  après  la  consécration.  C'est  dans  le 
sanctuaire  qu'était  l'autel.  A  côté  de  l'autel  principal 
était  un  autre  petit  autel,  sur  lequel  on  déposait  le  pain 
et  le  vin  offerts  par  les  fidèles  pour  le  saint  sacrifice.  Il 
est  remplacé  aujourd'hui  par  les  crédences  sur  lesquelles 


64  CATÉCHISMB 

on  met  les  burettes.  Les  ecclésiastiques  seuls  pouvaient 
entrer  dans  le  sanctuaire.  Cette  disposition  des  églises 
est  formée  sur  le  modèle  des  chapelles  souterraines  des 
Catacombes  où  s'assemblaient  les  premiers  Chrétiens; 
ce  qui  doit  nous  rendre  nos  églises  bien  vénérables. 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu  I  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  voulu  choisir  une  demeure  parmi  les  hommes; 
faites-moi  la  grâce  de  venir  toujours  à  l'église  avec  un 
grand  sentiment  d'amour,  comme  un  enfant  qui  vient 
dans  la  maison  de  son  père. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'a- 
mour de  Dieu  ;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je 
prendrai  de  l'eau  bénite  avec  beaucoup  de  respect. 


DE   PERSÉVÉRANCE.  65 


nîî:3îî5îsm?3S 


IV^   LEÇON. 

LE    CHRISTIANISME   RENDU   SENSIBLE. 

Suite  de  la  description  de  nos  églises.  —  Flambeaux.  —  Chapelles 
latérales.  —  Peintures.—  Décorations. —  Cloche.  —  Son  baptême. 
—  Pourquoi  on  la  sonne  dans  les  orages.  —  Harmonie  des  clo- 
ches avec  nos  sentiments. 

Continuons  à  expliquer  les  souvenirs  des  Catacombes 
encore  vivants  dans  nos  églises.  Ne  pas  les  comprendre 
serait  tout  à  la  fois  un  malheur  et  une  honte  :  un  mal- 
heur, puisque  les  choses  les  plus  capables  de  pénétrer 
notre  âme  d'un  respect  religieux  et  d'afifermir  notre  foi, 
en  remettant  sous  nos  yeux  et  les  usages,  et  les  vertus, 
et  les  épreuves  de  nos  pères,  seraient  pour  nous  comme 
si  elles  n'étaient  pas.  Au  lieu  d'être  saisi  d'un  frémisse- 
ment religieux  en  franchissant  le  seuil  sacré,  nous  en- 
trerons dans  nos  églises  comme  dans  un  édifice  ordinaire. 
Une  honte.  Oui,  honte  à  l'enfant  qui  ne  comprend  ni 
les  détails,  ni  la  disposition  de  la  maison  paternelle  ; 
qui  ne  peut  ni  justifier  la  sagesse  de  ses  aïeux  dans  la 
distribution  de  l'édifice  qu'elle  lui  a  légué,  ni  rendre 
compte  des  usages  qu'elle  a  établis  et  qu'il  pratique 
lui-même  sans  savoir  pourquoi.  Que  dis-je?  Il  ne  les 
pratiquera  pas  longtemps  :  quand  un  livre  est  écrit 

dans  une  langue  inconnue,  on  le  laisse  à  d'autres,  ou 
T.  vu.  5 


66  CAIFCIIISMB 

bien  on  le  jelle  dans  un  coin  obscur,  abandonné  à  la 
poussière  et  aux  vers,  mais  on  n'y  louche  plus.  N'est-ce 
pas  une  des  raisons  pour  lesquelles  nos  églises  sont  de- 
venues désertes,  et  nos  cérémonies  un  spectacle  muet, 
insipide,  ridicule  peut-être  aux  yeux  de  plusieurs? 

Or,  après  avoir  parlé  dans  la  leçon  précédentes  de 
la  crypte,  de  l'aulel  et  de  la  balustrade,  il  nous  reste  à 
rendre  raison  des  flambeaux,  des  chapelles  latérales  et 
des  peintures  qui  décorent  nos  églises,  nouveaux  sou- 
venirs des  Catacombes. 

1°  Les  flambeaux.  Obligés  de  fuir  la  lumière  du  so- 
leil, nos  pères  y  suppléaient  dans  les  souterrains,  qui 
leur  servirent  si  longtemps  de  retraite  et  de  temple, 
par  des  lampes  et  Qes  flambeaux.  Ces  lampes  se  trou- 
vent par  milliers  dans  les  Catacombes.  Elles  s'y  ren- 
contrent placées  de  deux  manières  différentes,  qui  se 
rapportent  certainement  aussi  à  deux  intentions  dis- 
tinctes. Les  unes  sont  insérées  dans  de  petites  niches, 
ou  fixées  sur  des  espèces  de  petites  consoles  en  saillie 
le  long  des  corridors,  ou  bien  encore  suspendues  par 
une  chaîne  à  la  voûte  des  murs  des  chapelles.  Tout 
prouve  qu'elles  servaient  à  guider  la  marche  des  fidèles 
et  à  éclairer  les  cérémonies  religieuses  qui  se  prati- 
quaient dans  ces  souterrains.  Les  secondes  sont  atta- 
chées en  dehors  des  tombeaux  sur  lesquels  on  célébrait 
les  saints  mystères,  quelquefois  même  déposées  dans 
l'intérieur  des  sépulcres,  comme  un  symbole  d'immor- 
talité. Cette  intention  ne  saurait  être  révoquée  en 
doute,  puisqu'elle  est  dérivée  de  l'usage  suivi  dans  les 


DE    PERSÉVÉRANCE.  67 

funérailles  chrétiennes  '.  Cet  usage  des  lampes  s'est 
conservé  parmi  nous,  sous  une  autre  forme,  au  moyen 
des  cierges  allumés  dans  la  cérémonie  des  obsèques. 

Ces  lampes  de  la  première  et  de  la  seconde  classe 
sont  pour  la  plupart  de  terre  cuite,  quelques-unes  de 
bronze  ;  il  s'en  est  aussi  trouvé  d'argent,  ou  même 
d'aml)re.  Elles  ont  généralement  la  forme  de  barque, 
parce  que  chez  nos  pères  la  barque  était  un  des  sym- 
boles les  plus  populaires  de  l'Eglise.  Nous  n'en  citerons 
pour  exemple  qu'une  belle  lampe  trouvée  dans  les  Ca- 
tacombes. Elle  est  en  forme  de  barque  et  porte  deux 
personnages,  saint  Pierre  assis  au  timon,  et  saint  Pau/ 
debout,  à  la  proue,  prêchant  l'Evangile.  Le  plus  grand 
nombre  de  ces  lampes  sont  ornées  de  figures  symboli- 
ques :  des  palmes,  des  couronnes,  des  agneaux,  des  co- 
lombes, des  poissons,  des  candélabres.  Le  plus  souvent 
c'est  le  chiffre  de  Noire-Seigneur.  De  là  est  venu  l'usage 
de  graver  sur  les  pieds  de  nos  chandeliers  d'autel  les 
altriboits,  le  chiffre  ou  la  figure  de  Notre- Seigneur  et 
de  la  sainte  Trinité. 

La  vue  de  nos  cierges  nous  reporte  donc  à  dix-huit 
siècles,  au  temps  des  persécutions,  dans  le  berceau 
même  du  Christianisme.  Cette  vu(î  ne  dira-t-elle  rien 
à  notre  cœur?  Elle  nous  reporte  même  beaucoup  plus 
haut.  Car  l'usage  des  flambeaux,  des  candélabres, 
comme  partie  du  culte  divin,  remonte  au  temps  de  la 

'  Cet  usa^e  est  attesté  par  saint  Jérôme  :  Cum  alii  cereos  lam- 
padesque,  alii  choros  psallenlium  ducerent.  Voy.  Bottari,  tom.  3, 
p.  67  et  68. 


68  CATiêcniSME 

loi  mosaïque.  ITérilière  de  toutes  les  cérémonies  im- 
mortelles de  la  Synagogue,  aussi  bien  que  du  dogme  et 
de  la  morale  révélés  dès  l'origine  du  monde,  l'Eglise 
catholique  a  conservé  6  toutes  les  générations  l'his- 
toire toujours  présente  du  passé. 

Les  lampes  étaient  employées  non-seulement  pour 
dissiper  les  ténèbres,  mais  encore  pour  manifesfer  la 
joie  et  la  reconnaissance  des  bienfaits  de  Dieu.  C'était 
aussi  comme  figure  de  Notre-Seigneur,  la  vraie  lu- 
mière du  monde.  Nous  ne  célébrons  jamais  les  saints 
mystères,  dit  un  ancien,  sans  employer  les  flambeaux. 
Ce  n'est  pas  pour  dissiper  les  ténèbres  de  la  nuit,  puis- 
que nous  disons  la  messe  au  grand  jour,  mais  pour  fi- 
gurer celui  qui  est  la  lumière  incréée  sans  laquelle 
nous  tâtonnons  en  plein  midi  '. 

2°  Les  chapelles  latérales.  Voici  un  autre  souvenir 
des  Catacombes.  Nous  avons  vu  qu'au  fond  ou  pres- 
qu'au  fond  de  ces  souterrains  était  un  tombeau  de  mar- 
tyr servant  d'autel  pour  le  saint  sacrifice.  Les  parois 
latérales  des  grottes  sont  remplies  de  petites  niches  % 
contenant  le  corps  d'un  ou  de  plusieurs  martyrs.  Telle 
est  l'origine  certaine  et  la  forme  primitive  des  chapelles 
latérales  de  nos  églises  chrétiennes  :  elles  sont  comme 
autant  de  petites  niches  avec  la  voûte  cintrée  et  les 
reliques  de  leur  martyr.  Il  est  constant,  en  effet,  que 
la  distribution  de  ces  chapelles,  étrangères  au  plan  des 
temples  antiques,  n'a  pu  être  empruntée  qu'aux  Cata- 

1  Microlog.,  cil. 
*  Loculi. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  69 

combes,  alors  que  l'Eglise,  désormais  assurée  de  sa 
victoire,  transportait  dans  ses  temples  les  monuments 
de  ses  persécutions,  et  les  y  plaçait  de  manière  à  rap- 
peler, avec  la  forme  et  avec  la  disposition  primitive  de 
ces  monuments,  les  souvenirs  toujours  si  puissants  sur  la 
piété,  de  ces  temps  d'épreuves  et  de  misères  où.  les  ci- 
metières servaient  d'églises,  où  les  tombeaux  servaient 
d'autels,  et  où  le  sang  des  martyrs,  suivant  l'expression 
heureuse  et  consacrée  de  Tertullien,  devenait  la  se- 
mence de  nouveaux  chrétiens  K 

C'est  encore  pour  la  môme  raison  que  les  églises 
anciennes  sont  peu  éclairées.  En  même  temps  que  leur 
jour  sombre  favorise  le  recueillement,  il  rappelle  l'ob- 

'  La  nécessité  de  perpétuer  le  souvenir  des  Catacombes  a  été 
teUe,  que  les  architectes ,  plutôt  que  de  le  sacrifier,  ont  mieux 
aimé  déroger  aux  règles  de  leur  art  dans  la  construction  de  nos 
églises.  Un  inconvénient  pour  l'architecture,  dit  M.  Raoul  Rochette, 
c'est  la  multiplication  des  petites  chapelles  latérales  au  sein  des 
églises  chrétiennes,  en  raison  des  confessions  particulières  ou  mé- 
moires des  martyrs  dont  le  culte  s'associait  à  celui  du  Saint  prin- 
cipal ou  patron.  Cet  usage,  né  avec  l'Eglise  elle-même  dans  le  sein 
des  Catacombes,  eut  sur  la  disposition  générale  des  basiliques 
chrétiennes  une  influence  plus  décisive  qu'aucune  des  circon- 
stances puisées  dans  le  génie  même  du  culte.  Pour  tant  de  me'- 
moires  de  martyrs,  dont  le  nombre  s'accrut  insensiblement  hors 
de  toute  mesure,  de  toute  proportion  dans  le  même  temple,  il  fal- 
lut nécessairement  ouvrir  dans  les  nefs  latérales  des  chapelles  par- 
ticulières, qui  devinrent  autant  de  monuments  indépendants  au 
sein  du  monument  principal,  et,  si  ou  peut  le  dire,  autant  de  ba- 
siliques construites  dans  les  basiliques.  11  en  résulta  dans  les  plans, 
ainsi  que  dans  les  élévations,  une  interruption  fréquente  de  ces 
lignes  droites  qui  ne  sont  pas  seulement  le  principal  mérite  des 
œuvres  de  l'architecture,  mais  encore  le  principal  clément  des  ira- 
pressions  de  grandeur  qu'elles  produisent.  Tableau  des  Catac, 
p.9l.  • 


70  CATÉCHISME 

scurilé  mystérieuse  des  Catacombes.  Et  maintenant, 
quand  nous  serons  dans  nos  églises,  toute  cette  en- 
ceinte de  tombeaux,  tous  ces  martyrs  qui  nous  envi- 
ronnent, ne  diront-ils  rien  à  notre  cœur?  L'église 
pourra-t-elle  encore  n'être  pour  nous  qu'un  lieu  pro- 
fane, indifTérent,  muet? 

3'^  Les  peintures.  Les  tableaux,  les  images  sont  des 
livres  éloquents.  Tout  ce  que  nous  voyons  de  nos  yeux 
fait  sur  nous  une  impression  plus  vive  que  les  paroles. 
C'est  l'expérience  de  tous  les  siècles  et  de  tous  les  pays. 
Aussi  les  premiers  Chrétiens  s'empressèrent-ils  de  pein- 
dre les  sujets  appropriés  à  leur  pénible  situation.  L'An- 
cien et  le  Nouveau  Testament,  les  combats  de  leurs 
frères  morts  pour  la  foi,  furent  une  mine  féconde  dont 
ils  tirèrent  tout  le  parti  qu'on  pouvait  attendre  d'hom- 
mes pauvres  et  ensevelis  dans  des  souterrains  obscurs. 
Mais  quand  on  pense  à  la  main  qui  les  traça,  aux  lieux, 
aux  circonstances  où  elles  furent  exécutées,  que  ces 
premières  ébauches  de  l'art  chrétien  sont  vénéra- 
bles ! 

Voici  les  principaux  sujets  qu'on  trouve  encore  sur 
les  parvis  de  nos  églises  souterraines.  Dans  l'Ancien 
Testament  c'est  l'histoire  de  Jonas  ;  Moïse  touchant 
de  sa  verge  le  rocher  d'Horeb  ;  le  même  législateur 
recevant  les  tables  de  la  loi  ;  Noè  dans  l'Arche  ;  le  sa- 
crifice à' Abraham;  Adam  et  Eve;  les  trois  Enfants 
dans  la  fournaise  ;  Daniel  dans  la  fosse  aux  lions  ;  Elie 
emporté  dans  le  Ciel  ;  David  avec  la  fronde  en  main  ; 
Job  assis  à  terre  ;  Tobie  avec  le  poisson.  De  tous  ces 


DE    PERSÉVÉRANCE.  71 

sujets  celui  de  Jonas  est  le  plus  fréquemment  répété. 
C'est  donc  celui  qui  semble  avoir  eu  pour  nos  pères  le 
plus  d'intérêt,  sans  doute  parce  qu'il  présentait  l'image 
sensible  de  la  résurrection  sous  une  forme  où  le  mer- 
veilleux se  trouvait  empreint  au  plus  haut  degré. 

Dans  le  Nouveau  Testament  :  le  Sauveur  sur  les  ge- 
noux de  la  sainte  Vierge  recevant  les  présents  des  trois 
Mages  ;  assis  au  milieu  des  docteurs  ;  assis  au  milieu 
de  ses  disciples,  ou  avec  les  douze  Apôtres,  ou  entre 
saint  Pierre  et  saint  Paul  ;  multipliant  les  pains  ;  gué- 
rissant le  paralytique  ;  rendant  la  vue  à  l'aveugle  ;  res- 
suscitant Lazare  ;  en  Bon  Pasteur.  Les  sujets  de  ces 
peintures  donnent  lieu  à  une  conséquence  certainement 
bien  remarquable. 

Les  Catacombes  destinées  à  la  sépulture  des  premiers 
Chrétiens,  longtemps  peuplées  de  martyrs,  ornées   à 
des  époques  de  persécution,  et  sous  l'empire  d'idées 
tristes  et  de  devoirs  pénibles,  n'offrent  cependant  de 
toutes  parts  que  des  traits  héroïques,  dans  tout  ce  qui 
forme  la  partie  historique  de  ces  peintures.  Ce  sont 
les  patriarches  et  les  prophètes,  Abraham,  Moïse,  Jo- 
nas, David,  qui  en  sont  les  héros,  en  même  temps  que 
leurs  images  servent  d'exemple  aux  martyrs  et  de  con- 
solation aux  opprimés.  En  sorte  qu'aucun  trait,  aucun 
personnage  tiré  du  domaine  de  la  triste  réalité  et  du 
temps  présent,  ne  venait  distraire  les  fidèles  de  l'ac- 
complissement de  leurs  devoirs  pieux  ;  et  qu'à  la  veille 
comme  au  lendemain  de  persécutions  sans  cesse  renais- 
antes,  ils  ne  s'encourageaient  à  persévérer  dans  la  foi 


72  CATÉCHISME 

qu'à  la  vue  de  Daniel  exposé  aux  lions,  ou  des  trois 
Enfants  dans  la  fournaise,  et  non  à  l'aspect  des  Chré- 
tiens livrés  comme  eux  ajix  feux  du  bûcher  ou  aux 
animaux  du  cirque . 

La  partie  décorative  de  ces  peintures  n'est  pas 
moins  remarquable  dans  tout  ce  qui  la  constitue.  Rien 
que  des  sujets  aimables  et  gracieux,  des  images  du 
Bon  Pasteur,  des  représentations  de  vendanges,  des 
scènes  pastorales,  des  agapes,  des  figures  de  chrétiens 
en  prières,  des  palmes,  des  couronnes,  des  agneaux, 
des  cerfs,  des  colombes,  en  un  mot,  rien  que  des  motifs 
de  joie,  d'innocence  et  de  charité*. 

Telles  sont  les  peintures  des  Catacombes,  peintures 
généralement  si  pures,  si  aimables  dans  leur  objet  et 
dans  leur  intention,  où  il  semble  que  l'Evangile  ne  dut 
jamais  rencontrer  d'ennemis  et  d'adversaires,  quand  il 
s'y  montre  si  indulgent  et  si  humain,  où  le  martyre 
ne  se  reconnaît  qu'à  la  prière,  où  le  Christianisme  en- 
fin ne  se  révèle  que  par  des  symboles  de  paix,  d'inno- 
cence et  de  charité. 

Dans  les  âges  suivants,  lorsque  les  martyrs  appar- 
tinrent à  l'histoire,  leurs  combats  et  leurs  triomphes 
devinrent  le  sujet  ordinaire  de  nos  peintures  sacrées. 
11  en  fat  de  même  des  actions  mémorables  de  tous  ces 
martyrs  de  la  paix,  c'est-à-dire  de  tous  ces  saints  dont 
la  vie,  consacrée  à  la  pénitence,  au  bien  de  leurs  frères 
à  la  propagation  de  l'Evangile,  fut  un  long  crucifiement 
de  la  chair  et  de  ses  convoitises.  Tels  sont  les  modèles 

*  Tableau  des  Catacomb.,  p    185. 


DE   PERSEVERANCE.  73 

que  l'Eglise  expose  aujourd'hui  au  respect  et  à  l'imi- 
talion  de  ses  enfants  ;  cet  usage  remonte  à  la  plus  haute 
antiquité'. 

Si  nous  avons  admiré  le  génie  du  Christianisme  dans 
les  peintures  des  Catacombes,  les  peintures  de  nos 
églises  nous  offrent  un  autre  sujet  de  l'admirer  encore. 
En  plaçant  dans  l'enceinte  sacrée  les  tableaux  des 
saints,  l'Eglise  catholique  rappelle  à  ses  enfants  la 
communion  sublime  et  touchante  qui  existe  entre  eux 
et  les  bienheureux  habitants  de  la  Jérusalem  d'en  haut; 
elle  nous  montre  les  saints  comme  présents  aux  prières 
de  la  terre  ;  elle  les  établit  les  premiers  protecteurs  des 
peuples  qu'ils  ont  édifiés  par  leurs  vertus  ;  elle  les  con- 
sidère comme  toujours  intéressés  à  l'accroissement  de 
la  justice  et  de  la  paix  parmi  les  hommes. 

Jusqu'à  l'Evangile,  chaque  peuple  avait  réservé  ses 
hommages  aux  héros  de  la  patrie  ;  dans  le  culte  catholi- 
que, le  vrai  juste  est  honoré  en  même  temps  de  toutes  les 
nations;  sur  nos  autels,  la  vertu  n'a  plus  qu'une  seule  pa- 
trie; elle  y  est  indépendante  des  lois,  des  mœurs,  des  usa- 
ges; toutes  les  distinctions  de  nation,  de  fortune, de  nais- 
sance, de  talents'Sont  oubliées;  l'anachorète  de  la  Thé- 
baïde,  le  pontife  romain,  l'empereur  et  le  simple  berger, 
le  vieillard  de  cent  ans  et  la  jeune  vierge  à  peine  ado- 
lescente s'y  trouvent  sur  le  même  rang  ;  tous  les  âges, 
tous  les  pays,  toutes  les  conditions  y  sont  représentés, 

'  Grég.  Nyss.,  Ornt.  de  Laudib.  S.  Théodor.,  cl  Paulin.  Nol. 
Natal,  r  de  Ornât,  eccl.;  Greg.,  lil).  9,  episl.  9,  et  Greg.  Nanz., 
'•pist.  49. 


74  CATéCHlSMB 

et  dans  cette  galerie  de  famille,  la  vertu  est  ce  qu'elle 
doit  être,  le  patrimoine  de  l'univers,  et  l'exemple  du 
juste  devient  proGlable  à  tout  le  genre  humain. 

Ce  n'est  pas  seulement  par  la  réunion  de  tous  ces 
saints  que  l'Eglise  nous  dit  :  Je  suis  catholique,  à  moi 
appartiennent  les  vraies  vertus  de  tous  les  âges;  car 
c*est  moi  qui  les  inspirai;  c'est  encore  par  l'ensemble 
des  ornements  qu'elle  emploie  à  la  décoration  de  ses 
temples. 

Je  suis  catholique,  voilà  ce  qu'elle  nous  dit  encore 
par  toutes  les  créatures  inanimées,  ces  ceps,  ces  feuilles 
de  vignes,  ces  épis  de  blé,  ces  fruits,  ces  arbres,  ces 
fleurs  de  toute  espèce  qui  ornent  les  murailles  du  tem- 
ple saint  ;  toutes  les  parties  de  la  création  s'y  sont  donné 
rendez- vous  pour  louer  Dieu  à  leur  manière,  et  c'est  la 
main  puissante  de  l'Eglise  catholique  qui  les  a  réunies. 

Je  suis  catholique  :  voilà  ce  que  l'Eglise  continue  de 
nous  redire  par  cette  variété  de  figures  étranges  de 
divinités  païennes  qu'elle  place  dans  la  construction  de 
nos  anciennes  basiliques.  Partout  les  dieux  païens  pa» 
raissent  en  vaincus;  ici  ils  soutiennent  sur  leurs  épaules 
affaissées  de  lourdes  masses;  là  ils  servent  de  con- 
duits à  la  pluie.  Le  Christianisme  se  montre  ici  en 
vainqueur  qui  traîne  à  son  char  ses  ennemis  vaincus, 
et  qui  perpétue  de  génération  en  génération  le  sou- 
venir de  son  triomphe.  Après  avoir  inondé  la  terre  du 
sang  chrétien,  Dioclétien  et  Maximien  avaient,  il  y  a 
quinze  cents  ans,  élevé  deux  colonnes  de  marbre  pour 
perpétuer  le  prétendu  triomphe  du  Paganisme  sur  I9 


DE   PERSÉVÉRANCE.  75 

Christianisme.  Dioclélien  et  Maximien  ne  sont  plus; 
leurs  colonnes  sont  tombées;  le  Christianisme  est  de- 
bout; les  dieux  païens  lui  servent  de  marchepied,  et  les 
temples  monuments  de  sa  victoire  ont  déjà  plus  de  du- 
rée que  l'empire  des  Césars. 

Je  suis  catholique  ;  je  suis  immortelle  ;  à  moi  l'em- 
pire des  siècles,  le  monopole  des  vraies  vertus;  à  moi 
la  victoire  sur  le  Paganisme  :  voilà  ce  que  nous  dit  l'E- 
glise par  les  peintures  et  les  ornements  de  ses  temples. 
Toutes  ces  pierres  si  délicatement  travaillées,  toutes 
ces  dentelles  de  marbre,  toutes  ces  fines  découpures, 
tous  ces  vitraux  où  la  perfection  de  l'art  le  dispute  à 
la  variété  des  sujets,  à  la  richesse,  à  la  solidité,  au 
moelleux  des  couleurs  ;  toutesces gracieuses  colonnettes, 
toutes  ces  aiguilles  qui  s'élancent  vers  le  ciel,  tous  ces 
innombrables  chefs-d'œuvre  où  la  patience,  la  foi,  le 
génie  de  l'adoration,  de  la  prière  et  de  l'amour  semble 
dire  à  Dieu  :  J'ai  fait  ce  que  3  ai  pu  pour  vous  hono- 
rer; si  je  n'ai  pas  mieux  fait,  ce  n'est  pas  ma  faute  : 
toutes  ces  choses,  dites-moi,  ne  pourront-elles  porter 
dans  votre  esprit  une  pensée  de  foi,  dans  votre  cœur 
un  sentiment  d'amour  et  d'admiration?  Ah!  s'il  en  est 
ainsi,  je  n'ai  pins  rien  à  vous  dire  ;  je  me  contente  de 
vous  plaindre,  de  vous  plaindre  comme  on  plaint  un 
aveugle,  un  sourd,  un  paralytique,  un  mort. 

Quittons  l'église  pour  un  instant,  car  bientôt  d'au- 
gustes cérémonies  vont  nous  y  rappeler,  et  parlons  de 
la  cloche  et  du  cimetière. 

L'usage  des  cloches  est  fort  ancien  [dans  l'Eglise;  il 


76  CATÉCHISME 

remonte  certainement  au  delà  du  viiie  siècle.  Quel  est 
l'inventeur  des  cloches?  Plusieurs  prétendent  que  c'est 
le  pape  Sabinien,  successeur  de  saint  Grégoire  le  G  rand  ' . 
On  croit  que  les  premières  cloches  ont  été  fondues  dans  la 
Campanie,  province  d'Italie  :  de  là  le  nom  de  campanœ, 
qui  leur  fut  donné  pour  distinguer  ces  grandes  cloches 
des  sonnettes  connues  depuis  longtemps-.  Pendant  leS 
trois  premiers  siècles,  les  Chrétiens,  obligés  de  se  ca- 
cher pour  fuir  la  persécution,  n'avaient  aucun  signal 
public  pour  s'appeler  aux  saints  offlces  ;  il  est  probable 
qu'ils  s'avertissaient  mutuellement  en  secret,  ou  qu'on 
annonçait  publiquement  dans  les  assemblées  le  jour  et 
l'heure  de  la  réunion  suivante.  Lorsque  la  paix  fut 
donnée  à  l'Eglise,  sous  Constantin,  et  qu'on  eut  con- 


'  Polyd.  Virg.,  lib.  de  Inventorib.  reruin.  Id.  Onuphr.,  Epit. 
summ.  pontif. 

*  Cloche  vient  de  l'aUemand  cloche  ou  glocke.  Ce  mot  semble 
exprimer  le  son  de  l'instrument.  Les  sonnettes  ne  servaient  point 
à  appeler  le  peuple  à  la  prière.  A  ce  propos,  le  grave  cardinal  Bona 
rapporte,  d'après  Strabon,  une  plaisante  anecdote.  Un  joueur  de 
luth  arriva  dans  une  île  de  la  Grèce  pour  y  faire  preuve  de  son 
talent.  Tout  le  peuple  se  rassemble  autour  de  l'artiste  ambulant  et 
se  prépare  à  l'écouter;  mais  à  peine  at-il  tiré  quelques  sons  de 
son  instrument,  qu'on  entend  le  bruit  d'une  clochette,  et  toute  la 
foule  de  se  sauver  à  toutes  jambes.  Au  pauvre  musicien  il  ne  resta 
qu'un  auditeur  dont  l'oreille  était  un  peu  dure.  «  Je  vous  félicite 
et  vous  remercie,  lui  dit  l'artiste,  d'être  resté  seul  pour  m'écou- 
ter  ;  mais  pourquoi,  dans  votre  pays,  se  sauve-t-on  lorsqu'on  entend 
le  bruit  d'une  clochette?  —  La  clochette  a  donc  sonné .^  reprit  le 
second.  —  Oui.  —  J'ai  bien  l'honneur  de  vous  saluer  ;  »  et  il  se  mit 
à  courir  de  toutes  ses  forces.,  en  criant  au  musicien  désappointé  : 
«  C'est  le  marché  du  poisson  *.  » 

*  Rer.  liturg.,  lib    1,  e.  22,  p.  192. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  77 

struit  de  vastes  basiliques,  il  y  eut  sans  contredit  un  si- 
gnal public  pour  convoquer  les  Chrétiens.  On  croit  que 
c'était  le  retentissement  de  planches  fort  minces  frap- 
pées avec  des  maillets,  ou  bien  d'énormes  crécelles 
de  bois,  plus  fortes  que  celles  dont  on  se  sert  encore  à 
présent  les  trois  derniers  jours  de  la  semaine  sainte. 

Dans  certains  monastères,  on  se  servait  de  trompettes  ; 
dans  d'autres,  c'était  en  chantant  VÂllehiia  qu'on  s'in- 
vitait à  l'office  *  ;  enfin  l'usage  des  cloches  devint  gé- 
néral en  Occident,  Il  passa  insensiblement  à  l'Eglise 
orientale.  Aussitôt  que  les  cloches  furent  inventées,  il 
fallut  leur  bâtir  des  tours  élevées,  afin  que  leur  son 
fût  entendu  de  plus  loin.  On  plaça  sur  la  plupart  de 
ces  tours  une  pyramide  surmontée  d'un  globe  au- 
dessus  duquel  on  arbora  la  croix;  sur  la  croix  on  mit 
un  coq,  emblème  populaire  qui  indique  l'usage  des 
cloches  dans  l'Eglise.  Aux  pasteurs,  il  rappelle  la  vigi- 
lance; aux  fidèles  le  zèle  pour  la  prière,  l'ardeur  pour 
le  travail-,  de  même  que  la  croix  placée  sur  le  globe  de 
la  pyramide  annonce  au  ciel  et  à  la  terre  la  victoire  de 
Jésus-Christ  sur  le  monde. 

Comme  tout  ce  qui  sert  à  son  culte ,  l'Eglise  bénit 
îa  cloche.  Cette  bénédiction  s'appelle  baptême.  Ce  n'est 
pas  qu'elle  croie  la  cloche  susceptible  d'une  vertu  inté- 
rieure et  d'une  véritable  sainteté  ;  mais  son  intention 

'  Durantus,  de  Ritib.  Eccl.  cathol.,  lib.  1,  c.  21.    . 
*Bona,i?er.  liturg.,  lib.  1,  c.  22. 

'  lustantis  quod  signa  canens,  det  Gallus  Eoi, 
Et  revocet  famulas,  ad  nova  pensa  nianus. 

Alciatus,  in  Emblemate- 


78  CATÉCHISME 

est  de  la  retirer  de  l'ordre  des  choses  communes,  et 
d'annoncer  qu'étant  une  fois  consacrée  au  service  du 
Seigneur,  elle  ne  peut  plus  être  employée  à  d'autres 
sans  une  espèce  de  profanation  ;  elle  veut  encore  rendre 
mystérieux  et  saint  l'instrument  et  le  son  qui  doit  con- 
voquer les  Chrétiens  à  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  saint 
sous  le  ciel,  la  parole  de  Dieu,  les  offices,  l'assistance 
et  la  participation  à  nos  augustes  mystères. 

La  cloche  est  la  trompette  de  l'Eglise  militante';  elle 
doit  sonner  pour  toutes  les  circonstances  remarquables  de 
la  vie  :  de  là  cette  variété  de  prières  et  de  cérémonies  par 
lesquelles  on  la  bénit.  Elle  doit  sonner  au  baptême,  et  on 
la  purifie  avec  de  l'eau  bénite  ;  elle  doit  sonner  les  com- 
bats de  notre  vie  depuis  le  jour  oîi  nous  entrons  dans  la 
lice  sacrée  par  la  confirmation,  jusqu'à  celui  que  nous 
rendrons  sur  notre  lit  de  mort  :  voilà  pourquoi  on  lui  fait 
des  onctions  réitérées  avec  le  saint  chrême  et  l'huile 
des  infirmes;  elle  doit  sonner  l'auguste  sacrifice,  voilà 
pourquoi  on  la  parfume  d'encens;  elle  doit  nous  rap- 
peler sans  cesse  Jésus  crucifié  auteur  et  consomma- 
teur de  notre  foi  :  voilà  pourquoi  on  répète  si  souvent, 
durant  la  cérémonie,  le  signe  sacré  de  la  croix.  On 
donne  à  la  cloche  le  nom  d'un  saint  ou  d'une  sainte  : 
cette  idée  est  pleine  de  charmes.  Nos  pères  ont  cru  que 
la  piété  serait  plus  active,  plus  joyeuse,  plus  fidèle,  si 
on  supposait  que  c'est  un  saint  ou  une  sainte  qui  nous 
appelle  à  l'église  ^ 

•  CoDcil.  Colon.,  c.  14. 

*  Bons,  id. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  7§ 

Lorsque  la  cloche  est  bénile,  le  prêtre  ou  l'évêque,  le 
parrain  et  la  marraine  la  sonnent  doucement  par  trois 
fois  comme  pour  lui  donner  sa  mission.  On  couvre  la 
cloche  d'un  linge  blanc  jusqu'à  ce  qu'on  la  monte  au 
clocher,  à  cause  du  respect  qu'on  doit  au  saint  chrême  ; 
et  l'officiant  ayant  fait  sur  elle  le  signe  de  la  croix,  se 
retire  à  la  sacristie. 

Dans  une  des  prières  de  la  bénédiction  le  prêtre  dit  : 
«ODieu!  qui,  par  Moïse,  votre  serviteur,  avez  com- 
mandé de  faire  des  trompettes  d'argent,  afin  que  par  la 
douceur  de  leur  son  le  peuple  fût  averti  d'aller  au  sacrifice 
et  de  se  préparer  à  vous  prier,  faites  que  ce  vase  qu'on 
destine  à  votre  église  soit  sanctifié  par  votre  Saint-Es- 
prit ,  afin  qu'étant  frappé  et  rendant  un  son  mélo- 
dieux et  agréable  à  l'oreille  de  vos  peuples,  leur  foi  et 
leur  ferveur  s'augmentent  de  jour  en  jour  ;  que  les  em- 
bûches de  leurs  ennemis,  le  bruit  des  grêles,  les  orages^ 
les  tourbillons  et  la  violence  des  tempêtes  soient  dissi- 
pés; que  les  fâcheux  effets  du  tonnerre  soieitt  détournés; 
retenez  par  votre  main  toute-puissante  les  ennemis  de 
notre  salut,  et  faites  qu'en  entendant  cette  cloche,  ils 
tremblent  à  la  vue  de  la  croix  de  Jésus-Christ,  au  nom  de 
qui  tout  genou  fléchit  au  ciel,  sur  la  terre  et  dans  les 
enfers.  » 

On  s'est  beaucoup  moqué  de  la  simplicité  de  nos 
aïeux,  qui  sonnaient  les  cloches  pour  détourner  les  ora- 
ges. Sonner  la  cloche,  dit-on  doctement,  c'est  ébranler 
la  colonne  d'air,  c'est  appeler  la  foudre.  Oui,  vous  rai- 
sonnez juste,  vous  qui  ne  voyez  dans  le  son  de  la  cloche 


80  CATÉCHISME 

qu'un  son  matériel  ;  mais  si  vous  y  voyiez  ce  que  nos 
pères  y  voyaient,  ce  que  l'Eglise  catholique,  qui  en  sait 
plus  que  vous,  y  voit  elle-même ,  une  prière,  un  cri 
d'alarme,  une  supplication  pressante  adressée  au  maître 
du  tonnerre,  vous  deviendriez  peut-être  plus  réservés. 
Or,  le  son  de  la  cloche  était  une  prière  vocale  :  la 
bénédiction  de  l'Eglise  citée  plus  haut  vous  l'indique. 
Si  vous  vous  en  moquez,  vous  moquerez-vous  aussi  de 
Dieu  lui-même?  Ne  dit-il  pas  en  propres  termes  que  le 
bruit  des  instruments,  le  son  des  grandes  voix,  l'éclat 
des  trompettes  excitent  sa  miséricorde?  Vous  sonnerez 
de  ia  trompette,  iwus  pousserez  de  grands  cris,  et  votre 
souvenir  viendra  en  laprêsence  du  Seigneur  votre  Dieu, 
et  vous  serez  délivrés  des  mains  de  vos  ennemis  '. 

Si  le  progrès  des  sciences  vous  permet  de  détourner 
la  foudre  sans  recourir  à  la  prière ,  rendez-en  gloire 
au  Dieu  des  sciences  qui  vous  a  fait  retrouver  une  partie 
de  l'empire  du  premier  homme  sur  les  créatures,  mais 
ne  vous  maquez  pas  de  vos  aïeux,  qui  recouraient  à  la 
prière  pour  atteindre  le  même  but. 

Que  dire  de  toutes  les  impressions  que  produit  le  son 
de  la  cloche  sur  l'homme  et  sur  le  Chrétien?  ce  son  a 
une  foule  de  relations  secrètes  avec  vous.  Combien  de 
fois,  dans  le  calme  des  nuits,  les  tintements  d'une  ago- 
nie, semblables  aux  lentes  pulsations  d'un  cœur  expi- 
rant, n'ont-ils  pas  effrayé  le  coupable  qui  veillait  pour 
le  crime?  Des  sentiments  plus  doux  s'attachent  aussi  au 
bruit  des  cloches.  Lorsque  avant  le  chant  de  l'alouette, 

•  Nuni.,  X.  Durandus,  lib.  J,  c.  22,  n.  4. 


DE   PERSÉVÉRANCE.  81 

on  entend,  au  lever  de  l'aurore,  les  petites  sonneries  de 
nos  hameaux,  on  dirait  que  Tange  des  moissons,  pour 
réveiller  les  laboureurs,  soupire,  sur  quelque  instru- 
ment des  Hébreux,  l'histoire  de  Séphora  ou  de  Noémi. 
Les  carillons  des  cloches,  au  milieu  de  nos  fêtes,  sem- 
blent augmenter  l'allégresse  publique  ;  dans  les  cala- 
mités, au  contraire,  ces  mêmes  bruits  deviennent  terri- 
bles. Les  cheveux  se  dressent  encore  sur  la  tête  au 
souvenir  de  ces  jours  de  meurtre  et  de  feu,  retentis- 
sant des  clameurs  du  tocsin.  Tous  les  sentiments  que 
fait  naître  la  sonnerie  de  nos  temples  sont  d'autant  plus 
beaux  qu'il  s'y  mêle  un  souvenir  du  ciel,  un  souvenir 
de  charité  et  de  religion.  Depuis  la  clochette  qu'un 
homme  agitait  dans  les  rues  de  nos  villes,  pendant  la 
nuit  qui  précédait  nos  fêtes,  en  répétant  ces  paroles  : 
«  Éveillez-vous,  gens  qui  dormez,  priez  pour  les  tré- 
passés ,  »  jusqu'à  la  cloche  du  hameau  solitaire  qui 
sonne  le  couvre-feu  pour  avertir  le  voyageur  égaré 
dans  les  montagnes  et  les  forêts  d'alentour  ;  jusqu'à 
celle  qu'on  sonne  la  nuit  dans  certains  ports  de  mer 
pour  diriger  le  pilote  à  travers  les  écueils  ;  toutes  les 
cloches  se  marient  avec  notre  situation  présente,  et 
portent  tour  à  tour  dans  notre  âme  la  tristesse,  la 
joie,  l'espérance,  la  frayeur  religieuse.  D'où  vient  ce 
mystère?  c'est  que  les  cloches  sont  essentiellement 
religieuses.  Si  elles  étaient  attachées  à  tout  autre  mo- 
nument qu'à  nos  églises,  elles  perdraient  leur  sym- 
pathie morale  avec  nos  cœurs  *. 

*  Imit.  de  Chateaubriand,  Gén,  du  Christ.,  iv®  part. 

T.  VU.  6 


CATECHISME 


PRIERE. 


O  mon  Dieu  !  qui  éles  loul  amour,  je  vous  remercié 
d'avoir  conservé  dans  nos  églises  lanl  de  souvenirs  si 
propres  à  exciler  notre  piété  en  affermissant  notre  foi. 
Faites-nous  la  grâce  de  ne  plus  être  sourd  à  toutes  ces 
voix  qui  prêchent  la  vertu  et  votre  amour. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amour, /entrerai 
dans  l'église  avec  le  plus  profond  respect. 


PETIT  CATECHISME. 

LE   CHRISTIANISME   RENDU    SENSIBLE. 

Q.  Est-il  convenable  de  pouvoir  se  rendre  compte  des 
choses  qui  sont  dans  nos  églises? 

R.  Oui,  il  est  convenable  de  pouvoir  se  rendre  compte 
des  choses  qui  sont  dans  nos  églises  ;  si  on  ne  les  com- 
prend pas,  on  sera  à  l'éghse  comme  dans  un  lieu  pro- 
fane. Les  souvenirs  les  plus  propres  à  exciter  notre  piété 
seront  perdus  pour  nous.  La  crypte  et  l'autel  nous  rap- 
pellent les  Catacombes  et  les  premiers  Chrétiens.  Les 
cierges  allumés  sont  un  autre  souvenir  bien  pré- 
cieux ;  ils  nous  rappellent  et  le  chandelier  d'or  et  les 
lampes  d'or  du  temple  de  Jérusalem ,  mais  surtout  ils 
nous  reportent  aux  jours  de  l'Eglise  naissante. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  83 

Q.  Comment  cela  ? 

R.  Nos  pères,  obligés  de^se  cacher  dans  les  souter- 
rains des  Catacombes  pour  célébrer  les  saints  mystères, 
n'étaient  éclairés  que  par  des  lampes;  ils  les  atta- 
chaient aux  murs  de  la  grotte,  les  suspendaient  à  la 
voûte,  les  plaçaient  sur  les  tombeaux  des  martyrs.  Voilà 
ce  que  nous  rappellent  la  lampe,  les  chandeliers  et  les 
lustres  de  nos  églises.  Puissent-ils  aussi,  en  nous  rappe- 
lant la  vie  de  nos  pères,  nous  faire  imiter  leur  patience, 
leur  sainteté  et  leur  charité.  Les  cierges  représentent 
encore  notre  Seigneur  Jésus-Christ,  la  vraie  lumière  du 
inonde. 

Q.  Quel  autre  souvenir  des  Catacombes  trouvez- 
vous  encore  dans  nos  églises  ? 

R.  Un  autre  souvenir  des  Catacombes  que  je  trouve 
dans  nos  églises,  ce  sont  les  chapelles  latérales.  Dans 
les  grottes  des  Catacombes  on  voit  sur  les  côtés  un 
grand  nombre  de  petites  niches  renfermant  le  corps 
d'un  ou  de  plusieurs  martyrs  ;  dans  le  fond  de  la  grotte 
est  le  tombeau  du  martyr  principal,  servant  d'autel  : 
c'est  le  souvenir  que  l'Eglise  a  voulu  perpétuer  par  l'é- 
tablissement des  chapelles  latérales  de  nos  églises.  Il 
est  encore  un  autre  souvenir  non  moins  précieux. 

Q.  Quel  est-il? 

R.  Ce  sont  les  peintures  qui  décorent  nos  églises. 
Les  grottes  des  Catacombes  où  les  premiers  Chrétiens 
célébraient  les  saints  mystères,  sont  couvertes  de  pein- 
tures appropriées  à  leur  situation.  Voici  quelques-uns 
des  sujets  qu'elles  représentent  :  Daniel  dans  la  fosse 


84  CATÉCHISME 

aux  lions;  Jonas  englouti  par  un  poisson,  et  vomi  en- 
suite sur  le  rivage  ;  Noire-Seigneur  guérissant  le  para- 
lytique, ressuscitant  un  mort  ;  et  enfin  sous  la  figure  du 
bon  Pasteur. 

Q.  Que  remarquez-vous  sur  ces  peintures? 
R.  Je  remarque  sur  ces  peintures  que  les  sujets  sont 
tous  propres  à  entretenir  dans  l'âme  la  confiance  et  la 
charité  :  on  n'en  trouve  pas  un  qui  ressente  la  haine 
ou  la  vengeance.  Nos  pères  étaient  sans  fiel  pour  les 
persécuteurs.  Dans  la  suite  on  peignit  les  combats  des 
martyrs,  les  actions  mémorables  des  Saints  de  tous  les 
états  et  de  tous  les  pays.  L'Eglise  a  voulu  par  ces  ta- 
bleaux :  1»  nous  instruire  ;  2°  nous  rappeler  que  tous 
les  Saints  sont  ses  enfants. Les  divers  ornements  qu'elle 
emploie  dans  ses  temples  nous  montrent  toutes  les 
créatures  servant  à  la  gloire  de  Dieu,  et  nous  rappellent 
à  nous-mêmes  que  nous  ne  devons  vivre  que  pour  lui. 
Q.  Quelle  est  l'origine  des  cloches? 
/{.L'origine  des  cloches  est  très-ancienne.  L'Eglise, 
les  faisant  servir  au  culte  divin,  les  bénit  :  cette  béné- 
diction s'appelle  baptême.  On  donne  à  la  cloche  un 
nom  de  saint,  afin  que  nous  l'écoutions  avec  plus  de 
respect,  et  que  nous  soyons  plus  fidèles  à  nous  rendre 
à  l'église  quand  elle  nous  y  appelle.  Toutes  les  céré- 
monies qui  accompagnent  la  bénédiction  des  cloches 
nous  prêchent  la  sainteté  qui  doit,  briller  dans  toute 
notre  conduite. 


DE   PERSÉVÉRANCE.  85 


PRIERE. 


0  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour.  Je  vous  remercie 
d'avoir  conservé  dans  nos  églises  tant  de  souvenirs  si 
propres  à  exciter  notre  piété  en  affermissant  notre  foi. 
Faites-nous  la  grâce  de  ne  plus  être  sourds  à  toutes 
ces  voix  qui  prêchent  la  vertu  et  votre  amour. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  j'entrerai 
dans  l'église  avec  le  plus  profond  respect. 


86 


CATECHISME 


V^   LEÇON. 

LE  CHRISTIANISME   RENDU    SENSIBLE. 

Des  bénédictions  en  général.  —  Principes  sur  lesquels  elles  repo- 
sent—  Enseignement  qu'elles  nous  donnent.  —  Leur  antiquité. 
—  Leurs  effets. —  Ceux  qui  ont  le  pouvoir  de  bénir.  —  Cimetière. 
— Cimetières  en  Suisse.—  Cimetières  près  des  églises,  sentiments 
qu'ils  inspirent.  —  Bénédiction  du  cimetière. 

Puisque  nous  venons  de  rapporter  la  bénédiction  de 
la  cloche,  et  que  nous  allons  bientôt  expliquer  celle  du 
cimetière,  c'est  ici  le  lieu  de  parler  des  bénédictions  en 
général. 

Pour  comprendre  quelque  chose  aux  bénédictions  de 
l'Eglise,  il  faut  se  rappeler  plusieurs  vérités  certaines. 
l<*Les  créatures,  étant  l'image  d'un  Dieu  bon,  sont  sor- 
ties bonnes  de  ses  mains  ;  c'est-à-dire  parfaitement  ap- 
propriées au  double  but  de  leur  existence,  la  gloire  de 
Dieu  et  le  bien  physique  et  moral  de  l'homme.  2**  Les 
créatures  ont  été  viciées  par  le  démon ,  lorsque , 
souillant  l'homme,  il  souilla  toutes  les  choses  qui  dépen- 
daient de  lui.  En  conséquence,  les  créatures  sous  l'in- 
fluence du  malin  esprit  ne  servent  plus,  comme  aupa- 
ravant, à  la  gloire  de  Dieu  et  au  bien  de  l'homme. Tou- 
tes sont  devenues  des  instruments  de  péché  et  de  mort  ; 
elles  gémissent  de  ce  dur  esclavage,  de  cette  tyrannie 


DE    PERSÉVÉRANCE.  87 

injuste  qui  arrête  leurs  hommages  et  les  empêche  d'ac- 
complirleur  vocation. ylwss?,  nous  dit  l'apôtre  saint  Paul, 
elles  soupirent  après  leur  délivrance.  3°  Dieu  n'a  aban- 
donné ni  l'homme  ni  la  créature  sous  l'empire  du  dé- 
mon. Depuis  le  jour  de  la  chute,  toutes  ses  pensées  ten- 
dent à  délivrer  la  création.  Si  nous  demandons  à  son 
divin  Fils  pourquoi  il  est  venu  sur  la  terre,  il  nous  ré- 
vèle la  pensée  de  son  Père  et  la  sienne  en  nous  disant  : 
Je  suis  venu  pour  mettre  à  la  porte  le  prince  de  ce 
monde,  pour  détruire  ses  œuvres  et  ôter  le  péché  ou  le 
mal.  4»  Dieu  peut  effectivement  chasser  le  démon, 
soustraire  ses  créatures  à  sa  maligne  influence,  et  il 
peut  confier  ce  pouvoir  à  ses  envoyés. 

Sur  ces  grands  principes,  avoués  de  tous  les  peuples, 
sont  fondés  le  pouvoir  et  l'usage  des  bénédictions  dans 
l'Eglise  catholique.  C'est  donc  pour  ramener  l'homme 
etla  créature  à  leur  sainteté  primitive  qu'elle  les  bénit. 
Cette  bénédiction  affranchit  graduellement  la  création 
jusqu'au  moment  suprême  où,  le  prince  de  ce  monde 
étant  tout  à  fait  chassé  et  son  influence  anéantie.  Dieu 
redeviendra  tout  en  toutes  choses.  Alors  l'homme  sera 
transformé  en  un  nouvel  être  ;  alors  il  y  aura  de  nou- 
veaux cieux  et  une  nouvelle  terre  ;  alors  foutes  les  créa- 
tures chanteront,  parce  qu'elles  en  seront  dignes,  le 
cantique  immortel  des  Anges  :  Saint,  saint,  saint  est  le 
Dieu  des  armées  ;  tout  est  plein  de  sa  gloire. 

Vous  le  voyez,  dans  une  simple  bénédiction,  l'Eglise 
nous  raconte  toute  l'histoire  du  monde.  Elle  met  de- 
vant nos  yeux  la  chute  et  la  rédemption,  le  Paradis  ter- 


88  CATÉCHISME 

restre  et  le  Calvaire,  le  temps  et  Tétemitô.  Y  avons- 
nous  jamais  réflécln  ? 

Les  bénédictions  de  l'Eglise  catholique  nous  rappel- 
lent encore  une  vérité  dont  l'oubli  est  une  source  fé- 
conde d'iniquités  et  de  bassesses  :  c'est  la  grandeur  et 
la  sainteté  de  l'homme.  Nous  ne  nous  estimons  pas 
assez  ;  nous  ne  savons  pas  assez  ce  que  nous  sommes. 
Images  de  Dieu,  la  sainteté  même,  nous  sommes  créés 
pour  être  saints,  c'est-à-dire  pour  être  consacrés  à 
Dieu,  dégagés  du  mal,  affranchis  de  la  servitude  du 
méchant.  Notre  esprit,  notre  cœur,  notre  imagination, 
nos  sens,  vases  sacrés  qui  ne  doivent  recevoir  que  des 
choses  saintes,  des  pensées,  des  affections,  des  images 
saintes  ;  vases  sacrés  que  ne  doivent  toucher  non  plus 
que  des  choses  saintes. 

Pas  une  de  ses  bénédictions,  par  laquelle  l'Eglise 
ne  rappelle  l'homme  à  cette  noble  idée,  et  ne  lui 
dise  :  «  Mon  fils,  la  terre  est  trop  petite  pour  ton 
cœur,  tu  es  saint,  consacré  à  Dieu,  fait  pour  Dieu,  aspire 
uniquement  au  bien  qui  peut  te  satisfaire  ;  tu  es  saint, 
regarde  :  je  bénis  les  éléments  qui  sont  à  tes  ordres, 
l'eau,  le  feu,  la  terre  ;  je  bénis  tes  aliments,  tes  prairies, 
tes  champs,  tes  vignes;  je  bénis  les  animaux  qui  te  ser- 
vent, parce  qu'ils  doivent  approcher  de  toi,  être  en  con- 
tact avec  toi  ;  je  bénis  ta  dernière  demeure,  que  dis-je? 
je  la  consacre  par  la  main  d'un  pontife,  parce  que  cette 
terre  doit  toucher  à  fa  poussière  ;  saint,  tu  dois,  après  ta 
mort,  reposer  dans  une  chose  sainte,  comme  tu  es  né, 
comme  tu  as  grandi,  comme  tu  as  vécu,  au  milieu  des 


DE    PERSÉVÉRANCE.  89 

choses  saintes.  »  Cela  posé,  il  nous  est  facile  de  compren- 
dre ce  que  sont  dans  l'Eglise  catholique  les  bénédictions. 

Dans  la  langue  de  l'Eglise,  bénir  une  chose,  signifle 
la  tirer  de  son  état  naturel,  la  séparer  de  ses  usages  com- 
muns et  ordinaires,  la  rendre  sainte  de  profane  qu'elle 
était,  la  dévouer  à  Dieu  et  aux  cérémonies  de  la  Reli- 
gion ;  en  un  mot,  la  déterminer  et  l'appliquer  à  des 
usages  pieux  et  sacrés. 

Nous  l'avons  dit  plus  haut ,  après  avoir  créé  l'uni- 
vers, Dieu  le  bénit.  Ainsi  toutes  les  créatures  sont 
bonnes,  et  elles  ont  éié  appliquées  à  la  gloire  de  Dieu 
ou  sanctifiées  par  une  bénédiction  et  une  approbation 
générale  :  Dieu,  dit  l'Ecriture,  regarda  toutes  les  choses 
qu'il  avait  faites,  et  il  les  trouva  très-bonnes  ^  Mais  le 
péché  étant  entré  dans  le  monde,  a  gâté  et  vicié  tou- 
tes les  créatures  ^.  De  là  l'indispensable  nécessité  de  les 
purifier  par  la  parole  de  Dieu  et  par  la  prière,  afin  de 
mettre  en  fuite  le  démon  et  paralyser  sa  funeste  in- 
fluence ^.  Telle  est  la  raison  profondément  philosophi- 
que des  bénédictions. 

Aussi  les  voyons-nous  en  usage  dès  l'origine  du 
monde.  Dans  l'Ancien  Testament,  Moïse,  par  une  bé- 
nédiction que  le  Ciel  lui  révèle,  rend  douces  les  eaux 
de  Mara  *.  Elisée  purifie  les  sources  de  Jéricho  en  y 
jetant  du  sel  tandis  qu'il  prononçait  ces  paroles  :  Voici 


'Gen.,   i. 

*  Ad.  Rom.,  c.  8. 

^  Ad.  Timoth.,  c.  4. 

*  Exod.,  XV. 


^^  CATécniSMF 

ce  que  dit  le  Seigneur  :  J'ai  rendu  ces  eaux  saines^  et 
^lles  neprod^uront  pïu^  la  mort  *.  Tobie,  par  la  prière, 
bénit  la  chambre  nuptiale  et  en  chassa  les  démons  ^. 
On  connaît  la  bénédiction  solennelle,  et  pleine  de 
•Mystère,  qu'on  donnait  chaque  année  à  la  gerbe  nou- 
velle et  aux  fruits  nouveaux.  Avant  le  sacrifice,  on  im- 
posait les  mains  sur  les  victimes ,  et  l'on  priait  sur 
l'huile,  le  froment,  etc.,  pour  les  sanctifier  et  les  ren- 
dre dignes  du  Seigneur  ^ 

Notre-Seigneur  a  confirmé  par  son  exemple  ce  qui 
se  faisait  dans  l'ancienne  loi  :  il  bénit  les  cinq  pains  et 
les  deux  poissons  dont  il  nourrit  un  peuple  nombreux  *; 
il  impose  les  mains  aux  malades  pour  les  guérir;  il  bé- 
nit les  petits  enfants  ;  il  bénit  et  il  offre  à  son  Père, 
avant  la  Cène,  le  pain  et  le  vin  qu'il  va  changer  en  son 
eorps  et  en  son  sang. 

Héritière  de  la  doctrine  et  du  pouvoir  de  Jésus- 
Christ,  l'Eglise  a  fait  un  usage  constant  des  bénédic- 
tions, A  l'époque  oiî  elle  parut,  le  démon  régnait  en 
prince  sur  le  monde  qu'il  avait  usurpé  :  il  en  infectait 
toutes  les  parties.  De  là  celte  croyance  des  Païens,  mal- 
heureusement si  vraie,  quoique  mal  comprise,  que  tou- 
tes les  parties  de  la  nature  étaient  animées  par  des 
esprits  ou  des  génies.  Il  fallait  dire  qu'elles  étaient 
souillées,  tyrannisées  par  des  démons  ;  et  ce  qu'il  y 

'  IV.  Reg.,  II,  20. 
*  Tob.,  VIII. 
'  Levit.,  passim. 
*Matth.,  XIV. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  %i 

a  de  plus  fâcheux,  les  démons,  regardés  comme  les 
maîtres  fle  chaque  créature,  recevaient  pour  cela  des 
hommages  qui  n'étaient  dus  qu'à  Dieu.  Les  philosophes 
eux-mêmes  soutenaient  que  les  aliments  et  les  autres 
choses  usuelles  étaient  un  présent  de  ces  génies  ou 
démons.  Plus  tard,  les  Marcionites  et  les  Manichéens 
prétendirent  que  tous  les  corps  avaient  été  formés  par  un 
mauvais. principe  ennemi  de  Dieu. 

Pour  combattre  toutes  ces  erreurs  et  chasser  le  dé- 
mon de  son  empire,  l'Eglise  s'empressa  de  faire  usage 
des  bénédictions.  De  là,  chez  les  premiers  Chrétiens, 
les  prières  et  le  signe  de  la  croix  répété,  à  chaque  in- 
stant, avant  de  faire  usage  d'aucune  créature  ;  de  là, 
toutes  ces  admirables  formules  de  bénédictions  rédigées 
par  l'Eglise,  et  qui  remontent  jusqu'à  son  berceau.  La 
plupart  de  celles  dont  nous  nous  servons  encore  au- 
jourd'hui se  trouvent  dans  le  Sacramentaire  du  pape 
Géland,  qui  vivait  au  v^  siècle.  Ce  pape  n'en  a  pas  été 
le  premier  auteur.  Elles  sont  usitées  chez  les  différentes 
sectes  de  Chrétiens  orientaux,  séparées  de  l'Eglise  ro- 
maine depuis  les  premiers  âges  du  Christianisme.  Saint 
Paul  lui-même  parle  des  bénédictions,  quand  il  dit  : 
Toute  eréature  de  Dieu  est  bonne  ;  elle  est  sanctifiée 
par  la  parole  de  Dieu  et  par  la  prière^.  Or  les  bénédic- 
tions sont  des  prières  destinées  à  sanctifier,  c'est  donc 
ici  un  usage  apostolique. 

L'Eglise,  envoyée  pour  sanctifier  le  monde  et  en 
chasser  le  démon,  a  donc  le  pouvoir  de  bénir,  puisque 

•lAdJTimoth.,  4. 


92  CATÉCHISME 

c'est  par  la  bûnédiclion  que  le  monde  est  sanctifié  et 
rendu  à  son  usage  primitif.  En  bénissant,  lEgHse  donne 
donc  une  preuve  de  sa  profonde  science,  en  môme 
temps  qu'elle  continue  un  usage  aussi  ancien  que  la 
chute  de  l'homme. 

Les  effets  attachés  à  ses  bénédictions  sont  ou  géné- 
raux ou  particuliers.  Les  effets  généraux  sont  :  1°  de 
soustraire  l'objet  bénit  à  l'empire  du  démon,  et  de  le 
délivrer  de  sa  maligne  influeftce  ;  2''  de  le  séparer  des 
choses  communes  el  profanes  ;  3"  enfin  de  lui  donner 
la  vertu  d'exciter  des  sentiments  de  foi,  d'amour  de 
Dieu  et  de  religion,  et  par  là  d'obtenir  la  rémission  des 
fautes  vénielles. 

Les  effets  particuliers  répondent  aux  intentions  de 
l'Eglise,  et  sont  différents  selon  la  chose  qu'elle  con- 
sacre et  le  but  qu'elle  se  propose.  Tantôt  c'est  pour 
fortifier  l'âme  contre  les  tentations  et  les  attaques  de 
l'ennemi  du  salut  ;  tantôt  c'est  pour  prémunir  le  corps 
et  le  mettre  à  l'abri  des  incommodités  qui  pourraient 
lui  survenir.  Elle  bénit  le  feu  pour  qu'il  ne  nuise 
point  à  l'homme,  mais  qu'il  devienne  pour  lui  l'emblème 
de  la  charité  et  de  la  vérité  ;  elle  bénit  l'eau  pour  qu'elle 
serve  à  le  purifier  ;  elle  bénilles  temples,  les  autels,  les 
vases  du  sacrifice,  parce  que  rien  n'est  assez  saint  pour 
le  culte  du  Seigneur  ;  elle  bénit  la  demeure  de  l'homme 
et  ses  aliments  afin  qu'il  puisse  reposer  en  paix,  et 
prendre  avec  reconnaissance  et  sans  crainte  la  nourri- 
ture nécessaire  à  son  corps.  Elle  bénit  le  bétail,  les  prai- 
ries et  les  champs,  afin  de  les  préserver  des  maladies  et 


DE   PERSÉVÉRANCE.  93 

des  fléaux  qui  pourraient  les  faire  périr  ou  les  rendre 
stériles,  et  priver  le  pauvre  laboureur  du  fruit  de  ses 
travaux. 

Dans  les  grandes  villes,  où  l'on  se  débarrasse  tant  que 
l'on  peut  de  l'extérieur  de  la  Religion,  où  l'on  traite  de 
dévotions  populaires  \es  pratiques  les  plus  louables,  on 
a  perdu  les  louchants  usages  dont  nous  parlons.  Et  en 
effet,  qu'a-t-il  besoin  des  bénédictions  de  Dieu,  le  riche 
usurier  ou  débauché  qui  peut-être  ne  croit  pas  en  lui  ? 
Mais  le  peuple  des  campagnes,  qui  se  sent  plus  immé- 
diatement sous  la  main  de  Dieu,  qui  voitsouvent  sa  fortune 
et  ses  espérances  détruites  par  un  fléau,  qui  conçoit  que 
rien  ne  peut  prospérer  si  Dieu  n'y  met  la  main,  recourt 
plus  souvent  aux  prières  de  l'Eglise,  y  ajoute  de  bonnes 
œuvres,  des  aumônes,  quelque  service  rendu  aux  pau- 
vres. Le  désir  de  rendre  plus  efficaces  les  bénédictions 
qu'il  demande,  conserve  ainsi  et  nourrit  en  lui  les  senti- 
ments d'humanité. 

Avant  de  se  moquer  de  lui,  les  hérétiques  et  les  im- 
pies auraient  dû  commencer  par  prouver  en  quoi  ces 
bénédictions  sont  opposées  à  la  vraie  philosophie,  à  la 
vraie  piété,  à  la  confiance  en  Dieu,  à  la  reconnaissance, 
à  l'obéissance,  à  la  parole  de  Dieu,  et  à  la  croyance  uni- 
verselle du  genre  humain  '  ? 

Quant  à  ceux  qui  ont  le  pouvoir  de  bénir,  ce  sont  les 
évoques  et  les  prêtres.  Revêtus  de  la  plénitude  du  sa- 
cerdoce, les  évêques  peuvent  consacrer  et  bénir  tous  les 
objets  qui  sont  sous  leur  juridiction.  A  eux  seuls  appar- 

»Bergier,  art,  Bénédiction. 


94  CATÉCHISME 

tiennent  les  bénédictions  qui  sont  accompagnées  d'onc- 
tions, comme  la  consécration  des  églises,  des  autels,  du 
calice  et  de  la  patène,  le  sacre  des  rois  et  des  reines,  la 
bénédiction  des  saintes  huiles,  des  abbés,  des  abbesses 
et  des  chevaliers.  11  est  d'autres  bénédictions  qui  leur 
sont  réservées,  celles  des  linges  d'autel,  des  ornements, 
des  cloches,  des  cimetières,  etc.,  mais  pour  lesquelles 
ils  peuvent  commettre  de  simples  prêtres. 

Les  bénédictions  qui  sont  de  la  compétence  des  prê- 
tres sont  celles  des  mariages,  des  fruits  de  la  terre,  de 
l'eau  mêlée  de  sel,  des  cendres,  des  rameaux,  des  cier- 
ges, etc. 

L'effet  de  la  bénédiction  ne  dépend  pas  des  disposi- 
tions de  celui  qui  la  donne,  car  il  n'agit  pas  en  son  pro- 
pre nom,  mais  au  nom  de  Jésus-Christ,  dont  il  n'est  que 
l'instrument.  Toutefois,  pour  lui  rappeler  à  lui-môme 
la  sainteté  dont  il  convient  qu'il  soit  orné  dans  cette 
auguste  fonction,  il  doit  être  revêtu  du  surplis,  emblème 
de  l'innocence,  et  de  l'étole,  symbole  de  son  pouvoir. 
Un  jeune  clerc,  image  d'un  ange,  doit  l'accompagner, 
tenant  d'une  main  un  flambeau  allumé,  figure  de  la 
charité  et  de  la  foi,  et  de  l'autre  le  bénitier. 

En  récitant  la  formule  de  bénédiction ,  le  ministre 
sacré  tient  les  mains  jointes  ou  élevées  vers  le  Ciel,  pour 
exprimer  la  ferveur  de  la  prière  et  l'ardent  désir  qu'il 
a  d'être  exaucé.  Il  fait  plusieurs  fois  avec  la  main  le  si- 
gne dé  la  croix  sur  l'objet  qu'il  bénit,  pour  rappeler  que 
toute  grâce  vient  de  la  croix,  et  que  ce  n'est  qu'en  vertu 
des  mérites  de  Jésus-Christ  que  nous  avons  part  à  ses 


DE   PERSÉVÉRANCE.  95 

miséricordes  ;  enfin  il  l'asperge  d'eau  bénite  pour  si- 
gnifier que,  par  la  prière  de  l'Eglise,  il  est  sorti  du  rang 
des  choses  profanes,  et  a  obtenu  toute  la  pureté  dont  il 
est  susceptible.  L'eau  bénite  répandue  sur  l'objet  est 
encore  le  signe  extérieur  que  la  bénédiction  lui  est  ap- 
pliquée. Si  on  emploie  l'encens  dans  quelque  bénédic- 
tion, c'est  pour  demander  à  Dieu  que  la  prière  qu'on 
lui  adresse  lui  soit  d'une  agréable  odeur  et  s'élève  jus- 
qu'à son  trône. 

Maintenant  que  nous  connaissons  la  raison,  l'origine 
et  le  sens  des  bénédictions,  passons  au  cimetière  :  nous 
n'avons  qu'un  pas  à  faire;  car,  dans  l'intention  de  la 
Religion  catholique,  le  cimetière  touche  à  l'église. 

Le  mot  cimetière  signifie  dortoir.  C'est  le  chris- 
tianisme qui,  le  premier,  a  donné  ce  nom  au  lieu  où 
reposent  les  défunts  ^.  Il  y  a  là  toute  une  philosophie. 
Aux  yeux  de  l'Eglise  catholique,  la  mort  n'est  qu'un 
sommeil,  puisque  le  lieu  où  reposent  ceux  qui  ont  vécu 
est  un  dortoir.  Or,  le  sommeil  suppose  nécessairement 
le  réveil.  Il  est  désormais  impossible  de  prononcer  le 
nom  de  cimetière,  et  qui  ne  le  prononce  pas  quelque- 
fois? sans  exprimer  le  dogme  le  plus  consolant  pour 
les  bons  et  le  plus  redoutable  aux  méchants,  le  dogme 
de  la  résurrection. 

Dès  le  principe,  l'Eglise  témoigna  le  plus  grand  res- 


*  Ante  Christi  adventum  mors  mortis  nomen  habebat.  At  post- 
quam  Christus  venit,  et  pro  mundi  ?ita  mortem  subiit,  Don  am- 
plius  Tocatur  mors,  sed  somnus  et  dormitio.  S.  Chrys.,  t.  5,  p.  482, 
Mit.  BéQéd. 


96  CATÉCHISME 

pect  pour  les  dépouilles  mortelles  de  ses  enfants.  Ce  res- 
pect pour  les  morts  est  une  leçon  qui  apprend  aux  vivants 
à  se  respecter  eux-mêmes;  mais,  toujours  sage,  l'Eglise 
évita  le  double  excès  dans  lequel  donnaient  lesPaïens.  Les 
Egyptiens  embaumaient  les  morts,  les  renfermaient 
dans  des  cercueils,  et  les  conservaient  dans  leurs  mai- 
sons comme  un  dépôt  précieux.  L'Eglise  n'eut  garde 
d'adopter  cette  recherche  excessive,  cette  curiosité 
superstitieuse.  Les  Romains  donnaient  dans  un  au- 
tre excès  :  ils  brûlaient  les  corps  des  morts  et  con- 
servaient seulement  les  cendres.  Cette  manière  d'a- 
néantir les  restes  d'un  homme  dont  la  mémoire  mérite 
d'être  conservée,  a  quelque  chose  d'inhumain.  Encore 
les  Romains  n'en  usaient-ils  de  la  sorte  qu'à  l'égard  de 
leurs  parents  et  de  leurs  amis.  Quant  à  ce  peuple  d'es- 
claves qui  les  environnait,  il  le  traitait  après  la  mort 
avec  la  même  brutalité  que  durant  la  vie  :  les  corps 
des  esclaves  étaient  jetés  pèle  mêle  dans  de  vastes  sou- 
terrains. 

Ce  n'est  pas  tout  encore.  La  coutume  générale  chez 
les  anciens,  les  Egyptiens  exceptés,  était  de  placer 
les  tombeaux  à  la  campagne,  sur  le  bord  des  grands 
chemins,  dans  des  cavernes  solitaires,  dans  les  jardins. 
L'Eglise  catholique  adopta  des  usages  bien  plus  con- 
formes à  la  raison  et  bien  plus  propres  à  entretenir  un 
tendre  souvenir  des  défunts.  Et  d'abord  elle  abolit  la 
coutume  de  brûler  les  morts.  Il  est  beaucoup  mieux  de 
les  enterrer,  et  de  vérifier  ainsi  la  prédiction  que  Dieu 
fit  à  l'homme  pêcheur  ;  Tu  es  poussière,  et  tu  retour-^ 


DE    PERSÉVÉRANCE.  97 

neras  dans  la  poussière  de  laquelle  tu  as  été  tiré  *.  En- 
suite elle  voulut  que  les  morts  fussent  réunis  dans  un 
mémo  lieu,  voisin  de  son  temple,  afin  de  pouvoir  veiller 
sur  les  générations  éteintes,  comme  une  mère  veille 
sur  le  berceau  de  son  fils  endormi. 

Que  dis-je?  Les  premiers  temples  de  l'Eglise  catho- 
lique furent  des  cimetières  ;  les  Catacombes  n'étaient 
pas  autre  chose.  C'est  au  milieu  des  morts  que  les 
vivants  s'assemblaient  pour  prier  et  offrir  les  mystères 
sacrés.  Plus  tard,  lorsque  la  paix  fut  donnée,  et  qu'il 
fut  loisible  de  bâtir  des  temples  chrétiens,  l'Eglise  s'em- 
pressa de  consacrer  un  lieu  pour  la  sépulture  de  ses 
enfants.  Elle  voulut  que  ce  lieu  fût  rapproché  de  son 
temple,  pour  conserver  le  souvenir  de  son  berceau,  et 
apprendre  aux  hommes  qu'une  mère  n'oublie  pas  ses 
enfants,  même  lorsqu'ils  ne  sont  plus.  Cet  antique  usage, 
qui  veut  que  le  cimetière  soit  inséparable  de  l'église, 
s'est  conservé  jusqu'à  nos  jours  dans  presque  toutes 
les  paroisses  du  monde  catholique,  mais  nulle  part, 
peut-être,  avec  plus  de  fidélité  que  dans  la  Suisse  alle- 
mande. 

Nous  n'oublieraus  jamais  le  touchant  spectacle  qui, 
d'heure  en  heure,  s'oIFrait  à  notre  vue  en  traversant 
les  cantons  de  Soleure,  de  Lucerne,  de  Schwitz.  A 
l'entrée  du  village,  quelquefois  si  élégant,  toujours  si 
propre,  vous  voyez  l'église,  dont  vous  admirez  la 
beauté,  la  grandeur,  le  svelte  clocher,  avant  d'avoir 
pu  reposer  votre  vue  sur  les  riches  décorations  de  l'in- 

'  Gen.,  m. 

T.    VII,  7 


98  CATÉCHISME 

tôrieur.  Le  cimetière  enceint  l'église  comme  un  fer  à 
cheval.  L'entrée  principale  répond  à  la  grande  porte 
de  l'église.  Après  avoir  ouvert  la  grille  en  fer  qui  la 
ferme,  vous  montez  quelques  marches  en  pierre.  A 
votre  droite  et  à  votre  gauche  sont  placés  deux  larges 
bénitiers;  dans  l'un  et  l'autre  est  un  goupillon  pour 
jeter  en  entrant  de  l'eau  bénite  sur  les  morts. 

Toutes  les  tombes,  couvertes  de  gazon,  forment  dif- 
férentes lignes,  parfaitement  régulières,  séparées  par 
un  petit  sentier  couvert  de  sable,  afin  de  rendre  plus 
accessible  à  chacun  la  tombe  qui  renferme  ce  qu'il  a 
de  plus  cher.  Pas  un  de  ces  modestes  tombeaux  qui 
ne  soit  surmonté  d'une  croix  en  fer,  d'environ  deux 
pieds  d'élévation.  Les  trois  extrémités  visibles  de  la  croix 
sont  en  cuivre  jaune;  au  centre  est  attachée  une  plaque 
de  même  métal  sur  laquelle  sont  inscrits  les  noms  du 
défunt,  la  date  de  sa  naissance,  celle  de  sa  mort,  et 
une  prière  ou  une  sentence  de  l'Ecriture. 

Lorsqu'aux  derniers  rayons  du  soleil  vous  apercevez 
de  loin  ce  champ  de  Dieu,  brillant  d'une  si  élégante 
simplicité,  toutes  ces  croix  d'égale  hauteur,  symétri- 
quement rangées,  et  dont  la  couleur*  noire  et  jaune  se 
détache  si  bien  sur  le  vert  gazon  de  la  tombe,  je  ne 
sais  quelle  douce  mélancolie  vous  saisit  le  cœur;  des 
îarmes  d'attendrissement  vous  viennent  aux  yeux,  et  des 
prières  sur  les  lèvres.  Les  souvenirs  de  l'antiquité  se 
pressent  en  foule  dans  votre  mémoire.  Vous  vous  croyez 
transporté  à  dix-huit  siècles,  dans  les  Catacombes  de 
Rome  ;  devant  vous  en  est  l'image  complète.  Ici,  comme 


DE    PERSÉVÉRANCE.  99 

dans  la  Rome  souterraine,  vous  voyez  au  milieu  Tautel 
du  martyr  principal ,  c'est  l'église  ;  devant  l'aulel ,  les 
Chrétiens,  à  genoux,  se  préparant  au  combat  par  la  récep- 
tion du  pain  des  forts;  autour  des  vivants,  une  enceinte  de 
morts,  qui,  de  leurs  tombeaux,  les  encouragent  en  leur 
parlant  de  détachement,  de  couronnes,  de  repos  et 
d'immortalité.  Vous  vous  réjouissez  de  trouver  l'Eglise 
catholique  toujours  la  même,  et  vous  regrettez  que 
Taffaiblissement  de  la  foi,  bien  plus  que  l'intérêt  de  la 
salubrité  publique,  ait  séparé,  parmi  nous,  le  cimetière 
du  temple,  et  éloigné  les  morts  des  regards  des  vivants. 
On  dit  que  l'usage  d'inhumer  dans  les  églises  ou  près 
des  églises  est  devenu  dangereux  pour  les  grandes 
villes  ;  nous  ne  le  contesterons  pas.  Nous  nous  permet- 
trons seulement  de  rappeler  qu'à  Rome  on  enterre 
dans  les  églises,  et  que,  malgré  la  chaleur  du  climat, 
on  ne  s'aperçoit  pas  qu'il  en  résulte  aucun  inconvénient. 
Nous  demanderons  ensuite  si  l'on  pourrait  citer  dans 
l'histoire  une  seule  épidémie  produite  par  l'usage  d'in- 
humer dans  les  villes.  Enfin,  nous  dirons  qu'il  est  très- 
bon  d'écarter  des  villes  tous  les  principes  de  conta- 
gion ;  mais  pour  être  conséquents,  il  ne  faudrait  pas  y 
laisser  subsister,  y  bâtir,  y  doter  des  lieux  de  débauche 
cent  fois  plus  meurtriers  que  la  sépulture  des  morts. 
Parmi  ceux  qui  isolent  aujourd'hui  les  cimetières,  et 
qui  blâment  avec  tant  d'aigreur  l'ancien  usage  de  l'E- 
glise catholique,  combien,  peut-être,  qui  ne  cherchent 
à  éloigner  toutes  les  idées  funJbres,  qu'afia  de  goûter 
les  plaisirs  sans  mélange  d'amertume  et  sans  remords, 


100  CATÉCHISME 

et  qui  veulent  pallier  cet  épicurôisme  par  des  prétextes 
de  bien  public  ! 

Quoi  qu'il  en  soit  des  villes,  nous  soutenons  que  dans 
les  campagnes,  où  l'air  joue  librement,  et  où  il  n'y  a 
aucun  danger,  il  ne  faut  rien  changer  à  la  coutume 
établie.  Il  est  très  à  propos  qu'avant  d'entrer  dans  le 
temple  du  Seigneur,  les  fidèles  aient  sous  les  yeux  un 
objet  capable  de  leur  rappeler  l'idée  de  la  brièveté 
de  la  vie,  l'espérance  d'un  avenir  plus  heureux,  un 
tendre  souvenir  de  leurs  parents  et  de  leurs  amis  '. 

Séparer  le  cimetière  de  l'église,  c'est  rompre  une 
des  plus  belles  harmonies  que  la  religion  ait  pu  établir; 
et  cette  harmonie  mérite  bien  d'être  comptée  pour 
quelque  chose;  car  la  société  y  gagne  plus  qu'on  ne 
l'imagine.  Dans  un  petit  espace  se  trouvent  réunies  les 
trois  églises,  l'église  du  ciel,  l'église  de  la  terre  et 
l'église  du  purgatoire  ;  c'est  une  grande  leçon  de  fra- 
ternité. L'église  du  ciel,  composée  des  anges  et  des 
bienheureux  dont  les  tableaux  suspendus  aux  murs  du 
temple  rappellent  les  résultats  et  la  présence  invisible, 
se  trouve  rassemblée  autour  de  cet  autel,  tombeau  d'un 
martyr  ou  d'un  saint,  sur  lequel  s'immole  le  Dieu  qu'elle 
contemple  face  à  face,  et  que  nous  adorons  sous  les  voi- 
les eucharistiques  ;  l'église  de  la  terre  s'y  montre  à  nos 
regards,  composée  de  ce  peuple  d'enfants,  de  femmes, 
de  jeunes  hommes  et  de  vieillards  priant  ensemble; 
l'église  du  purgatoire  tient  aussi  sa  place,  composée 
de  nos  amis  et  de  nos  proches,  dont  la  voix  semble 

*  Bergier,  art.  Cimetière. 


r 


DE    PERSÉVÉRANCE.  101 

sortir  de  dessous  ces  lombes  sur  lesquelles  nous  prions, 
pour  nous  dire  avec  Job  :  Ayez  pitié  de  nous ,  ayez 
pitié  de  nous,  vous  du  moins  qui  fûtes  nos  amis  ! 

Croyez-moi,  dans  ce  siècle  de  froid  égoïsme,  d'indif- 
férence glaciale,  il  est  bon  de  laisser  au  Christianisme 
le  moyen  de  rappeler  à  ses  enfants  le  puissant  souie- 
nir  de  son  berceau  ;  il  est  bon  que  le  lieu  de  la  prière 
soit  une  catacombe.  La  prière  faite  au  milieu  des  tom- 
beaux en  est  plus  recueillie;  le  rapprochement  même 
entre  les  mystères  de  la  Religion  et  ceux  de  la  tombe,  le 
contact  en  quelque  sorte  immédiat  du  temps  et  de  l'éter- 
nité, de  la  cendre  des  aïeux  et  de  l'homme  agenouillé, 
en  face  du  Dieu  immortel  des  siècles,  sur  les  débris  des 
générations  qui  ne  sont  plus,  tout  cela  donne  de  salu- 
taires pensées,  fait  naître  plus  d'un  noble  sentiment, 
et  inspire  plus  d'une  résolution  vertueuse. 

Tous  les  cimetières  sont  bénits.  Cet  usage  remonte 
à  la  naissance  même  du  Christianisme.  La  Religion 
qui  tant  de  fois  bénit  l'homme,  la  Religion  qui  bénit 
ses  champs,  ses  prairies,  ses  aliments,  son  bétail  même 
et  sa  maison,  pour  lui  apprendre  qu'il  est  saint,  puisque 
tout  ce  qui  l'environne  doit  être  saint  pour  entrer  en 
contact  avec  lui,  la  Religion  bénit  aussi  et  consacre  le 
lieu  de  sa  sépulture,  afin  de  lui  rappeler  à  lui-même 
que  la  mort  ne  le  dépouille  pas  de  sa  sainteté,  et  qu'il 
continue  d'être  respectable  jusque  dans  la  cendre  du 
tombeau. 

Cette  bénédiction  de  notre  dernière  demeure  est  une 
source  de  leçons  utiles  aux  vivants.  En  voici  le  détail  ; 


102  CATECHISME 

Et  d'abord,  afin  de  rendre  le  cimetière  plus  véné- 
rable, la  bén(^di(tion  en  est  réservée  à  l'évéque;  seu- 
lement il  peut  se  faire  remplacer  par  un  prêtre.  Plus 
l'homme  devient  en  quelque  sorte  méprisable,  plus  il 
approche  du  néant  et  de  la  poussière,  et  plus  la  Reli- 
gion l'environne  de  respect. 

La  veille  de  la  cérémonie,  on  plante  au  milieu  du 
cimetière  une  croix  de  bois  de  la  hauteur  d'un  homme, 
ayant  trois  pointes  de  bois  propres  à  tenir  des  cierges; 
savoir,  une  sur  le  haut,  et  deux  à  l'extrémité  des  deux 
bras.  Devant  la  croix  on  plante  un  pieu  de  bois  de  la 
hauteur  de  deux  pieds,  ayant  à  son  extrémité  trois 
pointes  semblables  à  celles  de  la  croix. 

Que  signifie  cette  cérémonie  en  apparence  si  singu- 
lière ?  Loin  de  vos  lèvres  le  sourire  impie  du  mépris. 
Tout  est  grand  dans  la  Religion  ;  tout  est  plein  de  mys- 
tère. Cette  croix  de  bois  représente  le  Sauveur  du 
monde,  celui  qui  est  la  résurrection  et  la  vie.  Ce  pieu 
de  couleur  blanchâtre,  qu'on  prendrait  pour  un  tihia  ' 
décharné,  est  l'image  de  l'homme,  que  la  mort  rend 
semblable  à  un  bois  sec  et  inutile.  La  nuit  qui  suit 
la  plantation  de  la  croix  rappelle  les  ténèbres  du  tom- 
beau, comme  la  cérémonie  du  lendemain  est  la  vive 
image  de  la  résurrection.  Cette  croix  debout  devant  ce 
pieu  annonce  hautement  que  Jésus-Christ  protège  dans 
le  tombeau  même  la  dépouillé  de  l'homme,  qu'il  la 
conserve  sous  sa  main,  et  qu'il  saura  lui  rendre  la  vie 
au  jour  marqué. 
*  On  appelle  ainsi ,  en  termes  d'anatoraie,  l'os  principal  de  la  jambe. 


DE   PERSÉviKANCE.  103 

Le  lendemain,  Tévêque  ou  le  pr(Mre  commis  pour  la 
bénédiction,  s'étanl  revêtu  d'un  surplis,  d'une  étole  et 
d'une  chappe  blanche,  se  rend  au  cimetière.  La  cou- 
leur blanche  est  employée  parce  qu'il  va  se  faire  une 
joyeuse  cérémonie,  un  mystère  consolateur  va  être  pro- 
clamé. Précédé  du  clergé,  le  prêtre  vient  se  placer  de- 
vant la  croix.  A  ses  côtés  sont  trois  clercs  ;  le  premier 
porte  le  bénitier,  le  second  l'encensoir,  et  le  dernier 
trois  cierges  qu'il  allume  et  met  sur  le  pieu  destiné  k 
les  recevoir. 

Placés  sur  ce  bois  privé  de  sève  et  de  vie,  trop  fidèle 
image  de  l'homme  dans  le  tombeau,  ces  cierges  allu- 
més annoncent  la  résurrection.  Leur  nombre  marque 
la  sainte  Trinité,  au  nom  et  par  la  puissance  de  qui  la 
résurrection  doit  s'opérer. 

La  prière  que  le  prêtre  récite  aussitôt  nous  révèle 
l'esprit  de  ces  belles  cérémonies.  La  voici  :  «  0  Dieu 
tout  puissant  et  plein  de  miséricorde,  vous  qui  êtes  le 
gardien  des  âmes,  le  cœur  du  salut  et  de  l'espérance 
des  fidèles,  écoutez  avec  faveur  notre  humble  prière,  et 
daignez,  par  votre  bénédiction  toute  céleste,  purifier 
ce  lieu  et  le  rendre  saint,  afin  que  les  corps  qui  y  re- 
posent après  le  cours  de  cette  vie,  méritent,  au  grand 
jour  du  jugement,  la  bienheureuse  immortalité,  et  une 
part  de  la  félicité  éternelle  avec  les  âmes  justes.  Par 
Jésus-Christ,  etc.  » 

La  prière  finie,  le  clergé  et  les  fidèles  s'étant  mis  à 
genoux  devant  la  croix,  supplient  tous  leurs  frères  du 
ciel  de  joindre  leurs  supplications  aux  nôtres,  [afin 


104  CATÉCHISME 

d'obtenir  la  grâce  que  nous  sollicilons.  On  chante  les 
litanies  des  saints;  lesquelles  étant  achevées,  le  célé- 
brant fait  processionnellement  avec  le  clergé  le  tour  du 
cimetière,  qu'il  arrose  d'eau  bénite,  en  prononçant  ces 
paroles  :  Aspergez-moi,  Seigneur,  avec  l'hysope,  et  je 
serai  pur,  etc.  Pendant  cette  cérémonie ,  le  chœur 
chante  le  psaume  Miserere.  C'est  un  long  gémisse- 
ment qui  prend  du  lieu  et  de  la  circonstance  quelque 
chose  de  solennel  et  de  lugubre,  capable  d'attendrir  le 
cœur  de  Dieu. 

Le  prêtre  revient  devant  la  croix  :  c'est  là,  en  efifet, 
qu'il  convient  de  prier.  Il  adresse  au  Dieu  de  la  vie  et 
de  la  mort  l'oraison  suivante  :  «  O  Dieu  qui  êtes  le  créa- 
teur de  l'univers,  le  Rédempteur  du  genre  humain  et 
la  providence  de  toutes  les  créatures  visibles  et  invisi- 
bles, nous  vous  demandons  avec  une  voix  suppliante 
et  un  cœur  dévoué,  de  daigner  purifier,  bénir  et  sanc- 
tifier ce  cimetière  où,  après  cette  vie,  les  corps  de  vos 
fidèles  doivent  reposer.  O  vous,  qui  par  votre  infinie 
miséricorde,  avez  pardonné  tous  leurs  péchés  à  ceux 
qui  avaient  mis  en  vous  toute  leur  confiance,  accordez 
ayec  bonté  la  consolation  éternelle  à  leurs  corps  qui  re- 
posent ici,  en  attendant  le  son  de  la  trompette  de  votre 
archange.  Par  Jésus-Christ  notre  Seigneur,  etc.  » 

Ces  dernières  paroles,  par  lesquelles  le  prêtre  pro- 
clame la  résurrection  future,  sont  aussitôt  suivies  d'une 
cérémonie  qui  en  est  la  vive  image.  Il  ôte  du  pieu  les 
cierges  allumés  et  les  place  sur  les  trois  pointes  de  la 
-croix.  Celte  action  dit  à  l'homme  ;  «L'espérance  de  la 


DE   PERSÉVÉRANCE.  105 

résurrection,  qui  descend  avec  toi  dans  la  tombe,  sera 
réalisme  par  Jésus-Christ.  Tu  es  son  membre  :  il  est  ton 
chef;  il  est  ressuscité.  Regarde;  son  corps  déj;i  brille 
d'immortalité.  ))0n  ôte  ensuite  le  pieu;  mais  la  croix  de- 
meure debout.  Elle  est  là  pour  dire  à  toutes  les  généra- 
tions :  «Vous  ressusciterez  ;  votre  Rédempteur  est  vivant; 
il  veille  sur  vous  ;  il  arbore  l'étendard  de  sa  victoire,  sur 
le  lieu  même  où  la  mort  vous  a  vaincues.»  Et  le  prêtre, 
ne  voyant  plus  dans  la  croix  que  le  Dieu  qu'elle  repré- 
sente, la  salue  avec  respect, l'encense  trois  fois;  après 
quoi  il  se  retire.  0  hommes  !  ne  craignez  plus  la  mort 
maintenant,  vous  ne  serez  pas  longtemps  sa  proie  : 
voyez  l'emblème  de  la  résurrection  et  de  l'immortalité 
qui  vous  attend  au  lieu  même  de  votre  sépulture  ! 

PRIÈRE. 

0  mon  Dieu,  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  pris  tant  de  soin  pour  me  sanctifier  et  pour  sanc- 
tifier toutes  les  créatures  ;  faites-moi  la  grâce  de  bien 
comprendre  les  salutaires  leçons  que  vous  me  donnez 
par  toutes  vos  bénédictions. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même,  pour  l'a- 
mour de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amour, /aitrai 
un  grand  respect  pour  moi-même. 


106  CATÉCHISME 

PETIT  CA.TÉCHISME. 

LE    CHRISTIANISME  RENDU    SENSIBLE. 

Q.  Qu'est-ce  que  bénir? 

R.  Bénir  une  chose,  c'est  la  purifier  et  la  consacrer 
à  Dieu  et  auv  cérémonies  de  la  Religion,  Pour  expli- 
quer l'usage  des  bénédictions  dans  l'Eglise,  il  faut  sa- 
voir que  le  démon  a  vicié  toutes  les  créatures,  qu'il 
exerce  sur  elles  sa  maligne  influence,  par  laquelle  il  ea 
fait  pour  nous  autant  d'instruments  de  péché.  C'est 
pour  chasser  le  démon,  purifier  les  créatures  et  les  ra- 
mener à  leur  sainteté  et  à  leur  usage  primitif  que  l'E- 
glise les  bénit. 

Q.  D'où  vient  à  l'Eglise  le  pouvoir  de  bénir  les  créa- 
tures ? 

R.  C'est  Dieu  qui  a  donné  à  l'Eglise  le  pouvoir  de 
bénir  les  créatures.  Dans  l'Ancien  Testament,  Moïse, 
les  prophètes  et  les  prêtres  avaient  ce  pouvoir,  et  ils  en 
faisaient  un  usage  fréquent.  Moïse  bénit  les  eaux  de 
Mara  qui  étaient  amères,  et  elles  devinrent  douces.  On 
bénissait  la  première  gerbe  des  moissons  et  les  pré- 
mices des  ft-uits  nouveaux.  Dans  le  Nouveau  Testament, 
Notre  Seigneur  a  souvent  béni  les  créatures  ;  il  a  béni 
le  pain  et  les  poissons  dont  il  nourrit  le  peuple  dans  le 
désert;  il  a  béni  les  petits  enfants.  Les  apôtres  ont  fait 
usage  du  même  pouvoir,  et  les  bénédictions  ont  souvent 
opéré  des  miracles.  Héritière  des  apôtres  et  de  Jésus- 
Christ,  l'Eglise  fait  un  usage  fréquent  des  bénédictions. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  107 

Les  formules  dont  elle  se  sert  encore  aujourd'hui  re^ 
montent  jusqu'aux  premiers  siècles.  Ainsi,  les  créa- 
tures sont  viciées  par  le  démon  depuis  le  péché  origi- 
nel :  il  faut  qu'elles  soient  sanctifiées  ;  Dieu  peut  les 
sanctifier,  et  il  en  a  donné  le  pouvoir  à  l'Eglise. 

Q.  Quels  effet  produisent  les  bénédictions  de  l'E- 
glise ? 

JR.  Les  effets  produits  par  les  bénédictions  de  l'Eglise 
sont  généraux  ou  particuliers.  Les  effets  généraux  sont  : 
1°  de  soustraire  l'objet  bénit  à  l'empire  du  démon;  2°  de 
le  séparer  des  choses  communes  et  profanes;  5°  de  lui 
donner  la  vertu  d'exciter  en  nous  des  sentiments  de  foi, 
d'amour  de  Dieu  et  de  religion.  Les  effets  particuliers 
répondent  aux  différentes  intentions  de  l'Eglise,  et  sont 
différents  selon  la  chose  qu'elle  consacre  et  le  but  qu'elle 
se  propose.  Les  bénédictions  produisent  leurs  effets  par 
leur  propre  vertu,  et  non  par  les  dispositions  de  celui 
qui  bénit. 

Q.  Quels  lieux  bénit  l'Eglise? 

R.  L'Eglise  bénit  non-seulement  ses  temples,  mais 
encore  la  demeure  de  l'homme.  Elle  bénit  aussi  les 
cimetières,  afin  que  tout  ce  qui  touche  l'homme  soit 
saint.  Elle  a  voulu  nous  donner  une  grande  idée  de 
nous-même,  et  nous  apprendre  à  nous  respecter,  puis- 
qu'elle veut  que  tout  ce  qui  nous  approche  soit  saint. 

O-Pourquoi  place-t-on  les  cimetières  près  des  églises? 

jR.  On  place  les  cimetières  près  des  églises  :  1°  afin 
de  montrer  que  la  Religion  veille  sur  ses  enfants  dé- 
funts avec  une  grande  sollicitude  ;  2*"  afin  de  nous  em- 


108  CATÉCHISME 

pécher  d'oublier  nos  morts  ;  3°  afin  de  nous  inspirer  de 
graves  pensées  lorsque  nous  venons  à  l'église  ;  4"  afin 
de  nous  montrer  l'union  qui  existe  entre  les  trois  églises 
du  ciel,  de  la  terre  et  du  purgatoire. 

Q.  A  qui  est  réservée  la  bénédiction  du  cimetière? 

R.  La  bénédiction  du  cimetière  est  réservée  à  l'é- 
véque.  Plus  nous  devenons  misérables  et  peu  de  chose, 
plus  l'Eglise  nous  environne  de  respect,  afin  d'appren- 
dre aux  autres  à  nous  respecter,  et  à  nous-mêmes  com- 
bien nous  sommes  grands.  Yoilà  pourquoi  la  bénédic- 
tion du  cimetière  est  réservée  à  l'évêque.  Dans  cette 
bénédiction,  l'Eglise  nous  donne  une  vive  image  de  la 
résurrection,  afin  de  nous  consoler  et  de  nous  faire  en- 
visager la  mort  comme  un  sommeil. 

PRIÈRE. 

0  mon  Dieu,  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  pris  tant  de  soin  pour  me  sanctifier  et  pour 
sanctifier  toutes  les  créatures  ;  faites-moi  la  grâce  de 
bien  comprendre  les  salutaires  leçons  que  vous  me  don- 
nez par  toutes  vos  bénédictions. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même,  pour  l'a- 
mour de  Dieu: "et,  en  témoignage  de  cet  amour,  j'au- 
rai un  grand  respect  pour  moi-même. 


DE   PERSÉVÉRANCE.  109 


VF    LEÇON. 

LE   CHRISTIANISME   RENDU   SENSIBLE. 


Définition,  division  du  temps.  —  Fêtes.  —  Leur  objet  sous  les  pa- 
triarches, sous  Moïse,  sous  l'Evangile.  —  Fêtes  des  martyrs  et 
des  saints.  —  Supériorité  des  fêtes  chrétiennes.  —  Leur  beauté, 
leurs  harmonies,  leurs  avantages  sociaux.  —  Sanctification  des 
fêtes. 


Nous  connaissons  l'église  et  le  cimetière,  cette  dou- 
ble demeure  où  s'accomplissent  tous  les  mystères  de  la 
vie  et  de  la  mort.  Que  fait  la  Religion  dans  les  temples? 
quelles  fêtes  s'y  célèbrent?  voilà  les  questions  aux- 
quelles il  faut  maintenant  répondre.  Mais,  pour  être 
comprise,  la  réponse  à  ces  questions  demande  quelques 
explications  préliminaires.  Le  temps^  sa  division,  ce 
nom  même  de  fête,  veulent  être  connus. 

Et  d'abord,  qu'est-ce  que  le  temps  ?  Si  nous  voulions 
définir  le  temps  en  lui-môme,  nous  dirions  avec  un 
poëte  célèbre  :  Que  le  temps  est  Vimage  mobile  de 
l'immobile  éternité^;  mais  tel  n'est  point  notre  objet  : 
nous  envisageons  le  temps  dans  ce  qu'il  est  par  rapport 
à  l'homme  déchu,  c'est-à-dire  à  l'homme  tel  qu'il  est 
aujourd'hui.  Or,  après  le  péché  originel,  Dieu  pouvait 
traiter  l'homme  comme  il  avait  traité  les  anges  :  il 

*  J.-B.  Rousseau. 


110  CATÉCHISME 

pouvait  lui  ôter  le  temps,  et  le  précipiter  avec  la  rapi- 
dité de  réclair  dans  l'éternité  du  malheur.  Grâces  lui 
en  soient  rendues,  il  n'en  usa  pas  de  la  sorte.  11  vou- 
lut bien  accorder  à  l'homme  le  temps,  mais  pourquoi  ? 
Pour  faire  pénitence.  S'il  ne  la  fait  pas,  il  sera  traité 
comme  les  anges  rebelles.  Lorsque  le  temps  sera  fini, 
il  entendra  de  la  bouche  même  du  souverain  Juge  cette 
irrévocable  sentence  :  Retirez-vous  de  moi,  maudits; 
allez  au  feu  éternel ^  qui  a  été  préparé  pour  le  Dém^n 
et  pour  ses  anges.  D'après  cela,  qu'est-ce  que  le 
temps  aux  yeux  de  la  foi,  c'est-à-dire  de  la  vérité?  Le 
temps,  c'est  le  délai  accordé  par  la  justice  divine  à  la 
race  humaine  pour  faire  pénitence.  Oui,  il  en  est  ainsi  : 
le  temps,  la  vie  est  une  pénitence  perpétuelle  ;  c'est 
l'oracle  infaillible  qui  le  proclame,  d'accord  avec  la 
raison'. 

Que  d'erreurs  dissipées,  que  de  systèmes  renver- 
sés, que  d'idées  rectifiées,  que  de  regrets  peut-être, 
que  de  remords  excités  dans  plus  d'une  âme  par  cette 
seule  définition  !  que  de  vieillards  à  cheveux  blancs 
apprennent  ici  qu'on  peut  mourir  à  cent  ans  sans  avoir 
vécu  un  jour  !  Quand  on  réiléchit  à  celte  définition,  et 
qu'on  jette  un  regard  sur  la  face  du  monde,  qu'on  voit 
l'usage  que  les  rois  et  les  peuples,  les  savants  et  les 
ignorants,  les  riches  et  les  pauvres  font  du  temps,  il 

•  Visutn  est  autem  sanctae  synodo,  prœcedenti  doctrinœ  de  pœ- 
nitentiam  adjungere  ea  quœ  sequuntur  de  sacraineuto  cxtremse 
unctionis  :  quod  non  modo  pœnitentiae,  sed  et  totius  christianœ 
vitœ  quœ  perpétua  pœnitentia  esse  debet^  coosumuiativum  exis- 
tima,  tum  eat  à  patribus.  Scss-,  xiv,  'è\ 


DE    PERSÉVÉRANCE.  lll 

y  a  (le  quoi  se  cacher  le  visage  dans  ses  mains,  el  s'as- 
seoir, comme  Jérémie,  pour  pleurer  sur  les  ruines  de 
rinlelligence.  Homme  !  fils  d'un  coupable  el  coupable 
toi-même,  tu  n'as  qu'un  jour  pour  laver  la  tache  qui 
souille  ton  âme,  el  ce  jour,  tu  l'emploies  à  te  souiller 
davantage  ;  roi  déchu,  tu  n'as  qu'un  jour  pour  recon- 
quérir ton  trône,  el  ce  jour,  tu  l'emploies  à  poursuivre 
des  fantômes  ;  esclave  du  Démon,  tu  n'as  qu'un  jour 
pour  briser  son  joug,  et  ce  jour,  tu  l'emploies  à  river 
tes  chaînes.  El  voici  la  nuil  qui  vient,  la  nuil  noire,  pro- 
fonde, immobile  de  l'éternilé,  où  nul  ne  pourra  plus 
agir  !  et  tu  n'y  penses  pas  ! 

Pour  rappeler  sans  cesse  l'homme  à  lui-même,  l'E- 
glise a  divisé  le  temps.  Gomme  tout  ce  qui  vient  de 
l'Eglise  calholique,  celte  division  du  temps  porte  un 
grand  cachet  de  sagesse  et  d'utilité.  En  effet ,  l'année 
ecclésiastique  se  divise  en  trois  parties:  la  première^  qui 
comprend  le  temps  de  l'Avent  jusqu'à  Noël,  nous  retrace 
les  quatre  mille  ans  de  préparations,  les  soupirs  et  les 
espérances  du  monde  ancien,  jusqu'au  moment  où  les 
cieux  entr'ouverls  laissèrent  descendre  le  Juste,  le  Dé- 
siré des  nations.  La  seconde,  qui  s'étend  depuis  Noël 
jusqu'à  l'Ascension,  renferme  toute  la  vie  mortelle  du 
Rédempteur.  La  troisième,  enfin,  qui  commence  à  la 
Pentecôte  et  finit  à  la  Toussaint,  rappelle  la  vie  de 
l'Eglise. 

Ainsi  celte  division  du  temps,  qui  nous  retrace  toute 
l'histoire  du  monde  el  toute  l'histoire  du  Christianisme, 
passée,  présente  et  future,  se  termine  par  la  fêle  du 


112  CATÉCHISME 

ciel.  En  effet,  tout  conduit  là:  le  ciel,  voilà  le  dernier 
mot  de  toutes  choses.  Celle  division,  qui  a  passé  dans 
les  idées,  dans  le  langage  même,  inspire  à  l'homme, 
sans  qu'il  s'en  aperçoive,  de  saintes  pensées,  lui  donne 
l'intelligence  de  lui-même  et  de  sa  vie,  et  exerce  sur  les 
mœurs  des  peuples  une  influence  beaucoupplus  salutaire 
qu'on  ne  pense.  Si  vous  en  doutez,  les  impies  du  der- 
nier siècle,  plus  intelligents  que  vous,  n'en  doutaient 
pas.  Dans  leur  fureur  d'abolir  le  Christianisme,  voyez 
quel  empressement  ils  ont  mis  à  supprimer  cette  divi- 
sion de  l'année,  afin  d'éteindre  les   souvenirs  qui  s'y 
rattachent,  pour  lui  substituer  leur  division  et  leur  ca- 
lendrier républicains.  Le  temps  et  la  raison  ont  fait 
une  prompte  justice  de  cette  folle  tentative  :  on  n'efface 
pas   en  un  jour  des  idées  de  dix-huit  siècles,  surtout 
lorsque  ces  idées  rappellent  des  événements  qui  embras- 
sent l'histoire  tout  entière  du  genre  humain.  L'homme 
elle  Christianisme  sont  tellement  liés,  que,  pour  abolir 
le  second,  il  faudrait  anéantir,  puis  recréer  le  premier. 
Parmi  les  événements  qui  composent  notre  histoire, 
il  en  est  de  glorieux,  il  en  est  de  tristes,  il  en  est  de 
consolants  ;  de  tous  l'Eglise  consacre  la  mémoire.  Mais, 
chose  admirable  !  dans  les  événements  les  plus  tristes 
que  la  Religion  offre  à  notre  méditation,  il  y  a  toujours 
une  place  pour  l'espérance,  parlant,  pour  la  joie.  Voilà 
pourquoi  les  jours  où  elle  en  célèbre  l'anniversaire, 
elle  les  appelle  fêtes. 
Le  mot  fête  veut  dire  jour  heureux,  jour  agréable^  et 

^  Festus,festU'us.  f^oy.  Ducauge. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  Il3 

aussi  jour  d'assemblée  solennelle.  Il  y  a  eu  chez  tous  les 
peuples  des  jours  de  fêles  ou  d'assemblées,  soit  civiles, 
soit  religieuses.  Comme  elles  étaient,  ainsi  qu'elles 
le  sont  encore  généralement  aujourd'hui,  suivies  d'un 
repas  commun,  de  là  est  venu  le  mot  de  /èsftn,  qui  si- 
gnifie régal,  repas  de  fête  et  de  cérémonie.  Dans  le 
Christianisme  même,  les  plus  saints  personnages  ont 
été  d'avis  que  le  jeûne  et  les  mortifications  ne  doivent  pas 
savoir  lieu  les  jours  de  fête  ;  qu'il  convient,  au  contraire, 
'de  faire  un  festin,  c'est-à-dire  un  repas  plus  somp- 
lueiix  qu'à  l'ordinaire.  Leur  avis  est  confirmé  par 
l'exemple  même  des  anachorètes  de  la  Thébaïde. 

Nous  entendons  ici  par  fêles  les  jours  auxquels  nous 
nous  assemblons  pour  louer  Dieu;  dans  ce  sens,  les 
fêtes  sont  aussi  nécessaires  que  les  assemblées  de  reli- 
gion. Jamais  un  peuple  n'a  eu  de  culte  public,  sans  que 
les  fêles  n'en  aient  fait  partie  ;  nous  les  trouvons  éta- 
hlies  dès  l'origine  du  monde. 

Les  Patriarches  avaient  leurs  fêtes.  Ils  assemblent 
leur  famille,  tantôt  sur  la  hauteur,  à  l'ombre  du  cèdre 
ou  du  palmier,  tantôt  devant  la  pierre  du  désert  '  ;  ils 
se  lavent,  changent  d'habits,  se  purifient,  offrent  des 
sacrifices  à  l'occasion  des  bienfaits  qu'ils  ont  reçus  de 
Dieu.  Noé  sauvé  du  déluge,  Abraham  comblé  des  bé- 
nédictions et  des  promesses  de  Dieu,  Isaac  assuré  de 
la  même  protection,  Jacob  revenu  de  la  Mésopotamie 
et  mis  à  couvert  de  la  colère  de  son  frère,  fêtent  ces 

'  Gen.,  XXXV.  ' 

T.  vil.  8 


114  CATÉCHISME 

heureux  événements  en  élevant  des  autels  et  en  offrant 
des  sacrifices. 

Le  Christianisme  continuant,  développant  cette  lon- 
gue chaîne  de  traditions  sacrées,  a  aussi  ses  fêtes;  nous 
en  parlerons  bientôt  en  détail. 

L'objet  principal  des  fêtes  a  varié  suivant  les  temps  : 
sous  les  Patriarches,  dans  la  religion  primitive,  le  prin- 
cipal objet  des  fêtes  était  d'inculquer  aux  hommes  l'i- 
dée d'un  seul  Dieu  créateur  et  gouverneur  du  monde, 
père  et  bienfaiteur  de  ses  créatures  ;  dans  la  religion 
juive,  elles  étaient  destinées  à  réveiller  le  souvenir 
d'un  seul  Dieu  législateur,  souverain  maître  et  protec- 
teur spécial  de  son  peuple  ;  dans  le  Christianisme,  elles 
nous  montrent  un  Dieu  sauveur  et  sanctificateur  des 
hommes,  duquel  tous  les  desseins  tendent  à  notre  salut 
éternel.  Ainsi,  rien  ne  sert  mieux  que  les  fêtes  à  nous 
marquer  l'objet  direct  du  culte  religieux  sous  les  trois 
époques  successives  de  la  révélation;  on  dirait  de  ma- 
gnifiques flambeaux  placés  sur  la  route  des  siècles  pour 
montrer  aux  générations  qui  suivent  le  point  précis  où 
en  était  le  développement  de  la  vérité  dans  les  généra- 
tions qui  précèdent. 

Un  autre  objet  des  fêtes  est  de  fixer,  en  les  rappe- 
lant chaque  année,  les  événements  mémorables  de  la 
Religion.  Et  quels  événements  que  ceux  qui  étaient 
rappelés  aux  Juifs  par  les  fêtes  de  Pâques,  de  la  Pen- 
tecôte et  des  Tabernacles  !  Quels  événements  ne  rap- 
pellent pas  aux  Chrétiens  ces  mêmes  jours,  et  l'Ascen- 
sion, et  l'Assomption,  et  Noël,  et  tant  d'autres  !  Toute 


DE  PERSÉVÉRANCE.  115 

rhisloire"du  genre  humain  est  comme  tracée  à  grands 
traits  dans  les  fêtes  religieuses.  Les  Juifs  perpétuaient 
aussi  par  des  fêtes  des  événements  moins  importants  : 
la  délivrance  de  Béthulie  par  Judith,  la  délivrance  des 
Juifs  par  Esther,  furent  l'objet  de  fêtes  perpétuelles. 

Il  en  a  été  de  même  dans  le  Christianisme  :  dès  l'ori» 
gine,  on  célébra  la  fête  des  martyrs.  Selon  la  manière 
de  penser  de  nos  pères  dans  la  foi,  la  mort  d'un  martyr 
était  pour  lui  une  victoire,  pour  ses  frères  un  mo- 
dèle, pour  la  religion  un  triomphe.  Le  sang  de  ce  té- 
moin cimentait  l'édifice  de  l'Eglise  :  on  solennisait  le 
jour  de  sa  mort,  on  s'assemblait  à  son  tombeau,  on  y 
célébrait  les  saints  mystères  ;  les  fidèles  ranimaient  leur 
foi  et  leur  courage  par  son  exemple.  Dès  le  commence- 
ment du  second  siècle,  nous  le  voyons  par  les  actes  du 
martyre  de  saint  Ignace  et  de  saint  Polycarpe,  et  nous 
ne  pouvons  pas  douter  que  l'on  n'ait  fait  la  même  chose 
k  Rome,  immédiatement  après  le  martyre  de  saint 
Pierre  et  de  saint  Paul.  En  effet,  le  témoignage  des 
Apôtres  et  de  leurs  Disciples,  scellé  de  leur  sang,  était 
trop  précieux  pour  ne  pas  le  remettre  continuellement 
sous  les  yeux  des  fidèles.  Les  mêmes  motifs  qui  ont  fait 
établir  les  fêtes  des  martyrs,  ont  donné  naissance  aux 
fêtes  des  confesseurs,  c'est-à-dire  des  saints  qui,  sans 
avoir  souffert  la  mort,  ont  édifié  l'EgUse  par  l'hé- 
roïsme de  leurs  vertus.  Leur  vie  est  un  glorieux  témoi- 
gnage à  la  sainteté  du  Christianisme  ;  elle  montre  que 
la  morale  ôvangélique  n'est  impraticable  pour  per- 


116  CATÉCHISME 

sonne.  Quelle  leçon  plus  utile  à  consacrer  paf  une  fôte 
perpétuelle  ! 

Ce  qui  précède  nous  fait  comprendre  la  supériorité 
des  fêtes  chrétiennes  sur  les  fêtes  judaïques  et  patriar- 
cales. Dans  celles  -  ci  on  honorait  de  grands  événe- 
ments sans  doute;  mais  tout  grands  qu'ils  sont,  ils 
n'étaient  que  l'ombre  d'événements  plus  grands  en- 
core. Que  conclure  de  là  ?  sinon  que  nos  dispositions 
pour  les  célébrer  doivent  être  bien  plus  parfaites  que 
celles  des  Juifs  et  des  patriarches. 

Que  dirons-nous  de  la  beauté  de  nos  fêtes,  c'est-à- 
dire  de  leur  harmonie  avec  les  saisons  où  elles  se  cé- 
lèbrent, avec  les  mystères  qu'elles  rappellent,  et  avec 
les  besoins  de  notre  cœur?  11  est  bien  à  plaindre  celui  qui 
est  insensible  à  l'admirable  succession  de  nos  solennités! 
Otez  nos  fêtes,  et  voyez  quelle  monotonie  règne  dans 
le  cours  de  l'année  !  comme  tout  devient  ennuyeux, 
insipide  dans  la  succession  des  jours  et  des  saisons  ! 
Essayez  d'intervertir  l'ordre  dans  lequel  on  les  célèbre, 
et  vous  verrez  quelle  profonde  sagesse  en  a  déterminé 
l'époque. 

Pour  en  citer  quelques  exemples,  placez  la  fête  de 
Pâques  ou  de  la  résurrection  en  automne,  alors  que 
tout  dans  la  nature  présente  l'image  de  la  mort,  et  les 
jours  qui  diminuent,  et  les  arbres  qui  se  dépouillent,  et 
les  feuilles  desséchées  qui  roulent  emportées  par  l'a- 
quilon comme  la  poussière  des  tombeaux,  et  l'hor  izon 
qui  se  charge  de  nuages  et  qui  s'assombrit,  que  vous 
en  semble?  n'y  a-t-il  pas  là  un  contraste  choquant,  et 


DE   PERSÉVÉRANCE.  117 

une  difflcullé  extrôme  d'entrer  dans  l'esprit  de  la 
solennité?  De  même  encore,  célébrez  la  Fête-Dieu  au 
mois  de  janvier,  et  dites-moi  si  vous  sentirez  naître 
dans  vos  cœurs  ces  sentiments  d'allégresse  que  doit 
inspirer  le  triomphe  de  l'Homme-Dieu?  Au  contraire, 
supposez  qu'au  lieu  de  se  célébrer  en  hiver,  la  fête  de 
Noël  se  célèbre  dans  les  beaux  jours  de  l'été  :  ne  sen- 
tez-vous pas  aussitôt  s'affaiblir  cette  piété  compatissante 
pour  le  nouveau-né  de  Bethléem?  Quelle  difficulté 
d'exciter  dans  notre  cœur,  au  milieu  des  chaleurs  brû- 
lantes, ces  sentiments  si  vifs  pour  ce  petit  enfant  transi 
de  froid?  Replacez  Noël  au  25  décembre,  et  vous 
éprouvez  comme  malgré  vous  cette  tendre  pitié  pour 
l'enfant  divin  qui  naît  au  milieu  d'une  longue  nuit 
d'hiver,  dans  une  grotte  humide,  ouverte  de  toutes 
parts  au  souffle  glacé  de  l'aquilon.  Ne  vous  en  étonnez 
pas  :  dans  la  première  supposition,  il  y  a  désaccord  entre 
la  fête  et  la  saison;  dans  la  seconde,  l'harmonie  existe, 
l'ordre  est  rétabli,  les  obstacles  disparaissent,  et,  sans 
peine,  le  cœur  éprouve  tout  ce  qu'il  doit  éprouver  *. 

Descendez  encore  plus  avant  dans  ces  mystérieuses 
harmonies,  et  vous  verrez  que,  dans  le  cours  d'une  an- 
née, il  n'est  pas  un  besoin  de  notre  cœur  que  la  succes- 
sion de  nos  fêtes  ne  satisfasse.  Ainsi  est  fait  le  cœur  de 


'  Pour  que  cette  observation  soit  juste,  il  n'est  pas  nécessaire 
que  la  même  harmonie  règne  dans  tous  les  climats  ;  la  figure  de  la 
terre  et  le  mouvement  du  soleil  la  rendent  impossible.  Certains 
peuples  ont  l'été  pendant  que  nous  avons  l'hiver;  il  suffit  que 
cette  harmonie  soit  parfaite  au  centre  de  la  catholicité  :  là  se 
trouve  la  perfection  des  rapports. 


118  CATÉCHISME 

l'homme  :  il  ne  peut  pas,  il  ne  veut  pas  éprouver  tou- 
jours le  même  sentiment  ;  la  variété  le  fait  vivre,  la  mo- 
notonie le  lue;  on  dirait  un  luth  qui  ne  résonne  bien 
que  lorsque  toutes  les  cordes  en  sont  habilement  tou- 
chées. Il  nous  faut  en  effet  tour  h  tour  le  sentiment  de 
l'espérance,  de  la  foi,  de  la  sainte  tristesse,  de  la  joie, 
de  l'allégresse  et  de  l'amour,  quelques  sourires  et  beau- 
coup de  larmes  ;  il  nous  faut  surtout  une  grande  variété 
de  motifs  pour  exciter  en  nous  l'amour  et  la  pratique 
des  différentes  vertus.  Or,  étudiez  bien  l'enchaînement 
des  trois  parties  de  l'année  ecclésiastique,  la  succession 
de  nos  fêtes,  et  dites  s'il  est  dans  la  Religion  une  seule 
vertu  qui,  dansune  année,  ne  soit  proposée  à  notre  imi- 
tation avec  son  motif  propre?  une  seule  fibre  dans  notre 
cœur  qui  ne  soit  remuée  ?  Malheur  !  malheur  !  à  ceux 
qui  ne  distinguent  les  saisons  que  par  les  sensations  du 
chaud  et  du  froid ,  et  pour  qui  toutes  nos  harmonies 
religieuses  ne  sont  que  comme  si  elles  n'étaient  pas  ! 
cette  insensibilité  morale,  cette  paralysie  spirituelle  est 
plus  qu'un  malheur,  c'est  une  punition;  la  punition  de 
ceux  qui, s'étantrendus  semblables  aux  animaux  par  leurs 
appétits,  ont  mérité  de  ne  plus  connaître  la  vie  que  par 
des  sensations  grossières  ^ 

Nos  fêtes  chrétiennes  ont  encore  d'autres  avan- 
tages ;  elles  intéressent  au  plus  haut  degré  le  bien- 
être  matériel  de  l'homme  et  la  paix  de  la  société. 
Tant  il  est  vrai,  de  l'aveu  même  des  impies,  que  la 

'  Homo  cum  in  honore  esset,  non  intellexit  :  comparatus  est  ju- 
mentis  insipientibus  et  similis  factus  est  illis.  Ps.  48. 


DE   PERSÉVÉRANCE.  Ii9 

Religion,  qui  ne  semble  avoir  pour  but  que  la  fé- 
licité de  l'autre  vie,  est  encore  le  meilleur  moyen  de 
Dous  rendre  heureux  dès  celle-ci  !  «  Que  doit-on  pen- 
ser, demande  Jean-Jacques  Rousseau,  de  ceux  qui 
veulent  ôter  au  peuple  ses  fêtes,  comme  autant  de  dis- 
tractions qui  le  détournent  de  son  travail  ?  Cette  maxime 
est  barbare  et  fausse.  Tant  pis  si  le  peuple  n'a  de  temps 
que  pour  gagner  son  pain  ;  il  lui  en  faut  encore  pour  le 
manger  avec  joie,  sans  quoi  il  ne  le  gagnera  pas  long- 
temps. Ce  Dieu  juste  et  bienfaisant,  qui  veut  qu'il  s'oc- 
cupe, veut  aussi  qu'il  se  délasse.  La  nature  lui  impose 
également  l'exercice  et  le  repos,  le  plaisir  et  la  peine. 
Le  dégoût  du  travail  accable  plus  les  malheureux  que 
le  travail  même.  Voulez-vous  rendre  un  peuple  actif  et 
laborieux?  donnez-lui  des  fêtes...  Des  jours  ainsi  per- 
dus feront  mieux  valoir  les  autres.  » 

Mais  quelles  fêtes  donnerez-vous  au  peuple  pour  le 
rendre  plus  actif  et  plus  laborieux?  des  fêtes  civiles? 
mais  elles  ne  sont  et  ne  peuvent  être  que  pour  les  ha- 
bitants des  grandes  cités  :  les  dépenses  qu'elles  entraî- 
nent, les  préparatifs  qu'elles  demandent,  les  rendent 
impossibles  dans  les  campagnes.  Si  vous  n'avez  que  des 
fêtes  civiles,  vous  condamnez  à  n'avoir  jamais  de  fêtes 
cettx  à  qui  la  continuité  du  travail  et  des  privations  les 
tend  le  plus  nécessaires.  Des  fêtes  civiles?  mais  au- 
jourd'hui, divisés  comme  nous  sommes  par  des  haines 
politiques,  les  fêtes  civiles  blessent  et  humilient  une 
partie  des  populations  :  le  triomphe  des  vainqueurs 
exaspère  les  vaincus. 


120  CATECHISME 

Laisserez-vous  aux  peuples  le  soin  de  se  procurer  des 
fêles?  mais  le  peuple,  et  par  peuple  j'entends  les  ri- 
ches aussi  bien  que  les  pauvres,  ceux  qui  hab»"lent  des 
palais  comme  ceux  qui  dorment  sous  le  chaume,  le 
peuple  ira  les  demander  à  la  débauche.  Vous  verrez  les 
uns  passant  tour  à  tour  de  la  table  au  théâtre,  se  ruiner 
en  folles  prodigalités  ;  vous  verrez  les  autres  s'ensevelir 
dans  les  tavernes,  s'y  dégrader,  s'y  abrutir,  et,  dévoran! 
en  quelques  heures  la  subsistance  de  leur  famille  pen- 
dant une  semaine  entière,  condamner  leurs  enfants  et 
leurs  épouses  à  la  faim  et  aux  larmes.  Ce  mouvement 
déréglé,  une  fois  établi,  fera  chaque  jour  de  nouveaux 
progrès.  Les  salles  de  spectacle,  les  cafés,  les  écoles 
du  vice,  les  lieux  de  débauche  de  toute  espèce  se  mul- 
tiplieront; une  fausse  politique,  un  intérêt  sordide  et 
un  fonds  d'irréligion,  persuaderont  que  ces  établisse- 
ments pestilentiels  sont  devenus  nécessaires.  Les  bons 
citoyens,  les  artisans  honnêtes  s'en  plaindront;  ils  ue 
pourront  plus  retenir  dans  les  ateliers  les  apprentis 
ni  les  garçons  :  gémissements  inutiles  !  au  peuple  il 
faut  des  fêtes. 

Vous  lui  avez  ôté  les  seules  qui  lui  convenaient, 
parce  qu'elles  seules  pouvaient  le  rendre  plus  actif  et 
plus  laborieux,  par  conséquent  plus  moral  ;  vous  l'avez 
tourné  en  dérision  lorsqu'il  y  assistait  ;  vous  l'en  avez 
dégoûté,  il  en  a  cherché  d'autres  ;  et  maintenant  ce 
peuple  immoral,  mécontent,  inquiète  votre  sommeil 
et  trouble  vos  jouissances,  en  attendant  qu'il  vous 
paie  par  le  pillage  et  la  violence  vos  leçons  d'impiété  : 


DE    PERSÉVÉRANCE.  121 

tant  pis  pour  vous.  El  quelles  étaient  donc  ces  fêtes, 
les  seules  qui  convenaient  au  peuple?  ce  sont  les  fê- 
tes religieuses. 

D'abord  tous  peuvent  y  prendre  part;  pas  plus 
que  ceux  des  villes,  les  habitants  des  campagnes 
n*en  sont  exclus;  elles  ne  sont  onéreuses  ni  au  ri- 
che, ni  au  pauvre;  souvent  ils  se  font  une  gloire  et 
un  plaisir  de  contribuer  volontairement  à  leur  magni- 
ficence. Ici  nul  n'est  froissé;  ce  n'est  ni  le  triomphe, 
ni  la  défaite  des  autres  qu'on  célèbre;  on  ne  connaît 
point  de  partis  dans  nos  temples  ;  les  enfants  n'ont  plus 
de  haine  quand  ils  sont  ensemble  dans  le  giron  de 
leur  mère  :  s'il  y  a  des  larmes,  ce  sont  des  larmes  de 
joie  ou  de  repentir.  Les  concerts  profanes,  les  danses 
voluptueuses  des  théâtres,  les  vociférations  de  la  lubri- 
cité, les  emportements  de  la  fureur,  les  rixes  de  la  dé- 
bauche, sont  remplacés  par  de  saints  cantiques,  de  ma- 
gnifiques et  touchantes  cérémonies.  Les  passions  se  tai- 
sent, l'âme  reprend  sa  vigueur  ;  l'homme,  heureusement 
délassé,  y  devient  plus  actif,  plus  dispos  au  travail, 
parce  qu'il  y  devient  meilleur. 

Oui,  rendre  l'homme  meilleur,  c'est-à-dire  plus  mo- 
ral ,  tel  est  le  grand  avantage,  l'avantage  exclusif  des  fêtes 
religieuses  ;  elles  rassemblent  les  hommes  aux  pieds  des 
autels  du  Seigneur,  cimentent  entre  eux  la  paix  et  la 
fraternité,  rappellent  le  souvenir  des  faits  sur  lesquels 
la  Religion  est  fondée,  et  qui  sont  autant  de  bienfaits  de 
Dieu.  Par  conséquent  elles  rendent  les  hommes  recon- 
naissanlsjenvers  le  Seigneur,  humains  cl  charitables  en- 


lââ  CATÉCHISME 

vers  leurs  frères;  elles  leur  proposent  de  grands  modèles, 
des  saints  de  tout  flge,  de  tout  rang,  de  toute  profession, 
qui,  ayant  été  ce  que  nous  sommes,  faibles  et  tentés, 
nous  disent  du  haut  du  ciel  qu'il  ne  tient  qu'à  nous  d'être 
un  jour  ce  qu'ils  sont.  Si  vous  dites  que  ces  belles  leçons, 
données  au  milieu  du  spectacle,  tour  à  four  majestueux, 
gracieux  ou  terrible  de  nos  cérémonies,  sont  tout  à  fait 
inutiles,  il  faut  désespérer  de  l'humanité. 

En  instituant  des  fêles,  l'Eglise  a  donc  procuré  le  bien 
de  la  société  autant  que  celui  des  particuliers  ;  car, 
dans  un  Etat  policé,  la  Religion,  les  mœurs,  les  vertus 
sociales  ne  sont  pas  moins  nécessaires  que  la  subsis- 
tance, l'argent,  le  travail,  le  commerce;  il  faut  des 
hommes  et  non  des  brutes  ou  des  automates.  Or,  con- 
naissez-vous on  meilleur  moyen  d'avoir  des  hommes  et 
des  citoyens  que  la  Religion  ?  et  dans  quelle  circon- 
stance la  Religion  a-t-elle  plus  d'empire  que  dans  dos 
solennités  ? 

Autrefois  on  se  plaignit  de  la  multitude  des  fêtes,  et 
voilà  qu'on  les  a  presque  toutes  supprimées,  du  moins 
en  France.  Qu'y  avons-nous  gagné?  l'ouvrier,  le  ta- 
bourenr  en  a  travaillé  quelques  jours  de  plus,  mais  en 
est-il  devenu  plus  heureux  ?  Hélas  !  non  ;  il  n'y  a  rien 
gagné,  même  pour  son  travail;  car  il  passe  aujourd'hui 
en  débauche  phis  de  jours  qu'il  n'en  passait  à  l'église, 
alors  que  toutes  les  fêtes  existaient  ;  il  y  a  même  une 
différence  à  son  désavantage  :  nos  jours  de  fête  ne  lui 
coûtaient  rien,  tandis  que  les  jours  de  libertinage  ïui 
coûtent  son  argent  et  aa  santé. 


DE   PERSÉVÉRANCE.  iSÔ 

L'Eglise  avait  donc  été  bien  sage,  bien  maternelle  en 
multipliant  ses  solennités.  Non,  jamais  elle  ne  fit  de 
son  pouvoir  un  usage  plus  utile  ;  heureux  du  moins  si 
nous  savons  profiter  des  fôtes  qu'on  a  bien  voulu  nous 
laisser!  Pour  cela  il  faut  les  sanctifier,  et  pour  les  sanc- 
tifier entrer  dans  l'esprit  de  la  solennité;  mais,  qu'est- 
ce  donc  que  l'esprit  d'une  solennité?  c'est  l'intention 
que  l'Eglise  s'est  proposée  en  l'instituant;  il  faut  bien  la 
connaître  afin  de  la  remplir,  et  de  pénétrer  notre  âme 
des  dispositions  analogues.  Tantôt  c'est  une  vertu  qui 
nous  est  commandée  ;  tantôt  c'est  un  sentiment  qu'il 
faut  ranimer  :  toujours  il  y  a  une  chose  à  croire  et  une  à 
imiter.  Laissons-nous  aller  aux  impressions  de  la  grâce, 
et  le  Saint-Esprit  nous  dira  tout  ce  que  nous  devons 
faire  pour  célébrer  nos  fêtes  de  manière  à  ce  qu'elles 
deviennent  le  gage  de  la  fête  éternelle  dont  elles  sont 
une  faible  image.  Une  neuvaine  préparatoire  est  un 
des  meilleurs  moyens  que  nous  puissions  employer  pour 
nous  disposer,  comme  la  réception  fervente  du  Sauveur 
est  le  moyen  de  profiter  des  grâces  que  Dieu  répand 
ces  jours-là  avec  plus  d'abondance.  Puisse-t-il  en  être 
ainsi  pour  tous  ceux  qui  liront  ces  lignes  *  ! 

'  Sur  les  matières  traitées  dans  cette  quatrième  partie  du  Ca- 
téchisme, Toyez  les  ouvrages  suivants  que  nous  avons  consultés  : 
Saint  Justin,  ses  deux  Jpologies ;  TertulWen,  l' apologétique,  les 
Prescriptions,  de  la  Couronne  du  soldat  ;  Clément  d'Alexandrie, 
les  Stromates  et  le  Pédagogue  ;  saint  Augustin,  la  Cité  de  Dieu, 
de  la  Genèse  à  la  lettre,  et  les  livres  contre  Fauste  ;  Innocent  I,  sa 
Lettre  à  Decentius  ;  les  Constitutions  apostoliques  ;  Isidore  de 
Séville,  des  Offices  ecclésiastiques  ;  Durand,  évêqué  de  Mende,  Ra- 
tionale  dii'inorum  officiorum  ;  on  disait  de  cet  ouvrage  :  Cœteri 


124  CATÉCHISME 


PRIÈllE. 


O  mon  Dieu  î  qui  êtes  toul  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  établi  des  fôtes  pour  me  rappeler  vos  btenfails 
et  me  porter  plus  efficacement  k  la  vertu. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu  ;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je  me  pré- 
parerai aux  fêtes  par  une  neuvaine. 


PETIT  CATÉCHISME. 
LE   CHRISTIANISME   RENDU   SENSIBLE. 

Q.  Qu'est-ce  que  le  temps? 

R.  Depuis  le  péché  originel  le  temps  est  le  délai  ac- 
cordé par  la  justice  divine  k  l'homme  coupable  pour 
faire  pénitence.  C'est  pour  cela  que  le  concile  de  Trente 
dit  que  la  vie  chrétienne  doit  être  une  pénitence  conli- 

libri  utiles,  iste  nacessarius  ;  Duranti,  premier  président  du  par- 
lement de  Toulouse,  son  excellent  ouvrage  de  Ritibus  Ecclesiœ  ca- 
tholicce;le  cardinal  Bona,  Renim  liturgicanum,  libriduo;  Roldetti, 
chanoine  de  Sainte-Marie,  in  Trnnste\'ere  :  Osseri'azioni  sopra  i  ci- 
miteri  de'  santi  martiri  ed  antichi  cristiani  de  Roma  ;  in-foL;  le 
P.  Mamachi,  Dominicain,  Dei  Costumi  dei  primitU'i  Cristiani;  An- 
tichità  cristiane  ;  Le  Brun,  Cérémonies  de  la  messe.  Liturgies 
de  toutes  les  églises  ;  Thomassin,  Traité  des  fêles  ;  Baillet,  Fêtes 
mobiles;  Berg\er,  Dictionnaire  de  théologie;  Jauffret,  du  Culte 
public;  M,  Raoul  Rochelle,  Tableau  des  Catacombes  ;  M.  Thirat, 
Esprit  des  cérémonies  de  l'Eglise  ;  Rituel  romain,  et  plusieurs 
autres,  etc.,  etc. 


DE   PERSÉVÉRANCE.  125 

nuelle.  Ceux  qui  ne  profileront  pas  bien  du  temps  en- 
tendront de  la  bouche  du  souverain  Juge  cette  sentence  : 
Retirez-vous  de  moi,  maudits;  allez  au  feu  éternel  qui 
a  été  préparé  pour  le  Démon  et  pour  ses  anges.  On 
n'en  profite  pas  bien  quand  on  remploie  à  offenser 
Dieu. 

Q.  Comment  se  divise  le  temps  de  l'année  ? 

R.  Le  temps  de  l'année  est  divisé  pour  l'Eglise  en 
trois  parties  :  la  première  comprend  l'Avent,  et  nous 
rappelle  les  quatre  mille  ans  pendant  lesquels  le  Messie 
fut  attendu;  la  seconde  s'étend  depuis  Noël  à  l'Ascen- 
sion, et  comprend  toute  la  vie  mortelle  de  Notre-Sei- 
gneur;  la  troisième  commence  à  la  Pentecôte  et  finit  à 
la  Toussaint;  elle  renferme  la  vie  de  l'Eglise.  L'année 
ecclésiastique  se  termine  par  la  fête  de  la  Toussaint  ou 
du  Ciel,  parce  que  le  Ciel  est  le  but  de  tous  les  travaux 
de  Notre-Seigneur,  de  tous  les  enseignements  de  l'E- 
glise et  de  toute  notre  vie. 

Q.  Qu'est-ce  que  les  fêtes? 

R.  Le  mot  fête  veut  dire  réjouissance,  assemblée  de 
religion.  Il  y  a  eu  des  fêtes  depuis  le  commencement 
du  monde  ;  il  y  en  avait  sous  les  Patriarches,  sous  la  loi 
de  Moïse,  comme  dans  le  Christianisme. 

Q.  Quel  est  le  premier  objet  des  fêtes  ? 

jR.  Le  premier  objet  des  fêtes  est  de  nous  rappeler 
les  principaux  événements  de  la  Religion,  tels  que  la 
naissance,  les  miracles,  la  mort,  la  résurrection,  l'as- 
cension de  Notre-Seigneur,  la  descente  du  Saint-ESpritj 

Q.  Quel  est  le  second  ? 


126  GATéCHISMB 

R.  C'est  de  fixer  tous  ces  événements  et  d'exciter  en 
nous  la  reconnaissance  pour  les  bienfaits  de  Dieu.  Les 
fêtes  des  saints  ont  pour  but  de  nous  remettre  devant 
les  yeux  leurs  vertus  et  la  récompense  dont  ils 
jouissent. 

Q.  Quels  sont  les  avantages  des  fêtes? 

R.  Les  avantages  des  fêtes  sont  d'abord  de  nous  por- 
ter à  la  reconnaissance  envers  Dieu  et  à  l'imitation  des 
Saints  ;  ensuite  d'exciter  dans  notre  cœur  les  diffé- 
rentes vertus  que  nous  sommes  obligés  de  pratiquer 
plus  particulièrement  dans  chaque  saison  de  l'année.  Les 
fêtes  servent  aussi  à  nous  délasser  de  nos  travaux,  et 
à  les  rendre  utiles  en  nous  apprenant  à  les  sanctifier. 

Q.  Comment  faut-il  sanctifier  les  fêtes? 

R.  Pourisanctifier  les  fêles,  il  faut  bien  entrer  dans 
leur  esprit,  c'est-à-dire  bien  comprendre  l'intention  que 
l'Eglise  s'est  proposée  en  les  instituant,  et  tâcher  d'ex- 
citer dans  notre  cœur  les  sentiments  que  la  fête  doit 
nous  inspirer.  Un  bon  moyen  de  sanctifier  les  fêtes,  c'est 
de  s'y  préparer  par  une  neuvaine,  et  de  recevoir  avec 
ferveur  les  sacrements  de  Pénitence  et  d'Eucharistie. 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu!  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  établi  des  fêtes  pour  me  rappeler  vos  bienfaits 
et  me  porter  plus  efficacement  à  la  vertu. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 


DE   PERSÉVÉRANCE.  137 

chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
(le  Dieu  ;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je  me  pré- 
parerai aux  fêtes  par  une  neuvaine. 


Qi®@jC) 


128  CATÉCHtSME 


VIP   LEÇON. 

LK    CHRISTIANISME   RENDU    SENSIBLE. 

Dimanche.  —  Son  histoire.  —  Son  objet.  —  Dimanche  chez  les  pre- 
miers Chrétiens. —  Prière  en  commun,  Office. —  Origine  de  l'Of- 
fice divin.  —Différentes  heures  de  l'Office.  —  Leur  harmonie 
avec  Dieu,  l'homme  et  le  raonde. 

La  première  de  toutes  les  fêtes  chrétiennes,  c'est  le 
dimanche.  En  voici  l'histoire.  Dieu  ayant  créé  le 
monde  en  six  jours,  se  reposa  le  septième.  Il  le  sanc- 
lifla  et  commanda  aux  hommes  de  le  sanctifier  aussi. 
«  Souvenez-vous ,  leur  dit-il,  de  sanctifier  le  jour  du 
sabbat.  Vous  ne  ferez  ce  jour-là  aucun  travail,  ni 
vous,  ni  vos  enfants,  ni  vos  serviteurs,  ni  vos  servantes, 
ni  votre  bétail,  ni  l'étranger  qui  se  trouve  parmi  vous, 
afin  qu'ils  se  reposent  aussi  bien  que  vous.  Souvenez- 
vous  que  vous  avez  servi  vous-même  en  Egypte,  et 
que  Dieu  vous  en  a  tirés  par  sa  puissance  ;  c'est 
pour  cela  qu'il  vous  ordonne  le  jour  du  reposa  » 

Ainsi  le  repos  du  sabbat  au  septième  jour  fut  ordonné 
aux  Juifs  non-seulement  par  motif  de  religion,  mais 
encore  par  principe  d'humanité.  Ce  double  motif  sub- 
siste dans  l'institution  du  dimanche.  Le  repos  de  Tâme 
"€t  du  corps,  le  bien  de  l'homme  tout  entier,  tel  est 

«  Dealer.,  V,  14. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  129 

l'objet  de  l'inslitulion  duj'owr  du  Seigneur  qui  peut  à 
juste  titre  être  appelé  aussi  le  jour  de  l'homme.  L'im- 
piété s'est  montrée  cruellement  absurde  quand,  sup- 
primant le  dimanche,  elle  a  voulu  calculer  les  forces 
des  ouvriers  comme  celles  des  bêtes  de  somme  ;  quel- 
que robuste  qu'il  soit,  l'homme  a  besoin  de  repos  ;  tous 
les  peuples  l'ont  senti,  et  tous  ont  établi  des  jours  pour 
satisfaire  à  cette  nécessité.  Le  septième  est  le  plus 
convenable.  «  On  sait  maintenant  par  expérience  que 
le  cinq  est  un  jour  trop  près,  et  le  dix  un  jour  trop 
loin  pour  le  repos.  La  terreur  qui  pouvait  tout  en  France, 
n'a  jamais  pu  forcer  le  paysan  à  remplir  la  décade, 
parce  qu'il  y  a  impuissance  dans  les  forces  humaines, 
et  même,  comme  on  l'a  remarqué,  dans  la  force  des 
animaux.  Le  bœuf  ne  peut  labourer  neuf  jours  de 
suite  ;  au  bout  du  sixième  ses  mugissements  semblent 
demander  les  heures  marquées  par  le  Créateur  pour  le 
repos  général  de  la  nature.  Les  paysans  disaient  :  Nos 
bœufs  connaissent  le  dimanche,  et  ne  veulent  pas  tra- 
vailler ce  jour-là  ».  » 

Nous  avons  dit  que  le  repos  du  septième  jour  rap- 
pelait l'existence  du  Dieu  créateur  du  monde.  Or, 
après  l'extinction  du  Paganisme  et  de  l'idolâtrie,  il 
n'a  plus  été  nécessaire  de  continuer  à  célébrer  le 
sabbat  ou  le  repos  du  septième  jour  en  mémoire  de  la 
création  ;  la  croyance  d'un  seul  Dieu  créateur  ne  pou- 
vait plus  se  perdre  ;  mais  il  a  été  très-important  de  con- 
sacrer par  un  monument  éternel  le  souvenir  du  grand 

'  Génie  da  C/tr.,4part. 

T.  vu.  9 


130  CATÉCniSME 

miracle  qui  sert  de  fondement  au  Christianisme,  la  ré- 
surrection de  Jésus-Christ. 

L'établissement  du  dimanche  rend  ce  fait  incon- 
testable et  toujours  vivant  aux  yeux  de  toutes  les 
générations.  En  effet,  ce  sont  les  témoins  mêmes  de 
l'événement  qui  ont  établi  la  fête  qui  en  consacre  le 
souvenir  et  l'époque  ;  qui  la  font  célébrer  sur  le  lieu 
même  où  il  est  arrivé  par  des  milliers  d'hommes  qui 
ont  pu  vériGer  par  eux-mêmes  la  vérité  ou  la  fausseté 
du  fait,  et  en  prendre  toutes  les  informations  possibles. 
A  moins  que  tous  n'aient  été  saisis  de  la  plus  inconce- 
vable démence,  auraient-ils  pu  se  résoudre  à  rendre, 
par  une  cérémonie  publique,  répétée  tous  les  huit 
jours,  témoignage  d'un  fait  imaginaire  ou  dont  ils  n'au- 
raient pas  été  bien  convaincus?  Ajoutez  que  pour  assis- 
ter à  cette  cérémonie  et  pour  la  pratiquer,  il  a  fallu 
pendant  trois  cents  ans  s'exposer  aux  tourments  et  à 
la  mort. 

Le  dimanche  est  donc  une  preuve  toujours  vivante 
de  la  résurrection  deNotre-Seigneur*.  Voici  de  quelle 
manière  les  premiers  Chrétiens  célébraient  ce  grand 
jour.  Transportons-nous  par  la  pensée  à  dix-huit  siècles, 
entrons  dans  une  de  ces  Catacombes  illuminées  par 
une  foule  de  petites  lampes  suspendues  à  la  voûte,  ou 
attachées  aux  parois  :  autour  de  ces  tombeaux  de  mar- 
tyrs, qu'allons-nous  voir  ?  qu'allons -nous  entendre? 
Saint  Justin  va  nous  expliquer  toutes  les  cérémonies  du 
dimanche  primitif. 

•  Voj.  dans  la  seconde  partie  de  cet  ouvrage  ce  que  nous  disons 
du  dimanche,  leçon  XXVIII. 


DE    PERSItlVÉRANCE.  131 

«  Le  jour  du  soleil,  c'est  ainsi  que  les  Païens  nom- 
maient le  dimanche  ^  tous  ceux  qui  demeurent  à  la 
ville  ou  à  la  campagne  s'assemblent  en  même  lieu.  On 
commence  par  lire  les  écrits  des  Apôtres  ou  des  Pro- 
phètes, autant  que  le  temps  le  permet.  La  lecture  finie, 
celui  qui  préside  fait  un  discours  h  l'assemblée  pour 
l'instruire  et  pour  l'exhorter  h  mettre  en  pratique  les 
sublimes  maximes  de  vertu  et  de  religion  qu'elle  vient 
d'entendre.  Ensuite  nous  nous  levons  ^  tous  pour  faire 
notre  prière  en  commun.  Nous  prions  pournous-mêmes, 
et  pour  ceux  qui  sont  alors  baptisés,  et  pour  tous  les 
hommes  de  quelque  nation  qu'ils  soient,  afin  qu'ils  ar- 
rivent à  la  connaissance  de  la  vérité,  qu'ils  mènent 
une  vie  sainte,  pleine  de  bonnes  œuvres,  qu'ils  obser- 
vent les  commandements  du  Seigneur  et  parviennent 
enfin  à  la  gloire  éternelle.  Les  prières  finies,  nous  nous 
saluons  par  le  baiser  de  paix. 

»  Ensuite  on  présente  à  celui  qui  préside  du  pain  et 
une  coupe  de  vin  et  d'eau.  Les  ayant  pris,  il  rend  gloire 
au  Père  par  le  nom  du  Fils  et  du  Saint-Esprit,  et  lui 
fait  une  longue  action  de  grâces  pour  ces  mêmes  dons 
dont  il  nous  a  gratifiés.  Les  prières  et  l'action  de  grâces 
terminées,  tout  le  peuple  assistant  dit  à  haute  voix 

'  On  lit  dans  l'Epître  catholique  de  saint  Barnabe  :  «  Nous  passons 
dans  la  joie  le  jour  du  dimanche  auquel  Jésus  est  ressuscité  des 
morts»  :  Diem  dominicain  in  lœtitia  agimus,  in  quo  Jésus  resur- 
re.xit  a  mortuis.  x,  15-  — Tertuliien  :  «  Nous  défendons  de  jeûner  le 
jour  du  dimanche  :  Die  dominico  jejunium  nef  as  ducimus.  De  Co- 
ron., 3;  et  dansr^/jo/o^e7.,n.  16. 

*  Les  premiers  chrétiens  priaient  debout  le  dimanche  en  mé- 
moire et  en  signe  de  la  résurrection. 


132  CATÉCHISME 

amen,  mot  hébreu  qui  veut  dire  :  ainsi  soit-il. Alors  ceux 
que  nous  appelons  diacres  distribuent  à  chacun  des  as- 
sistants le  pain,  le  vin  et  l'eau  consacrés  par  l'action  de 
grâces,  et  en  portent  aux  absents. 

Nous  appelons  celte  nourriture  Eucharistie  ;  et  il 
n'est  permis  à  personne  d'y  participer,  s'il  ne  croit  la 
vérité  de  notre  doctrine,  s'il  n'a  été  lavé  par  la  rémis- 
sion des  péchés  et  la  nouvelle  vie,  et  s'il  ne  vit  con- 
formément aux  préceptes  de  Jésus-Christ,  Car  nous  ne 
les  prenons  pas  comme  un  pain  commun  et  comme 
un  breuvage  ordinaire,  mais  comme  la  chair  et  le 
sang  de  noire  Sauveur.  Car  nous  avons  appris  que  par 
l'efficace  de  la  prière  eucharistique,  qui  contient  la 
parole  même  du  Sauveur,  ce  pain  et  ce  vin  devien- 
nent la  chair  et  le  sang  de  ce  même  Jésus  qui  a  été 
fait  chair  pour  notre  salut.  En  effet,  les  Apôtres  nous 
ont  appris  dans  les  mémoires  qu'ils  nous  ont  laissés 
et"  qu'on  nomme  Evangiles,  que  Jésus-Christ  leur 
avait  ordonné  d'en  user  ainsi,  lorsqu'ayant  pris  le 
pain  et  ayant  rendu  grâces,  il  dit  :  Faites  ceci  en  mé- 
moire de  moi  :  ceci  est  mon  corps  ;  et  qu'ayaut  pris  pa- 
reillement la  coupe  et  rendu  grâces,  il  dit  :  Ceci  est 
mon  sang. 

»  Ensuite  nous  nous  rappelons  ces  choses  en  mémoire 
les  uns  des  autres.  Ceux  qui  ont  du  bien  soulagent 
tous  les  pauvres  ;  et  nous  sommes  toujours  de  cœur 
les  uns  avec  les  antres.  En  toutes  ces  offrandes,  nous 
bénissons  le  Créateur  de  toutes  choses,  par  son  Fils  Jé- 
sus-Christ et  par  le  Saint-Esprit.  Les  aumônes,  que  cha- 


DE   PERSÉVÉRANCE.  133 

cun  fait  avec  la  plus  grande  liberté,  sont  remises  entre 
les  mains  de  celui  qui  préside  et  qui  est  chargé  d'assis- 
ter les  veuves,  les  orphelins,  les  étrangers,  les  ma- 
lades, tous  ceux  en  un  mot  qui  sont  dans  les  larmes  pour 
quelque  cause  que  ce  soit  ^ 

»  Nous  avons  coutume  de  nous  assembler  le  jour  du 
soleil,  parce  que  c'est  le  jour  auquel  Dieu  commença 
de  créer  le  monde  ;  que  c'est  ce  môme  jour  que  Jésus- 
Christ  notre  Sauveur  est  ressuscité,  qu'il  est  apparu  à 
ses  Apôtres,  et  leur  a  enseigné  ce  que  nous  venons  de 
mettre  sous  vos  yeux  ^.  » 

Est-ce  l'histoire  du  dimanche  au  second  siècle  du 
Christianisme  que  nous  venons  d'entendre,  ou  bien  l'his- 
toire du  dimanche  telle  que  nous  la  voyons  encore  au 
dix-neuvième  siècle?  Est-ce  le  tableau  d'une  Catacombe 
ou  d'un  temple  catholique  que  nous  venons  de  voir  ? 
C'est  l'un  et  l'autre.  Voyez-vous,  Chrétiens,  comment 
l'Eglise  votre  mère  imprime  le  cachet  de  l'immortalité 
à  tout  ce  qu'elle  touche?  Ce  que  faisaient  vos  pères,  ne 

•  Quatre-vingts  ans  après  saint  Justin,  Tertullien  disait  encore: 
«Des  vieillards  recommandables  président;  chacun  de  nous  ap- 
porte chaque  mois  son  modique  tribut,  lorsqu'il  le  veut  et  comme 
il  le  veut,  en  raison  de  ses  moyens  :  car  personne  n'y  est  obligé, 
tout  est  volontaire.  C'est  là  comme  un  dépôt  de  piété  qui  ne  se 
consomme  point  en  repas  ni  en  stériles  dissipations  :  il  s'emploie 
à  la  nourriture  des  indigents,  aux  frais  de  leur  sépulture,  à  l'en- 
tretien des  pauvres  orphelins,  des  domestiques  épuisés  par  l'âge, 
des  naufragés.  Qu'il  y  ait  des  chrétiens  condamnés  aux  mines,  re- 
légués loin  de  leur  patrie,  ou  détenus  dans  les  prisons  uniquement 
pour  la  cause  de  Dieu ,  on  pourvoit  k  leur  subsistance.  »  (Apolo- 
gét.,  XXXIX.) 

*Apol.,  voy.  MamacLi,  t.  i,  287. 


134  CATÉCHISME 

le  faites- vous  pas  encore  aujourd'hui  de  m^me?  Tous 
les  souvenirs  du  dimanche  primitif  ne  sont-ils  pas  con- 
servés parmi  nous?  A  nos  grand'messes,  ne  retrouve-I- 
on pas  ces  prières  en  commun,  ces  lectures  des  livres 
saints  de  V Ancien  et  du  Nouveau  Testament,  ces  in- 
structions pour  nous  exhorter  à  la  vertu,  ce  pain  dis- 
tribué aux  fidèles,  ces  dons  faits  aux  pauvres  et  aux 
captifs  ?  Si  de  superbes  esprits  dédaignent  une  grand'- 
messe,  c'est  qu'ils  ne  savent  pas  tout  ce  qu'elle  rappelle 
de  vieilles  mœurs  et  de  saintes  coutumes.  Chose  ad- 
mirable !  il  n'y  a  pas  dans  toute  la  chrétienté  un  vil- 
lage, un  petit  hameau,  qui  ne  puisse  offrir  tous  les  huit 
jours,  aux  savants  et  aux  érudits,  des  réminiscences  de 
l'antiquité,  des  souvenirs  des  Césars,  du  Cirque,  des 
Catacombes  et  des  martyrs  '. 

Les  jîrîères  en  commun  de  nos  pères  dans  la  foi  nous 
donnent  lieu  de  parler  ici  de  Voffice  divin,  c'est-à-dire 
de  la  véritable  prière  en  commim  du  christianisme. 

Quoique  les  fidèles  ne  récitent  plus  l'office,  cepen- 
dant ils  y  assistent  au  moins  tous  les  dimanches.  Ils 
en  récitent  même  une  partie,  Vêpres,  par  exemple,  et 
quelquefois  Compiles.  Leur  foi,  leur  piété,  leur  respect 
pour  toutes  les  prières  et  les  usages  de  l'Eglise,  ne 
peuvent  que  gagner  beaucoup  à  en  connaître  le  sens  et 
la  raison. 

L'origine  de  l'office  divin,  et  les  difl'érentes  heures 
dont  il  se  compose,  voilà  ce  que  nous  allons  succes- 

'  Tableau  poétiq   des  fêtes  chr.,  par  le  Ticointe  Walsh. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  135 

sivement  expliquer.  Cette  partie  du  culte  catholique 
est  aussi  intéressante  qu'elle  est  peu  connue. 

Origine  de  Vof/îce  divin.  Tous  les  hommes  ont  prié, 
et  prié  en  commun.  Les  premiers  Chrétiens  surtout  ai- 
maient à  se  réunir  pour  offrir  à  Dieu  le  sacrifice  de  leurs 
lèvres.  A  leurs  oreilles  retentissaient  encore  ces  paroles 
du  divin  maître  :  Là  où  deux  ou  trois  sont  assemblés 
en  mon  nom,  je  suis  au  milieu  d'eux.  Persécutés,  pour- 
suivis comme  des  brebis  innocentes  par  des  loups 
cruels,  ils  cherchaient  la  force  et  la  constance  qui  leur 
étaient  si  nécessaires,  en  mettant  leurs  cœurs,  leurs 
vœux  et  leurs  prières  en  commun  avec  leurs  frères, 
comme  ils  partageaient  avec  eux  leur  fortune  et  leurs 
périls. 

La  nuit  comme  le  jour,  des  heures  étaient  réglées 
pour  la  prière.  L'auteur  des  Constitutions  apostoliques 
ordonne  aux  fidèles  de  prier  le  matin,  à  la  troisième 
heure,  à  la  sixième,  à  la  neuvième,  le  soir  et  à  minuit  *. 
Saint  Jérôme  écrivant  à  une  grande  dame  sur  l'éduca- 
tion de  sa  fille,  lui  dit  :  «  Mettez  auprès  d'elle  une 
vierge  d'un  âge  mûr,  modèle  de  foi  et  de  pudeur,  qui 
lui  apprenne  et  l'habitue  par  son  exemple  à  se  lever  la 
nuit  pour  prier  et  chanter  les  psaumes  ;  le  matin,  les 
hymnes  sacrées  ;  à  tierce,  à  secte,  à  none,  à  continuer  le 
combat,  comme  une  héroïne  de  Jésus-Christ,  et  vers  le 
coucher  du  soleil^  à  allumer  son  flambeau,  comme  une 

'  Precationes  fiant  mane,  tertia  hora,  sexta,  nona,  et  vespere, 
atque  ad  Galli  canticum.  Lib.  8,  c.  34.  Durantus,  lib.  3,  c.  1 1 ,  p.  733. 


136  CATÉCUISME 

vierge  sage,  et  offrir  le  sacrifice  du  soir\  »  Le  même 
Saint  nous  assure,  dans  ses  Lettres,  que  le  moissonneur 
chrétien  accompagnait  ses  travaux  du  chant  des  psau- 
mes, et  que  le  vigneron  taillant  sa  vigne  répétait  les 
cantiques  de  David  -. 

Les  moines  d'Egypte  et  de  la  Thébaïde,  les  soli- 
taires de  l'Orient,  de  la  Palestine  et  de  la  Mésopo- 
tamie, dans  chaque  monastère,  se  réunissaient  plu- 
sieurs fois  le  jour  pour  réciter  des  psaumes  et  chanter 
des  hymnes  à  la  gloire  du  Seigneur.  Saint  Augustin, 
s'adressant  à  son  peuple,  lui  dit  :  «  Mes  chers  frères, 
je  vous  en  prie,  levez-vous  de  meilleure  heure  pour 
assister  aux  veilles;  venez  avant  tout  à  l'office  de 
tierce,  sexte  et  none  ;  que  personne  ne  s'exempte  de 
cette  œuvre  sainte,  à  moins  qu'il  n'en  soit  empêché  par 
quelque  infirmité,  par  quelque  service  qu'il  rende  au 
public,  ou  par  une  grande  nécessité  '^  » 

La  réunion  de  toutes  ces  prières  se  nomme  ['office 
divin,  parce  que  c'est  un  devoir  qu'on  rend  à  Dieu 
pour  l'adorer,  pour  le  remercier  et  lui  demander  ses 
grâces. 

On  voit,  par  ce  qui  précède,  que  l'office,  tel  à  peu 
près  qu'il  existe  aujourd'hui,  remonte  à  la  plus  haute 
antiquité.  Héritière  des  traditions  anciennes,  l'Eglise  l'a 
établi  pour  perpétuer  ces  cantiques  sacrés  dont  reten- 

'  Ad  Lsetatu,  epist.  7,  de  fristit.  filiœ. 
^  Ad  Marcel!. 

'"  Serni.  1,  Feriœ  quartœ,  b&^de  Tempore.  Voy.  aussi  saint  ^A- 
s\le,IIomil.  in  martyr.  JuUttam. 


DE  PERSÉVÉRANCE.  137 

tirent  et  le  temple  de  Jérusalem,  et  les  échos  du  Sinaï, 
et  les  rivages  de  la  mer  Rouge  :  elle  a  voulu  aussi 
faciliter  aux  Chrétiens  l'exercice  de  la  prière. 

Différentes  heures  de  l'office.  Ici  encore  une  tradition 
de  trois  raille  ans.  David  disait  au  Seigneur  :  Je  chante 
vos  louanges  sept  fois  le  jour  ;  que  l'office  divin 
se  divise  en  sept  parties,  qu'on  nomme  heures,  parce 
qu'elles  se  récitent  à  sept  heures  différentes  de  la  nuit 
et  du  jour.  Voici  le  nom  de  ces  différentes  heures  : 
Matines,  prime,  tierce,  sexte,  none, vêpres  et  compiles. 
<]ette  division  est  de  la  plus  haute  antiquité  '.  Les 
laudes ,  qu'on  compte  quelquefois  pour  une  huitième 
heure,  font  partie  des  matines  ou  de  l'office  de  la  nuit. 

C'est  donc  sur  la  vénérable  autorité  d'une  tradition 
de  trois  mille  ans  qu'est  établie  la  division  de  l'office  en 
sept  heures,  adoptée  par  l'Eglise.  Mais  cette  tradition 
elle-même,  sur  quoi  repose-t-elle  ?  Sur  les  admirables 
harmonies  du  nombre  sept  avec  Dieu,  l'homme  et  le 
monde. 

1»  Le  nombre  sept  est  celui  des  dons  du  Saint-Esprit. 
«L'antique  serpent,  ditlà-dessus  saint  Jérôme,  chassé  du 
cœur  humain,  revient  avec  sept  démons  plus  méchants 
que  lui  ;  impossible  à  nous  de  lui  résister,  si  nous  ne 
sommes  fortifiés  par  les  sept  dons  du  Saint-Esprit.  C'est 
pour  les  obtenir  que  nous  prions  sept  fois'le  jour  ^  » 


•  Isidor.,  lib.  i,de  Eccles.  offic;  Raban  Maur.,  lib.  2,  de  Instit. 
cleric.  Basile,  lib.  1,  de  Instit.  moiuich.  Hieron,  in  Exposit. 
psal.  118.  Cassian.,  lib.  3,  de  Instit.  cœnobit,  c.  4. 

'  Hier.,  in  Job,  cap.  38. 


138  CATÉCHISME 

2°  Le  nombre  sept  est  celui  des  sept  péchés  capilau  C'est 
pour  les  éviter,  ou  pour  nous  relever  si  nous  les  avons 
commis,  que  nous  prions  sept  fois  le  jour.  3"  Tous  les 
besoins  spirituels  et  temporels  du  genre  humain  sont 
au  nombre  de  sept,  renfermés  dans  les  sept  demandes 
du  Pater.  C'est  pour  obtenir  l'objet  de  chacune  de  ses 
demandes  que  nous  prions  sept  fois  le  jour.  4°  Le  nom- 
bre sept  est  celui  des  jours  de  la  création  et  du  repos  de 
Dieu.  C'est  pour  nous  rappeler  cette  grande  semaine 
qui  vil  sortir  le  monde  du  néant,  et  nous  exciter  à  re- 
mercier Dieu  de  chaque  partie  de  la  création,  afin 
qu'usant  bien  des  créatures,  nous  parvenions  au  saint 
repos  de  l'éternité,  que  nous  prions  sept  fois  le  jour.  Les 
raisons  de  cette  division  septénaire  de  la  prière  exis- 
taient déjà  il  y  a  trois  mille  ans.  Voilà  le  fondement  de 
cette  vénérable  tradition,  et  la  preuve  de  la  profonde 
sagesse  de  l'Eglise  catholique. 

Rêveries  que  tout  cela,  diront  peut-être  les  hommes 
légers,  inaccoutumés  à  réfléchir.  Rêveries  tant  qu'il 
vous  plaira  :  nous  aimons  mieux  rêver  avec  saint  Jé- 
rôme, saint  Basile,  saint  Augustin,  Varron,  que  de  rai- 
sonner avec  vous  *. 

Pour  se  faire  une  idée  de  l'excellence  de  l'office  di- 
vin, il  suffit  de  savoir  de  quoi  il  se  compose.  C'est  un 


•  Voyez  encore,  sur  les  autres  harmonies  du  nombre  sept,  saint 
Basile,  Homit.  2,  in  Hexaœm.;  Grég.  Naz.,Orrt^,94,  in  sanct.  Pen- 
tecost.;  et  Aug.,  de  Cii'it.  Dei,  lib.  11,  c  37  ;  de  Gen.  lit.  1  contr. 
Manich.,  lib.  1  ;  Varro,  lib.  1,  Eorum  qui  inscribuntur  hebdo- 
mades,  etc.,  etc. 


DE   PERSÉVÉRANCE.  139 

abrégé  '  de  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  beau  dans  le  plus 
beau  de  (ous  les  livres,  l'Ancien  et  le  Nouveau  Testa- 
ment ;  de  tout  ce  que  l'histoire  des  saints  nous  offre  de 
plus  touchant  et  de  plus  sublime;  de  toutes  les  prières 
sorties  du  cœur  embrasé  des  plus  beaux  génies,  et  en 
même  temps  des  plus  grands  saints  que  le  monde  ait 
connus;  de  tous  les  cantiques  sacrés  que  la  foi  a  inspirés 
à  la  piété  chrétienne.  Que  dirai-je  encore?  Il  renferme 
tout  entiers  ces  chants  inimitables,  ces  poésies  immor- 
telles du  royal  Prophète,  où  le  cœur,  l'esprit,  l'imagi- 
nation trouvent  comme  un  océan  de  beautés  sans  égales, 
de  pensées  sublimes,  de  sentiments  divins.  Fut-il  jamais 
un  plus  beau  Bréviaire  de  choses  plus  belles?  Fut-il 
jamais  une  prière  plus  puissante? 

Un  monarque  veut  combler  de  faveurs  son  épouse 
chérie;  mais  il  veut  que  cette  épouse  les  lui  demande. 
Et  voilà  que  lui-même  lui  dresse  la  supplique,  lui  indi- 
que tous  les  termes  dont  elle  doit  se  servir,  puis  la  lui 
remet  entre  les  mains,  en  lui  faisant  serment  sur  son 
cœ  ur  de  lui  accorder  tout  ce  qu'il  lui  a  promis,  aussitôt 
qu'  elle  se  présentera  sa  supplique  à  la  main,  sur  les 
lèvres  et  dans  le  cœur.  Voilà  Dieu,  voilà  l'Eglise,  voilà 
le  Bréviaire. 

Oh!  quelle  puissance  ne  doivent  pas  avoir  sur  le 
cœur  de  Dieu  ces  trois  ou  quatre  cent  mille  prêtres  ca- 
•^holiques,  qui  chaque  jour  se  présentent  sept  fois  de- 
vant le  trône  de  l'Epoux  de  l'Eglise  pour  lui  demander, 
comme  il  le  veut,  les  faveurs  que  lui-même  a  promi- 

*  C'est  pourquoi  il  se  nomme  bréviaire. 


140  CATÉCHISME 

ses  et  dont  a  besoin  cette  épouse  chérie  !  Et  quand  on 
pense  qu'à  chaque  heure  du  jour  et  de  la  nuit  il  y  a  des 
milliers  de  prêtres  occupés  à  cette  sublime  fonction  j 
que  l'Orient  prie  quand  l'Occident  se  repose,  en  sorte 
que  la  voix  de  la  prière  n'est  jamais  interrompue  :  ne 
vous  semble-t-il  pas  être  dans  la  Jérusalem  céleste,  où 
les  bienheureux  répètent  sans  fin  le  cantique  de  l'éter- 
nité :  Saint,  saint,  saint,  le  Seigneur  Dieu  des  armées  ? 
Quels  fleuves  de  bénédictions  ne  doit  pas  faire  couler 
sur  la  terre  cette  puissante  supplication!  Monde  in- 
grat! monde  coupable  !  monde  aveugle!  c'est  à  elle  que 
tu  dois  ta  conservation  et  ton  salut. 

Que  dirai-je  encore?  Tous  les  siècles,  tous  les  pays, 
toutes  les  langues,  chantent  avec  nous  quand  nous 
chantons  lés  psaumes  de  David.  Tandis  que  nous  en 
faisons  retentir  les  voûtes  de  nos  églises,  ces  immortels 
cantiques  se  répètent  à  Rome,  à  Jérusalem,  à  Pékin,  à 
Mexico,  à  Pétersbourg,  au  Caire,  à  Constantinople,  à 
Paris  et  à  Londres.  Le  temple  de  Salomon,  les  plaines 
de  Babylone  et  de  Memphis,  les  bords  du  Jourdain,  les 
déserts  de  la  Thébaïde,  les  Catacombes  de  Rome,  les 
basiliques  de  Nicée,  de  Corinthe  et  d'Antioche  les  ont 
entendus.  Par  combien  de  bouches  plus  pures  que  la 
mienne  ils  ont  passé  !  Tobie  sur  son  lit  de  douleurs,  Judith 
dans  le  camp  d'Holopherne,Esther  à  la  cour  d'Assuérus, 
Judas  Machabée  à  la  tête  des  guerriers  d'Israël,  les  ont 
répétés.  Antoine  les  murmurait  au  désert,  Ghrysostôme 
à  Antioche,  Athanase  à  Alexandrie,  Augustin  à  Hip- 
pone,  Grégoire  à  Nazianze,  Bernard  à  Clairvaux,  Xa- 


DE   PERSÉVÉRANCE.  I4i 

vier  au  Japon.  Et  après  tant  de  siècles,  après  avoir 
exprimé  tant  de  sentiments  divers,  ces  immortels  canti- 
ques sont  aussi  nouveaux  qu'au  jour  où,  pour  la  première 
fois,  David  les  essaya  sur  sa  harpe.  Et  cela  ne  dit  rien 
à  votre  cœur?  et  cela  n'agrandit  pas  vos  idées?  et  cela 
ne  vous  fait  pas  comprendre  toute  la  magie  de  ce  nom 
incommunicable  de  l'Eglise  votre  mère....  catholique  ? 

La  première  heure  de  l'office  s'appelle  matines, 
veilles,  nocturnes  ou  heures  du  matin,  parce  qu'au- 
trefois on  les  récitait  la  nuit,  comme  nous  le  faisons 
encore  h  Noël,  et  parce  que  dans  les  chapitres  on  les 
dit  aujourd'hui  de  bon  malin.  Le  dimanche,  les  ma- 
tines sont  divisées  en  trois  nocturnes  ou  parties  com- 
posées de  trois  psaumes,  de  trois  antiennes,  de  trois 
leçons,  précédées  d'une  bénédiction  et  suivies  d'un 
répons.  Les  premières  leçons  sont  tirées  de  l'Ecriture 
sainte,  les  secondes  des  ouvrages^  des  Pères  ou  des  lé- 
gendes des  saints  de  qui  on  célèbre  les  fêtes,  et  les  troi- 
sièmes commentent  l'Evangile  du  jour,  dont  on  cite 
quelques  versets. 

Et  d'abord,  les  matines  du  dimanche  se  divisent  en 
trois  nocturnes.  Le  mot  nocturne  veut  dire  office  de  la 
nuit.  Les  anciens  divisaient  la  nuit  en  quatre  parties,  de 
chacune  trois  heures  :  la  première,  depuis  six  heures 
jusqu'à  neuf;  la  seconde,  depuis  neuf  heures  jusqu'à 
minuit  ;  la  troisième,  depuis  minuit  jusqu'à  trois  heures, 
et  la  quatrième,  depuis  trois  heures  à  six  heures  du  ma- 
tin. Chaque  partie  s'appelait  veille  ou  faction  :  on  disait 
la  première  veille,  la  seconde  veille,  etc.  Cette  dénomi- 


i42  CATÉCHISME 

nation  est  prise  de  la  lanf,'ue  militaire.  Les  soldats  veil- 
laient ou  faisaient  faction  chacun  pendant  trois  heures  *. 

Comme  les  armées  des  Césars,  l'armée  de  Jésus- 
Chrisl,  l'Eglise,  toujours  en  campagne,  ordonne  aux  ec- 
clésiastiques de  veiller  tour  à  tour  à  la  garde  du  camp, 
surtout  pendant  la  nuit,  car  c'est  le  temps  mauvais,  di- 
sent les  Pères,  le  temps  où  vient  le  tentateur,  le  temps 
du  péché  ". 

Aussi  dans  les  premiers  siècles,  les  nocturnes  se  ré- 
citaient séparément  :  le  premier  pendant  la  première 
veille,  le  second  pendant  la  deuxième,  le  troisième  pen- 
dant la  troisième,  et  laudes  pendant  la  quatrième.  Les 
fidèles  y  assistaient;  mais  après  chaque  nocturne,  ils 
étaient  libres  d'aller  prendre  du  repos  jusqu'au  noc- 
turne suivant.  Les  personnes  les  plus  délicates  n'y  man- 
quaient pas.  Saint  Jérôme,  écrivant  à  la  fille  des  Paul 
Emile  et  des  Scipion,  lui  dit  de  se  conformer  à  l'usage 
et  de  se  lever  la  nuit  deux  ou  trois  fois  pour  chanter  les 
hymnes  et  les  psaumes^. 

Dans  la  suite  des  temps,  l'Eglise,  ayant  égard  à 
la  faiblesse  humaine,  permit  de  réciter  les  trois 
nocturnes  avec  les  laudes  dans  une  même  veille  de 
la  nuit;  mais  ses  intentions  n'ont  point  changé.  Elle 
veut,  par  chaque  heure  de  l'office,  honorer  les  principaux 
mystères  de  la  passion  du  Sauveur  ;  nous  donner  à  cha- 
que instant  du  jour  et  de  la  nuit  les  plus  utiles  leçons. 


'  Végélius,  lib.  3,  de  Re  militari,  c  8. 

*  Hilar.,  in  Psal.  118.  Ambros.,  lib.  7,  in  Lucain. 

'  Noctibus,  bis,  terque  surgendum.  Ad  Eustoch.,  epist.  22. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  143 

et  nous  procurer  les  grâces  appropriées  h  chacun  de  nos 
besoins.  Nous  développerons  toutes  ces  choses  à  mesure 
que  nous  expliquerons  chaque  heure  en  particulier.  Et 
maintenant  on  peut  demander  pourquoi  les  matines,  qui 
sont  la  première  partie  de  l'office,  commencent  le  soir. 
C'est  que  le  jour  ecclésiastique  commence  le  soir  ;  usage 
vénérable  qui  nous  rappelle  l'antiquité,  car  chez  les  Juifs 
aussi  le  jour  commençait  le  soir.  Héritière  de  la  Syna- 
gogue, l'Eglise  catholique  a  continué  cet  usage,  d'ail- 
leurs plein  de  mystères. 

Les  matines  se  récitent  durant  la  nuit  :  1°  parce 
que  c'est  durant  la  nuit  que  furent  mis  5  mort,  par 
l'Ange  exterminateur,  les  premiers  nés  des  Egyp- 
tiens :  événement  à  jamais  mémorable  qui  amena  la 
délivrance  de  la  nation  d'Israël,  antique  figure  de  l'E- 
glise ;  2°  parce  que  c'est  durant  la  nuit  que  naquit  le 
Libérateur  du  monde  ;  3°  qu'il  accomplit  une  partie  des 
mystères  de  sa  douloureuse  Passion.  En  mémoire  de  ces 
grands  événements,  les  plus  grands  qui  aient  marqué 
dans  les'annales  du  monde,  en  actions  de  grâces  de  ces 
bienfaits,  et  aussi  en  expiation  des  crimes  des  Juifs  et 
de  tant  d'autres  qui  se  commettent  pendant  la  nuit,  l'E- 
glise a  voulu  que  les  prêtres  et  les  religieux,  tous  les 
anges  de  la  prière,  fussent  en  adoration  et  payassent  la 
délie  de  l'univers.  N'est-ce  pas  là,  que  vous  en  semble, 
une  assez  belle  idée  ? 

Aussitôt  que  la  cloche  avait  retenti  dans  les  airs, 
qu'il  était  beau  de  voir  ces  prêtres,  ces  religieux,  ces 
vieillards  à  cheveux  blancs  accourir  à  l'église  !  on  eût 


144  CATÉCHISME 

dit  une  armée  qui  court  aux  armes  au  premier  son  de 
la  Irompetle.  «Arrivés  à  l'église,  dit  un  de  ces  anciens 
soldais  de  Jésus-Clirisl,  nous  nous  prosternons  devant 
l'autel,  nous  saluons  noire  général,  nous  lui  protestons 
de  notre  obéissance,  tout  en  reconnaissant  que  nous  ne 
pouvons  vaincre  sans  lui'.  » 

L'office  commence,  mais  de  quelle  manière?  comme 
doit  commencer  toute  œuvre  surnaturelle,  par  l'aveu 
de  notre  impuissance.  Le  prêtre  faille  signe  de  la  croix 
sur  ses  lèvres  en  disant  :  Seigneur,  ouvrez  mes  lèvres, 
afin  que  ma  bouche  puisse  chanter  vos  louanges.  Mais, 
tandis  que  le  prêtre  demande  à  Dieu  la  grâce  et  la  per- 
mission de  chanter  ses  louanges,  le  Démon  redouble 
d'efforts  pour  rendre  sa  prière  inutile  ;  c'est  pourquoi, 
après  la  permission  obtenue,  le  prêtre  ajoute  aussitôt, 
en  s'armant  du  signe  tout-puissant  de  la  croix  :  O  Dieu  ! 
venez  à  mon  secours  ;  et  tout  le  chœur,  pénétré  aussi 
de  sa  propre  faiblesse,  répond  à  haute  voix  :  Seigneur, 
hâtez-vous  de  me  secourir.  Sur-le-champ  le  prêtre  dit: 
Gloire  au  Père,  au  Fils  et  au  Saint-Esprit,  et  le  chœur 
répond  :  Comme  il  était  au  commencement,  comme  il 
est  maintenant,  et  comme  il  sera  au  siècle  des  siècles  : 
c'est-à-dire  gloire  éternelle  au  Dieu  de  l'éternité.  Pour- 
quoi cette  hymne  de  gloire  et  de  reconnaissance  aussitôt 
après  le  cri  de  détresse?  En  voici  la  raison  ;  le  Seigneur 
a  dit  :  Vous  n'avez  pas  fini  de  m'invoquer  que  me  voilà'^. 
Pleine  de  confiance  en  la  promesse  de  son  divin  époux, 

'  Durandus,  lib.  5. 

»  Ad  liuc  te  loquente  ecce  adsum- 


DR    PERSIÎV^.RANCE.  145 

l'Eglise,  comprenant  qu'elle  est  exaucée,  se  liAte  de 
rendre  gloire  à  la  sainte  Trinité.  Le  Gloria  Patri  fut 
composé  par  saint  Jérôme  qui  l'envoya  au  pape  Da- 
mase.  A  la  prière  du  saint  anachorète  de  Bethléem,  le 
souverain  pontife  établit  que  celte  doxologie  se  chan- 
terait à  la  tin  des  psaumes  *. 

Depuis  Pâques  jusqu'à  la  Septuagésime,  le  Gloria 
Patri  est  suivi  de  V Alléluia.  Ce  mot  hébreu  veut  dire 
joie,  allégresse.  L'Eglise  le  place  entête  de  ses  offices, 
afin  de  nous  exciter  à  la  joie  en  servant  Dieu,  suivant 
cette  recommandation  du  Prophète  :  Servez  le  Seigneur 
dans  la  joie.  Et  quand  un  enfant  sera-t-il  lieureux, 
sinon  quand  il  chante  les  louanges  de  son  père  ? 

Après  l'alleluia  vient  Vinvitatoire  ou  Vinvitation.  Le 
prêtre  ne  se  contente  pas  de  louer  Dieu  tout  seul  ;  pro- 
phète de  la  loi  nouvelle,  ambassadeur  du  Très-Haut,  il 
invile  tous  ses  frères  à  le  louer  avec  lui.  L'invitatoire  est 
une  phrase  qui  contient  en  peu  de  mots  la  raison  parti- 
culière que  nous  avons  de  louer  Dieu  dans  la  fête  qu'on 
célèbre.  Cette  prière  est  suivie  de  ces  paroles  :  Venez., 
adorons,  que  le  chœur  répète  jusqu'à  six  ou  sept  fois  ; 
car,  après  avoir  donné  à  ses  frères  le  motif*particulier 
qu'ils  ont  de  louer  Dieu  dans  la  fête  du  jour,  l'officiant 
leur  en  donne  les  raisons  générales  et  immuables  con- 
tenues dans  le  psaume  Venite  exultemus  ;  il  dit  : 

«Venez,  louons  le  Seigneur;  il  est  notre  salut.  » 

Le  chœur  :  «Venez,  adorons.  » 

'  Quelques  auteurs  donnent  au  Gloria  une  origine  plus  an- 
cienne :  ils  l'attribuent  au  concile  de  Nicée. 

T,    VII.  10 


146  CATECHISME 

L'officiant  :  «  Il  est  le  Dieu  des  dieux,  le  matlre  de 
l'univers,  et,  malgré  sa  grandeur,  il  ne  dédaigne  point 
les  prières  de  ses  enfants.  » 

Le  chœur  ;  «Venez,  adorons.» 

L'officiant  :  «  La  mer  lui  appartient,  la  terre  est 
l'ouvrage  de  ses  mains  ;  il  nous  a  faits  nous-mêmes,  et 
nous  n'avons  pas  craint  de  l'offenser.  Tombons  à  ses 
genoux,  répandons  devant  lui  des  larmes  d'amour  et  de 
repentir  ;  nous  sommes  son  peuple  et  la  brebis  chérie 
qui  mange  dans  sa  main.  » 

Le  chœur  :  «Venez,  adorons.  » 

L'officiant  :  «Il  nous  y  invite,  ne  soyons  pas  sourds  à 
sa  voix,  dans  la  crainte  qu'il  ne  nous  arrive  comme  aux 
Israélites  du  désert.  » 

Le  chœur  :  «Venez,  adorons.  » 

L'officiant  :  «  Ils  furent  pendant  quarante  ans  dans 
la  solitude  et  condamnés  à  ne  point  voir  la  Terre  pro- 
mise.» 

Le  chœur  :  «  Ve^ez,  adorons.  » 

Prenez  tous  les  poètes  anciens  et  modernes,  cher- 
chez, cherchez  encore,  et  dites  si  vous  trouverez  quel- 
que chose  d'aussi  beau,  d'aussi  sublime,  d'aussi  tou- 
chant que  ce  magnifique  dialogue  !  Ce  poélique  entre- 
tien, si  propre  à  former  dans  le  cœur  l'esprit  de  la  prière, 
se  termine  par  un  élan  d'amour  pour  la  sainte  Trinité; 
Gloria  Patri. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  147 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  institué  le  saint  jour  du  dimanche;  c'est  bien  plus 
pour  moi  que  pour  vous  que  ce  jour  doit  être  consacré  à 
la  prière  ;  faites-moi  la  grâce  de  bien  le  sanctifier. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu  ;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je  m'appli- 
querai à  bien  comprendre  les  cérémonies  de  V Église. 


PETIT  CATÉCHISME. 

LE   CHRISTIANISME  RENDU    SENSIBLE. 
Dimanche.—  Office. 

Q.  Quelle  est  la  première  fête  de  l'Eglise? 

R.  La  première  fête  de  l'Eglise  est  le  dimanche.  Chez 
tourtes  les  nations,  il  est  un  jour  consacré  au  service 
de  Dieu.  Chez  les  Juifs,  c'était  le  sabbat  ou  septième 
jour  de  la  semaine,  en  mémoire  du  repos  du  Seigneur 
après  la  création  du  monde.  Les  Apôtres  ont  consacré  le 
dimanche  au  culte  de  Dieu,  en  mémoire  de  la  résurrec- 
tion de  Notre-Seigneur.  Le  dimanche  est  donc  un  mo- 
nument perpétuel  de  ce  grand  miracle. 

Q.  Comment  les  premiers  Chrétiens  célébraient-ils 
le  dimanche? 


148  CATÉCHISMB 

R.  Les  premiers  Chrétiens  célébraient  le  dimanche 
avec  beaucoup  de  ferveur;  ils  se  rendaient  à  l'assemblée 
des  fidèles,  priaient  en  commun,  écoutaient  la  lecture 
de  l'Ecriture  et  les  exhortations  des  évêques  ou  des 
prêtres,  s'approchaient  tous  de  la  sainte  table,  et  enfin 
soulageaient  les  pauvres  par  des  aumônes,  chacun  sui- 
vant ses  moyens.  Tout  ce  qui  se  faisait  alors  nous  le  fai- 
sons encore  à  nos  grand'messes.  L'Eglise  rend  immor- 
tel tout  ce  qu'elle  consacre. 

Q.  Quelles  étaient  ces  prières  que  les  premiers  Chré- 
tiens faisaient  en  commun? 

R.  Les  prières  que  les  premiers  Chrétiens  faisaient 
en  commun,  c'étaient  le  chant  des  psaumes,  des  hym- 
nes, la  lecture  de  livres  saints  et  d'autres  encore  :  c'est 
de  là  q\ï  esivenviV  office  divin.  L'office  divin  est  la  réu- 
nion des  diverses  prières  établies  par  l'Eglise,  et  que  les 
prêtres  récitent  tous  les  jours.  On  l'appelle  office  divin 
parce  que  c'est  un  devoir  que  nous  rendons  à  Dieu  pour 
l'honorer,  le  remercier  et  lui  demander  ses  grâces. 

Q.  Comment  se  divise  l'office  divin? 

R.  L'office  divin  se  divise  en  sept  heures  ou  parties  : 
matines,  prime,  tierce,  sexte,none,  vêpres  et  complies. 
On  appelle  ces  parties  les  heures  de  l'office,  à  cause 
qu'elles  se  récitaient  à  différentes  heures  du  jour  et 
de  la  nuit ,  pour  honorer  les  différents  mystères  de  la 
Passion  de  Notre-Seigneur,  remercier  Dieu  de  ses  prin- 
cipaux bienfaits,  et  nous  rappeler  les  plus  grands  év  é- 
nements  de  la  Religion. 

Q.  A  quelle  heure  se  récitaient  les  matines  ? 


I)E    PERSÉVÉRANCE.  149 

R.  Les  matines  se  récitaient  pendant  la  nuit.  Les  ma- 
tines se  composent  de  trois  nocturnes  et  d'une  quatrième 
partie  appelée  Laudes.  Le  premier  nocturne  se  récitait 
vers  les  neuf  heures  du  soir,  le  second  à  minuit,  le  troi- 
sième à  trois  heures,  et  les  laudes  immédiatement  avant 
l'aurore. 

Q.  Comment  se  récitaient-elles? 

JR.  Les  matines  se  récitaient  et  se  récitent  encore  de 
la  manière  suivante  :  le  prêtre  fait  le  signe  de  la  croix 
sur  ses  lèvres  en  disant:  «  Seigneur,  ouvrez  mes  lèvres,  » 
et  tout  le  chœur  répond  :  «  Et  ma  bouche  publiera  vos 
louanges.  >  Tous  ensemble  invoquent  ensuite  le  se- 
cours de  Dieu  pour  le  louer  dignement,  en  disant: 
«  0  Dieu  !  venez  à  mon  aide  ;  Seigneur,  hâtez-vous  de 
me  secourir.  »  Pleins  de  confiance  qu'ils  sont  exaucés, 
ils  rendent  gloire  à  Dieu  d'avoir  écouté  leurs  prières  et 
disent  le  Gloria  Patri;  vient  ensuîieV alléluia,  qui  veut 
dire  joie,  allégresse  :  c'est  le  sentiment  qui  doit  animer 
des  enfants  quand  ils  chantent  les  louanges  de  leur  père. 
Le  prêtre  invite  tous  ses  frères  à  louer  le  Seigneur,  en 
leur  adressant  une  parole  qu'on  appelle  invitatoire  ou 
invitation  :  c'est  le  motif  particulier  qu'on  a  de  louer 
Dieu  dans  la  fête  qu'on  célèbre  ;  puis  il  leur  donne  les 
raisons  immuables  qu'ils  ont  de  le  bénir  en  tout  temps: 
elles  sont  contenues  dans  le  psaume  Venite.  Le  prêtre 
le  récite,  il  dit  :  «Venez,  louons  le  Seigneur  parce  qu'il 
est  notre  salut.  Et  le  chœur  dit  :  Venez,  adorons.  —  Il 
est  le  Dieu  des  dieux,  le  roi  des  rois.  —  Venez,  ado- 
rons.— Il  est  le  maître  de  l'univers,  nous  sommes  ses 


130  CATÉCHISME 

enfants,  ses  brebis  chéries.  —  Ve*»ez,  adorons.  —  Il 
nous  écoulera  favorablement,  craignons  nous-mêmes 
de  ne  pas  écouter  sa  voix.  —  Venez,  adorons.  »  C'est 
ainsi  que  l'Eglise  forme  en  nous  l'esprit  de  la  prière. 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  institué  le  saint  jour  du  dimanche  ;  c'est  bien 
plus  pour  moi  que  pour  vous  que  ce  jour  doit  être  con- 
sacré à  la  prière;  faites-moi  la  grâce  de  bien  le  sanc- 
tifier. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  arâom  y  je  m'appli- 
querai à  bien  comprendre  les  cérémonies  de  l'Église. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  151 

VHP  LEÇON. 

LE    CHRISTIANISME   RENDU    SENSIBLE. 

Matines  ( suite  ).  —  Hymne.  —  Antienne.—  Psaumes.  —  Versets.  — 
Bénédictions.  —  Leçons.  —  Répons.  —  Différence  des  matines  de 
neuf  et  de  trois  leçons.  —  Te  Deum.  —  Verset  sacerdotal.  — 
Laudes.  —  Capitule.  —  Hymne.  —  Verset.  —  Cantique. 

Après  le  Gloria  Patrie  cet  élan  d'amour,  ce  cri  de 
joie  poussé  vers  la  sainte  Trinité  ;  après  la  répétition  de 
rinvitaloire,  chant  de  joie  ou  de  tristesse  selon  le  mys- 
tère qu'on  célèbre,  vient  l'hymne  ;  l'hymne  destinée  à 
louer  Dieu,  à  élever  en  haut  les  pensées  et  les  affections, 
à  former  dans  les  cœurs  les  vertus  que  nous  honorons 
sur  la  terre,  et  à  fortifier  les  sentiments  que  la  fête 
du  jour  doit  inspirer  :  aussi  tous  les  cœurs  et  toutes 
les  voix  se  réunissent  pour  chanter  l'hymne. 

Trois  choses,  dit  saint  Augustin,  constituent  nos  hym- 
nes :  1°  la  louange  ;  2°  lalouange  de  Dieu;  3°  le  chant  *. 
L'usage  des  hymnes  remonte  jusqu'au  berceau  du 
Christianisme.  Nos  pères  dans  la  foi  chantaient  des 
hymnes  dans  leurs  cénacles  et  dans  les  Catacombes  ;  ils 
suivaient  en  cela  le  conseil  de  saint  Paul  lui-même  '. 
Saint  Chrysostôme   le  premier  établit   qu'on  chan- 

'  Aug.,  ad  psal.  72.  Grég.  Naz.,  Carm.,  15. 

*  jid  Col.^  m,  et  ad  Ephts;  V.  Eusèb.,  Uist,,  lib.  2. 


152  CATÉCHISME 

terait  des  hymnes  pendant  l'ofiice  de  la  nuit  :  voici 
à  quelle  occasion.  Pendant  la  nuit,  les  Ariens  couraient 
les  rues  de  Constanlinople,  chantant  des  hymnes  oii 
respiraient  leurs  doctrines  impies.  En  sortant  de  l'office, 
les  Chrétiens  rencontraient  ces  hérétiques  et  se  trou- 
vaient exposés  à  les  entendre.  Pour  prolonger  l'office 
jusqu'à  ce  que  les  Ariens  fussent  rentrés  <ians  leurs  mai- 
sons, et  aussi  pour  fortifier  la  foi  des  fidèles  par  des 
hymnes  orthodoxes,  le  saint  patriarche  ajouta  les 
hymnes  à  matines  et  à  laudes  * . 

A  matines,  l'hymne  précède  les  psaumes  ;  elle  les 
suit  à  laudes,  à  vêpres  et  à  compiles.  Elle  les  pré- 
cède à  matines,  parce  que  le  matin  appartient  aux 
justes  qui  ont  la  joie  d'une  bonne  conscience,  tandis 
que  le  soir  est  aux  pénitents  dont  la  conscience  éprouve 
raiguillon  du  remords.  La  joie  conduit  les  premiers 
au  travail,  figuré  par  les  psaumes,  comme  nous  le 
dirons  plus  tard;  c'est  par  le  travail  que  les  seconds 
doivent  parvenir  à  la  joie.  Les  hymnes  se  chantent 
dehout,  pour  montrer,  par  l'attitude  du  corps,  que 
nos  cœurs  doivent  être  élevés  vers  Dieu  pendant  que 
notre  bouche  annonce  ses  louanges.  Ainsi,  tout  dans  le 
culte  extérieur  nous  rappelle  la  nécessité  du  culte  inté- 
rieur; tout  semble  nous  redire  cette  parole  du  divin  maî- 
tre :  Le  Père  veut  des  adorateurs  en  esprit  et  en  vérité. 

L'hymne  finie,  l'officiant  entonne  l'antienne.  Qu'est- 
ce  qu'une  antienne?  L'antienne  est  un  chant  alter- 
natif, un  chant  exécuté  par  deux  chœurs  qui  se  répon- 

*  Socrat.,  lib.  6. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  153 

dent.  L'antienne  signifie  l'amour  de  Dieu,  et  le  psaume 
le  travail  des  bonnes  œuvres.  L'officiant  entonne  le  pre- 
mier mot  de  l'antienne,  afin  d'animer  le  psaume,  c'est- 
à-dire  le  travail  par  l'esprit  de  charité,  sans  lequel  le  tra- 
vail ne  sert  de  rien.  Le  psaume  chanté,  tout  le  chœur  re- 
prend l'antienne,  afin  de  mêler  constamment  la  charité 
à  la  foi,  dont  les  œuvres  ne  sont  efficaces  que  par  la 
charité.  Ainsi  ces  deux  grandes  vertus  du  Christia- 
nisme sont  ici  comme  deux  sœurs  occupées  du  même 
ouvrage  qui  se  donnent  la  main  et  s'aident  mutuel- 
lement. Le  prêtre  seul,  qui  entonne  l'antienne,  vous 
rappelle  Jésus-Christ,  de  qui  seul  est  venue  la  charité; 
tout  le  chœur,  qui  la  chante  à  la  fin  du  psaume,  vous 
marque  l'effusion  de  la  charité  de  Jésus-Christ  dans 
tous  ses  membres. 

Le  chant  des  antiennes  remonte  à  la  plus  haute  an- 
tiquité et  vient  d'une  origine  infiniment  respectable. 
Saint  Ignace,  martyr,  la  gloire  de  l'Orient  et  le  héros 
du  second  siècle,  ayant  entendu  les  esprits  bienheureux 
chanter  en  chœur  des  antiennes  dans  la  Jérusalem  cé- 
leste, fit  connaître  sa  révélation  ;  et  l'usage  s'établit 
de  chanter  des  antiennes  dans  la  Jérusalem  terrestre  '. 

Après  l'antienne  vient  le  chant  des  psaumes  ;  c'est 
le  pape  Gélase  qui  a  établi  cette  coutume.  Ces  divins 
cantiques  rappellent  les  souffrances,  l«s  travaux  et  les 
combats  d'un  roi  persécuté  ;  sa  joie  et  le  bonheur  qu'il 
éprouve  de  la  protection  du  ciel  ;  et  ils  expriment  avec 
enthousiasme  les  sentiments  de  la  plus  vive  reconnais- 

'  Durandus,  lib.  à. 


Iâ4  CATÉCHISME 

sance.  Chants  prophétiques,  ils  expriment  les  peines, 
le  travail  et  les  combats,  le  triomphe  et  la  gloire  du  vé- 
ritable David,  de  l'Eglise  son  épouse,  et  de  l'âme  fidèle, 
sa  fille  chérie,  sa  vivante  image.  Ainsi,  quatre  voix  dans 
les  psaumes  :  voix  de  David,  voix  de  Jésus-Christ,  voix 
de  l'Eglise,  voix  du  Chrétien. 

Il  est  donc  évideni  que  les  psaumes  représentent  le 
travail  de  la  vie,  le  labeur  des  bonnes  œuvres.  Le  mot 
psaume  veut  dire  chant  qui  s'exécute  sur  le  psaltérion. 
Le  psaltérion  était  un  instrument  de  musique  :  Je  chan- 
terai vos  louanges.  Seigneur,  disait  le  saint  roi,  sur  mon 
psaltérion  à  dix  cordes.  Paroles  mystérieuses  qui  indi- 
quent que  nous  devons  louer  Dieu  en  accomplissant  ses 
dix  commandements.  Celui-là  seul  loue  dignement  le 
Seigneur,  qui  observe  sa  loi. 

Le  pape  Damase  régla  que  les  psaumes  se  chante- 
raient à  deux  chœurs  :  admirable  institution  !  Ne  vous 
semble-t-il  pas  voir  les  Saints  s'exciter  alternativement 
au  travail,  à  la  pratique  des  œuvres  saintes, en  se  commu- 
niquant et  leurs  joies  et  leurs  espérances,  et  leurs  larmes 
et  leurs  soupirs,  et  leur  reconnaissance  et  leur  amour; 
se  renvoyant  sans  cesse  les  paroles  enflammées  qu'ils 
adressent  au  Dieu  protecteur  du  faible,  appui  de  l'or- 
phelin, père  du  pauvre,  consolateur  de  l'affligé  et  ré- 
munérateur du  juste?  Ne  vous  semble-t-il  pas  encore 
voir  l'accomplissement  de  ce  précepte  du  grand  Apôtre  : 
Soulagez-vous  mutuellement,  en  portant  le  fardeau  les 
uns  des  autres.  Ne  vous  semble-t-il  pas  voir  ces  Chéru- 
bins^ qu'aperçut  Isaïe,  qui,  placés  devant  le  trône  de 


DE    PERSE VÉR ANGE.  165 

Dieu,  la  face  voilée  de  leurs  ailes,  se  crient  l'un  à  Tau- 
Ire  :  Saint,  saint,  saint  est  le  Seigneur  Dieu  des  armées; 
la  terre  est  remplie  de  V éclat  de  sa  gloire  '  ? 

Comme  les  antiennes,  les  psaumes  se  chantent  de- 
bout, pour  exprimer  l'ardeur  au  travail,  le  zèle  du  bien. 
Vous  voyez  encore  les  chanoines  simplement  appuyés 
sur  leurs  stalles,  pendant  qu'on  les  chante  à  toutes  les 
heures  de  l'office,  excepté  à  compiles.  Nous  dirons 
bientôt  la  cause  de  cette  exception. 

Chaque  psaume  est  suivi  du  Gloria  Patri  :  1°  pour 
rendre  gloire  à  Dieu  du  bien  qu'il  vient  d'opérer  ;  2°  pour 
rappeler  à  l'homme  l'auguste  Trinité,  de  qui  tout  vient 
et  à  qui  tout  doit  retourner;  3°  pour  lui  redire  que  la  foi 
enla  sainte  Trinité  est  le  fondement  de  la  vie  chrétienne; 
4°  pour  témoigner  qu'en  toutes  circonstances,  dans  la 
joie  comme  dans  la  tristesse,  dans  le  travail  comme  dans 
le  repos,  nous  voulons  bénir  et  louer  le  Seigneur. 

Après  chaque  nocturne  viennent  trois  leçons  ; 
les  leçons  elles-mêmes  sont  précédées  de  versets  et  de 
bénédictions  qu'il  faut  d'abord  expliquer.  Le  verset  est 
une  courte  maxime,  un  mot  vif,  un  avertissement  donné 
pour  réveiller  l'attention.  Il  peut  se  faire,  en  effet,  que 
durant  la  récitation  ou  le  chant  des  psaumes  qui  dure 
quelquefois  longtemps,  nous  nous  laissions  aller  à  la  dis- 
traction et  à  la  langueur.  Le  verset  se  chante  donc  par 
une  seule  voix,  afin  de  réveiller  plus  sûrement  par 
cette  variété  tous  les  assistants  et  de  les  tenir  attentifs 
à  ce  qui  va  suivre.  Qu'en  pensez-vous  "?  connaissait-elle 

•  l8.,  V,  2-5. 


156  CATÉCHISME 

bien  la  faiblesse  humaine,  l'Eglise  qui  a  établi  ce  bel 
ordre?  Auriez-vous  (rouvéun  meilleur  moyen  pour  sou- 
tenir l'attention  de  l'esprit  et  la  dévotion  du  cœur? 

Au  verset  chanté  par  une  voix  enfantine,  succède  le 
Pater,  entonné  par  la  voix  grave  de  l'officiant.  On  dit 
le  Pater,  parce  que  la  leçon  va  suivre.  En  effet,  l'homme 
qui  a  besoin  de  sagesse  et  d'intelligence  pour  compren- 
dre et  pour  goûter  les  vérités  saintes,  ne  doit-il  pas  les 
demander  à  celui  qui  les  donne  avec  abondance  et  sans 
reproche?  On  dit  le  Pater  à  voix  basse,  pour  exciter 
le  recueillement  et  marquer  que  nous  parlons  seul  à 
seul  avec  Dieu,  et  enfin  qu'il  entend,  sans  le  secours 
de  la  parole,  la  prière  de  notre  cœur.  Arrivé  à  ces 
mots  :  Et  ne  7ios  inducas  :  Et  ne  nous  laissez  pas  suc- 
comber à  la  tentation,  le  prêtre  élève  la  voix,  afin  d'ap- 
prendre à  tous  pourquoi  on  récite  le  Pater.  C'est  afin 
que  ni  le  lecteur  ni  l'auditeur  ne  succombent  aux  tenta- 
tions nouvelles  de  l'ennemi  durant  la  lecture.  Tentation 
de  vanité  pour  l'un,  et  de  négligence  pour  l'autre. 

Le  Pater  est  suivi  d'une  courte  prière  qu'on  appelle 
Bénédiction.  Elle  a  pour  but  d'obtenir  ce  qu'on  vient  de 
demander  par  l'Oraison  dominicale  ;  dans  cette  nou- 
velle prière,  on  s'adresse  tour  à  tour  à  chacune  des 
trois  personnes  de  l'auguste  Trinité. 

Il  ne  s'agit  plus  maintenant  que  de  savoir  qui  sera 
digne  de  lire  la  parole  de  Dieu.  Un  des  assistants  se 
lève,  et,  se  tournant  vers  l'officiant,  représentant  de 
Jésus-Christ,  il  lui  dit  à  haute  \oh:Juhe.  Domine,  be- 
nedicere  :  Ordonnez,  Seigneur,  de  bénir,  c'est-à-dire 


DE   PERSÉVÉRANCE,  157 

ordonnez  qu'on  annonce  voire  parole  de  bénédiction. 
Dans  ce  petit  détail  voyez  une  grande  leçon.  On  nous 
apprend  que,  dans  l'Eglise,  nul  ne  doit  exercer  le  mi- 
nistère, à  moins  qu'il  n'y  soit  appelé  par  l'autorité  lé- 
gitiine.  A  cette  demande  de  bénédiction  qui  se  réitère 
avant  chaque  leçon,  l'officiant  répond  par  des  prières 
propres  à  intéresser  toute  la  Jérusalem  céleste  au 
succès  de  la  lecture  sainte;  tantôt  il  demande  que  le 
Seigneur  daigne  ouvrir  notre  cœur  à  sa  loi,  de  peur 
que  la  parole  sainte  que  nous  allons  entendre  ne  soit 
comme  une  semence  que  les  oiseaux  du  ciel  enlèvent, 
ou  que  les  ronces  étouffent,  ou  que  les  passants  fou- 
lent aux  pieds;  tantôt  il  demande  que  nous  soyons 
admis  au  bonheur  des  saints  dont  nous  allons  lire  les 
vertus.  Le  prêtre  nous  souhaite  toutes  ces  choses  au 
nom  de  Dieu;  il  montre  par  là  que  ce  n'est  point  à 
lui,  homme  pécheur,  qu'il  appartient  de  bénir,  mais  à 
celui  qui  seul  est  bon,  c'est-à-dire  parfait  et  auteur  de 
tout  bien. 

Les  esprits  attentifs,  la  bénédiction  obtenue,  les  grâces 
d'intelligence  et  de  sagesse  sollicitées,  les  leçons  com- 
mencent. Elles  se  composent  soit  de  l'Ancien,  soit  du 
Nouveau  Testament,  soit  des  commentaires  des  Pères  et 
des  docteurs,  soit  de  la  vie  du  saint  dont  on  fait  la  fête. 
L'Ecriture,  c'est  la  loi;  les  écrits  des  Pères,  l'explica- 
tion; la  vie  du  saint,  l'application.  Quelle  instruction 
plus  complète  ! 

Pour  les  mieux  écouter  on  s'assied  et  on  garde  un 
profond  silence.  En  effet,  est-il  au  monde  une  parole 


158  Catéchisme 

qui  mérite  mieux  celte  attitude  de  recueillement  et  de 
respect? 

Les  leçons  se  terminent  par  ces  paroles  :  Tu  autem, 
Domine,  miserere  nostri  :  Pour  vous,  Seigneur,  ayez 
pitié  de  nous.  Touchant  aveu  de  notre  misère  !  «  Oui, 
mon  Dieu,  dit  le  lecteur,  pardonnez-nous  les  fautes  qui 
ont  pu  accompagner  celte  lecture;  à  moi,  les  senti- 
ments de  vanité  ou  la  négligence  dont  je  me  suis  rendu 
coupable;  à  mes  frères,  les  distractions  et  le  peu  de 
ferveur  avec  lesquelles  ils  ont  peut-être  écoulé  vos  di- 
vins oracles.  » 

Tous  les  assistants  répondent  :  Deo  grattas  :  Grâces 
au  Seigneur.  Ces  paroles  se  rapportent  à  la  leçon.  En 
voici  le  sens  :«  Si  c'est  un  devoirpour  l'homme  de  remer- 
cier Dieu  de  la  nourriture  corporelle  que  chaque  jour 
il  lui  envoie,  combien  n'est  pas  plus  sacrée  l'obligation 
de  lui  rendre  grâces  de  la  manne  de  sa  parole  dont 
il  nourrit  notre  âme;  enfants  de  Dieu,  nous  rendons 
grâces  à  notre  Père  céleste  de  la  nourriture  spirituelle 
qu'il  vient  de  nous  donner.  » 

Nous  voilà  instruits,  et  même  reconnaissants,  de  la 
doctrine  que  nous  venons  de  recevoir.  Or,  quel  moyen 
de  témoigner  notre  reconnaissance,  sinon  de  mettre  en 
pratique  la  parole  sainte,  el  d'imiter  les  beaux  exemples 
qu'on  vient  de  nous  mettre  sous  les  yeux?  C'est  à  quoi 
tous  les  assistants  s'obligent  par  les  répons  qui  se  ré- 
citent aussitôt  après  la  leçon,  et  alternativement  par 
les  deux  chœurs.  Les  répons  de  la  troisième  leçon  se 
terminent  par  le  Gloria  Patri,  afin  de  nous  rappeler 


DE    PERSÉVÉRANCE.  159 

que  toutes  nos  prières  et  toutes  nos  œuvres  doivent  se 
rapporter  à  la  fin  dernière  de  toutes  choses,  à  la  sainte 
Trinité. 

Ainsi  se  récite  ou  se  chante  le  premier  nocturne, 
c'est-à-dire  la  première  partie  des  matines.  Dans  les 
premiers  siècles  de  l'Eglise  il  se  récitait  vers  les  neuf 
heures  du  soir,  au  moment  où  les  hommes  ont  coutume 
d'aller  prendre  leur  repos.  Dans  plusieurs  églises  il  se 
récitait  sans  invilatoire,  parce  que  les  ministres  sacrés  le 
récitaient  seuls  sans  que  le  peuple  fût  convoqué.  Ce  pre- 
mier nocturne  s'appelait  proprement  veille  ou  vigile,  en 
mémoire  des  bergers  qui  veillaient  sur  leurs  troupeaux 
dans  les  environs  de  Bethléem,  lorsque  le  Sauveur  du 
monde  naquit.  Que  de  mystères  cette  heure  sacrée  nous 
rappelle!  1**  la  veille  des  bergers;  2°  les  tendres  adieux 
du  Sauveur  aux  Apôtres  ;  3°  son  agonie  au  jardin  de 
Gethsémani.  Si  nous  avons  la  foi,  quelles  effusions  de 
cœur,  quelles  ferventes  prières  se  mêleront,  pendant  ce 
premier  nocturne,  aux  gages  d'amour  et  au  sang  de  la 
grande  victime  ! 

Dans  les  églises  où  le  peuple  n'assistait  point  au 
commencement  de  l'office,  le  second  nocturne  com- 
mençait par  Vinvitatoire,  parce  que  tous  les  fidèles, 
hommes  et  femmes,  y  étaient  convoqués.  Ici  encore 
une  belle  tradition,  une  touchante  harmonie  :  anges  de 
la  terre,  les  ecclésiastiques  invitaient  à  l'adoration  du 
Sauveur  les  fidèles  confiés  à  leur  vigilance,  comme  les 
Anges  y  avaient  invité  les  bergers  de  Bethléem.  Le 
second  nocturne  se  chantait  à  minuit.  Que  de  mystères 


160  CATÉCHISME 

encore  cette  heure  sacrée  nous  rappelle!  1°  la  nais- 
sance du  Sauveur;  2° l'appel  des  anges  et  l'adoration 
des  bergers  ;  3°  les  souffrances  du  Sauveur  devant  les 
tribunaux  d'Anne  et  de  Caïphe. 

Le  troisième  nocturne  se  récitait  vers  les  trois  heures 
du  matin  :  1"  afin  d'honorer  le  Sauveur  dans  les  igno- 
minies de  celle  nuit  horrible  qu'il  passa  à  la  merci  des 
valets  et  des  soldats;  2°  pour  demander  pardon  de  la 
sentence  de  mort  prononcée  contre  lui  vers  cette  heure 
par  Caïphe  ;  3"  pour  expier  le  reniement  de  saint  Pierre. 

Le  dimanche,  et  dans  certaines  fêtes,  il  y  a  trois  noc- 
turnes à  matines  ;  dans  d'autres  temps  il  n'y  en  a  qu'un  : 
d'où  vient  cette  différence?  Elle  vient  de  la  solennité 
plus  ou  moins  grande  de  la  fête.  Dans  ses  grands  jours 
l'Eglise  déroule  toutes  ses  magnitiques  traditions  ;  elle 
nous  fait  admirer  toutes  ses  belles  harmonies  ;  elle 
remet  sous  les  yeux  de  ses  enfants  l'histoire  de  soixante 
siècles,  l'histoire  du  monde,  dont  elle  est  héritière. 

<i  Voici,  disent  nos  pères,  la  raison  de  cette  mysté- 
rieuse distribution  de  nos  matines  solennelles  '  :  les  trois 
nocturnes  rappellent  les  trois  grandes  époques  de  l'hu- 
mané  :  l'époque  patriarcale,  l'époque  mosaïque  et 
l'époque  chrétienne;  chacune  de  ces  trois  époques  se 
divise  en  trois  périodes;  de  là,  dans  chaque  nocturne, 
trois  psaumes,  trois  antiennes,  trois  leçons  :  on  dirait  un 
poème  divisé  en  neuf  chants.  L'époque  patriarcale  a 
sa  première  période  depuis  Adam  jusqu'à  Noé;  la 
seconde,  depuis  Noé  à  Abraham  ;  la  troisième,  d'A- 

•  Durandus,  lib.  5. 


DE    PSRSÉVKRÂrfCE.  161 

braham  à  Moïse.  L'époque  mosaïque  nous  offre  aussi 
ses  Irois  époques  :  la  première,  de  Moïse  à  David  ;  la 
seconde,  de  David  à  la  captivité  de  Babylone  ;  la  troi- 
sième, depuis  la  captivité  de  Babylone  au  Messie.  Enfln, 
l'époque  chrétienne  se  divise  également  en  trois  pé- 
riodes :  la  première,  qui  comprend  la  fondation  de 
l'Eglise  par  Notre-Seigneur,  et  son  établissement  par 
les  Apôtres  :  c'est  la  période  des  martyrs  ;  la  seconde, 
qui  comprend  le  temps  des  grandes  hérésies  et  des 
grandes  lumières  de  l'Orient  et  de  l'Occident  :  c'est  la 
période  des  Pères  de  l'Eglise  ;  la  troisième,  qui  com- 
prend  le   temps   de  paix  qui   suivit  l'extinction   des 
grandes   hérésies  :  c'est  la  période  de  l'Eglise  ré- 
gnante. » 

Le  nombre  trois,  tant  de  fois  répété,  est  une  hymne 
éloquente  aux  trois  adorables  personnes  de  la  Trinité, 
comme  les  neuf  psaumes  sont  un  souvenir  des  neuf 
chœurs  des  Anges  et  de  toutes  les  harmonies  de  la 
Jérusalem  céleste,  aux  cantiques  de  laquelle  sa  divine 
sœur,  la  Jérusalem  terrestre,  invite  tous  ses  enfants  à 
mêler  leur  voix;  en  sorte  que,  dans  nos  jours  solen- 
nels, de  la  voix  du  ciel  et  de  la  voix  de  la  terre  il  ne 
se  forme  qu'une  grande  voix  disant  :  Saint,  saint,  saint 
est  le  Dieu  des  armées;  les  deux  et  la  terre  sont  remplis 
de  l'éclat  de  sa  majesté.  Quelle  source  de  pensées 
saintes  et  touchantes  pour  les  fidèles  instruits  et  pieux! 
quelle  source  d'inspirations  sublimes  pour  le  poêle 
chrétien  ! 

Le  troisième  noclurne  le  termina  par  le  Te  Deum. 
t.  vu.  11 


162  CATÉCHISME 

Hymne,  prière,  poCme  d'pique,  le  Te  Deum  est  tout  ce 
qu'on  veut,  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  beau  dans  aucune 
langue.  Honneur  immortel  à  vous,  Ambroiseel  Augustin, 
sublimes  génies,  saints  illustres  qui  avez  su  rendre  les 
pensées  de  votre  esprit  et  les  affections  de  votre  cœur, 
comme  les  Séraphins  rendraient  les  leurs ,  si  les  Séraphins 
parlaient  la  langue  des  mortels.  Le  TeDeum  est  si  beau, 
que  les  Protestants,  si  froids,  si  glacés  dans  leur  culte,  si 
ennemis  de  l'Église  romaine,  l'ont  soigneusement  con- 
servé. 

Mais  pourquoi  se  dit-il  à  la  fin  du  troisième  nocturne? 
Acette  queslion,voici  la  réponse. Tous  les  enfants  de  Dieu, 
prêtres  et  fidèles,  viennent  de  louer  le  Seigneur,  de  s'ex- 
citer mutuellement  à  lacharité,  à  la  ferveur;  ils  viennent 
d'entendre  la  lecture  de  la  loi  qui  dilate  le  cœur,  l'histoire 
de  leurs  frères  déjà  glorifiés  dans  le  sein  du  Père  com- 
mun, ils  ont  vu  des  palmes  et  des  couronnes,  une  récom- 
pense immortelle  pour  un  travail  de  courte  durée  ;  com- 
ment voulez-vous  que  tous  ensemble,  pleins  de  ces  pen- 
sées, ils  n'éclatent  pas  en  actions  de  grâces?  Ne  vous 
étonnez  plus  qu'ils  chantent  le  Te  Deum.  Le  son  des 
cloches,  qui  autrefois  se  mêlait  à  leur  voix,  était  une  nou- 
velle expression  de  l'allégresse  et  de  l'ardeur  univer- 
selle, une  solennelle  convocation  qu'ils  faisaient  à  tous 
leurs  frères  et  à  toutes  les  créatures  de  louer  avec  eux  un 
Père  si  magnifique  et  si  bon. 

Le  Te  Deum  est  suivi  d'un  verset  appelé  sacerdotal;  ce 
verset  se  dit  également  dans  les  matines  où  l'on  ne  récite 
pas  le  Te  Deum.  Par  ce  verset  le  prêtre  exhorte  les  fi- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  163 

dèles  à  persévérer  dans  la  louange  du  Seigneur.  Que  doit 
être  en  effet  la  vie  de  l'homme ,  sinon  une  hymne  à  Dieu  ? 
hymne  de  paroles,  de  sentiment  et  d'action,  commencée 
au  berceau  pour  ne  jamais  finir. 

Les  trois  nocturnes  forment  les  trois  premières  parties 
des  matines;  les  laudes  forment  la  quatrième.  Celte  di- 
vision a  été  établie,  comme  nous  l'avons  déjà  indiqué, 
pour  sanctifier  les  quatre  veilles  de  la  nuit.  Les  laudes  se 
récitaient  anciennement,  et  devraient,  régulièrement 
parlant,  se  réciter  encore  au  point  du  jour.  En  voici  les 
raisons  :  1°  c'est  au  point  du  jour  que  Notre-Seigneur 
sortit  victorieux  du  tombeau  ;  2°  c'est  au  point  du  jour 
qu'il  marcha  sur  les  ondes,  et  y  fit  marcher  saint  Pierre. 

Le  mot  /awdes  veut  dire  louanges;  eneffet,  c'est  dans 
cette  partie  de  l'office  de  la  nuit  que  nous  célébrons 
particulièrement  les  louanges  de  Dieu,  et  que  nous  le 
remercions  :  1°  de  la  résurrection  du  Sauveur,  miracle 
fondamental  da  Christianisme  opéré  à  ce  moment; 
2°  des  grâces  que  le  Seigneur  nous  accorde  pour 
marcher  comme  saint  Pierre  pendant  la  nuit  de  cette 
vie  sur  la  mer  orageuse  du  monde;  3°  de  la  création 
de  l'univers,  dont  l'apparition  de  la  lumière  nous  retrace 
l'image  ;  4"  enfin,  du  soin  paternel  avec  lequel  Dieu 
a  veillé  sur  nous  pendant  la  nuit,  et  de  la  bonté  avec 
laquelle  il  nous  donne  un  nouveau  jour. 

De  même  que  les  nocturnes,  les  laudes  commencent 
par  l'invocation  Deus  in  adjutorium,  accompagnée  du 
signe  de  la  croix,  et  suivie  du  Gloria  Patri,  de  V Allé- 
luia, et  de  l'imposition  de  l'antienne.  A  la  fin  de  chaque 


164  CATÉCHISME 

psaume  on  répète  le  Gloria  Patri.  La  reconnaissance 
veut  qu'il  en  soit  ainsi.  N'avons-nous  pas  vu  que  les  psau- 
mes expriment  les  bonnes  œuvres,  le  travail  chrétien? 
Or,  quoi  de  plus  juste  que  de  rendre  grâces  à  Dieu,  de  qui 
vient  toute  bonne  œuvre,  et  qui  mérite  en  conséquence 
d'être  loué  et  remercié  comme  au  commencement,  lors- 
qu'il créa  le  ciel  et  la  terres  elmaintenant,  qu'il  con- 
serve le  monde  matériel  et  spirituel  ;  et  toujours,  parce 
que  la  création  ne  subsistera  jamais  que  par  lui;  et  aux 
siècles  des  siècles,  alors  qu'il  y  aura  de  nouveaux  cieux 
et  une  nouvelle  terre,  et  que  Dieu  sera  tout  en  toutes 
choses. 

A  laudes  on  dit  cinq  psaumes,  ou  plutôt  quatre 
psaumes  et  un  cantique.  Le  renouvellement  de  nos  cinq 
sens,  c'est-à-dire  la  réparation  de  tout  notre  être  par  le 
Christianisme,  dont  envient  de  célébrer  durant  la  nuitles 
principaux  mystères,  telle  est  la  raison  mystérieuse  de  ce 
nombre  cinq,et  l'importante  leçon  que  l'Église  nous  donne 
au  commencement  du  nouveau  jour.  Le  dimanche,  après 
les  trois  premiers  psaumes,  on  chante  le  cantique  des  trois 
enfants  dans  la  fournaise. VÈgMse  a  voulu  nous  rappeler 
et  les  tribulations  des  justes  de  tous  les  temps,  et  leur  joie 
au  milieu  des  épreuves,  et  la  Providence  qui  veilla  sur 
eux  ;  c'est  comme  si  elle  nous  disait  :  <  Au  commencement 
de  ce  jour  souvenez-vous  que  vous  avez  été  régénérés 
en  Jésus-Christ,  vivez  donc  saintement,  veillez  sur  vos 
sens,  gardez-vous  de  les  profaner  ;  mais  attendez-vous  à 
de  rudes  combats;  ils  tourneront  à  votre  gloire;  le  Sei- 
gneur, qui  a  délivré  vos  pères,  veillera  sur  vous;  le 


DE   PEISÉVÉRANCE.  i65 

cantiqne  que  vous  récitez  vous  en  fournit  la  preuve.  » 
Le  cantique  est  suivi  du  cinquième  psaume.  En  voici 
le  sens  :  Les  enfants  de  l'Église  répondent  aux  pro- 
messes de  victoire  qu'elle  vient  de  leur  donner.»  Nous  le 
savons,  lui  disent-ils,  nous  serons  vainqueurs,  et  nous 
en  bénissons,  et  nous  invitons  toutes  les  créatures  du  ciel 
et  de  la  terre  à  en  bénir  avec  nous  le  Seigneur.  »  C'est 
pour  cela  que  le  cinquième  psaume  de  laude  commence 
toujours  par  ces  mots  :  lauda  ou  laudate  :  loue  ou  louez  ; 
et  cette  invitation  de  louer  Dieu  s'adresse  tour  à  tour  aux 
Anges  et  aux  Saints,  à  toutes  les  créatures  inanimées,  à 
l'Église,  aux  nations,  aux  hommes  de  toute  tribu  et  de 
toute  langue.  L'homme  reconnaissant  veut  que  tout  ce 
qui  respire  s'unisse  à  lui  pour  bénir  le  Bienfaiteur  uni- 
versel. 

Le  cantique  des  trois  enfants  dans  la  fournaise  n'est 
point  suivi  du  Gloria,  parce  que  les  augustes  personnes 
de  la  sainte  Trinité  y  sont  louées  d'un  bout  à  l'autre  *. 
Après  la  dernière  antienne  vient  le  capitule.  Le  mot 
capitule  veut  dire  petit  chapitre,  petite  leçon.  II  se 
compose  de  quelques  versets  de  l'Ecriture  analogues  à 
l'office  du  jour.  Si  cette  leçon  est  plus  courte  aux  offices 
du  jour  qu'à  ceux  de  la  nuit,  c'est  que  les  occupations 
de  la  journée  réclament  notre  temps  et  notre  présence. 
Comme  le  capitule  se  récite  ordinairement  par  l'offi- 
ciant, il  n'est  point  précédé  du  Juhe,  Domine,  ou  de  la 

'  Dans  certaines  églises,  les  laudes  du  dimanche  ont  huit  psau- 
mes. 11  serait  trop  long  d'expliquer  ici  les  raisons  de  cette  diffé- 
rence. /''.  Durandus,  iib.  à,  c.  4. 


166  CATÉCHISME 

demande  de  bénédiction.  Outre  l'instruction  qu'il  nous 
donne,  le  capitule  a  pour  objet  de  ranimer  la  ferveur 
dans  l'âme  des  assistants  ;  l'Eglise  veut  ainsi  les  préser- 
ver du  châtiment  des  Juifs,  qui,  dégoûtés  de  la  manne, 
furent  exposés  aux  morsures  des  serpents. 

A  laudes  en  particulier,  le  capitule  est  admirablement 
propre  à  enflammer  notre  courage,  soit  pour  pratiquer  le 
bien,  soit  pour  combattre  le  Démon  :  tantôt  on  nous  y 
exhorte  à  demeurer  fermes  dans  la  foi,  tantôt  à  voler  aux 
œuvres  de  miséricorde  ;  d'autres  fois,  à  nous  revêtir 
comme  des  guerriers  des  armes  de  lumière.  Alors  le 
chœur,  semblable  à  une  armée  que  vient  d'électriser  la 
harangue  de  son  général,  s'empresse  de  répondre  d'une 
voix  unanime  :  Deo grattas l  «Grâces  à  Dieu!  Telles  sont 
nos  dispositions.  »  El  comme  une  armée  de  braves  qui  ne 
demande  qu'à  marcher  à  l'ennemi,  il  entonne  l'hymne  ; 
l'hymne,  expression  de  son  ardeur,  de  sa  reconnais- 
sance et  de  sa  conflance  sans  bornes  au  Dieu  qui  ne 
l'appelle  au  combat  que  pour  le  conduire  à  la  victoire. 

L'hymne  finie,  vient  le  verset;  c'est  comme  un  re- 
frain dont  le  but  est  de  porter  l'enthousiasme  du  soldat 
chrétien  au  plus  haut  degré  ;  il  se  chante  par  une  seule 
voix,  à  laquelle  toutes  les  autres  répondent.  Cela  se 
fait  ainsi,  et  pour  fixer  davantage  l'attention,  et  pour 
montrer  l'unanimité  de  sentiments  qui  règne  dans 
tous  les  cœnrs. 

Au  verset  succède  l'anfienne  ;  oh  !  que  cette  expression 
d'amour  est  bien  placée  après  l'hymne  oîi  nous  venons  de 
chanter  et  la  victoire  obtenue  par  les  Saints,  nos  frères 


DE   PERSÉVÉRANCE.  167 

aînés,  et  celle  qfle  nous  espérons  pour  nous-mêmes  : 
l'amour  qui  fait  l'union,  fait  aussi  la  force. 

Mais  l'homme  fragile  est  si  porté  à  la  défiance,  que 
l'Eglise  veut  encore  le  rassurer  j  c'est  pourquoi  elle 
place  ici  le  cantique  Benedictus  :  Béni  soit  le  Dieu  d'Is- 
raël. Ce  cantique  contient  l'accomplissement  littéral  de 
toutes  les  promesses  que  Dieu  a  faites  aux  Patriarches 
et  aux  Prophètes.  «  Hommes  de  peu  de  foi,  semble  nous 
dire  l'Eglise  en  nous  faisant  chanter  ce  cantique,  pour- 
quoi doutez-vous?  Le  Seigneur,  pour  qui  vous  allez 
combattre,  a-t-il  manqué  à  une  seule  de  ses  promesses? 
Interrogez  les  siècles  ;  ne  le  voyez-vous  pas,  toujours  le 
même,  d'une  main  secourant  ses  soldats,  de  l'autre 
couronnant  les  vainqueurs?  » 

Le  Benedictus  chanté,  l'espérance  du  chrétien  afifer- 
mie  en  Dieu,  comme  l'ancre  fixée  au  rivage  qui  retient 
le  navire  au  milieu  des  tempêtes,  on- rend  grâces  à  la 
sainte  Trinité,  en  disant  :  Gloria  Patri.  On  lui  proteste 
de  nouveau  de  son  amour  sans  bornes  par  la  répétition  de 
l'antienne;  enfin, on  lui  demande  l'accomplissement  de 
toutes  ses  promesses  par  l'oraison  qui  termine  l'office. 

Allez  maintenant,  soldats  de  Jésus-Christ,  maison  de 
Dieu,  camp  d'Israël;  allez  au  combat;  rien  ne  vous 
manque  pour  moissonner  des  lauriers. 

Oh!  si  nous  récitions  ces  admirables  prières  de  l'office 
avec  l'esprit  de  foi  qui  les  a  disposées,  ne  serions-nous 
pas,  au  sortir  de  là,  suivant  le  mot  de  saintChrysostôme, 
comme  des  lions  qui  respirent  le  feu,  et  dont  le  seul 
aspect  fait  trembler  les  légions  infernales  ?  Et  pourquoi 


168  CATÉCHISME 

n'en  serait-il  pas  ainsi?  de  qui  cela  dépend-il?  de 
nous,  et  de  nous  seuls. 


PRIERE. 


0  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  établi  tant  de  belles  prières  par  lesquelles  nous 
sommes  assurés  d'obtenir  toutes  les  grâces  dont  nous 
avons  besoin  ;  je  vous  demande  pardon  du  peu  de  foi 
avec  laquelle  j'ai  prié  jusqu'ici. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus 
toute  chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même;  et, 
en  témoignage  de  cet  amour,  je  dirai  souvent,  comme 
les  Apôtres  :  Seigneur,  apprenez-nous  à  prier. 


PETIT  CATÉCHISME. 

LE   CHRISTIANISME    RENDU    SENSIBLE. 
Office. 

Q.  Qu'est-ce  qu'une  hymne? 

JR.  Une  hymne  est  un  cantique  en  l'honneur  de  Dieu 
et  des  Saints.  L'usage  de  chanter  des  hymnes  dans  les 
prières  remonte  jusqu'au  berceau  du  Christianisme.  On 
les  chante  debout,  pour  montrer  que  nos  cœurs  doivent 
être  élevés  à  Dieu  pendant  que  notre  bouche  publie  ses 
louanges.  A  matines,  l'hymne  précède  les  psaumes. 

Q.  Qu'est-ce  qu'une  antienne? 

R.  Le  mot  antienne  veut  dire  chant  mutuel,  chant 
alternatif,  qui  s'exécute  par  deux  chœurs  qui  se  ré- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  169 

pondent.  Dans  les  prières  de  l'Eglise,  l'antienne  signifie 
l'amour  de  Dieu,  et  les  psaumes  le  travail,  les  épreuves 
et  les  souffrances.  A  matines,  l'ofQciant  entonne,  après 
l'hymne,  le  premier  mot  de  l'antienne,  afin  d'animer 
de  l'esprit  de  charité  le  travail  signifié  par  les  psaumes. 
C'est  pour  nous  rappeler  que  nos  œuvres  ne  sont  méri- 
toires que  par  la  charité.  Après  chaque  psaume,  on  ré- 
pète le  Gloria  Patri,  pour  rendre  gloire  à  la  sainte  Tri- 
nité. Nous  reconnaissons  par  là  que  tout  vient  de  Dieu, 
et  que  tout  doit  être  rapporté  à  Dieu. 

Q.  Qu'est-ce  que  les  leçons? 

R.  Les  leçons  se  composent  de  quelques  passages 
de  l'Ecriture  sainte,  des  explications  des  Pères  de  l'E- 
glise, et  de  la  vie  des  Saints  dont  on  célèbre  la  fête. 
C'est  une  instruction  complète.  L'Ecriture,  voilà  la  loi; 
les  commentaires  des  saints  Pères  en  sont  l'explica- 
tion ;  la  vie  des  Saints  en  est  l'application. 

Q.  Qu'est-ce  que  les  versets  et  les  répons  ? 

R.  Les  versets  sont  de  petites  sentences  tirées  de 
l'Ecriture  sainte,  par  lesquels  l'Eglise  se  propose  de 
réveiller  notre  attention  ;  aussi  ils  se  chantent  par  une 
seule  voix.  Les  répons  qui  suivent  les  leçons  expriment 
la  résolution  où  nous  sommes  de  mettre  en  pratique  la 
doctrine  que  nous  venons  d'entendre,  et  de  suivre  les 
exemples  des  Saints  qu'on  vient  de  nous  rappeler. 

Q.  Comment  se  terminent  les  matines? 

R.  Les  matines  se  terminent  par  le  Te  Deum.  C'est 
un  admirable  cantique  composé  par  saint  Arabroise  et 
par  saint  Augustin;  nous  le  rbantonsi pour" remercier 


170  CATÉCHISME 

Dieu  des  grâces  qu'il  nous  a  faites,  et  des  mystères  de 
la  passion  de  Noire-Seigneur  opérés  pendant  la  nuit, 

Q.  Quels  sont  ces  mystères  ? 

R.  Les  principaux  sont  les  adieux  du  Sauveur  aux 
Apôtres,  son  agonie  au  jardin  des  Oliviers,  la  naissance 
du  Sauveur,  sa  résurrection.  C'est  pour  tous  ces  mys- 
tères que  l'Eglise  a  élabli  des  prières  pour  chaque 
veille  de  la  nuit  ;  c'est  aussi  en  expiation  des  crimes  des 
Juifs  et  du  renoncement  de  saint  Pierre. 

Q.  Qu'est-c^  que  les  laudes? 

R.  Les  laudes,  c'est  la  dernière  partie  de  l'office  de 
la  nuit.  Le  mot  laudes  veut  dire  louanges.  Cet  office 
est  spécialement  consacré  à  remercier  Dieu  des  grâces 
et  des  mystères  dont  nous  avons  parlé  plus  haut.  Il  y  a 
quatre  psaumes  à  laudes  et  un  cantique,  pour  exprimer 
la  sanctification  de  nos  cinq  sens,  et  pour  nous  avertir  de 
ne  pas  les  profaner  durant  le  jour.  Les  laudes  se  termi- 
nent par  le  chant  du  Benedictus  :  Béni  soit  le  Dieu  d'Is- 
raël. Il  nous  montre  l'accomplissement  fidèle  de  toutes 
les  promesses  que  Dieu  a  faites  aux  Patriarches.  L'E- 
glise veut  par  là  ranimer  notre  confiance,  et  nous  faire 
travailler  avec  courage  à  la  gloire  de  Dieu,  en  nous 
montrant  qu'il  sera  fidèle  à  nous  récompenser.  Après 
le  Benedictus,  on  dit  ïOremus,  ou  la  prière  pour  de- 
mander à  Dieu  qu'il  nous  accorde  tout  ce  que  nous 
avons  sollicité  durant  l'office. 


DE   PERSÉVÉRANCE.  171 


PRIERE. 


O  mon  Dieu  î  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  établi  tant  de  belles  prières  par  lesquelles  nous 
sommes  assurés  d'obtenir  toutes  les  grâces  dont  nous 
avons  besoin  ;  je  vous  demande  pardon  du  peu  de  foi 
avec  laquelle  j'ai  prié  jusqu'ici. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose»  et  mon  prochain  comme  moi-même;  et,  en  té- 
moignage de  cet  amour,  je  dirai  souvent,  comme  les 
Apôtres  :  Seigneur,  apprenez-nous  à  prier. 


172  CATÉCHISME 

mimmmmmmmmmiimmimmmmMmmmmmn 
IX«    LEÇON. 

LE    CHRISTIANISME   RENDU   SENSIBLE. 
Office  du  Jour.  —  Prime.  — Tierce.  —  Sextc—  None.  — Vépre». 

Aux  nuits  coupables  du  monde  l'Eglise  vient  d'op- 
poser de  saintes  veilles.  Ses  Anges  ont  été  en  adora- 
tion devant  Dieu;  ils  ont  demandé  miséricorde  pour 
les  mondains  ;  ils  ont  éloigné  du  bercail  endormi 
les  lions  rugissants,  plus  redoutables  durant  les  té- 
nèbres que  pendant  le  jour  ;  ils  ont  tour  à  tour  mêlé 
leurs  voix  et  leurs  larmes  à  celles  des  Anges,  pour  ho- 
norer la  naissance  et  l'agonie  du  Dieu  de  Bethléem  et 
de  Gethsémani.  Que  vont-ils  faire  maintenant?  La  nuit 
est  passée.  Voici  l'aurore  qui  dore  de  ses  feux  naissants 
la  cime  élancée  des  montagnes  ;  voici  les  oiseaux  qui  cé- 
lèbrent par  leurs  chants  joyeux  l'arrivée  du  soleil;  voici 
les  fleurs  qui,  ouvrant  leur  calice,  exhalent  un  parfum 
délicieux  que  la  brise  du  malin  emporte  vers  le  ciel  :  on 
dirait  des  milliers  d'encensoirs  d'or  et  de  perles,  allumés 
devant  Dieu.  La  nature  est  un  temple  ;  voilà  les  musi- 
ciens, voici  l'encens  du  sacrifice.  Touts'émeut,  tout  sem- 
ble renaître.  Encore  une  fois,  que  vont  faire  les  enfants 
de  Dieu,  les  Anges  de  la  prière?  A  la  voix  de  la  nature 
ils  vont  mêler  la  leur  :  l'office  du  jour  commence. 


DE   PERSÉVÉRAjyCB.  173 

Prime,  tierce,  sexle,  none,  vêpres  et  complies  sont  les 
parties  qui  le  composent. 

Aussi  bien  que  celles  de  la  nuit,  le  Sauveur  du  monde 
a  marqué  toutes  les  heures  du  jour  par  des  bienfaits. 
Il  faut  l'en  bénir.  Comme  celles  de  la  nuit,  les  heures 
du  jour  apportent  à  l'homme  de  nouveaux  devoirs;  il 
faut  solliciter  la  grâce  pour  les  accomplir.  Tel  est,  en 
général,  l'objet  de  l'office  du  jour;  son  existence  et  sa 
division  remontent  à  la  plus  haute  antiquité*.  Entrons 
dans  le  détail. 

Prime  est  la  première  heure  de  l'office  du  jour.  Elle 
porte  le  nom  de  prime  parce  qu'elle  se  récitait  à  la  pre- 
mière heure  du  jour,  c'est-à-dire  vers  les  six  heures  du 
malin,  suivant  la  manière  de  compter  des  anciens. 

Cette  heure  a  été  établie  :  1°  pour  honorer  Notre- 
Seigneur  couvert  d'opprobres  parles  Juifs  et  conduit  de- 
vant Pilate  ;  2»  son  apparition  à  ses  disciples  sur  le  bord 
de  la  mer,  après  sa  résurrection  ;  3"  pour  offrir  à  Dieu 
les  prémices  de  la  journée,  comme  les  Juifs  lui  offraient 
les  prémices  de  la  moisson  et  des  fruits,  afin  de  les  lui 
consacrer  tout  entiers. 

Prime  se  compose  de  l'invocation  Deus  in  adjuto- 
rium;  du  Gloria  Patri,  suivi  de  l'alleluia  ;  d'une  hymne; 
de  trois  psaumes;  d'une  antienne  ;  d'un  capitule  ;  d'un 
répons,  et  de  quelques  autres  prières. 

L'hymne  que  nous  chantons  à  prime,  et  qui  s'y  chan- 
tait déjà  au  XIII»  siècle*,  exprime  très-bien  les  senti- 

*  Durandus,  lib.  2,  c.  7. 

*  Ibid.,  lib.  &,  G.  i. 


174  CATÉCHISME 

menls  que  la  foi  doit  éveiller  dans  un  cœur  chrétien  à 
la  naissance  du  jour.  A  la  vue  du  soleil  matériel  qui 
vient  éclairer  le  monde  physique,  nous  supplions  le  So- 
leil de  justice  et  de  vérité  de  se  lever  pour  nous,  afin 
que,  marchant  à  sa  lumière,  nous  évitions  et  les  ténè- 
bres et  les  pièges  du  démon.  Nous  prions  ce  divin  so- 
leil d'être  lui-même  notre  guide.  «  Voyez-vous  ces  bre- 
bis, dit  un  de  nos  pères  dans  la  foi  S  qui,  durant  la 
nuit,  abritées  au  bercail,  demandent  à  sortir  dès  le  matin 
dans  les  vastes  campagnes;  elles  réclament  un  berger 
qui  les  conduise  au  pâturage  et  les  protège  contre  les 
attaques  des  loups.  Nous  aussi,  lorsque  l'aurore  vient 
nous  appeler  au  saint  travail,  nous  nous  empressons 
de  demander  un  maître  qui  nous  instruise  et  un  pro-* 
lecteur  qui  nous  défende.  Il  nous  faut  l'un  et  l'autre  : 
sans  cela  le  loup  infernal  viendra  disperser  le  troupeau 
dans  des  lieux  inconnus  et  déchirer  les  brebis.  » 

Pour  échapper  aux  traits  du  Démon,  l'Eglise  nous 
rappelle  admirablement  dans  les  psaumes  de  prime, 
et  dans  le  symbole  de  saint  Athanase,  qu'il  faut  nous 
revêtir  de  la  môme  armure  qu'ont  portée  tous  les  héros 
chrétiens  ;  le  bouclier  de  la  foi,  le  casque  de  l'espé- 
rance et  le  glaive  de  la  charité. 

C'est  afin  de  nous  y  exciter  plus  fortement  que  l'E- 
glise nous  remet  sous  les  yeux  les  combats  et  les 
triomphes  des  Saints.  A  prime  on  lit  le  martyrologe, 
c'est  l'histoire  sanglante  mais  glorieuse  de  nos  frères, 

•  Amator  Fortunat.,  lib.  4,  de  Ecclesiast.  offic,  c.  2. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  175 

qui,  autrefois  soldats  comme  nous,  se  reposent  aujour- 
d'hui dans  le  ciel  sur  leurs  lauriers  immortels. 

Après  la  lecture  du  martyrologe,  l'officiant  dit  :  Elle 
est  précieuse  devant  Dieu!  —  la  mort  de  ses  Saints,  ré- 
pond le  chœur,  et,  au  nom  de  tous  ses  frères,  l'officiant 
exprime  ce  vœu  si  chrétien  :  «  Que  la  sainte  Yierge  et 
que  tous  les  saints  nous  aident,  par  les  prières  qu'ils 
adresseront  pour  nous  au  Seigneur,  à  devenir  saints  en 
toutes  choses  comme  est  saint  celui  qui  nous  a  appelés 
à  la  sainteté.  »  Après  cette  prière,  l'officiant  répète 
trois  fois  :  Seigneur,  venez  à  mon  aide;  et  le  chœur 
ajoute  :  Seigneur,  hâtez-vous  de  me  secourir.  Cette  tri- 
ple répétition  est  destinée  à  obtenir  protection  contre 
nos  trois  grands  ennemis,  le  Démon,  le  monde  et  la 
chair.  Elle  est  suivie  du  Gloria  Patri,  afin  de  rendre 
grâce,  au  nom  de  tous  nos  frères,  à  l'auguste  Trinité, 
de  qui  est  venue  la  mort  précieuse  des  saints  et  de  qui 
viendra  la  nôtre. 

Mais,  hélas  !  des  chutes  sont  à  craindre  :  la  faiblesse 
humaine  est  si  grande .'  D'avance  nous  demandons  mi- 
séricorde, et  trois  fois  nous  disons  :  Kyrie  eleison  ou 
Christe eleison,  Seigneur, Christ,  ayez  pitié  de  nous;  pour 
l'obtenir  plus  sûrement  celte  miséricorde,  nous  réci- 
tons l'Oraison  du  Seigneur.  Nous  la  terminons  en  sup- 
pliant le  Père  céleste  de  diriger  ses  enfants,  et  ses  en- 
fants, c'est  nous;  et  de  nous  aider  à  diriger  les  nôtres, 
et  nos  enfants  sont  nos  pensées  et  nos  œuvres. 

Tierce  est  la  seconde  heure  de  l'office  du  jour. 
On  lui  donne  ce  nom  parce  qu'elle  se  récitait  à  la 


176  CATÉCHISME 

troisième  heure  du  jour,  suivant  la  manière  de  compter 
des  anciens.  Pour  nous,  tierce  répond  à  neuf  heures 
du  malin.  Prime  et  tierce  se  composent  des  mêmes  par- 
ties, à  l'exception  des  prières  finales. 

L'Eglise,  qui,  par  ses  sacrements,  grave,  imprime  en 
quelque  sorte  la  sainteté  sur  tous  nos  sens,  écrit  aussi 
ses  augustes  mystères  dans  chaque  heure  de  la  journée. 
Son  office  les  rappelle  successivement  à  notre  adoration 
et  à  noire  amour.  Le  Sauveur,  poursuivi  par  les  cla- 
meurs sanguinaires  des  Juifs  ;  attaché  à  la  colonne  par 
ordre  de  Pilate,  et  cruellement  flagellé  ;  le  Saint-Esprit 
descendant  sur  les  Apôtres  et  donnant  naissance  à  l'E- 
glise :  tels  sont  les  événements  mémorables  que  nous 
célébrons  par  les  prières  de  tierce.  Comme  les  autres 
heures,  celle-ci  remonte  aux  temps  apostoliques  '. 

En  mémoire  de  la  loi  nouvelle  écrite  en  lettres  de 
flammes  dans  le  cœur  des  Apôtres,  on  chante  des 
psaumes  qui  célèbrent  la  douceur,  la  perfection  de 
celte  loi  de  grâce  et  d'amour.  L'hymne  rappelle  aussi 
la  descente  de  l'Esprit  saint,  qu'on  supplie  de  renou- 
veler en  notre  faveur  les  merveilles  du  Cénacle. 

Sexte  est  la  troisième  heure  de  l'office  du  jour. 
Elle  répond  à  midi.  Même  composition,  même  anti- 
quité que  la  précédente  ^  De  grands  souvenirs  nous  y 
sont  rappelés,  car  de  grands  événements  consacrent 
cette  heure  mémorable.  A  tierce,  l'Eglise  nous  avait  con- 
duits au  prétoire,  et,  en  face  de  cette  colonne  ensan- 

♦  s.  Synat.,  epist.  ad  Trallianos, 

*  Constit.  apostol.^  lib.  8,  c.  20. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  177 

glanlée,  elle  avail  ouvert  nos  lèvres  à  la  prière.  Ici, 
nous  prenant  par  la  main,  elle  nous  conduit  au  Cal- 
vaire, et  nous  arrête  là  devant  un  instrument  de  sup- 
plice. Jésus  élevé  en  croix,  voilà  le  premier  objet  de 
nos  prières  et  de  nos  méditations  à  l'heure  de  scxte. 
Aussi  l'Eglise,  pénétrée  de  reconnaissance,  nous  fait 
chanter  des  psaumes  qui  respirent  un  amour  brûlant. 
Mon  âme  est  tombée  en  défaillance  en  pensant  à  mon 
Sauveur,  etc. 

Ici  une  magnifique  harmonie  (jui  n'a  point  échappé 
à  la  sagacité  de  nos  pères  dans  la  foi.  Instruits  par 
la  tradition ,  ils  enseignent  que  ce  fut  à  la  sixième 
heure  du  jour  qu'Adam  se  rendit  coupable  et  périt 
par  le  fruit  de  l'arbre.  Pour  faire  coïncider  la  répara- 
lion  avec  la  chute,  Jésus  voulut  être  élevé  à  la  même 
heure  sur  l'arbre  salutaire'.  Un  autre  événement  est 
encore  l'objet  de  notre  reconnaissance.  C'est  à  l'heure 
de  sexte  que  Pierre  eu!  la  révélation  claire  de  la  voca- 
tion des  Gentils,  et  qu'il  reçut  ordre  de  porter  l'Evan- 
gile aux  nalions  ;  bienfait  inappréciable  dont  vous  et  moi 
nous  ressentons  encore  aujourd'hui  l'influence.  Ainsi, 
le  Fils  de  Dieu,  Jésus  attaché  à  la  croix,  et  Pierre  por- 
tant l'Evangile  aux  nalions,  en  faut-il  davantage  pour 

•  Quo  tcmpoïc  eversio  fuit,  eodeni  rursus  facta  reparaîio.  S.  Cy- 
ril. U\crosol.,Ca/cch.  14.  Ici.,  Tîieophilact.  in  Matth.,  ad  ea  verba  : 
j4  sexta  aittcin  hora,  etc.  Voici  encore  d'autres  harmonies  :  «  Prop- 
tcr  protoplastujn  Adam...  (Ghristus)  sexta  hora  in  crucena  ascen- 
dit,  sexto  die  Sieculi,  in  sexta  hora  cjusdem  uiillenarii,  et  sexta 
hebdoniadis  et  sexta  Iiora  scxfi  diei,  etc.  »  S.  Anast.,  Slnfiï/.,  1.  7, 
Commentar  in  liexœin. 

T.   va,  12 


i78  CATÉCHISME 

exciter  notre  ferveur  et  notre  reconnaissance  durant 
cette  nouvelle  heure? 

None^  qui  vient  continuer  ces  admirables  souvenirs» 
est  la  quatrième  heure  de  l'Office  du  jour.  C'est  pouf 
nous  trois  heures  du  soir,  et  pour  les  anciens  elle  était  la 
neuvième  heure  du  jour:  de  là  son  nom.  Elle  renferme 
les  mêmes  parties  que  les  précédentes,  et  nous  offre  la 
même  antiquité  ^  C'est  encore  sur  la  grande  scène  des 
douleurs  que  l'Eglise  nous  retient.  Le  soleil  obscurci, 
la  terre  ébranlée,  le  voile  du  temple  déchiré,  l'Homme- 
Dieu  expirant,  le  côté  du  nouvel  Adam  ouvert  par  la 
lance  du  soldat,  et  donnant  naissance  à  la  nouvelle 
Eve,  l'Eglise  catholique,  notre  tendre  mère  :  tels  sont 
les  événements  que  celte  heure  nous  rappelle.  En  fut-il 
de  plus  propres  à  nous  faire  répandre  devant  Dieu  des 
prières  et  des  larmes? 

Les  psaumes  des  petites  heures  du  dimanche  nous 
offrent  une  harmonie  si  belle,  que  nous  ne  pouvons 
résister  au  plaisir  de  la  signaler;  elle  montrera  que 
tout,  jusqu'à  un  iota,  est  disposé,  dans  les  offices  de 
l'Eglise,  avec  une  sagesse  et  une  profondeur  de  vue  qu'on 
ne  saurait  jamais  assez  admirer.  Toutes  les  petites 
heures  se  composent  de  deux  psaumes,  dont  le  second 
est  divisé  à  prime,  à  tierce,  à  sexle  et  à  none.  Chaque 
division  de  ce  psaume  contient  seize  versets.  Pour- 
quoi ces  deux  psaumes  seulement?  Pourquoi  ces  seize 
versets?  Ces  deux  psaumes  rappellent  les  deux  al- 
liances de  Dieu  avec  les  hommes,  l'ancienne  et  la 

'  s»  Basil.,  in  Rcgul.  interrog.,  34. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  179 

nouvelle.  Ces  seize  versets  signifient  les  interprètes 
de  cette  double  alliance.  Pour  l'ancienne,  les  douze 
petits  Prophètes  et  les  quatre  grands;  pour  la  nouvelle, 
les  douze  Apôtres  et  les  quatre  Evangélistes*. 

Les  psaumes  et  les  hymnes  des  petites  heures  sont 
également  en  harmonie  avec  les  différentes  heures  du 
jour  auxquelles  nous  les  récitons.  Au  lever  du  soleil  le 
commencement,  à  tierce  la  continuation,  h  sexte  la 
perfection,  à  none  la  fin  de  la  charité  et  de  la  vie  ;  car, 
hélas  !  la  vie  n'est  qu'un  jour. 

Les  vêpres  sont  la  cinquième  heure  de  l'office  du 
jour.  Leur  antiquité  est  la  même  que  celle  de  l'Eglise  *. 
Oh  !  que  c'est  à  juste  litre  que  l'Eglise  a  consacré  celte 
heure  à  la  prière  !  Que  de  souvenirs  elle  nous  rappelle  ! 
C'est  d'abord  le  sacrifice  du  soir  offert  chaque  jour  au 
temple  de  Jérusalem  ;  c'est  ensuite  l'institution  de  la 
sainte  Eucharistie  ;  c'est  enfin  la  descente  de  la  croix  et 
la  sépulture  de  Notre-Seigneur.  Telles  sont  les  raisons 
pour  lesquelles  l'Eglise  désire  si  vivement  que  nous 
soyons  en  prières  pendant  celte  heure  mémorable. 

Connaissent-ils  le  prix  de  la  prière ,  leur  cœur 
sait- il  battre  de  reconnaissance,  ces  Chrétiens  de 
tout  âge  et  de  toute  condition  qui  dédaignent  d'assis- 
ter à  vêpres?  Les  vêpres,  disent-ils  dans  leur  légèreté 
impie,  les  vêpres  sont  pour  les  prêtres.  Ce  n'est  donc 
pas  pour  vous  qu'a  été  instituée  la  sainte  Eucharistie  ? 
Vous  ne  devez  donc  rien  à  Dieu  pour  ce  bienfait  ?  Ce 

'  Durandus, lib.  5,c.  5. 
'^  Consul .  apost.,  t.  8,  c.  40. 


180  CATéCBISMB 

n'est  donc  pas  pour  vous  que  Jésus -Christ  a  été  im- 
molé ?  L'heure  à  laquelle  ces  grands  miracles  ont  été 
opérés  ne  vous  dit  donc  rien  ?  Et  qu'en  faites-vous  de 
celte  heure  sacrée  où  des  larmes  brillantes  devraient 
couler  de  vos  yeux,  et  se  mêler  à  des  prières  plus  brû- 
lantes encore?  Si  je  veux  le  savoir,  j'interroge  les  places 
publiques,  les  promenades,  les  maisons  de  jeu  et  de 
plaisirs  profanes  ;  elles  me  répondront.  Eh  quoi  !  ne 
rougirez-vous  jamais  de  blesser  ainsi  les  convenances 
chrétiennes?  0  nos  pères  dans  la  foi!  qu'auriez -vous 
pensé  si  l'on  vous  eût  dit  que  vos  enfants  profaneraient 
une  heure  si  sainte,  une  heure  chargée  de  tant  de 
bienfaits?  Honte  à  ceux  qui  trouvent  la  reconnaissance 
lourde  et  difficile  !  Les  cœurs  qui  se  font  ingrats  sont 
de  tristes  cœurs,  et  ressemblent  à  ces  fruits  que  le  so- 
leil ne  peut  mûrir  et  qui  n'ont  ni  saveur  ni  parfum. 
Honte  aux  cœurs  serviles  qui  ne  vont  à  l'église  le  ma- 
tin que  par  crainte,  puisque  le  soir,  alors  qu'il  n'y  a  pas 
d'anathème  et  de  menace  de  péché  mortel,  ils  s'en 
dispensent  ! 

Pour  nous,  Chrétiens  dociles,  plus  les  vêpres  sont 
abandonnées,  plus  nous  devons  nous  faire  un  devoir 
d'y  assister  :  nos  obligations  semblent  croître  en  pro- 
portion de  l'indifférence  du  grand  nombre.  Venons  au 
pied  des  autels  prier,  gémir,  adorer,  remercier  pour 
nos  frères  ingrats ,  trop  heureux  si  nous  pouvons  dé- 
dommager leur  Sauveur  et  le  nôtre. 

La  beauté  de  l'office  du  soir  suffirait  à  elle  seule  pour 
nous  y  rendre  assidus.  Les  vêpres  se  composent  de  cinq 


DE    PERSÉVÉRANCE.  181 

psaumes,  de  cinq  antiennes,  d'un  capitule,  d'une  hymne, 
du  Magnificat  et  d'une  seule  oraison,  si  on  ne  fait  pas 
mémoire  de  quelques  fûtes.  Ce  nombre  cinq  a  été  établi 
pour  honorer  les  cinq  plaies  de  Noire-Seigneur,  et 
pour  expier  les  péchés  que  nous  avons  commis  durant 
le  jour  par  nos  cinq  sens. 

La  trompette  de  l'Église  militante,  la  cloche,  a  retenti 
trois  fois  :  la  première,  pour  annoncer  l'office  ;  la  se- 
conde, pour  nous  dire  qu'il  est  temps  de  partir  ;  la  troi- 
sième, pour  marquer  que  l'office  commence.  Arrivés  à 
l'église,  le  clergé  et  les  fidèles  se  recueillent  un  instant  ; 
ils  préparent  leur  âme  à  la  prière  en  récitant  le  Pater 
et  VAve  Maria;  ces  deux  oraisons  se  disent  à  genoux  et 
en  silence.  On  commence  par  le  signe  de  la  croix  pour 
invoquer  le  secours  de  la  sainte  Trinité,  et  pour  con- 
fesser les  mystères  de  l'Incarnation  et  de  la  Rédemption. 
La  main  qui,  en  le  faisant,  se  porte  de  quatre  côtés, 
vous  redit  que  le  Fils  de  Dieu  est  venu  appeler  ses  élus 
dispersés  aux  quairc  vents.  Quand  donc  vous  voyez  le 
célébrant,  du  haut  de  son  siège  élevé,  faire  le  signe 
adorable,  représentez-vous  Jésus-Christ  sur  la  croix  au 
sommet  du  Calvaire,  les  bras  étendus  pour  embrasser 
les  enfants  d'Adam  devenus  les  siens,  et  les  appelant 
tous  dans  son  cœur  par  cette  parole  d'ineffable  amour  : 
Silio  :  J'ai  soif  de  vous. 

En  faisant  le  signe  de  la  croix,  le  prêtre,  tourné  vers 
l'autel,  dit  :  Deus  in  adjutorium  meum  intende  :  0  Dieu, 
venez  à  mon  aide.  Les  fidèles,  également  debout  et  tour- 
nés vers  l'auicl  pour  exprimer  que  leur  confiance  est  toute 


182  CATÉCHISME 

aux  mérites  de  Jésus-Christ,  répondent  avec  empresse- 
ment :  Domine,  ad  adjuvandum  me  festina  :  Seigneur, 
hâtez-vous  de  me  secourir.  Puis,  pour  témoigner  par 
avance  la  reconnaissance  que  leur  inspire  cette  céleste 
protection,  ils  chantent  avec  un  élan  d'amour  le  Ériom 
Patri,  etc.  :  Gloire  auPère,  etc.  Leurjoie  et  leur  ardeur 
à  publier  les  louanges  de  leur  Père  qui  est  dans  les  cieux 
s'expriment  par  ce  mot  :  alléluia,  allégresse,  bonheur. 
Pendant  le  carême ,  temps  do  jeûne  et  de  pénitence, 
V Alléluia  est  remplacé  par  ces  mots,  qui  ont  le  même 
sens  :  Laus  tibi,  Domine,  rex  œternœ  gloriœ  :  Louanges 
à  vous,  Seigneur,  roi  éternel  de  gloire. 

Après  l'imposition  de  l'antienne  destinée  à  enflammer 
notre  charité  *,  un  choriste  entonne  le  premier  psaume  : 
Dixit  Dominus,  Domino  meo  :  «  Le  Seigneur,  Père  éter- 
nel, Dieu  tout-puissant,  a  dit  à  Jésus-Christ ^  son  Fils, 
au  jour  de  son  ascension  glorieuse  :  Asseyez-vous  à 
ma  droite.  «Dans  ce  psaume  magnifique  l'Église  chante 
la  génération  éternelle  du  Fils  de  Dieu,  son  sacerdoce 
également  éternel,  aussi  bien  que  son  empire  éternel 
et  absolu  sur  le  monde,  devenu  la  conquête  de  la  croix. 
Mais  quoi  !  les  vêpres  ne  sont-elles  pas  destinées  à 
honorer  les  funérailles  de  Jésus-Christ?  Comment  donc 
l'Église,  cette  tendre  épouse,  agenouillée,  pour  ainsi 
dire,  sur  la  tombe  de  son  divin  époux,  ne  fait-elle  en- 
tendre que  des  chants  de  joie  et  des  hymnes  de  triomphe 
et  d'immortalité?  Ah!  cestqu  elle  voit  la  vie  sortir  du 

'  Explication  des  matines  à  la  leçon  précédente. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  183 

sein  de  la  mort,  et  la  victoire  des  souffrances  :  grande 
leçon  pour  nous  ! 

Le  second  psaume  des  vêpres  du  dimanche  est  le 
Confitebor.  Il  est  comme  la  suite  du  premier.  Par  la 
bouche  de  David,  l'Église  chante  les  bienfaits  du  règne 
de  son  divin  époux  ;  elle  célèbre  en  particulier  l'institu- 
tion du  banquet  divin,  auquel  sont  invitées  toutes  les 
générations  qui  viennent  en  ce  monde. 

Que  reste-t-il  maintenant,  sinon  à  décrire  le  bonheur 
de  ceux  qui  se  soumettent  à  l'empire  de  Jésus-Christ? 
c'est  ce  que  l'Église  fait  dans  le  psaume  :  Beatus  vir  qui 
timet  Dominum  :  Heureux  l'homme  qui  craint  le  Sei- 
gneur. A  côté  de  la  description  simple  et  touchante  du 
bonheur  de  l'homme  juste  qui  craint  Dieu  et  observe  ses 
commandements,  l'Église  place  le  tableau  du  pécheur. 
Durant  sa  vie  il  est  triste  et  malheureux  ;  au  moment  de 
la  mort  il  grince  des  dents  et  sèche  d'épouvante  ;  après 
la  mort  il  entre  dans  le  lieu  des  supplices,  à  la  porte 
duquel  il  laisse  l'espérance  :  l'espérance  d'en  sortir 
jamais. 

L'Église  vient  de  rappeler  aux  justes  dans  le  psaume 
précédent  que  le  Seigneur  les  rend  heureux  s'ils  portent 
son  aimable  joug.  Quoi  de  plus  naturel  que  de  les  exhor- 
ter maintenant  à  chanter  leur  bonheur?  Et  voilà  que 
cette  tendre  mère,  empruntant  la  voix  du  roi-prophète, 
les  exhorte  à  louer  et  à  bénir  la  grandeur,  la  puissance, 
et  surtout  l'admirable  bonté  de  leur  Père  céleste.  Lau- 
date,  pueri,  Dominum,  laudate  nomen  Domini  :  Mes 
enfants,  louez  le  Seigneur,  louez  le  nom  du  Seigneur. 


184  CATÉCHISME 

Celte  invitation  provoque  un  élan  d'amour,  et  toutes  les 
bouciies  et  tous  les  cœurs  s'unissent  pour  répondre  : 
Oui,  que  le  nom  du  Seigneur  soit  béni,  dès  maintenant 
et  jusqu'au  siècle  des  siècles  :  Sil  nomen  Domini  bene- 
dictum  ex  hoc  nunc  et  usque  in  seculum;  et  dans  la 
suite  de  ce  psaume  admirable,  chacun  proclame  à  l'envi 
les  raisons  particulières  qu'il  a  de  bénir  le  Dieu  bon,  le 
Dieu  qui  veille  sur  le  pauvre  et  le  faible  comme  sur  la 
prunelle  de  son  œil. 

Des  moiifs  personnels  qui  pressent  chacun  de  nous 
et  tous  les  hommes  en  général  de  bénir  Dieu  et 
de  l'aimer,  l'Église  passe  aux  raisons  spéciales  à  la 
grande  famille  catholique.  A  moins  que  nous  n'ayons 
un  cœur  de  bronze,  ces  bienfaits  sont  tels  que  nous 
devons  fondre  d'amour  en  nous  les  rappelant.  Tel  est 
l'objet  du  cinquième  psaume  :  înexitii  Israël  de  JEgypto, 
domus  Jacob  de  populo  barbaro  :  Lorsque  Israël  sortit 
de  rFfjypte,  la  maison  de  Jacob  de  chez  un  peuple  bar- 
bare. Ici  l'Église,  nous  reportant  au  delà  de  trois  mille 
cinq  cents  ans,  sur  les  bords  de  la  mer  Rouge  et  au 
désert  du  Sinaï,  déroule  à  nos  regards  le  magnifique 
tableau  des  merveilles  et  des  prodiges  que  Dieu  opéra 
pour  tirer  Israël  de  l'Egypte  et  le  faire  entrer  dans  la 
terre  promise.  Sous  ces  miracles  de  l'Egypte,  de  la 
mer  Rouge,  du  désert  et  du  Sinaï,  l'Église  nous  en  fait 
apercevoir  de  plus  glorieux  et  de  plus  consolants  opérés 
en  notre  faveur  :  notre  délivrance  du  Démon,  du  pé- 
ché, de  la  mort  et  de  l'enfer  par  le  baptême;  la  foi,  qui 
nous  conduit  au  travers  du  désert  de  la  vie,  comme  la 


DE    PERSÉVÉRANCE.  185 

colonne  conduisait  Israël;  la  loi  de. grâce  descendant 
du  Calvaire,  comme  la  loi  antique  descendait  du  Sinaï; 
le  pain  des  anges  nourrissant  notre  âme,  comme  la 
manne  nourrissait  les  Hébreux;  et  ces  miracles  de  la 
loi  nouvelle  présentés  eux-mêmes  comme  un  gage  de 
miracles  plus  grands  encore  par  lesquels  le  Seigneur 
veut  nous  conduire  du  désert  de  la  vie  dans  la  Jérusalem 
céleste:  tels  sont  les  bienfaits  que  l'Église  nous  rappelle. 
Alors,  comme  David,  comparanl  le  Dieu  lout-puissant 
et  fort  aux  idoles  faibles  et  impuissantes  des  nations, 
l'Église  nous  presse,  dans  toute  l'étendue  de  sa  charité 
et  de  son  zèle,  de  nous  attacher  irrévocablement  au  Sei- 
gneur, qui  nous  a  donné  des  marques  si  éclatantes  de 
sa  grandeur,  de  sa  puissance  et  de  sa  bonté. 

Ce  psaume  auquel  la  poésie  profané  n'a  rien  à  com- 
parer est  suivi  de  l'antienne  et  du  capitule.  Le  capitule 
des  dimanches  ordinaires  est  tiré  de  l'épîfre  de  saint 
Paul  aux  Ephésiens  '  :  Benedictus  Deus,  etc.  :  «  Béni 
soit  Dieu,  le  père  de  notre  Seigneur  Jésus-Christ,  qui, 
pour  nous  conduire  au  ciel,  nous  a  comblés  par  son  Fils 
de  toutes  sortes  de  bénédictions  spirituelles,  comme  il 
nous  a  élus  en  lui  avant  la  création  du  monde,  afln 
que  nous  fussions  saints  et  irrépréhensibles  à  ses 
yeux.  » 

Le  célébrant  lit  debout  le  capitule,  et  s'adresse  aux 
fidèles  qui  viennent  de  chanter  les  louanges  de  Dieu, 
afin  d'encourager  leur  zèle  et  de  donner  à  leur  piété 
un  nouvel  élan.  Cette  posture,  dictée  par  la  bienséance, 

'  Cap.  I. 


186  CATÉCniSMB 

convient  aux  saintes  paroles  qu'il  prononce,  et  exprime 
le  respect  qu'il  porte  aux  membres  de  Jésus-Christ  qui 
l'écoulent. 

Les  fidèles  reçoivent  avec  reconnaissance  cette  courte 
eihortation,  et  répondent  Deo  grattas  :  Nous  en  ren- 
dons grâces  à  Dieu. 

Alors  on  entonne  l'hymne  ;  l'hymne,  expression  d'a- 
mour, d'ardeur,  de  courage,  pour  accomplir  ce  qu'on 
vient  d'entendre  ;  c'est  le  chant  d'une  armée  qui  marche 
au  combat.  L'hymne  varie  suivant  la  fête  ;  elle  ex- 
prime toujours  les  sentiments  analogues  à  la  circon- 
stance du  jour.  Le  règne  de  Jésus-Christ  commencé  sur 
la  terre,  consommé  dans  le  ciel,  voilà  ce  que  l'Eglise 
chante  le  dimanche.  Aussi  l'hymne  des  vêpres  du  di- 
manche est  un  long  soupir  vers  le  ciel.  Heureux  le 
Chrétien  qui  sait  se  pénétrer  de  l'esprit  de  cette  sainte 
prière  !  son  cœur  éprouve  une  consolation  et  un  bon- 
heur que  le  monde  et  ses  plaisirs  ne  sauraient  lui 
donner. 

L'Eglise  vient  de  chanter  les  bienfaits  du  Seigneur; 
elle  a  vu  dans  le  passé  sa  délivrance  du  Démon,  son 
établissement  sur  la  terre,  les  faveurs  sans  nombre 
dont  elle  a  été  l'objet;  elle  a  vu  dans  l'avenir  le  ciel 
entr'ouvert  pom-  la  recevoir  et  consommer  son  bon- 
heur en  l'immortalisant.  Comment  exprimera-t-elle 
toute  sa  reconnaissance?  Elle  succombe  sous  le  poids, 
elle  cherche  un  interprète  des  sentiments  qu'elle 
éprouve;  elle  l'a  trouvée.  A  la  place  de  la  sienne, 
nne  voix  s'élève  au  son  de  laquelle  le  ciel  et  la  terre 


DE    PERSÉVÉRANCE.  187 

doivent  faire  silence;  une  voix  si  suave,  si  pure,  si  mé- 
lodieuse, et  en  même  temps  si  puissanle,  qu'elle  réjouit 
infailliblement  le  cœur  de  Dieu  :  celle  voix  est  celle  de 
l'auguste  Marie.  Voici  donc  la  douce  Vierge  de  Juda, 
}<a  Mère  de  Dieu,  la  Vierge  par  excellence,  la  Vierge 
du  ciel,  qui  va  soupirer  la  reconnaissance  de  la 
vierge  de  la  terre,  la  chaste  épouse  de  l'Homme-Dieu, 
l'Eglise  catholique.  On  entonne  le  Magnificat  :  ce 
chant  sublime,  élan  d'ineffable  amour,  poëme  en  dix 
chants,  prophétie  magnifique,  qui  valut  à  Marie  le  tilre 
glorieux  de  Reine  des  Prophètes  :  Mon  âme  glorifie  le 
Seigmur,  etc. 

On  se  tient  debout  pendant  le  Magnificat,  par  res- 
pect pour  les  paroles  de  Marie,  et  parce  que  cette  noble 
attitude  montre  bien  la  joie  et  le  contentement  d'un 
cœur  comblé  de  grâces  et  disposé  à  tout  entreprendre 
pour  témoigner  à  son  bienfaiteur  les  sentiments  de  sa 
reconnaissance. 

Pendant  le  Magnificat,  le  célébrant  sort  de  sa  place 
et  va  se  revêtir  de  la  chape.  Bientôt,  précédé  d'un  clerc 
qui  porte  l'encensoir,  il  monte  à  l'autel,  prend  le  vase 
qui  contient  l'encens,  en  met  sur  le  feu,  et  dit  :  Ab  illo 
benedicaris  in  cujus  honore  cremaberis  :  Soyez  béni  par 
celui  en  l'honneur  duquel  vous  allez  être  consumé.  En 
prononçant  ces  paroles  il  forme  le  signe  de  la  croix 
pour  rappeler  que  ce  n'est  que  par  les  mérites  de 
Jésus-Christ  que  toute  bénédiction  se  répand  sur  la 
terre;  puis  il  prend  l'encensoir  des  mains  du  clerc, 
encense  trois  fois  la  croix  placée  sur  le  tabernacle. 


188  CATÉCUISMÏÏ 

d'abord  à  droite,  ensuite  à  gauche,  enfin  de  chaque 
côté,  comme  pour  environne!  l'autel,  figure  de  Jésus- 
Christ,  du  parfum  que  le  feu  exhale,  et  qui  est  le  sym- 
bole de  la  foi  des  fidèles  et  de  la  ferveur  de  leurs 
prières. 

Cette  cérémonie  achevée,  le  clerc  encense  le  célé- 
brant, et  lui  rend  ainsi  honneur  comme  au  représentant 
de  Jésus-Christ.  Le  prêtre  dit  ensuite  :  Dominus  vobis- 
cum  :  Que  le  Seigneur  soit  avec  voiis.  Les  fidèles  ré- 
pondent :  Et  cum  spirilu  luo  :  Et  qu'il  soit  avec  votre 
esprit. 

Il  chante  ensuite  l'oraison  de  la  messe  appelée  col- 
lecte, parce  qu'elle  recueille  en  quelque  sorte  les  prières 
et  les  vœux  des  assistants  pour  les  adresser  à  Dieu. 

Le  prêtre  dit  de  nouveau  :  Dominus  vobiscum,  et 
après  ce  souhait  de  paix  et  de  charité,  les  clercs  invi- 
tent les  fidèles  à  louer  et  à  bénir  le  Seigneur  par, ces 
mots  :  Benedicamus  Domino  :  Bénissons  le  Seigneur. 
Tous  les  assistants  répondent  :  Deo  grattas  :  Notis  ren- 
dons grâces  à  Dieu.  Ainsi  se  termine  cette  partie  de 
l'office  du  soir.  Connaissez-vous  quelque  chose  de  plus 
beau,  de  plus  complet,  de  mieux  ordonné? 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
de  m'avoir  instruit  des  saintes  cérémonies  de  votre 
culte  ;  faites  qu'elles  raniment  en  moi  l'esprit  de  la  foi 
et  de  la  prière. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par -dessus 


DE  PEItSÉV^RANCB.  189 

toute  chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour 
l'amour  de  Dieu  ;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  j'rts- 
sisterai  régulièrement  à  vêpres. 


PETIT  CATÉCHISME. 

LE   CHRISTIANISME    ÉTABLI. 

Q.  Quelles  sont  les  heures  qui  composent  l'office  du 
jour? 

R.  Les  heures  qui  composent  l'office  du  jour  sont  : 
prime,  tierce,  sexte,  none,  vêpres  et  complies.  Dans 
ri^ure  de  prime  on  honore  i"  le  Sauveur  couvert  d'op- 
probre et  présenté  à  Pilale  par  les  Juifs  ;  2°  son  appa- 
rition aux  Apôtres  sur  le  bord  de  la  mer  après  sa  ré- 
surrection. On  consacre  aussi  à  Dieu  le  commence- 
ment de  la  journée. 

(?.  Pourquoi  les  autres  heures  ont-elles  été  établies? 

R.  Les  autres  heures  ont  été  établies  pour  honorer 
la  suite  des  mystères  de  Noire-Seigneur  et  de  la  reli- 
gion. A  tierce  on  honore  le  Sauveur  condamné  à  mort; 
on  célèbre  aussi  la  descente  du  Saint-Esprit  sur  les 
Apôtres;  à  se^fe,c'estNotre-Seigneur  attaché  à  la  croix; 
à  none,  c'est  Notre-Seigneur  expirant  pour  l'amour  de 
nous. 

Q.  Pourquoi  récile-t-on  trois  psaumes,  et  le  Gloria 
Patri  après  chaque  psaume,  dans  ces  différentes 
heures? 

R.  On  récite  trois  psaumes,  et  le  Gloria  Patri  après 


190  CATÉCHISME 

chaque  psaume,  dans  ces  différentes  heures,  pour  rap- 
peler le  mystère  de  la  sainte  Trinité  et  honorer  cha- 
cune des  trois  personnes. 

Q.  Qu'est-ce  que  les  vêpres  ? 

R.  Les  vêpres,  c'est  la  partie  de  l'office  qu'on  récite 
le  soir.  Le  mot  vêpres  veut  dire  soir.  Dans  cet  office 
on  célèbre  les  funérailles  de  Notre-Seigneur,  et  on  le 
remercie  de  l'institution  du  saint  sacrement  de  l'au- 
tel. On  récite  cinq  psaumes  à  vêpres  pour  honorer  les 
cinq  plaies  de  Notre-Seigneur,  et  pour  demander  par- 
don des  péchés  que  nous  avons  commis  pendant  le 
jour  par  nos  cinq  sens. 

Q.  Quel  est  le  sens  des  psaumes  des  vêpres  du  di- 
manche ? 

/{.Voici  le  sens  des  psaumes  des  vêpres  du  dimanche. 
Le  premier  nous  rappelle  la  naissance  éternelle  de  Notre- 
Seigneur,  son  sacerdoce  et  son  empire  également  éternel , 
empire  qu'il  a  obtenu  par  ses  souffrances.  Dans  le  second 
psaume  on  célèbre  les  merveilles  du  règne  de  Jésus - 
Christ,  et  en  particulier  l'institution  de  la  sainte  Eu- 
charistie. Dans  le  troisième,  on  chante  le  bonheur  de 
celui  qui  se  soumet  à  Jésus-Christ,  et  on  dit  le  malheur 
du  pécheur  qui  se  révolte  contre  lui.  Dans  le  qua- 
trième, on  invite  tous  les  hommes  à  louer  le  Sauveur, 
dont  le  règne  nous  rend  si  heureux.  Dans  le  cin- 
quième, l'Eglise  redit  à  ses  enfants  les  bienfaits  par- 
ticuliers qu'ils  ont  reçus  de  Dieu,  et  les  invite  à  l'en 
remercier.  Ce  cinquième  psaume  nous  rappelle  notre 
délivrance  du  péché,  notre  entrée  dans  le  Christia- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  191 

nisme,  et  nous   annonce   notre  entrée   dans   le  ciel. 

Q.  Que  signiflc  l'hymne  du  dimanche? 

R.  L'hymne  du  dimanche  exprime  un  grand  désir  du 
ciel.  L'Eglise  vient  de  nous  dire  que  nous  irions  dans 
cette  bienheureuse  patrie,  et  tous  ensemble  nous  sou- 
pirons après  ce  bonheur  en  chantant  l'hymne. 

Q.  Pourquoi  chante-t-on  le  Magnificat? 

R.  On  chante  le  Magnificat  pour  exprimer  à  Dieu 
toute  notre  reconnaissance.  Dans  les  psaumes  nous  avons 
célébré  les  bienfaits  du  Seigneur,  et  ceux  que  nous 
avons  reçus  et  ceux  que  nous  attendons.  Pour  lui  témoi- 
gner sa  reconnaissance,  l'Eglise  emprunte  la  voix  de  la 
sainte  Vierge,  et  chante  le  beau  cantique  que  Marie 
prononça  chez  sa  cousine  Elisabeth.  Unissons  notre 
cœur  au  cœur  de  Marie,  afin  de  remercier  dignement 
le  Seigneur,  qui  a  fait  pour  nous  de  si  grandes 
choses. 

PRIÈRE. 

0  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
de  m'avoir  instruit  des  saintes  cérémonies  de  votre 
culte  ;  faites  qu'elles  raniment  en  moi  l'esprit  de  la  foi 
et  de  la  prière. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par- dessus 
toute  chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour 
l'amour  de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  j'as- 
sisterai régulièrement  à  vêpres. 


192  CATÉCHISME 


X*^    LEÇON. 

LE    CHRISTIANISME    RENDU    SENSIBLE. 

Coniplies.  —  Usage  de  la  langue  latine  dans  la  litiirçîie.  —  Sagesse 
de  l'Eglise  —  Chant,  sa  raison,  son  origine,  sa  beauté.  —Exem- 
ple de  saint  Augustin,  —  de  Jean-Jacques  Rousseau. 

L'homme  comblé  de  bienfaits  vient  d'exprimer  à 
Dieu  sa  reconnaissance  ;  il  csl  animé  des  meilleures 
dispositions.  La  terre  lui  paraît  triste,  la  vie  pesante  ; 
il  soupire  vers  le  ciel  :  mais  son  exil  n'est  pas  fini.  Le 
jour  est  sur  son  déclin.  La  nuit,  temps  mauvais  sous 
tous  les  rapports,  va  bientôt  commencer.  Il  va  dormir, 
mais  le  Démon  ne  dormira  pas  ;  au  contraire,  il  va  mul- 
tiplier ses  pièges.  Lion  rugissant,  il  va  rôder  avec  plus 
de  fureur,  afin  d'emporter  et  de  déchirer  quelques  bre- 
bis. Telle  est  la  position  de  l'homme  à  la  chute  du  jour. 
S'il  venait  vous  demander  ce  qu'il  doit  faire  pour  éviter 
les  embûches  de  l'ennemi,  et  se  conserver  fidèle  à  Dieu 
jusqu'au  retour  de  la  lumière,  quels  conseils  lui  don- 
neriez-vous  ?  En  attendant  votre  réponse,  je  vais  vous 
dire  ceux  que  l'Eglise  lui  donne.  Vous  me  direz  ensuite 
si  vous  connaissez  quelque  chose  de  mieux. 

t  Mon  fils,  lui  dit-elle,  jetez-vous  entre  les  bras  de 
votre  Père  céleste  ;  priez  l'ange  qui  vous  garde  et  les 
saints  qui  vous  aiment  de  vous  protéger;  priez  surtout 


DE    PERSÉVÉRANCE.  193 

Marie  de  veiller  sur  vous  comme  la  tendre  mère  veille 
sur  son  Gis  endormi.  Sous  leur  puissante  protection 
dormez  en  paix  :  le  Démon  ne  pourra  vous  nuire.  »  Et 
pour  fortifier  dans  le  Chrétien  ces  vifs  sentiments  d'une 
confiance  enfantine,  l'Eglise  lui  fait  réciter  les  compliesK 
La  preuve  de  ce  que  nous  venons  de  dire  se  trouve  dans 
l'explication  même  de  cette  dernière  heure  de  l'office  : 
écoutez. 

Les  complies  commencent  par  ces  paroles  :  Conver- 
tissez-nous, ô  Dieu  qui  êtes  notre  Sauveur,  et  détour- 
nez de  nous  votre  colère.  La  seule  chose  qui  puisse 
éloigner  Dieu  de  nous,  et  l'empêcher  de  prendre  de 
notre  repos  le  soin  paternel  que  nous  sollicitons,  c'est 
le  péché.  Voilà  pourquoi  nous  commençons  par  le  sup- 
plier de  nous  en  purifier  en  nous  convertissant  de  tout 
notre  cœur  ;  nous  lui  en  donnons  le  plus  puissant  motif 
en  lui  rappelant  qu'il  est  notre  Sauveur. 

Le  premier  psaume  nous  rappelle  le  roi-prophète 
témoignant  au  Seigneur  sa  reconnaissance  pour  les  mar- 
ques de  protection  qu'il  en  avait  reçues,  et  implorant  son 
secours  contre  ses  ennemis.  Sa  confiance  est  en  Dieu,  et 
il  se  repose  absolument  sur  son  sein  paternel.  Quel  can- 
tique pouvait  être  mieux  placé  dans  la  bouche  du  Chré- 
tien, cet  autre  roi-prophète,  qui,  ayant  combattu  ses 
ennemis,  et  terminé  sa  journée  avec  l'aide  de  Dieu,  va, 
dans  un  repos  nécessaire,  prendre  de  nouvelles  forces 
et  une  nouvelle  vigueur  pour  combattre  l'ennemi  de 

'  Complies  veut  dire  complcmeiit,  parce  que  cette  heure  corn- 
ptète  l'offlce. 

I.  TU.  IS 


194  CATÉCHISME 

son  salut  ?  Tel  est  le  sens  du  psaume  Cum  invocarem  : 
Lorsque  je  l'ai  invoqué,  ce  Dieu  auteur  de  ma  justice 
m'a  exaucé. 

Mes  enfants,  invoquez  donc  le  Seigneur,  dit  l'Eglise 
dans  ce  premier  cantique  ;  voire  espérance  ne  sera  point 
trompée.  Voulez-vous  savoir  de  quelle  manière  Dieu 
protège  l'homme  qui  espère  en  lui?  Le  second  psaume 
va  vous  l'apprendre.  11  nous  montre  effectivement  celui 
qui  habile  sous  la  garde  du  Très-Haut,  reposant  avec 
assurance  sous  la  protection  du  Dieu  du  ciel  ;  le  Démon 
et  ses  embûches,  les  méchants  et  leurs  machinations 
éloignées  de  la  demeure  du  juste  :  Qui  habitat  in  adju- 
torio  Altissimi,  in  prolectione  Dei  cœli  commorabitur. 

Que  resle-t-il  maintenant?  un  avis  à  nous  donner, 
mais  un  avis  bien  salutaire  :  c'est  d'être  nous-mêmes  sur 
nos  gardes,  et  si  nous  nous  éveillons  durant  la  nuit,  de 
tourner  aussitôt  notre  cœur  vers  Dieu.  Tel  est  l'objet 
du  troisième  psaume  :  Ecce  nuncbenedicite  Dominum: 
Maintenant  donc,  bénissez  le  Seigneur. S'ii  en  est  ainsi, 
conclut  l'Eglise  :  Du  haut  de  la  montagne  de  Sion,  le 
Dieu  qui  a  fait  le  ciel  et  la  terre  vous  bénira. 

Tous  les  cœurs  et  toutes  les  voix  se  réunissent  pour 
chanter  l'antienne,  c'est-à-dire  pour  assurer  qu'ils  se- 
ront Gdèles  aux  recommandations  qu'on  vient  de  faire. 
L'hymne  qui  vient  ensuite  est  un  long  soupir  vers  le 
ciel,  en  quelque  sorte  le  commencemenl  de  celle 
prière  de  la  nuit  qu'on  ne  manquera  pas  de  faire  s'il 
survierit  des  insomnies. 

Le  célébrant  insiste  sur  cette  disposition  essentielle 


DE    PERSÉVÉRANCE.  195 

en  récitant  le  capitule,  immédiatement  après  que 
l'hymne  est  chantée.  «  Mes  frères,  dit-il,  vous  êtes  tous 
enfants  de  la  lumière  et  enfants  du  jour  par  la  foi  el 
par  la  charité  que  Dieu  vous  a  données;  nous  ne 
sommes  point  enfants  de  la  nuit  el  des  ténèbres, 
puisque  nous  croyons  en  Jésus- Christ;  ne  dormons 
donc  pas  comme  les  autres,  qui  n'ont  pas  le  même  bon- 
heuff  mais  veillons  el  soyons  sobres.  »  Vraiment  l'E- 
glise n'a  rien  oublié;  ces  dernières  paroles  contiennent 
un  avis  de  la  dernière  importance  pour  éviter  le  mal 
durant  la  nuit. 

Les  fidèles,  reconnaissants  de  celte  leçon,  remercient 
le  prêtre  et  bénissent  le  Seigneur  par  ces  paroles  :  Deo 
gralias  :  Nous  en  rendons  grâces  à  Dieu. 

Ici  commence  entre  tous  ces  enfants  de  la  même  fa- 
mille réunis  maintenant  aux  pieds  de  leur  Père  com- 
mun, et  bientôt  dispersés  dans  leurs  maisons  parti- 
culières, un  colloque,  une  espèce  d'adieu,  de  bonsoir 
chrétien,  dont  la  langue  ne  peut  exprimer  la  tendresse 
ni  la  louchante  naïveté  :  c'est  au  cœur  de  la  sentir. 

Un  enfant  de  cha'ur  chante  de  sa  voix,  pure  comme 
celle  d'un  Ange  :  In  manus  tuas.  Domine,  commendo 
spiritum  meum  :  Seigneur,  je  remets  mon  âme  entre 
vos  mains. 

Les  fidèles  répondent  :  In  manus  tuas,  Domine, 
commendo  spiritum  meum  :  Seigneur,  je  remets  mon 
âme  entre  vos  mains. 

L'enfant  de  chœur  :  Redemisli  me,  Domine,  Deus 
veritatis  :  Vous  m'avez  racheté,  Seigneur,  Dieu  de  vt" 


196  CATÉCUISMB 

rite.  L'ange  de  la  terre  donne  à  Dieu  les  plus  puis- 
sants motifs  de  nous  protéger;  nous  lui  appartenons,  il 
nous  a  achetés  à  grand  prix,  et  il  est  le  Dieu  de  vérité, 
le  Dieu  fidèle  à  ses  promesses.  Or,  il  a  promis  de  nous 
protéger. 

Les  fidèles  :  Commendo  spiritum  meum  :  Je  remets 
mon  âme. 

L'enfant  de  chœur  :  Gloria Patri,  et  Filio,  etSpiritui 
sancto  :  Gloire  au  Père,  au  Fils  et  au  Saint-Esprit. 

Les  fidèles  :  In  manus  tuas,  Domine,  commendo  spi- 
ritum. meum  :  Seigneur,  je  remets  mon  âme  entre  vos 
mains. 

La  pensée  de  l'exil  et  l'approche  des  dangers  de  la  nuit 
jettent  sur  ce  répons  une  mélancolie  qui  ne  permet  pas 
d'achever  le  Gloria  Palri:  Comme  il  était  au  commence- 
ment, et  maintenant,  et  aux  siècles  des  siècles.Ces  paroles 
sont  réservées  à  la  patrie  :  l'Eglise  de  la  terre  ne  les  fait 
entendre  que  dans  le  moment  de  ses  grandes  joies. 

L'enfant  de  chœur  :  Custodi  me,  Domine,  ut pupillam 
oculi  :  Gardez  moi,  Seigneur,  comme  la  prunelle  de 
l'œil. 

Les  fidèles  :  Sub  umbra  alarum  tuarum  protège 
me  :  Protégez-moi  à  l'ombre  de  vos  ailes. 

Dites,  connaissez-vous  quelque  chose  de  plus  beau 
que  ce  colloque?  quelque  chose  qui  peigne  mieux  la 
candeur  d'un  petit  enfant  entre  les  bras  de  son  père  ? 
Cet  enfant  chéri,  assuré  que  le  Dieu  qui  règne  dans  le 
ciel  l'aime  avec  la  tendresse  d'un  père,  n'a  plus  qu'un 
désir,  c'est  de  quitter  cette  terre  d'exil,  cette  vallée  de 


DE    PERSÉVÉRANCE.  197 

larmes,  et  d'aller  se  reposer  en  paix  dans  le  sein  du 
Seigneur.  Et  voici  sa  mère,  l'Eglise  calholique,  toujours 
si  bien  inspirée,  qui  lui  met  dans  la  bouche  les  paroles / 
du  vieillard  Siméon,  lequel,  après  avoir  vu  le  salut 
d'Israël,  ne  demandait  plus  qu'à  mourir  :  Nunc  dimit- 
tis,,elc.  :  Laissez  maintenant,  ô  mon  Dieul  votre  ser- 
viteur s'en  aller  en  paix. 

Vient  ensuite  une  prière  qui  résume  admirablement 
les  demandes  adressées  à  Dieu  dans  les  compiles. 
Voilà  donc  la  famille  chrétienne  qui  va  se  séparer. 
Celui  qui  en  est,  sur  la  terre,  le  chef  et  le  père  ne 
peut  quitter  ses  enfants  sans  leur  souhaiter  les  plus 
abondantes  bénédictions;  le  prêtre  ne  se  contente  pas  du 
salut  ordinaire  :  Dominus  vobiscum  :  Que  le  Seigneur  soit 
avec  vous;  il  lui  faut  des  expressions  plus  touchantes, 
et  qui  rendent  mieux  l'affection  qu'il  leur  porte  et  le 
désir  qu'il  a  de  les  voir  heureux.  Il  dit  :  GratiaDomi- 
ni,  etc.  :  a  Que  la  grâce  de  notre  Seigneur  Jésus-Christ, 
la  charité  de  Dieu  le  Père  et  la  communication  du 
SainI- Esprit  soit  avec  vous.  Amen  :  Puisse-t-il  en  être 
ainsi.  » 

Avant  de  se  retirer,  tous  ensemble  saluent  une  der- 
nière fois  leur  tendre  mère  qui  est  au  ciel  ;  ils  la  sup- 
plient d'abaisser  sur  ses  enfants  les  regards  de  sa  misé- 
ricorde, de  leur  ouvrir  ses  bras  maternels.  Est-il,  en 
effet,  un  asile  plus  sûr  que  le  sein  d'une  mère? Et  alors 
vous  entendez  les  voûtes  du  temple  retentir  tour  à  tour 
du  Salve  Regina,  de  VInviolata,  de  VAve  Regina  cœlo- 
rnm,  que  les  anges  écoutent  avec  bonheur,  et  s'en  vont 


198  CATÉCHISME 

répéter  sur  leurs  harpes  d'or,  dans  la  Jérusalem  céleste, 
aux  pieds  de  la  Vierge  pleine  de  grfices,  noire  mère  et 
leur  reine. 

Allez  rnainienani,  enlanls  bien -aimés,  dormez  en 
paix;  le  remords  ne  troublera  point  votre  sommeil. 

«Ainsi  le  dimanche  a  passé  doucement  pour  ceux 
qui  savent  vraiment  le  sanctifier;  la  prière,  la  charité, 
des  joies  innocentes,  des  réunions  de  familles,  des 
loisirs  paisibles  l'ont  rempli;  et  quand  ce  jour  est  fini, 
quand  avec  tous  les  autres  jours  il  va  tomber  dans  l'a- 
bîme du  passé,  il  y  va  radieux  des  bonnes  œuvres  qu'il 
a  fait  faire,  et  parfumé  de  l'encens  brûlé  devant  les 
autels  *.  » 

Finissons  ce  qui  regarde  les  complies  en  ajoutant  que 
cette  dernière  heure  de  l'office  du  jour  se  trouve  indi- 
quée dans  les  anciens  Pères  de  l'Eglise*.  L'usage  de 
prier  avant  de  prendre  son  repos  semble  établi  par  la 
nature  elle-même.  L'Eglise  l'a  consacré,  et  en  nous  or- 
donnant de  remercier  Dieu  à  la  fin  de  la  journée,  elle 
propose  à  notre  adoration  le  Sauveur  mis  dans  le  sé- 
pulcre ;  en  sorte  que,  dans  son  office  quotidien,  elle  ho- 
nore son  divin  époux  depuis  j^a  naissance  jusqu'à  sa  sé- 
pulture. Quel  beau  sujet  de  méditation  pour  ses  en- 
fants! quel  admirable  moyen  de  les  rendre  tels  qu'ils 
doivent  être,  d'autres  Jésus-Christ^! 


'  Tableau  poét.  des  fêtes  chrét.,  p.  33. 

*  S.  Basil.,  in  Regul.  interrog.,  37.  Cleoi  Alexand.,  lib.  2,  Ptedag 
c.  -i.  S.  Isid.,  lib.  \,c.2\,de  Offic,  ecclesiasf. 
'  Chrislianuf  uUer  Chmtus. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  199 

Toutes  les  heures  de  son  ofiice,  l'Eglise  les  offre  à 
Dieu  dans  une  langue  inconnue  aujourd'hui  à  la  plu- 
part des  fidèles;  elle  les  lui  adresse  en  chantant.  C'est 
ici  le  lieu  de  faire  admirer  dans  ce  double  usage  la  pro- 
fonde sagesse  de  l'Eglise.  Et  d'abord,  pourquoi  l'usage 
de  la  langue  latine  dans  les  prières  publiques? 

1"  C'est  pour  conserver  V  unité  de  la  foi ,  A  la  naissance 
du  Christianisme,  le  service  divin  se  fit  en  langue  vulgaire 
danslapluparldeséglises.  Mais,  comme  toutes  les  choses 
humaines,  les  langues  sont  sujettes  au  changement.  La 
langue  française,  par  exemple,  n'est  plus  la  même 
qu'elle  était  il  y  a  deux  cents  ans  ;  bon  nombre  de  mots 
ont  vieilli  ;  d'aulres  ont  changé  de  signification.  La 
tournure  des  phrases  diffère  autant  que  nos  modes  dif- 
fèrent de  celles  de  nos  aïeux.  Cependant  une  chose  doit 
rester  immuable,  c'est  la  foi.  Vour  la  mettre  à  l'abri  de 
cette  instabilité  perpétuelle  des  langues  vivantes,  l'E- 
glise catholique  emploie  une  langue  fixée,  une  langue 
qui,  n'étant  plus  parlée,  n'est  plus  sujette  au  change- 
ment. L'expérience  prouve  que  l'Eglise  a  été,  ici  comme 
partout,  dirigée  par  une  sagesse  divine.  Voyez  ce  qui 
se  passe  chez  les  Protestants;  ils  ont  voulu  employer 
dans  leurs  liturgies  les  langues  vivantes,  et  voilà  qu'ils 
sont  sans  cesse  obligés  de  renouveler  les  formules,  de 
retoucher  les  versions  de  la  Bible  :  de  là  des  alléga- 
tions sans  fin.  Si  l'Eglise  en  avait  fait  de  même,  il  au- 
rait fallu  tous  les  cinquante  ans  assembler  des  conciles 
généraux  pour  rédiger  de  nouvelles  formules  dans  l'ad- 
minislralion  des  sacrements. 


200  CATÉCHISME 

2»  C'est  pour  conserver  la  catholicité  de  la  foi.  L'u- 
nité de  langage  est  nécessaire  pour  entretenir  une 
liaison  plus  étroite  et  une  communication  de  doctrine 
plus  facile  enire  les  différentes  églises  du  monde,  et 
pour  les  rendre  plus  fidèlement  attachées  au  centre  de 
l'unité  catholique.  Otez  la  langue  latine;  et  voilà  que 
le  prêtre  italien  qui  voyage  en  France,  ou  le  prêtre  fran- 
çais qui  voyage  en  Italie,  ne  peut  plus  célébrer  les  saints 
mystères  ni  administrer  les  sacrements.  C'est  là  ce 
qui  arrive  au  Protestant.  Hors  de  sa  patrie,  il  ne  peut 
plus  participer  au  culte  public  ;  un  Catholique  n'est  dé- 
paysé dans  aucune  des  contrées  de  l'Eglise  latine.  Hon- 
neur donc  aux  souverains  pontifes  qui  n'ont  rien  négligé 
pour  introduire  partout  la  liturgie  romaine.  L'homme 
impartial  y  trouve  une  nouvelle  preuve  de  leur  zèle 
éclairé  pour  la  catholicité,  caractère  auguste  de  la  véri- 
table Eglise.  Hélas  !  si  les  Grecs  et  les  Latins  n'avaient 
eu  qu'une  même  langue,  il  n'aurait  pas  été  aussi  aisé 
à  Photius  et  à  ses  adhérents  d'entraîner  toute  l'Eglise 
grecque  dans  le  schisme,  en  attribuant  à  l'Eglise  ro- 
maine des  erreurs  et  des  abus  dont  elle  ne  fut  jamais 
coupable  ! 

3°  C'est  pour  conserver  à  la  Religion  la  majesté  qui 
lui  convient.  Une  langue  savante,  qui  n'est  entendue 
que  des  hommes  instruits,  inspire  plus  de  respect  que 
le  jargon  populaire.  Les  mystères  les  plus  saints  ne  pa- 
raîtraient-ils pas  ridicules  s'ils  étaient  exprimés  dans 
un  langage  trop  familier?  Chacun  le  comprend.  Les 
Protestants  eux-mêmes,  ennemis  jurés  de  la  langue  ro- 


UE  PERSÉVÉRANCE.  201 

maine,  l'ont  senli  comme  les  autres  ;  mais  plutôt  que  de 
renoncer  à  leurs  préjugés  anlicalholiqucs,  ils  ont  mieux 
aimé  devenir  inconséquents  asec  eux-mêmes.  Ils  ont 
fait  traduire  l'office  divin  en  français  :  fort  bien  ;  mais 
les  Bas-Bretons,  les  Picards,  les  Auvergnats,  les  Gas- 
cons n'avaient-ils  pas  autant  de  droit  de  faire  l'office 
divin  dans  leurs  patois  que  les  Calvinistes  de  Paris  en 
avaient  de  le  faire  en  français  ?  Pourquoi  les  réforma- 
teurs, si  zélés  pour  l'instruction  du  bas  peuple,  n'ont- 
ils  pas  traduit  la  liturgie  et  l'Ecriture  sainte  dans  tous 
ces  jargons?  Cela  n'aurait-il  pas  contribué  beaucoup  à 
rendre  la  Religion  respectable  *  ? 

Au  contraire,  la  langue  grecque  en  Orient,  la  langue 
latine  en  Occident,  double  idiome  du  peuple-roi,  con- 
servent quelque  chose  de  la  majesté  romaine,  qui  con- 
vient on  ne  peut  mieux  à  la  majesté  bien  plus  grande  de 
l'Eglise  catholique.  A  une  Religion  maîtresse  du  monde 
la  langue  des  dominateurs  du  monde,  comme  à  une 
doctrine  immortelle  Une  langue  immuable. 

Si  la  Religion  et  la  raison  doivent  des  actions  de 
grâces  à  l'Eglise  catholique  pour  avoiradopté  les  langues 
grecque  et  latine,  les  sciences  ne  lui  doivent  pas  moins 
de  reconnaissance.  En  immortalisant  la  langue,  l'Eglise 
a  immortalisé  la  httérature  des  Grecs  et  des  Romains, 
de  même  que  les  papes  ont  sauvé,  en  les  sanctifiant, 
les  monuments  des  Césars.  Sans  la  croix  qui  la  domine, 
il  y  a  longtemps  que  la  colonne  trajane  ne  serait  plus 
debout. 

'  Bergior,  art.  Langue. 


202  CATÉCHISME 

Du  reste,  il  n'est  pas  \rni  que,  par  l'usage  d'une 
langue  morte,  les  fldèles  se  trouvent  privées  de  la  con- 
naissance de  ce  qui  est  conlenu  dans  la  liturgie.  Loin 
de  leur  interdire  cette  connaissance,  l'Eglise  recom- 
mande à  ses  ministres  d'expliquer  au  peuple  les  diffé- 
rentes parties  du  saint  sacrifice  et  le  sens  des  prières 
publiques  *.  Bien  plus,  elle  n'a  pas  absolument  dé- 
fendu les  Irailuclioiis  des  prières  de  la  liturgie  par  les- 
quelles le  peuple  peut  voir  dans  sa  langue  ce  que  les 
prêtres  disent  à  l'autel.  Il  n'est  donc  pas  vrai,  comme 
l'en  accusent  les  prolestants,  qu'elle  ait  voulu  cacher 
ses  mystères;  non.  elle  a  voulu  seulement  les  mettre  à 
l'abri  des  altérations,  suite  inévitable  des  changements 
du  langage  ^ 

De  la  langue  de  l'Eglise  catholique  passons  à  son 
chanî  ;  disons  son  origine,  son  usage,  sa  beauté. 

Le  chant  est  naturel  à  l'homme  ;  on  le  trouve  chez 
tous  les  peuples.  Le  chant  est  essentiellement  reUgieux  ; 
au  commencement  on  le  voit  partout  employé  dans  le 
culte  divin.  Cet  accord  universel  prouve  que  le  chant 
est  agréable  au  Seigneur,  et  que  c'est  un  moyen  légitime 
de  lui  rendre  une  partie  du  culte  que  nous  lui  devons. 
Mais  qu'est-ce  que  le  chant  .^  Le  chant,  répond  un  ancien 
et  pieux  auteur,  c'est  la  langue  des  Anges^;  c'est  peut- 
être  la  langue  que  l'homme  parlait  avant  sa  chute.  Dans 
cette  hypothèse,  notre  parole  actuelle  ne  serait  qu'une 

'  Conc.  Trid.,  sess.  22,  c.  8. 

*  Voy.  le  cardinal  Rona,  Ber,  Liturg.,  lib.  1,  c  6,  p.  33. 

'  Duianùus,  lib.  ^,  t.  11. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  203 

ruine  de  cette  parole  primitive  '.  L'homme  tout  ender 
ayant  été  dégradé  par  le  crime  originel,  on  conçoit  que 
sa  parole  a  dû  subir  une  dégradation  correspondante. 
Du  moins  il  semble  que  le  chant  sera  la  langue  du  ciel 
ou  de  l'homme  complètement  régénéré  ;  car  il  n'est 
parlé  que  de  chants  et  d'harmonies  parmi  les  heureux 
habitants  de  la  Jérusalem  céleslc.  Quoi  qu'il  en  soit  de 
ces  conjectures,  le  chant  est  l'expression  vive  et  mesu- 
rée des  sentiments  de  T^tme;  son  pouvoir  est  magique; 
c'est  un  autre  mystère. 

Pour  rapprendre  à  l'homme  sa  langue  primitive,  ou 
pour  lui  enseigner  celle  qu'il  doit  parler  dans  le  ciel,  la 
Religion  a  consacré  l'usage  du  chant  dans  ses  divins 
exercices.  Elle  ne  veut  pas  que  les  hommes  se  réunis- 
sent au  pied  des  autels  sans  parler  la  langue  des  Anges 
ou  la  langue  de  l'innocence.  Exilé,  c'est  dans  nos  1+  mples 
que  l'homme  retrouve  l'idiome  et  le  chemin  de  sa  patrie. 
Roi  déchu,  c'est  là  encore  qu'il  lui  est  donné  de  bégayer 
la  langue  qu'il  parla  aux  jours  de  son  bonheur.  Con- 
naissez-vous un  enseignement  plus  utile,  une  pensée 
plus  admirable!  L'homme  chante  donc;  l'Eglise  chante 
avec  lui.  En  cela  elle  se  monire  la  fidèle  héritière  de 
tout  ce  qu'il  y  a  de  vrai,  de  beau,  de  bon  dans  les  tra- 
ditions de  l'univers  :  car  tous  les  peuples  ont  chanté. 
Nous  ne  parlerons  pas  des  païens;  ils  avaient  perverti 
l'usage  du  chant  :  au  lieu  de  célébrer  le  souverain  Au- 
teur de  la  natu»"*^ ,  ils  chantaient  les  crimes  et  les  aven- 
tures scandaleuses  de  leurs  fausses  divinités. 

'  Ànnal.  de  phit.  cArcV.,  an  1830. 


204  CATÉCHISME 

Les  Hébreux  ne  furent  pas  plutôt  réunis  en  corps  de 
nation,  qu'ils  surent  relever  par  les  accents  de  la  voix 
les  louanges  du  Seigneur.  Qui  ne  connaît  les  cantiques 
sublimes  de  3Ioïse,  de  Débora,  de  David,  de  Judith, 
des  Prophètes?' David  ne  se  borna  point  à  composer  des 
psaumes  ;  il  établit  des  chœurs  de  chantres  et  de  musi- 
ciens pour  louer  Dieu  dans  le  tabernacle.  Salomon, 
son  fils,  fit  observer  le  môme  usage  dans  le  temple  ; 
Esdras  le  rétablit  après  la  captivité  de  Babylone. 

Dès  l'origine  du  Christianisme,  le  chant  fut  admis 
dans  l'office  divin,  surtout  lorsque  l'Eglise  eut  acquis 
la  liberté  de  donner  à  son  culte  l'éclat  et  la  pompe  con- 
venables. Elle  y  fut  autorisée  par  les  leçons  de  Jésus- 
Christ  et  des  Apôtres.  La  naissance  de  ce  divin  Sauveur 
avait  été  annoncée  aux  bergers  de  Bethléem  par  les 
cantiques  des  Anges.  On  connaît  ceux  de  Zacharie,  de 
la  sainte  Vierge,  du  vieillard  Siméon.  Pendant  sa  pré- 
dication, le  Sauveur  lui-même  trouva  bon  que  les 
troupes  de  peuple  vinssent  au-devant  de  lui,  l'accom- 
pagnassent dans  son  entrée  à  Jérusalem  en  chantant  : 
Hosanna  béni  soit  celui  qui  vient  au  nom  du  Seigneur^ 
salut  et  prospérité  au  Fils  de  David,  et  continuassent 
ainsi  jusque  dans  le  temple'. 

Saint  Paul  exhorte  les  fidèles  à  s'exciter  mutuelle- 
ment à  la  piété  par  des  hymnes  et  des  cantiques  spi- 
rituels*. 

Nos  pères  dans  la  foi  mirent  en  pratique  les  leçons 

•  Matlli.,  XXI,  9. 
'-'  l!ph.,  Y,  19. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  205 

(lu  grand  Apôlre.  Pline  le  jeune  les  ayant  interrogés  pour 
savoir  ce  qui  se  passait  dans  leurs  assemblées,  ils  lui 
dirent  qu'ils  se  réunissaient  le  dimanche  pour  chanter 
des  hymnes  à  Jésus-Christ  comme  à  un  Dieu  '.Il  en  a 
été  de  même  dans  toute  la  suite  des  siècles. 

Les  plus  grands  hommes  que  l'Eglise  ait  produits  et 
que  la  terre  ait  admirés,  attachaient  au  chant  une  telle 
importance,  qu'ils  ne  dédaignaient  pas  de  le  régler  eux- 
mêmes  et  de  l'enseigner  aux  aulres  :  témoin  saint  Atha- 
nase,  saint  Chrysostôme,  saint  Augustin,  saint  Am- 
broise,  saint  Grégoire,  pape. 

Saint  Ambroise,  qui  régla  le  chant  de  l'Eglise  de 
Milan  dans  un  temps  où  les  théâtres  du  Paganisme 
subsistaient  encore ,  évita  soigneusement  d'en  imi- 
ter la  mélodie  ;  saint  Grégoire,  qui  fit  la  même  chose 
pour  l'Eglise  de  Rome  dans  un  siècle  où  ces  théâtres 
n'existaient  plus,  ne  trouva  aucun  inconvénient  à  intro- 
duire dans  le  chant  ecclésiastique  des  airs  plus  agréa- 
bles, mais  qui  ne  pouvaient  rappeler  aucun  souvenir 
dangereux. 

De  là  est  venue  la  distinction  entre  le  chant  ambro- 
sien  et  le  chant  grégorien.  Le  premier  est  plus  grave, 
le  second  plus  mélodieux.  Le  premier  est  encore  en 
usage  dans  l'église  de  Milan,  le  second  s'est  répandu 
dans  une  grande  partie  de  la  chrétienté.  Saint  Grégoire 
prit  dans  toutes  les  églises  ce  qu'il  y  avait  de  mieux; 
le  fond  fut  le  chant  des  anciens  Grecs;  il  choisit  les  mo- 
dulations qui  lui  plurent  davantage,  les  accommoda  à 

•  Epist.  97, 


206  CATÉCHISME 

son  goûl,  qui  éiail  exquis,  el  leur  donna  d'exprimer 
avec  plus  de  charmes  les  mystères  joyeux  ou  doulou- 
reux, la  douce  tristesse  de  la  pénitence  et  le  bonheur 
d'uno  vie  pleine  de  vertus. 

A  l'exemple  de  David,  Pépin,  roi  de  France,  mais 
surtout  Cliarlemagne,  son  fils,  donnèrent  un  grand  soin 
au  chant  religieux.  Ayant  remarqué  que  le  chant  galli- 
can était  moins  agréable  que  celui  de  Rome,  ils  en- 
voyèrent dans  celte  capitale  du  monde  chrétien  des 
clercs  intelligents  pour  étudier  et  apprendre  le  chant  de 
saint  Grégoire,  et  bientôt  ils  l'introduisirent  dans  les 
Gaules.  Cependant  toutes  les  églises  de  France  ne 
l'adoptèrent  pas  uniformément;  plusieurs  n'en  prirent 
qu'une  partie,  et  le  mêlèrent  avec  celui  qui  éiail  pré- 
cédemment en  usage.  Telle  est  la  cause  de  la  différence 
qui  existe  entre  le  chant  des  divers  diocèses'. 

Cependant  ce  chant,  tel  qu'il  existe  aujourd'hui,  quoi- 
qu'il ait  fait  de  grandes  pênes  en  passant  par  la  main 
des  Barbares,  a  encore  des  beautés  du  premier  ordre,  et 
demeure,  par  l'usage  auquel  il  est  appliqué,  bien  au- 
dessus  de  la  musique.  Sans  mesure  et  sans  rhylhme,  il 
offre  aux  connaisseurs  non  prévenus  un  caractère  de 
grandeur,  une  mélodie  pleine  de  noblesse,  et  une  fé- 
conde variété  d'affections.  Est-il  quelque  chose  de  plus 
sublime  en  effet  que  le  chant  solennel  de  la  Préface  et 
du  Te  Deum?  Quoi  de  plus  touchant  que  les  lamenta- 
tions de  Jéréniie,  et  de  plus  joyeux  que  les  hymnes  de 
Pâques?  Où  trouver  quelque  chose  de  plus  majestueux 

'  Lebœuf,  Traité  hist.  du  chant,  c.  3. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  207 

que  le  Lauda  Sion,  de  plus  déchirant  que  le  Dies  irœ? 
et  l'office  des  morts  est  un  chef-d'œuvre;  on  croit 
entendre  les  sourds  retentissements  du  tombeau.  Dans 
l'office  de  la  semaine  sainte  on  remarque  la  Passion  de 
saint  Matthieu  :  le  récitatif  de  i'hisiorjen,  les  cris  de  la 
populace  juive,  la  noblesse  des  réponses  de  Jésus,  for- 
ment un  drame  pathétique. 

Pergolèse  a  déployé  dans  le  Stahat  Mater  la  richesse 
de  son  art;  mais  a-i-il  surpassé  le  simple  chant  de 
l'Église?  Il  a  varié  la  musique  sur  chaque  strophe,  et 
pourtant  le  caractère  essentiel  de  la  tristesse  consiste 
dans  la  répétition  du  môme  sentiment,  et,  pour  ainsi 
dire,  dans  la  monotonie  de  la  douleur.  Diverses  raisons 
peuvent  faire  couler  des  larmes;  mais  les  larmes  ont 
toujours  une  semblable  amertume;  d'ailleurs  il  est  rare 
qu'on  pleure  à  la  fois  pour  une  foule  de  maux,  et  quand 
les  blessures  sont  multipliées,  il  y  en  a  toujours  une 
plus  cuisante  que  les  autres,  qui  finit  par  absorber  les 
moindres  peines.  Ce  chant  pareil,  qui  revient  à  chaque 
couplet  sur  des  paroles  variées,  imite  parfaitement  la 
nature  ;  l'homme  qui  souffre  promène  ainsi  ses  pensées 
sur  différentes  images,  tandis  que  le  fond  de  ses  cha- 
grins reste  le  même. 

Pergolèse  a  donc  méconnu  celte  vérité,  qui  lient  à  la 
théorie  des  passions,  lorsqu'il  a  voulu  que  pas  un  soupir 
de  l'âme  ne  ressemblât  au  soupir  qui  l'avait  précédé. 
Partout  où  il  y  a  variété,  il  y  a  distraction,  et  partout 
où  il  y  a  distraction,  il  n'y  a  plus  de  tristesse'. 

'  Génie  du  Christianisme,  l.  11,  c.  11. 


208  CATÉCHISME 

Que  dirons-nous  des  psaumes?  la  pluparl  sonlsublimes 
de  gravité,  parliculièreraent  le  Dixit  Dominns  Domino 
meo,  le  Conftebor  tibi  el  le  Laudatc  pucri.  L'In  exila 
offre  un  mélange  indéfinissable  de  joie  et  de  tristesse, 
de  mélancolie  el  d'espérance  ;  le  Kyrie  eleison,  le  Gloria 
in  excelsis  el  le  Credo  des  grandes  fêtes  élèvent  l'âme, 
et  le  Veni  Creator  exprime  bien  les  ardentes  supplica- 
tions d'un  cœur  qui  veut  être  exaucé. 

Faul-il  s'étonner,  après  cela,  que  notre  chant  sacré 
fasse  de  si  vives  impressions  sur  les  hommes  qui  ont  de 
l'oreille  et  du  cœur?  «  Je  ne  pouvais  me  lasser,  ô  mon 
Dieu  !  s'écrie  saint  Augustin,  de  considérer  la  profondeur 
de  vos  conseils  dans  ce  que  vous  avez  fait  pour  le  salut  des 
hommes,  et  lavue  de  ces  merveilles  remplissait  mon  cœur 
d'une  douceur  incroyable.  Combien  le  chant  des  hymnes 
et  des  psaumes  qu'on  chantait  dans  votre  Eglise  me 
faisait-il  répandre  de  larmes,  et  combien  étais-je  vive- 
ment touché  d'entendre  retentir  vos  louanges  dans  la 
bouche  des  fidèles!  car  h  mesure  que  ces  paroles  toutes 
divines  frappaient  mes  oreilles,  les  vérités  qu'elles  ex- 
priment s'insinuaient  dans  mon  cœur,  et  l'ardeur  des 
sentiments  de  piété  qu'elles  y  excitaient  faisait  couler 
de  mes  yeux  une  grande  abondance  de  larmes,  mais  de 
larmes  délicieuses,  et  qui  faisaient  alors  le  plus  grand 
plaisir  de  ma  vie  *.  » 

Et  pour  citer  un  homme  bien  différent,  nous  dirons 
qu'on  se  rappelle  encore  avoir  vu  plus  d'une  fois  Jean- 
Jacques  Rousseau  assister  aux  vêpres  de  Saint-Sulpice, 

'  Conf.,  lil).  9,  C.  6. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  209 

pour  y  éprouver  ce  divin  enthousiasme  dont  une  âme 
sensible  ne  saurait  se  défendre  quand  elle  prend  part 
avec  quelque  recueillement  aux  sublimes  mélodies  qui, 
jointes  à  l'accord  d'un  peuple  immense  et  à  la  décence 
des  rites  sacrés,  prenaient  dans  celle  superbe  église  un 
degré  d'intérétcapable  d'élever  la  piété  jusqu'aux  cieux, 
et  d'attendrir  le  cœur  même  d'un  sceptique.  Le  simple 
récitatif  de  nos  prières  faisait  sur  cet  homme  une  telle  im- 
pression, qu'il  ne  pouvait  l'entendre  sans  être  touché  jus- 
qu'aux larmes.  «Un  jour,  dit  Bernardin  de  Saint-Pierre, 
étant  allé  avec  Rousseau  promener  au  Mont-Valérien, 
quand  nous  fûmes  parvenus  au  sommet  de  la  montagne 
nous  formtlmcs  le  projet  de  demander  h  dîner  aux  ermites 
qui  en  ont  fait  leur  demeure.  Nous  arrivâmes  chez  eux 
un  peu  avant  qu'ils  se  missent  à  table,  et  pendant  qu'ils 
étaient  à  l'église,  J.-J.  Rousseau  me  proposa  d'y  entrer 
et  d'y  faire  notre  prière.  Les  ermites  récitaient  alors  les 
litanies  do  la  Providence,  qui  sont  fort  belles.  Après  que 
nous  eûmes  fait  noire  prière  dans  une  petite  chapelle, 
et  que  les  ermites  se  furent  acheminés  h  leur  réfectoire, 
Jean- Jacques  me  dit  avec  attendrissement  :  a  Maintenant 
j'éprouve  ce  qui  est  dit^dans  l'Évangile  :  Quand  plu- 
sieurs d'entre  vous  seront  rassemblés  en  mon  nom,  je 
me  trouverai  au  milieu  d'eux.  11  y  a  ici  un  se'itiment 
de  paix  et  de  bonheur  qui  pénètre  l'âme*.  » 

'  Etudes  di'  lu  Nature,  t.  3,  p.  500. 


14 


210  CATÉCHISME 

PRIÈRE. 

0  mon  Dieu  !  qui  6tes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  établi  lant  de  moyens  de  me  parler  au  cœur;  ne 
permettez  pas  que  je  sois  insensible  à  voire  voix. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu  ;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je  clianterai 
de  cœur  aussi  bien  que  de  bouclie  les  louanges  de  Dieu. 


PETIT  CATÉCHISME. 

LE    CHRISTIANISME  RENDU    SENSIBLE. 

0'  Quelle  est  la  dernière  heure  de  l'office  du  jour? 

R.  La  dernière  heure  de  l'office  du  jour  sont  les 
complies.  Le  mot  complies  veut  dire  complément,  ac- 
complissement. On  donne  ce  nom  à  cette  heure  parce 
qu'elle  achève  l'office. 

Q.  De  quoi  se  composent  les  complies? 

R.  Les  complies  se  composent  de  l'invocation,  de  trois 
psaumes,  de  l'hymne,  du  cantique,  d'une  prière  et  d'une 
antienne  à  la  sainte  Vierge.  Le  premier  psaume  ex- 
prime notre  confiance  en  Dieu  au  moment  d'aller  prendre 
notre  repos  ;  le  second  marque  les  effets  de  la  protec- 
tion de  Dieu  sur  ceux  qui  espèrent  en  lui  ;  dans  le  troi- 
sième l'Eglise  nous  invite  h  élever  notre  cœur  à  Dieu 
lorsque  nous  nous  éveillons  pendant  la  nuit.  Ce  psaume 
nous  rappelle  l'usage  des  premiers  Chrétiens  qui  se 


DE    PERSÉVÉRANCE.  211 

levaient  pendant  la  nuit  pour  prier.  L'hymne  est  un 
long  soupir  vers  le  ciel,  cette  patrie  bienheureuse  où  il 
n'y  aura  plus  ni  ténèbres  ni  dangers.  Dans  le  capitule 
le  prêtre  nous  recommande  la  vigilance  et  la  sobriété. 
Ces  deux  vertus  sont  très-importantes  pour  éloigner  les 
tentations  ou  pour  les  vaincre  si  elles  se  présentent. 
Les  fidèles  remercient  le  prêtre  de  celte  instruction  en 
répondant  :  Deo  gratias. 

Q.  Que  se  fait-il  ensuite? 

R.  Après  le  Deo  gratias  commence  un  touchant  col- 
loque, une  espèce  d'adieu  et  de  bonsoir  chrétien.  Un 
enfant  de  chœur  le  commence  en  disant  :  «  Seigneur,  je 
remets  mon  âme  entre  vos  mains.  »  Tous  les  fidèles  ré- 
pondent en  répétant  les  mêmes  paroles.  L'enfant  de 
chœur  rappelle  à  Dieu  les  raisons  qu'il  a  de  nous  garder 
pendant  la  nuit;  il  est  noire  Rédempteur,  il  nous  a  ra- 
chetés à  grand  prix,  et  il  est  le  Dypu  de  vérité  qui  a 
promis  de  veiller  sur  ses  enfants.  Puis  il  termine  en 
disant  :  «  Gardez-moi  comme  la  prunelle  de  votre  œil  ;  » 
et  les  fidèles  ajoutent  :  «  Protégez-moi  à  l'ombre  de 
vos  ailes.  »  Ensuite  on  entonne  le  cantique  du  vieillard 
Siméon.  Le  Chrétien,  assuré  que  Dieu  l'aime  avec  la 
tendresse  d'un  père,  demande  d'aller  se  reposer  dans 
ses  bras.  Avant  de  se  séparer,  les  fidèles  se  mettent 
sous  la  protection  de  leur  bonne  mère.  Une  antienne  à 
la  sainte  Vierge  termine  les  complies. 

Q.  Pourquoi  l'Église  fait-elle  usage  du  latin  dans  ses 
offices  ? 

R.  L'Église  fait  usage  du  latin  dans  ses  offices  pour 


212  CATÉCHISME 

des  raisons  très-sages  :  1^  pour  conserver  l'unité  de  la 
foi  :  les  langues  vivantes  changent  continuellement; 
ces  variations  perpétuelles  entraîneraient  bientôt  des 
dillérences  et  des  altérations  dans  la  liturgie  et  dans 
les  formules  des  sacrements  ;  2»  pour  conserver  la  ca- 
tholicité de  la  foi  :  si  chaque  église  avait  sa  langue, 
nous  serions  étrangers  les  uns  aux  autres  ;  un  prêtre 
italien,  par  exemple,  qui  voyagerait  en  France  ne  pour- 
rait plus  dire  la  messe  ;  il  en  serait  de  même  d'un 
prélrc  français  qui  voyagerait  en  Italie  ;  3»  pour  rcn- 
dro  ses  mystères  plus  respectables. 

0-  Quelle  est  l'origine  du  chant  ecclésiastique? 

R.  Le  chant  est  naturel  à  l'homme.  Il  est  essentielle- 
ment religieux.  Tous  les  peuples  en  ont  fait  usage  dans 
leurs  cérémonies.  L'Église  catholique,  qui  a  conservé 
tout  ce  qu'il  y  a  de  bon  et  de  vrai  dans  les  traditions 
anciennes,  a  conservé  le  chant.  Dès  les  premiers  siècles 
on  a  chanté  dans  les  assemblées  de  religion.  C'est  saint 
Ambroise  et  surtout  saint  Grégoire,  pape,  qui  ont  ar- 
rangé le  chant  que  nous  avons  aujourd'hui.  Le  chant  de 
l'Église  est  très-beau,  témoin  celui  de  la  Préface,  du 
Te  Deum,  du  Dies  ircBy  des  psaumes  du  dimanche.  Il 
produit  dans  l'dme  les  plus  vives  impressions  de  piété. 
Pour  que  le  chant  soit  agréable  à  Dieu,  il  faut  l'accom- 
pagner des  sentiments  du  cœur  et  éloigner  toute  pensée 
de  vanité. 


DE    FERSl5vÉRANCE.  213 

PRIÈRE. 

0  mon  Dieu  î  qui  éles  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  établi  tant  do  moyens  de  me  parler  au  cœur  ; 
ne  permettez  pas  que  je  sois  insensible  h  votre  voix. 

Je  prends. la  s v! solution  d'aimer  Dieu  par -dessus 
toute  chose,  et  mon  prochain  comme  moi-môme  pour 
l'amour  de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amour, 
je  chanterai  de  cœur  aussi  bien  que  de  bouche  les 
louanges  de  Dieu. 


214  CATÉCHISME 

rmmrmmmm 
Xie    LEÇON. 

LE    CHRISTIANISME   RENDU    SENSIBLE. 

Nature  du  sacriflce.  —  Sa  nécessité.  —  Sacrifices  anciens.  —  Sacri- 
fice du  Calvaire.  —  Sacriflce  sanglant.  —  Il  réunit  en  les  accom- 
plissant tous  les  sacrifices  anciens.  —  La  messe  est  un  vrai  sacri- 
fice, le  même  que  celui  du  Calvaire,— La  messe  est  nécessaire. 

S'il  était  utile  d'expliquer  l'office  canonial  dont  les 
fidèles  ne  récitent  qu'une  partie  et  seulement  une  fois 
chaque  semaine,  il  est  nécessaire  d'exposer  en  détail 
l'acte  sublime  qui  s'accomplit  chaque  jour  sur  nos  au- 
tels, et  auquel  tous  les  Chrétiens  sont  rigoureusement 
obligés  d'assister  les  dimanches  et  les  fêtes.  Cet  acte 
c'est  la  messe,  c'est  le  sacrifice  catholique. 

Qu'est-ce  que  le  sacrifice  en  général  ?  Le  sacrifice 
est-il  indispensable  dans  la  religion  ?  La  messe  est-elle 
un  vrai  sacrifice?  La  messe  est-elle  nécessaire?  Telles 
sont  les  questions  préliminaires  auxquelles  nous  avons 
à  répondre. 

El  d'abord,  qu'est-ce  que  le  sacrifice?  Le  sacrifice, 
c'est  l'offrande  faite  à  Dieu  d'une  chose  qu'on  détruit  en 
son  honneur  pour  reconnaître  son  souverain  domaine 
sur  toutes  les  créatures  ^  Le  sacrifice  est  plus  qu'une 

•  Oblatio  facta  Dec  per  immutationem  alicujus  rei,  in  signum 
supremi  dominii,  ex  légitima  institutione.  B.  Lig.,  Theol  moral., 
in  compeud.  redact.,  t.  2,  c.  4. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  215 

simple  offrande  :  ce  qui  le  constitue  essentiellement, 
c'est  le  changement  ou  la  destruction  de  la  chose  offerte; 
condition  indispensable  qui  se  trouve  même  dans  le 
sacrifice  non  sanglant,  comme  nous  le  verrons  bientôt. 

La  définition  du  sacrifice  donne  la  réponse  à  notre 
seconde  question,  savoir:  le  sacrifice  est-il  indispensable 
dans  la  religion? 

Dès  que  vous  admettez  un  Dieu  créateur,  con- 
servateur de  toutes  choses,  principe  de  tous  les  biens 
naturels  et  surnaturels  dont  jouit  la  créature,  vous  êtes 
obligé  d'admettre  que  la  créature  lui  doit  l'hommage 
de  tout  ce  qu'elle  est  et  de  tout  ce  qu  elle  a.  Bien  plus. 
Dieu  même  ne  peut  dispenser  la  créature  de  ce  devoir, 
parce  qu'il  ne  peut  pas  se  dispenser  lui-même  de  faire 
tout  pour  sa  gloire,  étant  la  fin  de  toutes  ses  créatures 
aussi  bien  qu'il  en  est  le  principe.  Prétendre  le  contraire, 
serait  admettre  que  Dieu  peut  agir  pour  un  autre  que 
pour  lui,  c'est-à-dire  pour  une  fin  indigne  de  lui  ;  ce 
serait  lui  ôter  la  sagesse  ;  ce  serait  détruire  la  notion  de 
son  être,  ce  serait  le  nier. 

Et  maintenant,  le  seul  vrai  moyen  de  reconnaître  et 
d'honorer  le  souverain  domaine  de  Dieu,  non-seule- 
ment sur  la  vie  et  la  mort,  mais  sur  l'être  même,  c'est 
le  sacrifice.  En  effet.  Dieu  seul  est  auteur  de  tout  l'être. 
Pour  honorer  son  souverain  domaine  sur  l'être  créé,  il 
faut  la  consomption  et  la  destruction  entière  de  cet 
être.  Si  dans  le  sacrifice  tout  n'est  pas  détruit  et  con- 
sumé par  la  mort  des  hosties  et  des  victimes,  cela  vient 
de  l'imperfection  du  culte  humain  et  de  l'impuissance 


216  CATECHISME 

de  l'homme  qui  ne  peut  faire  davantage.  La  mort  n'est 
donc  \'d  proprement  qu'une  représentation  de  cette  en- 
tière destruclion  de  l'être,  qui  devrait  se  faire  dans  le 
sacrifice,  en  hommago  à  l'ôlrc  divin  et  «'i  son  domaine 
sur  tout  l'être  cTùiK 

Il  suit  de  là  que  tout  saciifice  demande  bien  la 
destruction,  mais  non  pas  la  mort  de  la  ^iclime,  la  mort 
n'étant  qu'une  des  manières  dont  les  choses  peuvent 
être  détruites,  ou  qui  représentent  la  destruclion  des 
choses  ;  car  la  destruclion  des  choses  olFerles  à  Dieu  en 
sacrifice  sous  la  loi  de  Moïse,  se  faisait  de  différentes 
manières.  Par  exemple,  les  pains  de  proposition  étaient 
détruits  par  la  manducalion  et  consumés  par  le  feu 
naturel  de  Testomar  ;  l'agneau  pascaU'était  par  la  mort, 
d'autres  victimes  par  le  feu. 

Le  sacrifice  est  donc  l'acte  essentiel,  indispensable 
de  la  Religion.  Il  est  aussi  impossible  de  concevoir  une 
Religion  sans  sacrifice  que  de  concevoir  Dieu  sans  do- 
maine sur  ses  créatures,  et  les  créatures  sans  obligation 
do  rendre  hommage  à  Dieu.  Dans  l'état  d'innocence  il 
y  aurait  eu  des  sacrifices,  puisqu'il  y  aurait  eu  une  Re- 
ligion ;  mais  il  n'y  aurait  point  eu  de  sacrifices  sanglants, 
puisque  la  mort  n'est  entrée  dans  le  monde  que  par  le 
péché,  suivant  le  langage  de  l'apôtre  saint  Paul  *. 

Depuis  le  péché,  le  sacrifice  est  devenu  sanglant,  et 
il  a  dû  l'être.  Le  souvenir  de  la  faute  originelle  resta 

'  Voyez,  sur  toutes  ces  notions,  l'excellent  ouvrnpc  du  P.  de  Con» 
dre»,  l'Ic/c'e  du  sacerdoce  et  du  sacrifice  de  Jésus-Christ,  \>,  48. 
Voyez  aussi  S.  Thortias,  1  p.,  q.  45,  art.  5. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  217 

profond<!'menl  gravé  dans  la  mémoire  de  l'homme  ;  il 
senlit  qu'il  avait  besoin  d'expialion.  «Les  dieux  sont 
bons,  et  nous  tenons  d'eux  tous  les  biens  dont  nous  jouis- 
sons; nous  leur  devons  la  louange  et  l'action  de  grâces  ; 
mais  les  dieux  sont  justes  et  nous  sommes  coupables  : 
il  faut  les  apaiser;  il  faut  expier  nos  crimes,  et,  pour  y 
parvenir,  le  moyen  le  plus  puissant,  c'est  le  sacrifice.  » 
Telle  fut  la  croyance  antique,  et  telle  est  encore,  sous 
différentes  formes,  celle  de  tout  l'univers.  Lesliommes 
primitifs  dont  le  genre  humain  entier  reçut  ses  con- 
naissances fondamentales  se  crurent  coupables.  Les 
institutions  générales  furent  toutes  fondées  sur  ce 
dogme.  En  sorte  que  les  hommes  de  tous  les  siècles 
n'ont  cessé  d'avouer  la  dégradation  primitive  et  univer- 
selle, et  de  dire  comme  nous,  quoique  d'une  manière 
moins  explicite  :  Nos  mères  nous  ont  conçus  dans  le 
crime;  car  il  n'y  a  pas  un  dogme  chrétien  qui  n'ait 
sa  racine  dans  la  nature  intime  de  l'homme,  et  dans 
une  tradition  aussi  ancienne  que  le  genre  humain. 

Persuadé  qu'il  était  coupable,  qu'il  avait  mérité  la 
mort,  et  qu'il  lui  fallait  une  expiation,  l'homme  égorgea 
des  victimes.  C'est  Dieu  lui-même  qui  lui  apprit  le  mé- 
rite des  sacrifices  sanglants.  En  effet,  comment  l'homme 
aurait-il  pu  imaginer  qu'un  animal  immolé  à  sa  place 
l'exemptait  de  la  mort,  et  que  Dieu  acceptait  cette 
substitution?  Si  elle  n'était  révélée,  cette  idée  serait  la 
plus  étrange  et  môme  la  plus  absurde  qu'on  puisse  con- 
cevoir. Mais  en  enseignant  li  l'homme  le  sacrifice  san- 
glant, Dieu  lui  dit:  «Vous  Ôtescoupable,  vous  méritez  la 


218  CATÉCHISME 

mort  ;  je  veux  que  vous  le  reconnaissiez.  Vous  immo- 
lerez donc  des  victimes,  et  vous  avouerez  par  là  que 
c'est  vous  qui  devriez  être  immolé  ;  à  la  place  de  votre 
sang  j'accepterai  le  leur  ;  je  vous  exempterai  de  la  mort 
que  vous  méritez,  et  vous  pardonnerai  les  crimes  qui 
vous  en  ont  rendu  digne.  » 

Et  pour  que  l'homme  n'oubliât  pas  que  c'est  lui  qui 
devait  être  la  victime,  Dieu  voulut  qu'on  choisît  pour  le 
sacrifice  les  animaux  les  plus  précieux  par  leur  utilité, 
les  plus  doux,  les  plus  innocents,  les  plus  en  rapport 
avec  l'homme  parleur  instinct  et  par  leurs  habitudes.  Ne 
pouvant  enfin  immoler  l'homme  pour  sauver  l'homme, 
on  choisissait  dans  l'espèce  animale  les  victimes  les  plus 
humaines,  s'il  est  permis  de  s'exprimer  ainsi,  et  tou- 
jours la  victime  était  brûlée  en  tout  ou  en  partie,  pour 
attester  que  la  peine  naturelle  du  crime  est  le  feu,  et 
que  la  chair  substituée  était  brûlée  à  la  place  de  la  chair 
coupable  '. 

Les  Païens  ne  s'en  tinrent  pas  là.  Ils  conclurent  que 
plus  la  victime  serait  importante,  plus  le  sacrifice  se- 
rait efficace.  Cette  croyance,  juste  dans  ses  racines, 
mais  corrompue  par  le  Démon,  enfanta  de  toutes  parts 
l'horrible  superstition  des  sacrifices  humains.  Ils  en 
vinrent  au  point  de  croire  qu'on  ne  pouvait  plus  sup- 
plier pour  une  tête  qu'au  prix  d'une  tête  '.  Voilà  ce 
qui  se  passait  universellement  dans  l'ancien  Paga- 
nisme. 

•  Eclairciss.  sur  les  sacrif,,  par  M.  de  Maistre,  p.  396. 
'Macrob.,  Satur.,  1,7. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  219 

Lorsque  nous  arrivâmes  en  Amérique  à  la  fin  du 
quinzième  siècle,  nous  y  trouvâmes  cette  même 
croyance,  mais  bien  autrement  féroce.  Il  fallait  ame- 
ner aux  prêtres  mexicains  jusqu'à  vingt  mille  victimes 
par  an  ;  et  pour  se  les  procurer  il  fallait  déclarer  la 
guerre  à  quelque  peuple  :  mais  au  besoin  les  Mexi- 
cains sacrifiaient  leurs  propres  enfants.  Le  sacrifica- 
teur ouvrait  la  poitrine  des  victimes,  et  se  hâtait  d'en 
arracher  le  cœur  tout  vivant.  Le  grand-prêtre  en  ex- 
primait le  sang,  qu'il  faisait  couler  sur  la  bouche  de 
l'idole,  et  tous  les  prêtres  mangeaient  la  chair  des  vic- 
times '. 

Loin  d'être  agréables  à  Dieu,  ces  sacrifices  païens 
étaient  d'horribles  attentats  qui  provoquaient  sa  juste 
colère.  Les  sacrifices  des  Juifs  étaient  innocents,  il  est 
vrai,  mais  ils  étaient  par  eux-mêmes  absolument  inef- 
ficaces. Et  quelle  proportion,  je  vous  prie,  entre  un  Dieu 
irrité  et  le  sang  d'un  bouc?  Une  injure  qui  s'adresse 
à  l'être  infiniment  parfait  est  par  cela  même  infinie;  il 
faut,  pour  égaler  la  réparation  à  l'offense,  une  expia- 
tion d'un  prix  infini.  Or  cette  expiation  vous  la  cher- 
cheriez vainement  dans  les  sacrifices  anciens.  Si  Dieu 
daignait  les  agréer,  ce  n'était  point  à  raison  de  leur 
valeur  intrinsèque,  mais  comme  images  d'un  sacrifice 
digne  de  lui,  c'est-à-dire  d'un  mérite  et  d'une  valeur 
infinie.  Mais  un  sacrifice  d'un  mérite  infini  suppose  une 
victime  d'un  prix  infini.  Dieu  seul  est  infini  :  la  seule 

'  Eclairciss.,  p.  413. 


220  CATÉCHISME 

victime  digne  de  Dieu,  capable  de  proporliunner  l'ex- 
pialion  k  l'offense,  c'est  donc  Dieu  lui-raôme. 

Oui,  un  Dieu,  victime  d'un  Dieu,  immolé  pour 
l'homme,  tel  est  le  grand,  le  profond  mystère  que  la 
raison  humaine  soupçonnait,  dont  elle  appelait  l'accom- 
plissement et  dont  elle  figurait  l'efficacité  toute-puis- 
sante par  une  multitude  de  sacrifices  impuissants.  Dieu 
ne  laissa  point  ignorer  au  genre  humain  que  toute  cette 
multitude  de  sacrifices  ne  pouvaient  satisfaire  à  sa  jus- 
tice, et  qu'un  jour  ils  seraient  remplacés  par  un  sacrifice 
unique,  et  uniquement  digne  de  lui.  Voici  ce  qu'il  disait 
aux  Juifs  par  la  bouche  de  Malachie,  cinq  cents  ans  avant 
l'immolation  de  la  grande  victime  :  Je  ne  veux  plus  de 
vous,  et  je  ne  recevrai  plus  d'offrande  de  votre  main; 
voici  que  depuis  le  lever  du  soleil  jusqu'au  couchant, 
mon  nom  est  grandparmi  les  nations;  en  tous  lieux  une 
victime  pure  est  offerte  et  sacrifiée  à  la  gloire  de  mon 
nom^  parce  que  mon  nom  est  grand  parmi  les  na- 
tions *. 

Le  Seigneur  cependant  voulut  bien  dissimuler  et  at- 
tendre pendant  quarante  siècles  ;  mais  enfin  l'heure  de 
la  grande  expiation  sonna  à  l'horloge  de  l'éternité.  Et 
voici  que,  dans  la  plénitude  des  temps,  l'Agneau  de 
Dieu,  l'auguste  et  sainte  victime  attendue  par  le  ciel  et 
la  terre  avec  tant  d'impatience,  descendit  sur  la  terre. 
Immolations,  hosties  pacifiques,  holocaustes,  sacrifices 
de  tout  genre,  ombres  vaines,  disparaissez  :  voici  la 
réalité  qui  vient.  Le  genre  hunuun  n'a  plus  besoin  de 

«  Mal.,  II,  II. 


DE    PERSÉVIÎRANCK.  22t 

VOUS  :  un  sacrifice  unique  va  vous  remplacer  ;  seul  il 
satisfera  à  toutes  les  demandes  du  Créateur,  h  tous  les 
devoirs  et  à  tous  les  besoins  de  la  créature.  Entendez  le 
Fils  de  Dieu,  le  prêtre  catholique  du  Père  ',  qui,  en 
entrant  dans  le  monde,  annonce  la  fin  de  votre  règne  : 
O  mon  Père!  dit-il,  vous  n'avez  'point  voulu  des  hos- 
ties ni  des  oblaiions,  mais  vous  m'avez  formé  un  corps  ; 
vous  n'avez  point  agréé  les  holocaustes  ni  les  sacrifices 
pour  le  péché;  alors  j'ai  dit  :  Voici  que  je  viens  pour 
accqgiplir  votre  volonté  :  je  le  veux,  et  votre  volonté 
est  îtne  loi  écrite  en  tête  du  livre  de  ma  vie  et  gravée  au 
milieu  de  mon  cœur  ^. 

Et  la  sainte  victime  a  été  immolée,  et  nous  connais- 
sons le  lieu,  le  jour,  l'heure  et  l'efficacité  de  son  sacri- 
fice. L'autel  fut  à  Jérusalem,  mais  le  sang  de  la  vic- 
time baigna  l'univers  '^. 

A  la  vue  de  ce  sang,  Dieu  et  l'homme,  le  ciel  et  la 
terre,  les  Anges  et  toutes  les  créatures  tressaillirent  en 
quelque  sorte  de  douleur  et  de  joie.  Ce  sang  fat  utile 
à  tous  :  à  Dieu  il  rendit  la  gloire,  à  l'homme  la 
paix  ;  car  il  a  plu  à  Dieu  de  réconcilier  toutes  choses 
par  celui  qui  est  le  principe  de  la  vie  et  le  premier-né 
d'entre  les  morts,  ayant  pacifié  par  le  sang  qu'il  a  ré- 
pandu sur  la  croix  tant  ce  qui  est  en  la  terre  que  ce  qui 
est  au  ciel  ^. 

'  Sacerdos  patris  catholiciis.  TertuU. 

*  Hebr.,  s,  ô. 

3  Orig.,  Homil.  1  in  Leiit,,  n.  3. 

*  Ad  Coloss.,  I,  20.  Ephes.,  i,  10,  Hebr.,  ix,  23. 


222  CATÉCHISME 

Par  les  paroles  que  le  Fils  de  Dieu  adresse  à  son 
Père,  il  est  clair  que  le  corps  du  Sauveur  a  été  sub- 
stitué à  tous  les  sacrifices  anciens.  En  effet,  ces  sa- 
crifices  étaient   de   quatre   sortes  :  1»  Vholocauste, 
dans  lequel  on  brûlait  la  victime  tout  entière  :  la  fin 
principale  de  ce  sacrifice  était  d'honorer  Dieu  dans  sa 
sainteté  infinie,  dans  son  souverain  domaine  et  dans  la 
plénitude  de  toutes  ses  perfections  ;  2<'  le  sacrifice  paci- 
fique :  il  était  offert  à  Dieu  en  actions  de  grâces  de  ses 
bienfaits  et  pour  lui  rendre  hommage  de  ses  dons;  3° le 
sacrifice  de  propitiation  :  il  était  offert  pour  rendre  à 
la  justice  Je  Dieu  la  satisfaction  qui  lui  est  due,  à  cause 
de  nos  péchés,  et  pour  nous  le  rendre  propice  ;  4»  le 
sacrifice  impétratoire  :  il  s'offrait  à  Dieu  pour  obtenir 
de  sa  libéralité  les  grâces  et  les  bienfaits  nécessaires  à 
la  vie  spirituelle  et  corporelle,  temporelle  et  éternelle. 
Quoique  ce  sacrifice  semble  regarder  simplement  l'in- 
térêt de  la  créature,  c'est  cependant  un  hommage  que 
nous  rendons  à  Dieu,  un  aveu  de  notre  dépendance  et 
de  l'indigence  où  nous  sommes  de  son  secours,  en  le 
reconnaissant  pour  la  source  et  la  cause  de  tous  biens. 
Il  ne  faut  pas  oublier  que  dans  tous  ces  sacrifices  les 
prêtres  et  le  peuple  devaient  participer  à  la  victime  en 
en  mangeant  une  partie.  Celte  manducation  était  essen- 
tielle. Quoique,  dans  l'holocauste,  la  victime  fût  consu- 
mée tout  entière,  le  peuple  ne  laissait  pas  d'y  participer, 
en  quelque  sorte,  en  mangeant  d'une  autre  hostie  qu'on 
offrait  avec  l'holocauste. 
Telle  était  la  grande  loi  et  l'indispensable  condition 


DE    PERSÉVÉRANCE.  22$ 

du  sacrifice,  loi  révélée,  condition  imposée  par  Dieu 
lui-même,  puisque,  chose  très-remarquable!  celte  par- 
ticipation à  la  victime  avait  lieu  chez  toutes  les  nations. 

«  Par  toute  la  terre,  dit  Pélisson,  on  mangeait  la 
chair  des  victimes.  Dans  toutes  les  nations,  le  sacrifice 
qui  finissait  par  là  était  regardé  comme  un  festin  so- 
lennel de  l'homme  avec  Dieu  :  d'où  vient  que  l'on 
trouve  si  souvent  dans  les  anciens  poêles  païens  le  fes- 
tin de  Jupiter,  les  viandes  de  Neptune,  pour  signifier  les 
victimes  dont  on  mangeait  après  les  avoir  immolées  à 
ces  fausses  divinités  ;  et  s'il  y  avait  parmi  les  Juifs  des 
holocaustes,  c'est-à-dire  des  sacrifices  où  la  victime 
était  entièrement  brûlée  en  l'honneur  de  Dieu,  on  les 
accompagnait  de  l'offrande  d'un  gâteau,  afin  qu'en  ces 
sacrifices  mêmes  il  y  eût  à  manger  pour  l'homme  *.  » 

On  communie  avec  la  Divinité  par  l'entremise  des 
substances  qui  lui  sont  immolées  :  telle  fut  la  foi  du 
monde  entier  avant  la  naissance  du  Sauveur.  Nous  le 
répétons,  la  communion  faisait  partie  du  sacrifice  ;  elle 
en  était  le  complément  et  le  lien  de  l'unité  religieuse. 
Cette  idée  universelle  était  juste  et  prophétique.  Elle 
annonçait  une  autre  communion,  comme  les  sacrifices 
anciens  annonçaient  un  autre  sacrifice  '. 

*  Traité  de  l'euch.,  pag.  182.  Paris,  1694. 

*  Après  l'abolition  des  sacrifices  grossiers  de  l'ancienne  loi,  la 
conservation  du  culte  extérieur  exigeait  un  signe,  symbole  de  la 
victime  morale.  Jésus-Christ,  avant  de  quitter  la  terre,  pourvut  à 
la  grossièreté  de  nos  sens  qui  ne  peuvent  se  passer  de  signe  ma- 
tériel :  il  institua  l'eucharistie,  où,  sous  les  espèces  sensibles  du 
pain  et  du  vin,  il  cacha  l'offrande  invisible  de  son  sang  et  de  nos 
cœurs. 


224  CATÉCHISME 

Ce  sacrifice  est  celui  du  Calvaire.  Il  est  temps  de 
montrer  quMl  répond  parfaitement  aux  sacrifices  an- 
ciens et  qu'il  les  accomplit  tous.  1"  Le  sacrifice  du  Cal- 
vaire est  holocauste  ou  latreutique  ;  car  il  est  tout  con- 
sacré et  tout  offert  à  Dieu,  pour  qui  il  est  immolé  tout 
entier;  2^  il  est  pacifique  ou  d'actions  de  grâces,  puis- 
qu'il est  offert  pour  remercier  Dieu  de  ses  bienfaits  et 
pour  lui  rendre  hommage  de  ses  dons;  S**  il  est  propi- 
tialoire,  puisqu'il  a  été  offert  pour  expier  les  péchés  du 
monde  et  pour  satisfaire  à  la  justice  divine  ;  4°  il  est 
impétratoire,  puisqu'il  a  été  offert  pour  mériter  et  ob- 
tenir à  tous  les  hommes  les  grâces  et  les  biens  néces- 
saires à  la  vie  du  corps  et  de  l'âme,  du  temps  et  de  l'é- 
ternité ;  il  accomplit  et  remplace  tous  les  sacrifices  an- 
ciens, puisqu'il  est  d'un  prix  infini  :  telle  est  la  doctrine 
de  l'Eglise  catholique  ^ 

Comme  tous  les  sacrifices  anciens,  le  sacrifice  de  la 
nouvelle  alliance  doit  être  accompagné  d'une  commu- 
nion à  la  victime  sainte  ;  et  comme  ce  sacrifice  est  ce- 
lui de  tous  les  temps,  de  tous  les  pays  jusqu'à  la  fin  du 
monde,  il  faut  que  la  communion  à  la  victime  qui  y  est 
offerte  soit  possible  à  toutes  les  générations  qui  vien- 
dront sur  la  terre  jusqu'à  la  consommation  des  siècles. 
Et  voilà  qu'il  est  entré  dans  les  incompréhensible  des- 
seins de  l'amour  tout-puissant  de  perpétuer  jusqu'à  la 
fin  du  monde,  et  par  des  moyens  bien  au-dessus  de  no- 
tre faible  intelligence,  ce  même  sacrifice  du  Calvaire, 

•  Conc.  Trid.,  sess.  22,  c.  2  et  can.  3. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  225 

malériellement  offert  une  seule  fois  pour  le  salut  du 
genre  humain. 

Par  une  immense  bonté,  attaquant  une  immense 
dégradation,  la  chair  divinisée  el  perpétuellement  im- 
molée de  la  victime  du  Calvaire  est  présentée  à  l'homme 
sous  la  forme  extérieure  de  sa  nourriture  privilégiée; 
et  celui  qui  refusera  d'en  manger  ne  vivra  point  ^. 

Et  comme  la  parole,  qui  n'est  dans  l'ordre  matériel 
qu'une  suite  d'ondulations  circulaires  excitées  dans 
l'air,  et  semblables,  dans  tous  les  plans  imaginables,  à 
celles  que  nous  apercevons  sur  la  surface  de  l'eau  frap- 
pée dans  un  point;  comme  cette  parole,  dis-je,  arrive 
cependant  dans  sa  mystérieuse  intégrité  à  toute  oreille 
touchée  dans  tout  point  du  fluide  agité,  de  même  l'es- 
sence corporelle  de  celui  qui  s'appelle  parole,  rayon- 
nant du  centre  de  la  toute-puissance,  qui  est  partout, 
entre  tout  entière  dans  chaque  bouche,  et  se  multiplie 
à  l'infini  sans  se  diviser.  Plus  rapide  que  l'éclair,  plus 
actif  que  la  foudre,  le  sang  théandrique  pénètre  les 
entrailles  coupables  pour  en  dévorer  les  souillures  -.  Par 
une  véritable  affinité  divine,  il  s'empare  des  éléments 
de  l'homme,  et  les  transforme  sans  les  détruire  ^. 

C'est  ainsi  que,  depuis  la  venue  du  Rédempteur, 
l'homme  communie  à  Dieu,  non  plus  d'une  manière 
figurative,  mais  d'une  manière  réelle  et  substantielle  ; 

'  Joan.,  VI,  54. 

*  Adbaereat  visccribus  nieis...  ut  io  nie  non  remaneat  scelerum 
macula.  Liturg.  de  la  messe. 

*  Eclaircisseiueuts  sur  les  sacrifices. 

T.  VII.  15 


226  CATÉCHISME 

et  il  en  sera  de  même  tant  qu'il  y  aura  des  hommes  à 
sanctifier. 

Or,  la  continuation  du  sacrifice  de  la  croix,  qui  met 
l'homme  en  état  de  participer  par  la  manducation  à  la 
grande  victime  du  Calvaire,  c'est  le  sacrifice  de  l'autel, 
c'est  la  messe.  Cette  simple  explication  nous  fournit  la 
réponse  à  notre  troisième  question  :  La  messe  est-elle 
un  vrai  sacrifice? 

Oui,  la  messe  est  un  vrai  sacrifice.  En  effet,  la  messe, 
ou  le  sacrifice  de  l'autel,  est  le  même  que  celui  de  la 
croix.  A  l'autel  et  au  Calvaire,  je  vois  la  même  victime, 
le  même  prêtre,  les  mêmes  fins  :  la  seule  différence  est 
dans  la  manière  donl  le  sacrifice  est  offert  :  sanglante 
au  Calvaire,  elle  est  non  sanglante  à  l'autel. 

Et  d'abord,  à  l'autel  et  au  Calvaire,  c'est  la  même 
victime,  notre  Seigneur  Jésus -Christ,  qui  s'offre  et 
s'immole  sous  les  espèces  du  pain  et  du  vin. 

C'est  le  même  prêtre.  Au  Calvaire,  Notre-Seigneur 
s'immola  lui-même  :  C'est  moi-même  qui  donne  ma  vie  ; 
ce  n'est  pas  un  autre  qui  me  Vote  malgré  moi;  c'est  moi 
qui  la  sacrifie  de  mon  plein  gré  ;  de  même  à  l'autel.  Le 
prêtre  mortel  n'est  que  le  ministre  du  Prêtre  éternel  ;  il 
n'agit  que  par  son  ordre  et  par  délégation,  suivant  cette 
parole  :  Faites  ceci  en  mémoire  de  moi.  Pour  montrer 
encore  mieux  que  le  prêtre  n'agit  qu'au  nom  de  Jésus- 
Christ,  il  ne  dit  pas  :  Ceci  est  le  corps  de  Jésus-Christ, 
mais  Ceci  est  mon  corps.  Le  prêtre  secondaire  s'efface  et 
disparaît  pour  laisser  le  prêtre  principal  convertir  la 
substance  du  pain  et  du  vin  en  la  substance  de  son 
corps  et  de  son  sang. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  227 

A  l'aulel  et  au  Calvaire,  l'objet  du  sacrifice  esl  le 
même.  Dieu  esl  le  seul  à  qui  il  esl  oflferl.  C'est  pour  la 
gloire  de  Dieu,  pour  reconnaître  parfaitement  son  soii- 
verain  domaine,  en  lui  offrant  une  victime  égale  à  lui, 
qu'eut  lieu  le  sacrifice  du  Calvaire.  Il  en  est  de  môme 
du  sacrifice  de  l'autel.  Jamais  l'Eglise  catholique  n'offre 
la  messe  à  un  Saint,  à  un  Ange,  pas  même  à  l'auguste 
Marie.  Le  sacrifice  étant  l'acte  du  culte  suprême,  il  ne 
peut  sans  idolâtrie  être  offert  à  aucune  créature  ;  et  les 
hérétiques,  qui  osent  accuser  l'Eglise  de  le  faire,  la 
calomnient. 

Il  y  a  quinze  cents  ans  que  saint  Augustin  leur 
répondait  :  «  Nous  ne  bâtissons  point  de  temples, 
nous  n'ordonnons  point  de  prêtres,  nous  n'instituons 
point  de  sacrifices  pour  les  Martyrs  ;  car  ils  ne  sont 
pas  nos  dieux  :  c'est  leur  Dieu  qui  esl  notre  Dieu. 
II  est  vrai  que  nous  honorons  leurs  tombeaux  comme 
ceux  de  bons  serviteurs  de  Dieu  qui  ont  combattu 
pour  la  vérité  jusqu'à  la  mort  et  répandu  leur  sang 
pour  propager  la  vraie  Religion  et  vaincre  l'erreur; 
mais  qui  a  jamais  entendu  un  prêtre  catholique,  de- 
bout devant  l'autel  consacré  à  Dieu  sur  le  corps  d'un 
martyr,  dire  dans  ses  prières  :  Pierre,  Paul  ou  Cyprien, 
je  vous  offre  ce  sacrifice?  Lorsqu'on  l'offre  sur  leurs 
monuments,  on  l'offre  à  Dieu,  qui  les  a  faits  hommes 
et  martyrs,  et  qui  les  a  associés  à  ses  Anges.  Que  si  ces 
solennités  ont  été  instituées  sur  leurs  sépulcres,  c'est 
afin  de  rendre  grâces  au  vrai  Dieu  de  la  victoire  qu'ils 
ont  remportée,  et  que  cela  nous  excite  à  nous  rendre 


228  CATÉCHISME 

dignes,  en  imilanl  leur  courage,  d'avoir  pari  à  leurs 
couronnes  et  à  leurs  récompenses.  Tous  les  actes  de 
religion  et  de  piété  qui  se  pratiquent  aux  tombeaux  des 
saints  Marlyrs  sont  donc  des  honneurs  qu'on  rend  à  leur 
mémoire,  et  non  des  sacrifices  qu'on  leur  offre  comme 
à  des  dieux.  En  un  mot,  quiconque  connaît  l'unique  sa- 
crifice des  Chrétiens  qui  s'offre  à  Dieu  sur  ces  tombeaux, 
sait  aussi  qu'on  n'y  sacrifie  point  aux  Martyrs  ^  » 

Le  sacrifice  de  l'autel  est  offert  pour  les  mêmes  fins 
que  celui  du  Calvaire,  pour  adorer  Dieu,  pour  le  re- 
mercier, pour  expier  nos  péchés  et  pour  lui  demander 
ses  grâces  :  telle  est  encore  la  foi  de  l'Eglise  univer- 
selle; telle  est  aussi  la  parole  de  Notre  -  Seigneur  : 
Faites  ceci  en  mémoire  de  moi,  c'est-à-dire  :  offrez, 
comme  je  viens  d'offrir,  la  même  victime,  au  même 
Dieu,  et  pour  les  mêmes  fins  ^.  » 

Le  sacrifice  de  la  messe  est  donc  le  même  que  celui 
du  Calvaire  :  la  seule  manière  de  l'offrir  est  différente  '. 

Que  dis-je?  Au  sacrifice  de  la  messe  le  Sauveur  re- 
nouvelle non-seulement  les  mystères  de  sa  morl,  mais 
encore  ceux  de  sa  résurrection  et  de  sa  vie  glorieuse. 

1°  II  y  renouvelle  les  mystères  de  sa  mort.  En  chan- 
geant le  pain  en  son  corps,  Jésus-Christ  offre  ce  corps 
adorable  comme  il  l'a  ofl'ert  sur  la  croix;  l'Eucharistie 


'  Cité  de  Dieu,  Ht.  8,  c.  27- 

*  Conc.  Trid.,  sess.  22,  c.  1,  etc. 

"  Uaa  enim  eademque  est  hostia,  idem  nunc  offerens  sacerdotis 
niinisterio,  qui  seipsum  tune  in  cruce  obtulit,  sola  offerendi  ra- 
tione  diversa.  Id.,  c.  il. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  229 

renferme  sa  passion'.  Nous  n'annonçons  sa  mort  en  le 
mangeant,  suivant  l'expression  de  saint  Paul,  que  parce 
qu'il  offre  sur  nos  autels  sa  mort  précieuse  *;  et  il  est  vrai 
de  dire,  avec  saint  Cyprien,  que  le  sacrifice  que  nous 
offrons  est  la  passion  même  du  Sauveur^.  Tout  l'appareil 
extérieur  du  Calvaire  qui  manque  à  l'autel  n'avait  rien 
de  commun  avec  le  sacrificateur;  l'essentiel  du  sa- 
crifice de  la  croix  consistait  en  l'oblation  que  Jésus- 
Christ  fit  de  son  corps.  La  même  chose  a  lieu  sur 
l'autel. 

2°  Il  y  renouvelle  les  mystères  de  sa  résurrection  et 
de  sa  vie  glorieuse.  A  l'autel,  le  Sauveur  s'offre  comme 
à  sa  résurrection,  puisqu'il  y  offre  son  corps  immortel 
et  glorieux;  il  s'y  offre  comme  à  son  ascension,  puis- 
qu'il y  monte  encore  de  l'autel  de  la  terre  au  sublime 
autel  du  ciel,  suivant  les  paroles  du  Canon,  pour  y  aller 
résider  et  intercéder  en  notre  faveur,  offrant  ainsi  tou- 
jours une  môme  hostie.  C'est  pour  cela  que  nous  disons 
à  la  messe  que  nous  offrons  ce  sacrifice  pour  renouveler 
la  mémoire  de  la  passion,  de  la  résurrection  et  de  l'as- 
cension de  notre  Seigneur  Jésus-Christ.  Voilà  donc  à  la 
messe  la  réunion  de  tous  les  mystères  qui  ont  été  les 
diverses  parties,  ou  la  continuation,  ou  le  fruit  du  sa- 
crifice du  Sauveur.  Voilà  donc  à  la  messe  l'accomplisse- 
ment littéral  de  cette  prophétie  de  David  :  En  donnan  t 


•  Cœnam  suam  dédit,  passionem  suam  dédit.  S.  Aug.,  in  Psal.  21 . 
«  1  Cor.,  XI,  26. 

*  Passio  est  enirn  Domini  sacriflciura  quod  offerimus.  Epist.  63 
ad  Cœcil. 


230  CATÉCHISME 

sa  nourriture  à  ceux  qui  le  craignent,  il  a  renouvelé 
la  mémoire  de  toutes  ses  merveilles*. 

Ces  explications  répondent  d'avance  à  notre  qua- 
trième question  :  La  messe  est-elle  nécessaire? 

Oui,  la  messe  est  nécessaire  dans  le  plan  chrétien 
de  notre  sanctification.  Il  est  vrai,  le  sacrifice  du  Calvaire 
a  pleinement  satisfait  à  Dieu  pour  tous  noi  péchés  ;  il  a 
pleinement  acquitté  toutes  nos  dettes,  car  il  est  d'un 
prix  infini;  il  suffit,  et  au  delà,  pour  sanctifier  mille 
mondes,  fussent-ils  mille  fois  plus  coupables  que  le 
nôtre.  Tout  cela  est  vrai,  et  néanmois  la  messe  est  né- 
cessaire ;  car  il  faut  que  le  sacrifice  du  Calvaire  se  con- 
somme en  nous,  il  faut  qu'il  nous  soit  appliqué,  iden- 
tifié par  la  communion  à  la  grande  victime.  Or,  cette 
divine  victime  ne  pouvait  pas  être  mangée  par  les  fidèles 
sur  le  Calvaire.  Voilà  ce  qui  manquait  à  l'autel  de  la 
croix,  et  c'est  à  l'aulel  de  l'Eglise  que  celte  manduca- 
tion  s'accomplit  par  la  communion.  La  môme  victime 
est  offerte  sur  le  Calvaire  et  sur  nos  autels  ;  mais  au 
Calvaire  elle  n'est  qu'offerte,  ici  elle  est  offerte  et  dis- 
tribuée, suivant  l'expression  de  saint  Augustin  ^.  C'est 
à  l'autel,  ajoute  saint  Ambroisé,  que  s'accomplit  la 
perfection  du  sacrifice  de  la  croix,  car  Jésus-Christ  nous 
y  nourrit  réellement  tous  les  jours  du  sacrement  de  sa 
passion  ^. 

'  Ps.  ex. 

»  Conf.,  lib.  9,  c.  12  et  13."i 

^  SigaiAcaas  passionem  Domini  Jesu,  cujus  quotidie  vescimar 
sacrameato.  Jn  Psal.  43. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  231 

Ainsi,  par  le  sacrifice  de  la  croix  Jésus-Christ  paya 
le  prix  de  notre  rançon,  et  par  celui  de  l'autel  il  nous 
applique  le  fruit  de  ce  paiement.  Il  suit  de  là  que  le 
sacrifice  de  la  grande  victime,  commencé  sur  le  Cal- 
vaire, ne  se  termina  pas  alors,  mais  commença  pour 
durer  aux  siècles  des  siècles  *.  Il  faut  que  toutes  les  gé- 
nérations venant  en  ce  monde  trouvent  le  divin  banquet 
préparé,  et  qu'elles  puissent  se  sanctifier,  se  diviniser, 
se  christianiser,  s'il  m'est  permis  de  le  dire,  en  s'in- 
corporant  le  sang  et  la  chair  du  Christ,  victime  unique, 
éternelle,  catholique  du  ciel  et  de  la  terre.  La  messe 
est  donc  absolument  nécessaire  dans  le  plan  chrétien 
de  notre  sanctification. 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  institué  le  sacrifice  de  nos  autels  pour  perpétuer 
le  sacrifice  du  Calvaire  et  nous  en  appliquer  le  fruit; 
faites-moi  la  grâce  d'assister  toujours  à  la  sainte  messe 
avec  les  dispositions  nécessaires  pour  en  profiter. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par -dessus 
toute  chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour 
l'amour  de  Dieu  ;  et,  en  témoignage  de  cet  amour, 
j'assisterai  au  sacrifice  de  l'autel,  comme  j'aurais  assisté 
au  sacrifice  du  Calvaire. 

*  B.  Lig.,  Selva,  t.  2,  p.  197. 


232  CATléCHISME 

PETIT  CATÉCHISME. 

LE    CHRISTIANISME    REXDC    SENSIBLE, 

Du  sacrifice  et  de  la  messe 

Q.  Qu'est-ce  que  le  sacrifice? 

R.  Le  sacrifice  est  l'offrande  faite  à  Dieu  d'une  chose 
qu'on  détruit  en  son  honneur  pour  reconnaître  son  sou- 
verain domaine  sur  les  créatures.  Le  sacrifice  n'est 
plus  qu'une  sainte  offrande.  Pour  qu'il  y  ait  sacrifice, 
il  faut  que  la  chose  soit  détruite  ou  changée. 

Q.  Le  sacrifice  est-il  nécessaire? 

R.  Le  sacrifice  est  nécessaire.  Dieu  étant  l'auteur 
de  toutes  choses,  le  maître  absolu  de  la  vie  et  de  la 
mort,  il  veut  qu'on  reconnaisse  son  souverain  pouvoir 
sur  tout  ce  qui  existe,  autrement  il  n'aurait  pas  agi 
pour  sa  gloire,  ce  qui  serait  contraire  à  son  infinie  sa- 
gesse. Le  sacrifice  est  le  seul  moyen  de  reconnaître  ce 
pouvoir  absolu  de  Dieu  sur  tout  ce  qui  existe;  le  sa- 
crifice est  donc  nécessaire.  Efi  détruisant  une  créature 
à  l'honneur  de  Dieu,  l'homme  lui  dit  par  cette  action  : 
Je  reconnais  que  vous  êtes  le  maître  de  la  vie  et  de 
la  mort  de  tout  ce  qui  existe,  je  reconnais  votre  souve- 
rain empire  sur  toutes  les  créatures  et  sur  moi-même. 

Q.  Pourquoi  des  sacrifices  sanglants? 

R.  Les  sacrifices  sanglants  sont  pour  expier  le  pé- 
ché. Si  l'homme  était  resté  innocent,  il  n'y  aurait  point 
eu  de  sacrifices  accompagnés  de  la  mort  de  la  victime, 
puisque  saint  Paul  nous  dit  que  la  mort  n'est  entrée 


DE    PERSÉVÉRANCE.  233 

dans  le  monde  que  par  le  péché.  Mais  l'homme  ayant 
péché  et  s'étant  rendu  digne  de  mort,  il  y  a  eu  des  sa- 
crifices sanglants.  En  les  offrant,  l'homme  dit  à  Dieu  : 
Je  confesse  que  j'ai  mérité  d'être  mis  à  mort  comme 
cette  créature  que  je  vous  immole. 

Q.  Qu'est-ce  qui  a  établi  les  sacrifices? 

R.  C'est  Dieu  qui  a  établi  les  sacrifices.  L'homme 
n'aurait  jamais  imaginé  que  le  sang  d'un  animal  pût 
plaire  à  Dieu  et  expier  le  péché.  11  est  vrai  que  le  sa- 
crifice des  animaux,  non  plus  que  celui  des  autres  créa- 
tures, n'était  pas  agréable  à  Dieu  pour  lui-même, 
mais  parce  qu'il  représentait  un  sacrifice  d'un  prix  in- 
fini qui  devait  un  jour  avoir  lieu.  Aussi  Dieu  l'avait  dit 
aux  Juifs,  en  leur  annonçant  le  sacrifice  futur. 

Q.  Combien  y  avait-il  de  sortes  de  sacrifices  chez  les 
Juifs  ? 

R.  Il  y  avait  chez  les  Juifs  "quatre  sortes  de  sacri- 
fices :  1«  l'holocauste  où  la  victime  était  consumée  par 
le  feu  :  on  l'offrait  pour  adorer  Dieu  ;  2°  le  sacrifice 
pacifique,  pour  le  remercier;  3"  le  sacrifice  propitia- 
toire, pour  expier  le  péché;  4°  le  sacrifice  impétratoire, 
pour  demander  les  grâces  de  Dieu.  Dans  les  sacrifices, 
les  fidèles  et  les  prêtres  mangeaient  de  la  chair  de  la 
victime;  c'était  une  espèce  de  communion  avec  Dieu 
par  le  moyen  des  viandes  qui  lui  étaient  immolées. 
Dans  l'holocauste,  on  offrait  un  gâteau,  afin  qu'il  y  eût 
quelque  chose  à  manger.  Tous  ces  sacrifices  ont  élé 
rejetés  comme  incapables  d'honorer  Dieu  suivant  qu'il 
le  mérite. 


234  CATÉCHISME 

Q.  Par  quoi  ont-ils  été  remplacés? 

R.  Ils  ont  été  remplacés  par  un  sacrifice  unique  et 
éternel,  le  sacrifice  du  Calvaire.  Ce  sacrifice  honore 
Dieu  parfaitement,  et  nous  acquitte  de  tous  nos  devoirs 
et  de  toutes  nos  dettes,  puisque  la  victime  en  est  d'un 
prix  infini.  Cette  victime,  c'est  notre  Seigneur  Jésus- 
Christ,  le  Fils  de  Dieu  lui-même. 

0-  Qu'est-ce  que  la  messe? 

R.  La  messe  est  la  continuation  et  le  renouvellement 
du  sacrifice  de  la  croix.  A  l'autel  et  au  Calvaire  c'est 
la  même  victime  qui  s'immole,  c'est  le  même  prêtre 
qui  l'immole  ;  elle  est  offerte  au  même  Dieu  et  pour  les 
mêmes  fins,  c'est-à-dire  pour  adorer  Dieu,  le  remercier, 
expier  et  demander.  La  seule  différence  entre  la  messe 
et  le  sacrifice  du  Calvaire,  c'est  qu'à  l'autel  Notre- 
Seigneur  est  offert  d'une  manière  non  sanglante,  tan- 
dis qu'au  Calvaire  il  est  offert  d'une  manière  san- 
glante. 

Q.  La  messe  est-elle  nécessaire? 

R.  La  messe  est  nécessaire.  Il  faut  que  nous  parti- 
cipions à  la  victime  du  Calvaire  en  mangeant  sa  chair 
et  en  buvant  son  sang.  C'est  par  la  messe  que  cette 
manducation  devient  possible.  Le  sacrifice  de  la  croix 
est  le  prix  de  notre  rançon,  le  sacrifice  de  l'autel  en  est 
l'application  à  chacun  de  nous. 

PRIÈRE. 

0  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remereie 
d'avoir  institué  le  sacrifice  de  nos  autels  pour  perpétuer 


DE    PERSÉVÉRANCE.  235 

le  sacrifice  du  Calvaire  et  nous  en  appliquer  le  fruit  ; 
failes-moi  la  grâce  d'assister  toujours  à  la  sainte  messe 
avec  les  dispositions  nécessaires  pour  en  profiler. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  j'assisterai 
au  sacrifice  de  l'auteU  comme  j'aurais  assisté  au  sacri- 
fice du  Calvaire. 


236  CATÉCHISME 


Xir  LEÇON. 

LE   CHRISTIANISME    RENDU    SENSIBLE. 

Excellence  du  sacrifice  de  la  messe.— Le  prêtre.— Ses  préparations. 
—  Ses  vêtements.  —  .Vniiet.  —  Aube.  —  Cingulon.  —  Manipule.  — 
Etole.  —  Chasuble.  —  Etole  du  diacre.  —  Dalmatiquc.— Tunique 
du  sous-diacre.  —Surplis.  —  Chape. 

Si  un  sauvage  sorti  du  fond  des  déserts  arrivait  tout 
à  coup  dans  une  de  nos  villes  chrétiennes,  et  qu'on  lui 
dît  :  Il  y  a  parmi  nous  un  sacrifice  dans  lequel,  à  la 
voix  d'un  prêtre,  le  ciel  s'ouvre,  le  Fils  du  grand  Esprit 
descend  sur  un  autel,  s'immole  entre  les  mains  du  sa- 
crificateur, et  nous  donne  sa  chair  à  manger  et  son  sang 
à  boire,  afin  de  nous  faire  vivre  de  sa  vie  et  de  faire  de 
nous  des  dieux  ;  quelles  pensez-vous  que  seraient  les 
pensées  de  ce  pauvre  sauvage  ?  quel  son  respect  pour 
un  si  auguste  sacrifice?  quel  son  désir  d'y  prendre  part? 
quelles  sa  préparation,  sa  frayeur  religieuse  avant  d'y 
participer?  quel  son  attendrissement  en  y  participant? 
quelles  sa  reconnaissance  et  sa  joie  après  y  avoir  par- 
ticipé ? 

Or,  tous  ces  sentiments,  nous  devons,  oui,  nous 
devons  les  éprouver.  Que  dis- je?  ils  doivent  être  en 
nous  d'autant  plus  parfaits  que  nous  sommes  plus  ri- 
ches de  lumières  et  de  grâces.  Cependant,  que  chacun 
de  nous  mette  ici  la  main  sur  sa  conscience,  et  qu'il 


DE    PERSÉVÉRANCE.  237 

dise  s'il  ne  doit  pas  envier  la  foi  et  les  dispositions  du 
sauvage  ignorant  dont  nous  venons  de  parler.  Hâtons- 
nous  de  changer  ;  autrement,  quelles  excuses  aurons- 
nous  à  présenter  au  souverain  Juge?  quelles  réponses  à 
ce  reproche  trop  bien  mérité  :  Malheur  à  toi,  Beth- 
sdide  ;  malheur  à  toiy  Corozam  ;  car  si  les  miracles  que 
fai  opérés  devant  tes  yeux  eussent  été  faits  en  faveur 
de  Sodome  et  de  Gomorrhe,  c'est-à-dire  des  peuples  les 
plus  sauvages  et  les  plus  corrom,pus,  ils  auraient  fait 
pénitence  dans  la  cendre  et  le  cilice. 

Pour  détourner  de  nous  cet  anathème,  apportons  dé- 
sormais à  l'auguste  sacrifice  les  dispositions  que  de- 
mandent et  le  prêtre  qui  l'offre  et  la  victime  qui  est 
offerte,  et  à  laquelle  nous  devons  participer.  Dans  cette 
vue,  recueillons  soigneusement  les  précieuses  instruc- 
tions, les  pieux  sentiments  dont  l'Eglise  nous  offre  une 
source  abondante  dans  tout  ce  qui  précède  ou  accom- 
pagne la  célébration  de  nos  augustes  mystères. 

Prenez  d'abord  le  prêtre  qui  en  est  le  ministre,  et 
voyez  avec  quel  soin  on  le  prépare  à  cet  emploi  tout 
divin  ;  considérez  cet  homme  devenu  supérieur  en  puis- 
sance aux  Anges  mêmes  :  l'Eglise  l'a  tiré  de  la  masse 
commune  pour  l'élever  h  des  fonctions  qui  font  trem- 
bler les  esprits  célestes.;  elle  l'a  séparé,  elle  l'a  long- 
temps éprouvé,  elle  l'a  fait  passer  par  beaucoup  de  de- 
grés avant  qu'il  ait  pu  arriver  au  sanctuaire.  Il  a  fallu 
former  son  cœur,  orner  son  esprit,  s'assurer  que  ses 
lèvres  seraient  les  fidèles  dépositaires  de  la  science,  et 
sa  conduite  le  modèle  du  troupeau.  Le  pontife  de  la 


238  CATÉCHISME 

nouvelle  alliance,  après  avoir  consulté  le  ciel  et  la  terre, 

>  ,.,  .  M.   '.  *^       1  ^      _  _  •    ■  -fj; 

après  des  jeûnes  et  des  supplications  réitérées,  a  fait 
couler  sur  lui  l'onction  divine,  l'huile  du  sacerdoce 
royal.  La  parole  de  Jésus-Christ  y  est  engagée,  sa  pro- 
messe est  formelle,  le  Saint-Esprit  est  descendu  sur  cet 
homme,  il  lui  a  communiqué  ses  dons  les  plus  excel- 
lents et  des  pouvoirs  surhumains. 

Tant  de  préparations  ne  suffisent  pas  ;  et  voilà  le  mi- 
nistre sacré  qui  se  lève  avant  l'aurore  pour  vaquer  à  de 
longues  prières,  lorsqu'enfin  la  cloche,  cette  trompette 
de  l'Eglise  militante,  sonne  l'heure  du  sacrifice.  Re- 
cueilli, pénétré,  tremblant  h  la  vue  de  ses  augustes 
fonctions,  le  prêtre  s'avance  pour  offrir  la  victime  qui 
réconcilie  la  créature  avec  son  Dieu;  silence  au  ciel, 
silence  à  la  terre  :  il  va  négocier  les  plus  grands  inté- 
rêts du  genre  humain. 

Arrivé  à  la  sacristie,  le  prêtre  se  lave  les  mains  en 

disant  :  «  Seigneur,  purifiez  mes  mains,  afin  que  je 

puisse,  sans  souillure  d'âme  et  de  corps,  accomplir  votre 

saint  ministère.  »  L'usage  de  se  laver  les  mains  avant 

la  prière  remonte  aux  siècles  apostoliques  ;  les  premiers 

Chrétiens  n'y  manquaient  jamais.  C'est  ainsi  que  dans 

ses  moindres  pratiques  l'Eglise  a  conservé  de  vénéra- 

,1  -  ■ 
blés  traditions. 

Arrêtons-nous  maintenant  à  considérer  les  vêtements 
sacrés  dont  le  prêtre  va  se  revêtir.  Ils  sont  comme  un 
livre  plein  d'instruction  et  de  piété  ;  souvent  peut-être 
on  l'a  ouvert  à  nos  yeux,  et  nous  n'y  avons  rien  compris. 

Les  vêtements  du  prêtre  qui  va  célébrer  les  saints 


DE    PERSÉVÉRANCE.  239 

mystères  sont  :  1°  l'amict,  û"  l'aube,  3"  le  cingulon,  4*  le 
manipule,  5°  l'étole,  6°  la  chasuble.  Si  le  célébrant  est 
un  évoque,  il  en  ajoute  d'autres  encore  que  nous  ex- 
pliquerons plus  loin. 

Dans  l'ancienne  loi,  Dieu  avait  voulu  que  les  prêtres 
et  les  lévites  eussent  des  vêtements  particuliers  et  con- 
sacrés, lorsqu'ils  immolaient  les  victimes.  Héritière  des 
traditions  antiques,  l'Eglise  a  voulu  que  ses  ministres 
fussent  aussi  revêtus  d'habits  particuliers  et  sacrés, 
lorsqu'ils  exerceraient  leurs  augustes  fonctions.  Le  res- 
pect dû  aux  choses  saintes,  et  par  les  prêtres  et  par 
les  fidèles,  en  fait  un  devoir.  D'ailleurs  les  hommes 
n'ont -ils  pas  toujours  besojn  de  signes  extérieurs  et 
sensibles  qui  les  rappellent  intérieurement  à  la  gran- 
deur invisible  des  mystères?  Aussi  l'usage  des  habits 
sacerdotaux  remonte  jusqu'aux  Apôtres'.  «  Les  vête- 
ments ecclésiastiques  dont  se  servent  les  prêtres  et  les 
autres  ministres  pour  offrir  à  Dieu  le  culte  divin  avec 
tout  le  respect  qu'il  mérite,  doivent  être  propres  et 
consacrés,  et,  comme  tels,  nul  ne  doit  en  faire  usage 
que  les  prêtres  et  ceux  qui  sont  dédiés  au  saint  minis- 
tère *.  »  Vous  venez  d'entendre  les  paroles  de  saint 
Etienne,  pape  et  martyr,  qui  vivait  en  250.  «  La  Reli- 
gion divine,  ajoute  saint  Jérôme,  a  un  habit  pour  le 
ministère  de  l'autel,  et  un  autre  pour  l'usage  com- 


'  Euseb.,lib.  3,  c.  8, 

•  Epist.  ad  Hilar.  Voyez  aussi  Tertull.,  de  Monogrimia,  c.  12  ; 
Orig.,  Uomil.  11  in  cap.  20  Z-etiV.;  Hieroa  ,lib.  13,  Comment,  in 
cap,  44  Ezech.;  Bona,  lib.  1,  c.  24. 


240  CATÉCHISME 

mun.  »  Dans  le  temps  des  persécutions,  les  vêtements 
sacrés  étaient  nécessairement  moins  riches  ;  mais, 
quand  l'Eglise  fut  en  paix,  et  qu'elle  compta  parmi 
ses  enfants  les  puissants  du  siècle,  elle  ne  craignit  pas 
de  célébrer  son  culte  avec  magnificence.  Tout  ce  qu'il 
y  a  de  grand  dans  le  monde  vient  de  Dieu,  et  doit  être 
consacré  à  sa  gloire.  L'or  et  l'argent  m'apparliennent, 
dit  le  Seigneur  '.  Et  quel  plus  noble  usage  en  peut-on 
faire  que  de  les  employer  au  culte  de  celui  qui  les  a 
créés  et  qui  nous  en  a  fait  don? 

Dès  l'origine,  on  eut  pour  les  vêlements  sacrés  le 
plus  grand  respect.  Il  n'était  point  permis  aux  femmes 
de  les  toucher;  on  les  gardait  avec  un  soin  religieux 
dans  des  lieux  consacrés.  Le  prêtre  Rogatien  faisait  tant 
de  cas  de  la  tunique  dont  il  était  revêtu  en  offrant  le 
saint  sacrifice,  qu'il  la  laissa  par  testament  à  saint  Jé- 
rôme, pour  qui  il  avait  une  vénération  toute  particu- 
lière ^ 

Voyons  maintenant  l'origine  de  ces  divers  ornements, 
les  changements  que  la  propreté  et  la  commodité  y  ont 
introduits,  les  intentions  de  l'Eglise  en  les  faisant  pren" 
dre  à  ses  ministres,  et  la  raison  pour  laquelle  ils  sont 
de  diverses  couleurs,  suivant  les  fêtes. 

1°  De  l'amict  ^.  L'amict  est  un  voile  blanc  que  le 
prêtre  pose  d'abord  sur  sa  tête,  et  qu'il  rabat  ensuite  sur 
son  cou  et  sur  ses  épaules  ;  il  l'attache  avec  deux  tresses 


•  Agg.,  9. 

*  Hieron.,  Epist.  ad  Heliod.  Epitaph.  Rogat. 


*  Amictus 


DE    PERSÉVÉRANCE.  241 

qui  viennent  se  croiser  sur  sa  poitrine.  Le  mot  amict  vient 
d'un  verbe  latin  qui  signifie  couvrir  *.  Ce  vêtement  fut 
introduit,  il  y  a  plus  de  mille  ans,  pour  couvrir  le  cou 
que  les  ecclésiastiques  et  les  laïques  portaient  nu  jus- 
qu'alors. Sa  destination  naturelle  est  donc  de  conserver 
la  voix  de  ceux  qui  doivent  chanter  les  louanges  de 
Dieu,  et  de  rappeler  au  prêtre  la  modestie  avec  laquelle 
il  doit  faire  usage  de  la  sienne,  et  le  soin  qu'il  doit  avoir 
de  retrancher  pendant  le  sacrifice  toute  parole  étran- 
gère à  cette  action  qui  doit  l'occuper  tout  entier.  Aussi 
l'évêque,  en  donnant  l'amict  au  jeune  ordinand,  l'aver- 
tit qu'il  est  un  signe  de  la  retenue  et  de  la  modestie  de 
la  voix. 

Les  fidèles  qui  assistent  à  la  messe  sont  pour  ainsi 
dire  cosacrificateurs  avec  le  prêtre,  obligés  jusqu'à  un 
certain  point  d'y  apporter  les  mêmes  dispositions  que 
lui.  Ils  doivent  donc  prendre  pour  eux  cet  avertisse- 
ment, et  se  souvenir  qu'une  fois  en  présence  des  saints 
autels,  toute  conversation,  toute  parole  avec  la  terre  leur 
est  interdite. 

Comme  tout  dans  le  prêtre  doit  rappeler  Jésus-Christ, 
le  souverain  sacrificateur,  l'amict  figure  le  Fils  de  Dieu 
qui,  descendu  du  ciel  pour  sauver  le  monde,  couvrit 
sa  divinité  du  voile  mystérieux  de  l'humanité  '.  Il  est 
encore  le  signe  de  ce  voile  d'ignominie  dont  on  couvrit 
sa  face  adorable,  alors  qu'une  multitude  effrénée,  insul- 
tant à  sa  qualité  de  prophète,  banda  ces  yeux  qui  voient 

•  Amicire. 

"  Durandus,  c.  2.  Durantus,  lib.  2,  c.  'J. 

T.   VU.  16 


242  CATÉCHISME 

dans  les  ténèbres,  et  disait  :  «  Devine,  Christ,  quel  est 
celui  qui  t'a  frappé?  »  Posé  sur  la  lêle,  l'amict  figure 
le  casque  du  guerrier,  et  rappelle  au  prêtre  qu'il  est  un 
soldat.  En  effet,  le  prêtre  qui  se  dispose  à  offrir  les 
saints  mystères  va  livrer  un  grand  combat.  Cette  der- 
nière signification  de  l'amict  est  exprimée  dans  la 
prière  que  le  prêtre  récite  en  le  prenant  :  «  Seigneur, 
mettez  sur  ma  tête  le  casque  du  soldat,  afin  que  je 
puisse  résister  aux  coups  du  Démon.  » 

2°  L'aube  ',  ainsi  nommée  à  cause  de  sa  blancheur, 
remonte  à  la  plus  haute  antiquité.  Le  grand-prêlre  de 
la  loi  s'en  revêtait  pour  le  sacrifice  ;  les  Païens  eux- 
mêmes  se  servaient  de  ce  vêlement,  lorsqu'ils  immo- 
laient à  leurs  dieux  :  c'était  un  vol  fait  à  la  véritable 
Religion.  Partout  on  a  compris  que,  pour  s'approcher 
de  la  Divinité,  il  fallait  d'autres  vêtements  que  ces  habits 
de  peau  de  bête  dont  Dieu  couvrit  l'homme  coupable. 

Il  est  remarquable  que  les  prêtres,  non-seulement 
chez  les  Chrétiens,  mais  chez  les  Juifs  et  chez  les  Païens, 
ont  toujours  employé  les  tuniques  de  lin  dans  les  fonc- 
tions religieuses  :  c'est  un  fait  universel  et  incontes- 
table ^  Quelle  en  peut  être  la  raison?  «  C'est,  répond 

•  Alba. 

*  ^o/ea  Apulée, dans  son  Apologie;  le  même,  Fables  milésiennes, 
Mv.  2  ;  Ovide,  en  parlant  des  prêtres  d'Isis  : 

Nec  tu  linigeram  fier!  quid  possit  ad  I.<im 
Quaesieris. 
et  ailleurs  : 

Nunc  dea  linigera  colitur  celeberrima  turba. 

Scbeffer  dit  la  même  chose  des  Pythagoriciens,  de  Italica  Philoso- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  243 

un  philosophe  païen,  parce  que  les  vôtemenls  faits  de 
la  dépouille  des  animaux  ne  sont  pas  assez  purs.  » 

Ce  que  Pythagore  entrevoyait,  nos  auteurs  chrétiens 
nous  le  disent  ouvertement.  L'homme  a  toujours  eu  la 
conscience  de  sa  chute  ;  il  a  su  que  les  vêtements  faits 
de  la  substance  des  animaux  étaient  un  opprobre,  une 
punition,  une  livrée  de  dégradation  :  il  les  a  quittés  pour 
s'approcher  de  Dieu,  et  a  témoigné,  en  prenant  d'autres 
vêlements,  du  désir  qu'il  avait  de  recouvrer  sa  pureté 
en  revenant  à  Dieu.  En  effet,  il  aurait  pu  se  servir  de 
vêtements  de  laine  blanche  pour  ses  fonctions  reli- 
gieuses, s'il  n'avait  voulu  marquer  que  sa  disposition 
de  pureté  :  mais  non  ;  il  y  avait  là  un  souvenir  de  la 
souillure  primitive,  et  il  a  pris  des  vêtements  de  lin  '. 
Ces  vêtements  nouveaux  étaient  donc  l'emblème  de  la 
vie  nouvelle  d'innocence  et  de  sainteté  qu'on  venait 
chercher  dans  les  sacrifices^. 

L'aube  était  aussi  un  vêtement  particulier  à  la  no- 
blesse romaine  :  c'est  cette  toge  ou  robe  traînante  afifec- 


phia,  c.  14.  ApoUonius,  interrogé  sur  cet  usage,  répondit:  ^estem 
quant  e  morticinis  plerique  ferunt  non  puram  esse  rntiis  Pytha- 
goras^  linen  veste  usas  est.  (Apud  Philost.,  lib.  8.) 

*  Alba  lineum  vestiuientum,  longissimedistat  a  tunicis  pelliceis, 
quai  de  mortuis  animalibus  fiunt,  quibus  Adam  vestitus  est  post 
peccatum,  et  novitatem  vitae  significat,  quant  Cbristus  et  habuit 
et  docùit  et  tribuit,  de  qua  dicit  Apostolus  :  Exuite  veterem  Lo- 
lUinem  *. 

"  Durantua,  lib.  2,  c.  9. 

*  Rupert.  Taitiens.,  lib.  \,  de  dw.  Offic,  c.  20.  lanoc.  III,  lib.  1,  Myst. 

MistcE,  c.  36  . 


244-  CATÉCHISME 

tée  à  la  classe  distinguée,  par  où  l'on  jugeait  du  rang 
des  personnes. 

Comme  il  n'est  point  sur  la  terre  de  dignité  qui  égale 
celle  du  sacerdoce,  il  était  juste  qu'on  lui  consacrât  le 
vêtement  auquel  l'usage  attachait  les  idées  les  plus 
nobles.  Par  sa  longueur  et  par  sa  blancheur,  l'aube 
rappelle  au  prêtre  la  persévérance  dans  les  bonnes 
œuvres,  la  gravité  qui  doit  accompagner  ses  fonctions, 
et  surtout  la  grande  pureté  qu'il  doit  apporter  à  la  cé- 
lébration des  divins  mystères  :  la  prière  qu'il  récite  en 
la  prenant  ne  lui  laisse  aucun  lieu  de  douter  de  l'in- 
tention de  l'Eglise  à  ce  sujet.  Seigneur,  dit-il,  lavez- 
moi,  purifiez  mon  cœur,  afin  que,  blanchi  dans  le  sang 
de  l'Agneau,  je  jouisse  éternellement  de  la  joie  promise 
à  ceux  qui  auront  dignement  rempli  leurs  fonctions. 

Parés  de  leurs  aubes,  les  ministres  des  autels  res- 
semblent à  celte  troupe  de  serviteurs  fidèles  que  saint 
Jean  nous  montre  dans  son  Apocalypse,  vêtus  de  robes 
blanches,  continuellement  debout  devant  l'autel  de 
l'Agneau,  occupés  à  le  servir  dans  son  temple,  qui  est 
le  ciel.  Ici  nous  avons  le  même  autel,  la  même  victime, 
le  même  sacrifice  :  pourquoi  les  sacrificateurs  de  l'A- 
gneau n'auraient-ils  pas  des  robes  blanchies  dans  son 
sang?  Ce  n'est  donc  pas  seulement  la  plus  belle  anti- 
quité, c'est  encore  la  divine  image  de  la  Jérusalem  cé- 
leste, que  l'aube  met  sous  nos  yeux. 

Qu'à  la  vue  de  cet  habit  du  prêtre,  les  fidèles  se  sou- 
viennent de  la  sainteté  du  sacrifice  auquel  ils  assistent, 
et  des  dispositions  d'innocence  ou  du  moins  de  com- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  245 

ponction  et  de  pénitence  qu'ils  doivent  y  apporter. 
Jésus-Christ,  dans  le  cours  de  sa  passion,  fut  aussi  re- 
vêtu, par  ordre  d'Hérode,  d'une  robe  blanche  figurée 
par  l'aube,  qui  devient  ainsi  le  ménaorial  de  celte  cir- 
constance des  ignominies  du  Sauveur. 

3°  Le  cingulon  *.  Après  avoir  pris  l'aube,  le  prêtre 
se  ceint  comme  un  guerrier  prêt  au  combat.  Le  cin- 
gulon et  l'aube  sont  de  la  même  antiquité.  Les  peuples 
anciens,  qui  se  servaient  d'habits  longs  et  larges,  ont 
toujours  pris  une  ceinture  pour  marcher  et  pour  agir 
plus  commodément.  Aujourd'hui,  le  cingulon  sert  au 
même  usage.  Il  est  destiné  à  retenir  l'aube,  qui  devien- 
drait incommode  sans  cela.  De  plus,  il  avertit  le  prêtre 
que  sa  vertu  doit  être  forte  et  énergique,  son  courage 
sans  faiblesse,  et  que  pour  monter  à  l'autel  de  l'Agneau 
sans  tache,  pour  boire  son  sang,  il  doit  retrancher  jus- 
qu'au moindre  sentiment  de  la  vie  sensuelle  et  mon- 
daine. L'Eglise  veut  qu'en  se  ceignant  ainsi,  il  demande 
à  Dieu  de  mettre  autour  de  ses  reins  une  ceinture  d'in- 
nocence et  de  pureté,  afin  de  conserver  la  plus  aimable 
des  vertus. 

Le  cingulon,  qui  est  une  espèce  de  corde,  peut  servir 
à  nous  rappeler  les  liens  dont  le  Sauveur  fut  lié  au  jar- 
din des  Oliviers,  devant  ses  juges,  à  la  colonne,  et  en 
montant  au  Calvaire.  En  venant  à  la  messe,  les  fidèles 
doivent  aussi  se  ceindre  des  liens  du  Sauveur,  c'est-à- 
dire  retrancher  toute  mollesse,  toute  superfluité  dan- 
gereuse ,  déposer  toute  vanité,  se  resserrer  dans  les 

'  Cinguluni. 


246  CATÉCHISME 

bornes  de  la  morlificalion  chrétienne,  afin  de  n'être 
point  embarrassés  pour  marcher  à  la  suite  du  Sauveur 
et  combattre  avec  lui  '. 

4°  Le  manipule  *  que  le  prêtre  porte  au  bras  gauche 
était  autrefois  une  espèce  de  mouchoir  destiné  à  essuyer 
le  visage  pendant  les  saints  offices.  Sous  ce  rapport,  le 
manipule  est  de  la  plus  haute  antiquité.  Vers  le  dixième 
siècle,  on  orna  ce  mouchoir,  on  le  garnit  de  franges  et 
de  dorures,  en  sorte  qu'il  devint  un  ornement  dont  la 
signification  mystérieuse  est  tout  à  la  fois  l'histoire  de 
nos  misères  et  la  consolation  de  nos  peines  ^. 

11  servait  d'abord  à  essuyer  les  larmes  et  la  sueur. 
Cet  antique  usage  du  manipule  nous  rappelle  qu'ici  nous 
sommes  condamnés  au  travail  ;  que  le  ciel  souffre  vio- 
lence; qu'il  faut  gagner  à  la  sueur  de  notre  ft-ont  le 
pain  de  la  vie  éternelle;  que  nous  avons  mille  sujets  de 
pleurer  pendant  la  nuit  de  notre  exil,  mais  que  viendra 
bientôt  le  jour  de  l'éternité  où  le  Seigneur  essuiera  nos 
pleurs;  jour  heureux  où,  marchant  avec  allégresse, 
nous  nous  présenterons  au  Père  de  famille,  comme  des 
moissonneurs  laborieux,  portant  en  nos  mains  les  ger- 
bes recueillies  dans  les  travaux  et  dans  les  larmes. 

Tel  est  le  sens  de  la  prière  que  le  prêtre  adresse  à 
Dieu,  en  pendant  le  manipule  à  son  bras  :  Seigneur, 
que  je  mérite  de  porter  le  manipule  des  larmes  et  de,  la 

'  Rabin.  Maur.,  lib.  1,  fie  Instit.  cleric,  c.  13.  S.Bernard.,  itA. 
Sentent.  Beda,  lib.  Collectanea-  Bona,  Rer.  Liturg.,  lib.  1,  c.  27. 

*  Manipulum 

*  Boua,  ibid. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  247 

douleur,  afin  que  je  reçoive  dans  l'allégresse  la  récom- 
pense promise  au  travail.  Le  Sauveur  l'a  adouci,  ce  tra- 
vail, en  joignant  au  sien  les  verges  et  les  fouets  dont  le 
manipule  est  la  figure,  et  qu'il  nous  remet  sous  les  yeux 
pendant  le  saint  sacrifice. 

L'évêque  ne  prend  le  manipule  que  lorsqu'il  est  à 
l'autel,  après  avoir  récité  le  Confiteor.  D'où  vient  cet 
usage?  Le  voici.  Autrefois  la  chasuble,  de  forme  ronde, 
enveloppait  tout  le  corps,  et  le  manipule,  qui  servait  de 
mouchoir,  ne  se  mettait  qu'en  dernier  lieu  au  bras  qui 
restait  libre.  Cet  usage,  alors  commun  à  tous  les  prê- 
tres, n'a  plus  lieu  que  pour  les  évêques.  Le  sous-diacre 
lui  met  le  manipule  après  la  confession,  parce  que,  dans 
l'antiquité,  on  avait  coutume  de  soulever  la  chasuble  en 
ce  moment-là,  pour  qu'elle  n'embarrassât  pas  le  prêtre 
montant  à  TauteP. 

5°  L'étole  %  qui  entoure  le  cou  du  prêtre  et  descend 
sur  ses  genoux,  est  un  ornement  de  dignité  et  d'autorité. 
On  en  fait  usage  dans  l'administration  de  plusieurs  sa- 
crements, et  toutes  les  fois  qu'on  remplit  une  fonction 
qui  a  pour  objet  immédiat  le  corps  adorable  de  Notre- 
Seigneur,  ou  que  l'on  exerce  certains  autres  ministères 
pour  lesquels  elle  est  prescrite.  Hélas  !  la  prévarication 
de  notre  premier  père  nous  a  tous  dépouillés  de  notre 
grandeur  et  de  notre  vêtement  d'immortalité,  dont 
celui-ci  est  l'image. 

En  voyant  l'étole,  prêtres  et  fidèles,  aous  devons, 

*  Bona,  ibid. 

•  Stola. 


248  CATÉCUiSME 

rois  déchus,  gémir  de  nos  perles,  rendre  grâces  à 
Jésus-Christ,  qui  U:'S  a  r(''parées,  élever  nos  esprils  et 
nos  cœurs  vers  l'immortel  séjour  où,  participant  tous 
aux  fonctions  sacerdotales  devant  l'autel  éternel  de  l'au- 
guste victime,  nous  serons  revêtus  de  l'étole  de  la  gloire 
et  des  brillants  ornements  d'une  royauté  toute  divine. 
Mais  pour  y  parvenir,  il  faut  auparavant  porter  l'igno- 
minie de  Jésus-Christ,  nous  charger  des  liens  par  les- 
quels il  a  brisé  les  nôtres,  et  voilà  tout  ce  que  dit  à 
notre  foi  l'étole  de  nos  cérémonies.  Aussi,  en  la  pre- 
nant, le  prêtre  a-t-il  soin  de  dire  à  Dieu  :  Rendez-moi, 
Seigneur,  le  vêtement  de  l'immortalité  que  j'ai  perdu 
par  la  prévarication  de  mon  premier  père,  et  quoique 
je  m'approche,  sans  en  être  digne,  de  vos  mystères  sa- 
crés, faites  que  j'arrive  cependant  à  la  félicité  éter- 
nelle. 

L'étole,  appelée  dans  le  principe  orarium,  parce 
qu'elle  servait  à  essuyer  le  visage,  était  un  linge  très- 
propre  et  très-fln,  que  des  personnes  de  distinction  por- 
taient autour  du  cou.  Elle  remonte  aux  premiers  siècles 
de  l'Eglise.  Le  concile  de  Laodicée,  réservant  ce  vête- 
ment d'honneur  aux  évoques,  aux  prêtres  et  aux  dia- 
cres, défendit  aux  autres  ministres  de  le  porter  '. 

'  Conc  Laod.,  can.  28.  L'usage  de  l'étole,  dans  le  sens  que  nous 
venons  de  dire,  était  déjà  connu  des  Romains.  Nos  pères  n'inven- 
tèrent pas  une  nouvelle  mode.  L'étole  était  l'ornement  des  dames 
romaines  :  sa  longueur  les  distinguait  des  personnes  mal  famées 
ou  d'une  condition  inférieure.  Pour  gagner  les  bonnes  grâces  du 
peuple,  Aurélien  fut  le  premier  qui  lui  donna  Vorarium,  afin  que 
sur  le  passage  de  l'empereur  le  peuple  put  agiter  en  l'air  cet  ora- 
rium et  témoigner  de  sa  joie.  Vopisc ,  m  Aurclian. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  249 

6"  La  chasuble  '  est  le  dernier  ornement  du  prêtre 
qui  va  célébrer.  C'était  autrefois  un  manteau  rond  et 
fort  large,  sans  ouverture  sur  les  côtés  :  il  était  com- 
mun aux  laïques  et  aux  ecclésiastiques  ;  mais  ceux-là 
le  quittèrent,  et  l'Eglise,  qui  sait  sanctifier  les  choses 
les  plus  communes,  le  conserva  et  le  donna  exclusive- 
ment aux  prêtres  pour  offrir  le  saint  sacrifice.  Il  y  a  de 
cela  onze  cents  ans.  Les  Grecs  ont  conservé  la  chasuble 
sans  aucun  changement.  Les  Latins  en  ont  retranché  peu 
à  peu,  depuis  environ  trois  siècles,  tout  ce  qui  empê- 
chait d'avoir  les  bras  libres.  Lorsqu'elle  avait  sa  forme 
primitive,  on  était  obligé  de  la  soulever  pendant  que  le 
prêtre  encensait  ou  qu'il  élevait  le  calice  et  la  sainte 
hostie.  Cet  usage  de  soulever  la  chasuble  dans  ces  cir- 
constances s'est  conservé,  quoiqu'on  lui  ait  donné  une 
forme  plus  commode  en  la  faisant  moins  large  et  en  la 
coupant  sur  les  côtés,  tant  l'Eglise  aime  ce  qui  rappelle 
son  antiquité.  C'est  un  service  qu'elle  rend  aux  sciences  ; 
combien  d'usages  perdus,  si  l'Eglise  ne  les  eût  immor- 
talisés en  les  adoptant! 

De  là  encore  est  venu  l'usage  dont  peu  de  personnes 

•  Casula  vel  planeta.  Casa  signifie  maison,  et  casula,  une  pe- 
tite maison.  La  chasuble  était  autrefois  ronde  et  si  ample,  qu'elle 
enveloppait  tout  le  corps  :  c'était  comme  une  petite  maison  dans 
laquelle  un  homme  habitait.  De  là  son  nom.  S.  Isid.,  Origin.y 
lib.  19,  c.  24. 

Planeta  ou  planète.  La  chasuble,  qui  n'avait  qu'une  ouverture 
pour  y  passer  la  tête,  et  qui  n'avait  rien  pour  la  fixer,  pouvait 
tourner  facilement  autour  du  cou  :  c'était  donc  un  vêtement  er- 
rant, et  de  là  assez  bien  nommé  planète.  Gemma  animœ,  lib.  1, 
c.  207. 


250  CATÉCHISME 

comprennent  Torigine  ;  savoir  que,  pendant  le  carême  et 
dans  les  aulres  jours  de  jeûne,  le  diacre  et  le  sous-diacre 
servent  à  l'aulel  sans  dalmatique.  En  effet,  comme  dans 
la  primitive  Eglise  leurs  fonctions  étaient  plus  multi- 
pliées les  jours  de  jeûne  et  de  carême,  ils  ôtaient  leur 
chasuble  ou  la  relevaient  fort  haut  afin  d'être  plus  li- 
bres. Diaconi  levant  planetas  in  scapulas,  dit  l'Ordre 
romain.  Aujourd'hui,  ils  ôlent  donc  leur  dalmatique  par 
un  reste  de  l'antique  usage. 

L'évêque,  en  donnant  la  chasuble  au  prêtre  dans  l'or- 
dination, l'avertit  qu'elle  est  le  signe  de  la  charité  qui 
doit  nous  revêtir  tout  entiers  ;  de  cette  charité  qui  doit  se 
répandre  sur  toutes  nos  œuvres  et  faire  la  gloire  de  nos 
autres  vertus,  de  même  que  ce  vêtement  couvre  tous 
les  autres  ;  de  cette  charité  qui  doit  nous  faire  compatir 
aux  misères  d'autrui,  et  nous  apprendre  à  les  couvrir 
d'un  manteau  de  miséricorde  qui  les  cache  aux  yeux 
des  hommes,  et  d'un  manteau  de  pardon  qui  les  efface 
aux  yeux  de  Dieu.  La  chasuble  est  encore  la  figure  du 
joug  de  Jésus-Christ,  que  les  prêtres  et  les  fidèles  doi- 
vent porter  tous  les  jours  ;  de  ce  joug  doux  et  aimable 
qui  fait  notre  gloire  et  notre  bonheur.  Une  grande  croix 
est  marquée  sur  la  chasuble  ;  d'autres,  plus  petites,  sur 
les  différentes  choses  servant  au  sacrifice.  C'est  afin  que 
nous  ayons  sans  cesse  sous  les  yeux  l'obligation  de  porter 
la  croix  à  la  suite  du  Sauveur,  et  de  nous  faire  souvenir 
que  nous  ne  pouvons  rien  que  par  la  croix;  qu'elle  est 
toute  notre  espérance;  que  l'autel  est  un  vrai  Calvaire 
où  se  renouvelle  et  se  perpétue  le  sacrifice  de  la  croix, 


DE    PERSÉVÉRANCE.  251 

et  où  nous  devons  nous-mêmes  nous  immoler  sur  la 
croix  de  Jésus-Christ. 

Des  ornements  du  prêtre,  passons  à  ceux  du  diacre 
et  du  sous-diacre  qui  l'assistent  à  l'autel.  Outre  l'amict, 
l'aube,  la  ceinture  et  le  manipule,  les  diacres  portent 
encore  la  dalmatique  et  une  étole  qui  leur  est  propre  ; 
l'habit  particulier  au  sous-diacre,  c'est  la  tunique. 

L'étole  du  diacre  se  place  sur  l'épaule  gauche.  Cet 
usage  est  emprunté  des  Romains.  Dans  les  fêles  solen- 
nelles du  peuple-roi,  les  principaux  ministres  des  ta- 
bles mettaient  une  serviette  d'honneur  sur  leur  épaule 
gauche.  L'Eglise  donna  cette  marque  de  distinction  à 
ceux  qui  servaient  au  banquet  divin  et  aux  tables  où  se 
réunissaient  les  fidèles  pour  célébrer  leurs  innocentes 
agapes.  Mais  ce  linge  blanc,  attaché  sur  l'épaule  gau- 
che des  diacres,  voltigeait  lorsqu'ils  allaient  et  venaient 
dans  l'église  pour  remplir  leur  ministère.  Comme  il 
pouvait  les  embarrasser,  surtout  lorsqu'il  eut  pris  une 
forme  très-allongée,  on  en  fit  passer  les  deux  bouts  au 
côté  droit  et  on  les  y  arrêta.  C'est  encore  ce  qui  s'ob- 
serve aujourd'hui. 

Quel  que  soit  notre  état,  nous  sommes  tous  les  dia- 
cres, c'est-à-dire  les  serviteurs  de  Jésus-Chrisl.  Ayons 
soin  de  retrancher  tout  ce  qui  pourrait  embarrasser  nos 
pieds  dans  la  voie  des  commandements,  ou  retenir  nos 
mains  dans  la  pratique  des  bonnes  œuvres.  Tels  sont 
les  enseignements  que  nous  donne  le  diacre  paré  de 
son  étole. 


252  CATÉCHISME 

La  dalmalique  '  est  ainsi  appelée  parce  que  c'était 
l'habit  distinclif  (les  habitants  de  la  Dalmalie,  province 
de  la  Grèce.  Au  second  siècle,  le  pape  saint  Sylvestre 
ordonna  que  les  diacres  s'en  serviraient  à  l'église.  Au- 
paravant, ils  portaient  la  tunique  ^  La  dalmatique,  dans 
sa  première  forme,  avait  des  manches  courtes  et  larges, 
très-commodes  pour  ceux  qui  étaient  obligés  d'agir 
beaucoup;  elle  devint  commune  aux  évêques  et  aux 
diacres.  La  dalmatique  était  de  soie  blanche,  ornée  d'or 
et  de  deux  bandes  de  pourpre.  C'est  pourquoi  elle  est 
devenue  un  habit  de  solennité  qui  doit  inspirer  une 
sainte  joie,  et  au  diacre  qui  la  porte,  et  aux  fidèles  qui 
la  voient.  Tel  est  le  sens  de  la  prière  que  l'évêque 
adresse  au  diacre  lorsqu'il  l'en  revêt  dans  l'ordination, 
et  que  le  diacre  lui-même  récite  en  la  prenant  pour 
servir  à  l'autel  ^. 

L'ornement  particulier  du  sous-diacre,  c'est  la  tuni- 
que*. Dans  les  premiers  siècles  de  l'Eglise,  les  sous-dia- 
cres servaient  à  l'autel  revêtus  seulement  d'une  aube; 
plus  tard  on  leur  a  donné  la  tunique,  qui  est  aussi  un  vê- 
tement d'honneur  et  de  joie\  La  tunique  était  chez  les 
Romains  l'habit  ordinaire  des  simples  serviteurs  ;  main- 
tenant c'est  comme  la  dalmatique  un  ornement  ordi- 
nairement riche,  fait  de  la  même  étoffe  que  la  chasuble 

'  Dalmatica. 

*  Colobia. 

5  Isid.,  Orig. ,nb.  19,  c.  22.  Bona,  lib.  1,  c.  24. 

*  Tunica. 

"  Honor.,  in  Gemma  animce,  lib.  1,  c.  229. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  253 

des  prôlres,  et  il  a  des  manches  larges  et  courtes  qui 
ne  gênent  nullement  ceux  qui  s'en  servent. 

Les  ministres  inférieurs  portent  le  surplis  \  Ce  vête- 
ment était  autrefois  plus  long  ;  mais  sa  couleur  est  de- 
meurée la  même.  Du  temps  de  saint  Jérôme,  il  était 
déjà  ordonné  aux  ecclésiastiques  de  n'assister  aux  saints 
offices  qu'en  vêtements  blancs  :  touchante  prescription 
par  laquelle  l'Eglise  a  voulu  rappeler  à  ses  enfants,  et  l'in- 
nocence qu'exigent  les  augustes  mystères,  et  les  noces 
de  l'Agneau,  où  les  saints  assistent  avec  des  vêtements 
dont  l'éclatante  blancheur  est  l'image  de  la  pureté^. 

La  chape  ^  est  un  autre  vêtement  sacré  commun  aux 
dififérents  ordres  de  ministres. 

C'était  autrefois  un  large  manteau ,  semblable  à 
ceux  dont  on  se  sert  aujourd'hui,  excepté  qu'à  la  place 
du  collet  il  y  avait  un  chaperon  qu'on  relirait  sur  la  tête 
pendant  la  pluie  :  de  là  le  nom  de  pluviale  donné  à 
la  chape.  Elle  était  en  usage  dans  les  cérémonies  de 
l'Eglise  avant  le  huitième  siècle*.  Sa  richesse,  ses  cou- 
leurs éclatantes,  figurent  ce  vêtement  de  gloire  et  d'im- 
mortalité dont  nous  serons  revêtus  après  la  résurrec- 
tion^. 

Comme  on  le  voit,  les  habits  sacerdotaux  sont  un  livre 
mystérieux  où  le  fidèle  pieux  peut  lire  de  grandes 
leçons  de  vertu,  de  pureté  et  de  charité,  et  le  savant 

'  Superpellicum. 

'^  Bona,  lib.  I,  c.  24. 

'"  Pluviale. 

*  Ordre  romain. 

'  Durandus,  lib.  3,  c.  1. 


254  CATÉCUISME 

lui-même  les  mœurs  et  les  usages  de  l'antiquité  la  plus 
vénérable.  De  chacun  de  ces  ornements,  comme  de  cha- 
cune des  bénédictions  et  des  cérémonies  du  culte 
catholique,  sort,  pour  ainsi  dire,  une  voix  qui  dit  aux 
hommes  chrétiens  ou  non  :  Du  fond  de  toutes  ces 
choses,  quinze,  dix-huit,  trente  et  quelquefois  soixante 
siècles  vous  contemplent;  toutes  les  générations  hu- 
maines revivent  à  vos  yeux,  représentées  par  quelqu'un 
de  leurs  rites,  par  quelque  événement  mémorable  de  leur 
histoire.  Est-il  possible  d'avoir  delà  science  et  de  la  foi 
sans  être  saisi,  en  les  voyant,  d'un  respect  profond,  d'une 
vénération  vraiment  rehgieuse?  Celui  pour  qui  tout  cela 
n'est  qu'un  spectacle  muet,  laisse  à  douter  s'il  conserve 
quelque  chose  de  l'être  intelligent'. 

Quant  à  la  richesse  des  ornements  sacrés,  sans  doute 
des  habits  brochés  en  or  et  relevés  par  des  broderies 
n'ajoutent  pas  à  la  valeur  du  sacrifice  :  le  Seigneur  pré- 
fère des  mœurs  pures  aux  ornements  les  plus  magnifi- 
ques; mais  n"est-il  pas  du  devoir  de  l'homme  de  rendre 
à  Dieu  le  plus  d  honneurs  qu'il  lui  est  possible,  et  de 
faire  servir  à  la  majesté  de  son  culte  ce  qu'il  y  a  de  plus 
beau  et  de  plus  riche  sur  la  terre?  Les  ministres  des 
rois  ne  paraissent  jamais  en  leur  présence  sans  être  re- 
vêtus d"  habits  précieux;  ils  feraient  injure  à  leur  maître, 
et  croiraient  manquer  à  sa  majesté  s'ils  venaient  auprès 
de  lui  sans  les  ornements,  symboles  des  pouvoirs  qui 
leur  sont  délégués.  L'Eglise  veut  que  les  prêtres  de  Jé- 

■  Quas  aures  babeat,  aut  quid  ia  hoc  homini  simile  sit,  aescio. 
Cic. 


DE    PERSÉVÉRANCE,  255 

sus-Christ  agissent  de  la  même  manière  ;  et  pour  don- 
ner plus  de  gloire  à  son  époux  et  inspirer  à  ses  enfants 
plus  de  piété  et  plus  de  respect,  elle  demande  que  les 
ornements  de  ses  clercs  soient  non-seulement  décents 
et  propres,  mais  toujours  en  rapport  par  leur  richesse  à 
la  condition  et  à  la  fortune  des  fidèles'. 

PRIÈRE. 

0  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  mulliplié  les  vêtements  sacrés  de  vos  ministres; 
faites  que  je  m'instruise  désormais  en  les  voyant,  et 
que  je  m'excite  à  pratiquer  les  vertus  qu'ils  représen- 
tent. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amom,  y  étudier  ai 
avec  soin  les  cérémonies  de  l'Eglise. 


PETIT  CATÉCHISME. 

LE    CHRISTIANISME    RENDU    SENSIRLE. 
Vêtements  du  prêtre. 

Q.  Quels  sont  les  ornements  du  prêtre  qui  va  célé- 
brer la  messe? 

R.  Les  ornements  du  prêtre  qui  va  célébrer  la  messe 
sont  l'amict,  l'aube,  le  cingulon,  le  manipule,  l'élole  et 

'  M.  Thirat,  Esprit  des  cérém.,  p.  272. 


256  CATÉCHISME 

la  chasuble.  Avant  de  s'en  revêtir,  le  prêtre  se  lave  les 
mains  :  cet  usage  de  se  laver  avant  la  prière  remonte 
aux  premiers  siècles  de  l'Eglise. 

Q.  Qu'est-ce  que  l'amicl? 

R.  L'amict  est  un  voile  blanc  que  le  prêtre  passe  sur 
sa  tôle  et  dont  il  se  couvre  les  épaules.  L'usage  en  fui 
établi,  il  y  a  plus  de  mille  ans,  pour  couvrir  le  cou  et 
conserver  la  voix  du  prêtre  obligé  de  chanter  les  louan- 
ges de  Dieu;  il  rappelle  la  modestie  des  paroles  et  le 
soin  que  nous  devons  avoir  de  retrancher  toute  conver- 
sation inutile  lorsque  nous  sommes  à  l'église. 

Q.  Qu'est-ce  que  l'aube  ? 

R,  L'aube  est  une  tunique  blanche,  large,  et  qui  des- 
cend jusqu'aux  pieds.  Elle  remonte  aux  premiers  siè- 
cles de  l'Eglise  ;  elle  est  le  symbole  de  l'innocence  et 
de  la  pureté  sans  tache  que  le  prêtre  doit  apporter  à 
l'autel  et  les  fidèles  au  saint  sacrifice. 

Q.  Qu'est-ce  que  le  cingulon? 

R.  Le  cingulon  est  une  ceinture  destinée  à  retenir 
l'aube  afin  qu'elle  n'embarrasse  pas  le  prêtre  dans  sa 
marche  :  il  rappelle  les  liens  dont  le  Sauveur  fut  chargé 
dans  sa  passion,  ainsi  que  le  détachement  de  la  vie  sen- 
suelle. 

Q.  Qu'est-ce  que  le  manipule? 

R.  Le  manipule  est  un  ornement  que  le  prêtre  porte 
au  bras  gauche  ;  c'était  dans  le  principe  un  mouchoir 
destiné  à  essuyer  la  sueur  et  les  larmes;  il  rappelle  au 
prêtre  le  travail  des  bonnes  œuvres  et  la  récompense  qui 
l'attend. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  257 

Q.  Qu'est-ce  que  l'élole? 

R.  L'élole  est  un  ornement  que  le  prêtre  passe  au- 
tour de  son  cou  et  qu'il  croise  .sur  sa  poitrine  ;  c'est  le 
symbole  de  sa  dignité  et  de  sa  puissance.  L'élole  élait 
autrefois  un  linge  très-fin  et  Irès-blancque  les  person- 
nes de  distinction  portaient  autour  du  cou.  L'Eglise  l'a 
consacré  à  ses  usages  dès  les  premiers  siècles. 

Q.  Qu'est-ce  que  la  chasuble  ? 

R.  La  chasuble  élait  autrefois  un  grand  manteau 
rond  et  large  dont  ]^s  laïques  se  servaient  aussi  bien  que 
les  ecclésiastiques.  Les  premiers  ayant  cessé  d'en  faire 
usage,  l'Eglise  le  retint  et  le  donna  aux  prêtres.  La  cha- 
suble n'avait  point  d'ouverture  pour  passer  les  bras, 
en  sorte  que  le  prêtre  était  obligé  de  la  relever  lorsqu'il 
voulait  se  servir  de  ses  mains.  Le  diacre  et  le  sous- 
diacre  la  soulevaient  eux-mêmes  au  moment  de  la  con- 
sécration :  cela  se  fait  encore  aujourd'hui. 

Q.  Quels  sont  les  ornements  du  diacre  et  du  sous- 
diacre? 

R.  Les  ornements  du  diacre  sont:  l'étole,  placée  sur 
l'épaule  gauche  et  attachée  sous  le  bras  droit  :  elle  est 
ainsi  placée  pour  ne  pas  gêner  ses  mouvements;  la  dal- 
malique;  c'est  un  ornement  de  forme  carrée,  long  et 
large,  avec  des  espèces  de  manches  courtes  :  il  a  été 
donné  au  diacre  parce  qu'il  est  plus  commode  pour  ceux 
qui  sont  obligés  d'agir  beaucoup,  comme  faisaient  les 
diacres  dans  la  primitive  Eglise.  La  tunique  est  l'orne- 
ment particulier  du  sous-diacre  ;  c'était  le  vêtement  or- 
dinaire des  simples  serviteurs  chez  les  Romains. 

T.  TU.  17 


258  CATÉCeiSMF. 

Q.  Pourquoi  l'Eglise  a-t-elle  donné  des  vêtements 
particuliers  h  ses  minisires? 

R.  L'Eylise  a  donné  des  vêtements  particuliers  à  ses 
ministres  :  1"  afin  d'inspirer  plus  de  respect  pour  la  Re- 
ligion et  surtout  pour  le  saint  sacrifice  ;  2°  afin  de  nous 
rappeler  les  dispositions  avec  lesquelles  nous  devons  y 
assister.  Ces  ornements  sont  quelquefois  très-riches, 
parce  que  tout  ce  que  nous  avons  venant  de  Dieu,  il  est 
juste  de  lui  en  faire  hommage. 

PRIÈRE.  , 

0  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  multiplié  les  vêtements  sacrés  de  vos  ministres; 
faites  que  je  m'instruise  désormais  en  les  voyant,  et  que 
je  m'excite  à  pratiquer  les  vertus  qu'ils  représentent. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu  ;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  j'étudierai 
avec  soin  les  cérémonies  de  l'Eglise. 


DB    PERSÉVÉRANCl.  259 

Xllie    LEÇON. 

LE    CHRISTIANISME    RENDU    SENSIBLE. 

Vêtements  des  évêques.  —  Les  pantoufles  et  les  b.is.  —  La  croix 
pectorale.  —  La  petite  tunique  et  la  dalmatique.  —  Les  «ants.  — 
l'anneau.  —  La  mitre.  —  La  crosse.  —  Le  paliium.  —  Le  i^rémial. 
— Couleurs  des  ornements.  —  parements  de  l'autel. 

Les  ornements  dont  nous  avons  parlé  dans  la  leçon 
précédente  sont  communs  à  (ous  les  prêtres  ;  il  en  est 
d'autres  réservés  auxévéques;  ils  s'en  revêtent  lorsqu'ils 
doivent  officier  solennellement  :  ce  sont  les  pantoufles, 
les  bas,  la  croix  pectorale,  la  petite  tunique,  la  dal- 
matique, les  gants,  l'anneau,  la  mitre  et  la  crosse,  et 
le  paliium,  si  c'est  un  archevêque,  enfin  le  grémial.Ges 
ornements  comme  les  autres  sont  pleins  des  souvenirs 
de  la  plus  haute  antiquité,  et  (Jonnent  au  fidèle  éclairé 
les  plus  touchantes  leçons  de  sainteté  et  de  sagesse 
chrétiennes. 

1*^  Les  pantoufles  et  les  bas*.  La  chaussure  des  an- 
ciens, surtout  des  Romains,  consistait  en  une  semelle 
retenue  par  des  courroies  croisées  sur  le  pied  et  passées 
autour  de  la  jambe.  Sous  les  empereurs,  cette  chaus- 
sure fut  remplacée,  pour  les  personnes  de  distinction, 
notamment  pour  les  princes  et  les  sénateurs,  par  une 

*  CaligsB,  sandalia. 


260  CATÉCHISME 

autre  plus  riche  appelée  compagia,  relevée  d'or  et  de 
pourpre,  et  qui  couvrait  mieux  le  pied*. 

Pénétrée  de  respect  pour  les  choses  saintes,  l'Eglise 
s'empressa  de  donner  à  ses  pontifes  la  chaussure  sénato- 
riale, la  plus  distinguée  qui  fut  alors  connue,  afin  que 
les  augustes  mystères  fussent  offerts  avec  une  magnifi- 
cence extérieure  capable  d'imprimer  le  respect  et  d'ex- 
citer dans  les  cœurs  des  sentiments  de  piété.  Ailleurs 
que  dans  leurs  fonctions,  les  évoques  portaient  la  chaus- 
sure ordinaire.  Voilà  pourquoi,  encore  aujourd'hui,  l'é- 
véque,  arrivé  à  l'église  et  monté  sur  son  trône,  quitte 
ses  souliers  et  revêt  la  chaussure  antique,  et  la  dépose 
après  le  saint  sacrifice.  La  prière  que  l'évêque  récite 
en  prenant  ce  noble  vêlement  rappelle  qu'il  est  le  suc- 
cesseur des  Apôtres,  envoyé  comme  eux  pour  annoncer 
l'Evangile  :  Mettez,  Seigneur,  une  cliaussure  à  mes 
pieds,  afin  que  j'aille  annoncer  V Evangile  de  la  paix  ; 
et  protégez-moi  à  l'ombre  de  vos  ailes. 

Par  respect  pour  les  saints  mystères,  l'Eglise  défendit 
à  tous  ses  ministres,  prêtres,  diacres  et  sous-diacres,  de 
s'approcher  de  l'autel  sans  avoir  les  pieds  couverts.  Cette 
défense  subsista  tant  que  subsista  la  chaussure  romaine, 
qui  laissait  le  pied  presque  nu.  C'est  pourquoi  tous  por- 
taient des  espèces  de  compagia,  mais  différentes  de 
celles  des  évêques  *. 


'  Compagia.  f^oy.  Tubéllius  PoUio,  Julius  Capitol.,  et  Hist.  de 
rAcad.  des  inscript. ,  t.  11. 

*  Omnis  presbyter  missam  celebret  ordine  Romano  cuin  sanda- 
liis.  Capitul.  Carol.  Magn.^  lib.  5,  c.  219. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  261 

2"  La  croix  pectorale.  Dans  les  premiers  siècles  de 
l'Eglise,  tous  les  fidèles,  hommes  et  femmes,  portaient 
une  pelile  croix  suspendue  au  cou;  usage  vénérable 
dont  on  ne  saurait  trop  déplorer  la  cessation.  Pour  le 
perpétuer  autant  qu'il  est  son  pouvoir,  l'Eglise  a  voulu 
que  ses  pontifes  portassent  une  croix  sur  leur  poitrine, 
surtout  lorsqu'ils  célèbrent  les  saints  mystères.  Cette 
croix,  placée  sous  les  yeux  de  révéque,lui  rappelle  et  le 
Dieu  qui  mourut  pour  lui,  et  les  Martyrs  qui  signèrent  de 
leur  sang  la  foi  qu'il  professe  ;  car  cette  croix  pectorale 
était  remplie  de  reliques  de  Martyrs,  comme  l'indique 
la  prière  que  l'évêque  récite  en  la  prenant. 

3°  La  petite  tunique  et  la  dalmatique  ',  qui  sont  l'or- 
nement du  diacre  et  du  sous-diacre,  nous  rappellent  que 
l'évêque  est  revêtu  delà  plénitude  du  sacerdoce, comme 
elles  lui  disent  à  lui-même  qu'il  doit  avoir  à  un  degré 
supérieur  toutes  les  vertus. 

4<*  Les  gants  '^.  Avant  le  huitième  siècle  les  gants 
faisaient  déjà  partie  du  vêtement  épiscopal^  ;  ils  rap- 
pellent un  fait  historique  de  la  plus  haute  antiquité,  et 
donnent  à  l'évêque  une  grande  leçoifde  vertu.  Jacob,vou- 
lant  obtenir  la  bénédiction  de  son  père  Isaac,  se  présenta 
devant  lui  les  mains  couvertes  d'une  peau  de  chevreau; 
cette  ruse,  qui  induisit  le  saint  vieillard  dans  une  mys- 
térieuse erreur,  valut  à  Jacob  les  bénédictions  les  plus 
abondantes.  Comme  Jacob,  le  pontife  vient  demander  à 

'  Tunicella,  dalmatica. 
*  Chirothecae. 
''  Ordre  ruiuain. 


262  CATÉCHISME 

Dieu  le  Père  les  biens  véritables  :  pour  cela  il  cherche 
à  se  confondre  avec  son  frère  aîné  noire  Seigneur  Jésus- 
Christ,  comme  Jacob  se  cacha  sous  le  vêtement  d'Esaii 
pour  obtenir  la  bénédiction  paternelle.  Tel  est  le  sens 
de  la  prière  que  fait  l'évêque  lorsqu'il  prend  ses  gants: 
Seigneur,  dit-il,  environnez  mes  mains  de  la  pureté 
du  nouvel  homme  qui  est  descendu  du  ciel,  afin  qu'à 
l'exemple  de  Jacob  votre  bien-aimé,  qui,  s'étant  couvert 
les  mains  delà  peau  des  chevreaux, obtint  la  bénédiction 
de  son  père,  après  lui  avoir  offert  une  viande  et  une 
boisson  excellentes,  j'obtienne,  en  considération  de  la 
victime  salutaire  offerte  par  mes  mains,  la  bénédiction 
de  votre  grâce.  Ce  n'est  pas  que  Dieu  puisse  être 
trompé;  mais  il  veut,  lorsque  nous  nous  présentons  pour 
obtenir  ses  faveurs,  que  nous  soyons  d'autres  Jacob, 
c'est-à-dire  d'autres  Jésus-Christ. 

5°  L'anneau*  est  le  signe  de  l'alliance  spirituelle  qui 
existe  entre  l'évêque  et  son  église,  c'est  comme  le  ca- 
chet de  leur  contrat  ;  car  chez  les  anciens,  comme  chez 
les  modernes,  on  appose  un  cachet  aux  contrats,  afin  de 
les  confirmer  et  de  les  rendre  authentiques.  De  là,  l'u- 
sage encore  existant  de  donner  un  anneau  à  l'épouse 
dans  la  célébration  du  mariage. 

L'anneau  épiscopal  est  donc  le  signe  et  le  cachet  de 
l'alliance  de  l'évêque  avec  son  église  ;  c'est  aussi  un  si- 
gne d'autorité.  L'évêque  porte  l'anneau  au  second  doigt 
de  la  main  droite,  suivant  la  coutume  des  Hébreux. 
L'anneau  lui  rappelle  encore  le  secret  inviolable  des 

'  Aimulus. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  265 

mystères,  la  discrétion  parfaite  avec  laquelle  il  doit  les 
annoncer,  de  peur  de  jeter  les  perles  devant  les  pour- 
ceaux. Toutes  ces  leçons,  utiles  aux  prêtres  et  aux  fi- 
dèles aussi  bien  qu'aux  pontifes,  sont  contenues  dans 
les  paroles  adressées  à  l'évêque  lorsque  le  pontife  con- 
sécrateur  lui  remet  l'anneau  dans  la  cérémonie  de 
l'ordination  :  Recevez  Vanneau ,  marque  de  discrétion 
et  de  dignité,  signe  de  fidélité,  afin  que  vous  sachiez  taire 
ce  qui  doit  être  tu,  manifester  ce  qui  doit  être  manifesté, 
lier  ce  qui  doit  être  lié,  et  délier  ce  qui  doit  Vêtre  *. 

6°  La  mitre  *  nous  reporte  à  la  plus  haute  antiquité. 
La  tête  du  grand-prêtre  et  des  sacrificateurs  de  la  loi  mo- 
saïque en  était  ornée  ^.  L'histoire  de  l'Eglise  fait  men- 
tion de  la  mitre  de  saint  Jean  l'Evangéliste  et  de  l'apôtre 
saint  Jacques^.  Il  est  vrai,  la  mitre  telle  que  les  évo- 
ques la  portent  aujourd'hui  diffère  de  l'ancienne  par  la 
matière  dont  elle  est  faite,  et  par  les  ornements  qui 
en  rehaussent  l'éclat  ;  mais  elle  est  la  même  quant  au 
fond.  Vêtement  de  gloire  et  de  dignité,  la  mitre  rap- 
pelle à  l'évêque  son  souverain  sacerdoce,  la  consécra- 
tion de  tous  ses  sens,  et  la  connaissance  parfaite  qu'il 
doit  avoir  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament,  figurés 
par  les  deux  bandes  qui  retombent  sur  ses  épaules  ^ 
Pénétré  de  cette  pensée,  l'évêque  demande  à  Dieu,  en 

'  Ordre  romain. 

•  Mitra,  cidaris- 

^HoQor.,  Gemma  animœ^  lib.  1,  c.  214. 

*  Euseb.,  lib.  6,  c.  24. 

»  Innoc.  111,  c.  60.  Antoiiin.,  3  pars.  Summ.,  Ut.  20,  c.  2.  Steph. 
Eduens.  episc,  lib.  de  Sacram.  altar.,  c.  11. 


264  CATÉCIIISMIÎ 

prenant  la  mitre,  qu'il  lui  donne  la  force  et  la  discrétion 
nécessaire,  pour  éviter  toutes  les  embûches  que  le  Dé- 
mon peut  lui  tendre. 

7°  La  crosse'  est  lemblème  de  la  puissance  pasto- 
rale, c'est  la  houlette  du  berger;  touchante  figure  qui 
nous  montre  l'Eglise  comme  un  bercail  ;  les  fidèles  en 
sont  les  brebis,  les  évêques  les  pasteurs  :  ce  n'est  point 
la  force  aveugle  et  brutale  qui  gouverne,  c'est  la  cha- 
rité, la  sollicitude  éclairée  et  soutenue  par  la  foi.  En 
donnant  la  crosse  à  l'évêque  au  jour  de  son  ordination, 
on  lui  adresse  ces  paroles  :  «  Recevez  le  bâton,  signe  de 
votre  gouvernement  sacré,  et  souvenez-vous  de  fortifier 
les  faibles,  d'affermir  ceux  qui  chancèlenl,  de  corriger 
les  méchants,  de  diriger  les  bons  dans  le  chemin  du  sa- 
lut éternel  ;  recevez  aus^i  le  pouvoir  d'élever  ceux  qui 
sont  dignes,  et  d'abaisser  ceux  qui  sont  indignes,  avec 
le  secours  de  Jésus-Christ  notre  Seigneur.  »  Ainsi,  ce 
que  le  sceptre  est  au  roi,  la  crosse  l'est  à  l'évêque.  Son 
usage  remonte  aux  premiers  siècles  du  Christianisme  -. 
Lorsqu'il  monte  à  l'autel,  l'évêque  quitte  la  mitre  et  la 
crosse  ;  sa  puissance  disparaît  devant  celle  de  Jésus- 
Christ.  Par  la  raison  contraire,  il  en  reprend  les  in- 
signes lorsqu'il  se  tourne  vers  le  peuple  ^. 

8°  Le  pallium^.  Si  le  pontife  est  un  archevêque  ou 
un  patriarche,  après  s'être  revêtu  de  tous  ses  orne- 


*  Pedum,  seu  baculus  pastoralis. 
'  Ordre  romain. 

'  Gloss.  in  can.  disciplinée,  dist.  45. 

*  Pallium. 


UE    PERSÉVÉRANCE.  265 

menls,  il  prend  le  pallium.  Le  pallium  est  un  ornement 
qui  se  porte  sur  les  épaules;  il  est  formé  de  deux  ban- 
delettes de  laine  blanche,  larges  de  deux  doigts,  qui 
pendent  sur  la  poitrine  et  sur  les  épaules,  et  qui  sont 
parsemées  de  croix  noires.  Les  métropolitains  le  portent 
comme  une  marque  de  juridiction  sur  les  églises  de 
leur  province.  On  le  regarde  aussi  comme  l'emblème 
de  l'humilité,  de  l'innocence  et  de  la  charité.  11  sert 
à  rappeler  au  prélat  qui  en  est  décoré,  qu'il  doit,  à 
l'exemple  de  Jésus- Christ,  le  prince  des  pasteurs, 
chercher  la  brebis  égarée,  et  la  rapporter  au  bercail  sur 
ses  épaules.  La  matière  même  du  pallium  indique  sen- 
siblement celte  touchante  signification. 

Il  est  fait  de  la  laine  d'agneaux  parfaitement  blancs. 
Le  jour  de  sainte  Agnès,  et  dans  l'église  de  son  nom, 
bâtie  à  Rome  sur  la  voie  Nomenlane,  on  bénit  chaque 
année  des  agneaux  blancs  dont  la  laine  doit  servir  à  faire 
le  pallium  ;  on  les  garde  ensuite  dans  quelque  commu- 
nauté de  religieuses  jusqu'à  ce  que  le  temps  de  les  ton- 
dre soit  arrivé.  Les  pallium  faits  de  leur  laine  se  dépo- 
sent sur  le  tombeau  de  saint  Pierre,  et  y  restent  toute 
la  nuit  qui  précède  la  fête  de  cet  Apôtre.  Le  lendemain 
ils  sont  bénis  sur  l'autel  de  l'église  qui  lui  est  consacrée, 
et  envoyés  aux  prélats  qui  ont  le  droit  de  les  porter.  Ce 
droit  est  restreint  à  certains  jours, et  ne  s'étend  pas  audelà 
de  l'église.  Au  contraire,  le  souverain  pontife  porte 
toujours  et  partout  le  pallium,  comme  étant  investi  de 
la  suprême  puissance  et  de  la  juridiction  universelle  de 
toutes  les  églises*. 

'  BoDa,  lib.  1,  c.  24. 


266  CATÉCHISME 

Le  pallium  est  de  la  plus  haute  antiquité.  Saint  Isi- 
dore de  Péluse  ',  qui  vécut  au  milieu  du  cinquième  siècle, 
et  saint  Grégoire  le  Grand,  parlent  du  pallium  et  en  ex- 
pliquent les  différentes  significations*.  On  en  rapporte 
l'origine  à  saint  Lin,  second  successeur  de  saint  Pierre^. 
Il  rappelle  l'éphod  du  grand-prêlre  des  Juifs. 

9°  Le  grémial.  Lorsque  l'évoque  s'assied  pendant  la 
messe  pontificale ,  on  lui  place  sur  les  genoux  un  voile 
de  soie  ou  d'autre  étoffe  précieuse,  appelé  grémial,  du 
mot  latin  gremium,  giron.  Il  sert  à  reposer  les  mains 
du  pontife  et  à  préserver  ses  ornements,  que  la  sueur 
pourrait  ternir  ^. 

Tels  sont  les  ornements  particuliers  aux  évoques. 
Si  nous  rétléchissons  à  tout  ce  mystérieux  appareil 
dont  la  Religion  environne  ses  ministres  lorsqu'ils  doi- 
vent offrir  la  victime  sainte,  voici  la  pensée  qui  se  pré- 
sentera naturellement  à  notre  esprit  :  elle  est  donc  bien 
auguste  celte  victime,  il  est  donc  bien  saint  le  sacri- 
fice catholique,  elles  sont  donc  bien  redoutables  les 
fonctions  du  sacerdoce!  Nous-mêmes,  qui  assistons  à 
ces  graves  mystères,  nous  devons  donc  être  bien  purs! 
El  c'est  là  justement  une  des  fins  que  l'Eglise  s'est 
proposées  en  établissant  ses  nombreuses  cérémonies  et 
en  donnant  à  ses  prêtres  tant  de  vêtements  double- 
ment vénérables  et  par  leur  antiquité  et  par  leur  si- 
gnification. 

'  Lib.  1,  epist.  I3fi 

•  Greg.  Magn.,  lib.  2,  epi>t.  64. 

^  Auctor  votu.s,  Jiii.  eccl.  S.  R.  E,^  lib.  1,  tit.  10,  c.  5. 

*  Ce  rem-  epiiC,  lib,  1,  c.  11. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  267 

La  diversité  de  leurs  couleurs  n'est  pas  non  plus 
sans  instruction.  Le  blanc,  figure  de  l'innocence  de 
l'Agneau  de  Dieu,  et  le  rouge,  figure  de  son  sang  répandu 
pour  nous,  remontent  aux  temps  apostoliques;  les  autres 
couleurs  sontaussi  d'une  haule  antiquité  '.  L'Église,  cette 
divine  épouse  de  Jésus-Christ,  se  présente  devant  son 
époux  revêtue  d'une  agréable  et  mystérieuse  variété;  sa 
gloire  et  sa  beauté  e^sentielle  sont  au  dedans  sans  doute, 
mais  cet  appareil  extérieur  en  est  l'expression.  Suivant 
les  circonstances  où  elle  se  trouve,  elle  laisse  paraître  ses 
dispositions  au  dehors,  afin  d'avertir  ses  enfants  d'en 
apporter  de  semblables. 

Comme  les  qualités  essentielles  des  mystères  ou  des 
saints  peuvent  être  envisagées  sous  différents  points  de 
vue,  les  couleurs  qu'on  emploie  pour  célébrer  les  fêtes 
ne  sont  pas  les  mêmes  dans  tous  les  diocèses;  l'impor- 
tant est  de  se  conformer  aux  règlements  des  lieux  où 
l'on  est,  et  de  bien  entrer  dans  l'esprit  des  usages  que 
l'on  suit. 

Dans  le  rit  parisien  on  se  sert  du  blanc,  symbole  de 
la  pureté  et  de*  la  sainteté,  aux  fêtes  de  Marie,  à  celles 
des  saints  Anges,  des  docteurs,  des  prêtres,  des  confes- 
seurs, des  vierges,  et  de  tous  les  justes  qui  n'ont  pas 
versé  leur  sang  pour  la  foi  :  les  pontifes  sont  exceptés, 
pour  eux  on  prend  la  couleur  verte.  La  vue  du  blanc, 
en  nous  rappelant  l'Agneau  de  Dieu,  nous  dit  :  Aimez 
la  pureté-,  les  choses  saintes  sont  pour  les  saints  ;  offrez 
à  Dieu  une  âme  sans  tache  et  digne  d'être  reçue  un 

'  Durand.,  Rational.^  lib.  3,  c.  18,  n.  9. 


268  CATÉCHISME 

jour  dans  la  Jérusalem  c61esle,  où  rien  de  souillé  n'en- 
trera jamais. 

Le  rouge,  qui  présente  d'abord  l'idée  du  sang  et  du 
feu,  s'emploie  pour  célébrer  les  fêtes  des  martyrs  et  la 
fête  du  Chef  des  Martyrs,  noire  Seigneur  Jésus-Christ, 
immolé  pour  nous  dans  l'Eucharistie.  Comme  le  propre 
du  Saint-Esprit  est  d'éclairer  les  âmes  et  d'embraser 
les  cœurs  ;  comme  il  descendit  sur  les  Apôtres  en  forme 
de  langues  de  feu,  on  se  sert  du  rouge  pour  l'honorer. 
Se  pourrait-il  que  cette  image  du  sang  et  du  feu  nous 
laissât  froids  et  sans  courage?  Le  souvenir  des  am- 
phithéâtres, le  souvenir  du  cénacle  ne  nous  dira-t-il 
rien?  n'avons-nous  pas  reçu  le  même  Esprit,  et  ne 
sommes-nous  pas  les  enfants  des  Martyrs?  leur  sang 
ne  coule-t-il  plus  dans  nos  veines?  pourrions-nous  nous 
plaindre  des  faibles  sacrifices  qu'on  nous  demande,  en 
regardant  celte  nuée  de  témoins  qui  ont  vaincu  en 
s'immolant? 

Paris  prend  le  rouge  à  tous  les  dimanches  ainsi  qu'à 
toutes  les  fériés  d'après  la  Pentecôte,  comme  étant  une 
suite  de  cette  fête,  où  le  rouge  convient  aux  langues 
de  feu  qui  parurent  sm*  la  tête  des  Apôlres. 

On  prend  le  vert  pour  les  ponlifes  :  symbole  d'espé- 
rance, couleur  générale  de  la  nature,  le  vert  nous  dit  les 
travaux  de  tous  ces  célestes  laboureurs  qui  ont  cultivé 
le  champ  du  Père  de  famille,  soutenus  dans  leurs  tra- 
vaux par  l'espérance  d'une  abondante  moisson.  Rome 
emploie  le  vert  aux  dimanches  ordinaires  et  aux 
fériés;  il  semble  juste,  en  effet,  de  consacrer  par  un 


DE    PERSÉVÉRANCE.  269 

usage  plus  fréquent  celte  couleur  que  nous  avons  con- 
tinuellement sous  les  yeux.  N'est-il  pas  convenable  que 
l'habitant  des  campagnes,  qui  vient  le  malin  recevoir  la 
bénédiction  du  Père  de  famille  avant  d'aller  à  son  hé- 
ritage, ou  qui  vient  le  dimanche  se  délasser  devant  le 
Seigneur  des  travaux  de  la  semaine,  retrouve  dans  nos 
temples  sa  prairie,  son  arbre,  son  raisin?  N'est-ce  pas 
là  une  belle  et  touchante  harmonie?  Et  puis,  vous  tous 
qui  aimez  à  contempler  les  merveilles  de  la  nature, 
n'êtes-vous  pas  heureux  de  rencontrer  jusqu'aux  pieds 
des  autels  un  mémorial  des  bienfaits  du  Créateur,  et 
un  molif  nouveau  de  bénir  celui  qui  répand  la  verdure 
sur  nos  campagnes,  la  fécondité  dans  nos  champs,  qui 
habille  le  lis  de  la  vallée,  qui  nourrit  l'oiseau,  musicien 
des  chaumières,  et  qui  prépare  des  aliments  à  tout  ce 
qui  respire? 

Le  violet,  dont  la  teinte  est  moitié  sombre,  moitié  écla- 
tante, rappelle  tout  ensemble,  et  les  travaux  et  les  avan- 
tages de  la  pénitence.  11  s'emploie  dans  les  temps  et  dans 
les  circonstances  où  la  douleur  et  l'espérance  naissant  de 
celte  même  douleur,  sont  le  fond  du  culte  divin.  Ainsi, 
pendant  l'Avent,  on  gémit,  on  soupire  ;  mais  on  gémit 
seulement  du  retard;  on  soupire,  mais  ces  soupirs  ap- 
pellent le  Juste  et  le  font  descendre  :  on  emploie  le  vio- 
let. En  carême  on  pleure  ses  fautes,  mais  on  voit  le 
pardon  à  la  fin  de  la  sainte  quarantaine  ;  on  pleure  les 
souffrances  de  Jésus-Christ,  mais  on  voit  apparaître  le 
jour  glorieux  de  sa  résurrection;  on  pleure  dans  les 
calamités,  dans  les  afflictions  publiques  ou  particulières, 


270  CATÉCHISME 

mais  on  en  attend  la  fin  des  larmes  mêmes  que  Pon 
verse  :  cet  ineffable  mélange  de  tristesse  et  de  consola- 
tion, de  douleur  et  d'espérance,  est  exprimé  par  le  violet. 
A  la  mort  des  rois,  comme  la  puissance  ne  meurt  pas\ 
et  que  le  même  coup  qui  fait  tomber  la  couronne  de  la 
tête  de  l'un  la  porte  sur  la  tête  d'un  autre,  on  prend  le 
violet.  Cette  couleur  doit  dose  toujours  nous  anéantir 
et  nous  confondre  dans  notre  misère,  mais  relever  notre 
courage  par  la  considération  des  miséricordes  infinies  du 
Seigneur.  Elle  doit  toujours  nous  dire  que  nous  devons 
aller  à  la  gloire  par  les  tribulations,  et  que  notre  seule 
espérance  est  dans  la  croix,  notre  seul  bonheur  ici-bas 
dans  l'espérance,  parce  qu'il  n'y  a  sur  la  terre  que  des 
joies  souffrantes. 

Mais  quand  l'Eglise  pleure  ses  enfants,  qui  sont  morts 
tout  entiers  pour  la  vie  présente,  alors,  n'envisageant 
que  les  peines  du  purgatoire,  d'où  il  faut  les  tirer, 
n'entendant  que  leurs  supplications  lamentables,  ne 
voyant  qu'avec  effroi  ce  passage  terrible  du  temps  à 
l'éternité,  sentant  toujours  la  plaie  malheureuse  qui  a 
introduit  la  mort  dans  le  monde,  toujours  incertaine  sur 
les  dernières  dispositions  de  celui  pour  qui  elle  prie; 
alors  cette  tendre  mère,  tout  entière  à  sa  douleur,  se 
revêt  de  noir,  et  se  présente  ainsi  devant  son  divin  époux. 
Par  cette  lugubre  couleur  elle  lui  dit  éloquemment 
combien  grande  est  son  affliction,  combien  d'idées  tristes 
réveille  en  elle  ce  châtiment  du  péché  qui  s'exécute  sur 

*  On  conaait  le  vieil  adage  :  Le  mort  saisit  le  vif;  ou  :  Mort  le  roi, 
viTC  le  roi  ! 


DE    PERSÉVÉRANCE.  27 1 

le  penre  humain  depuis  six  mille  ans.  Je  ne  sais  si  je 
me  trompe,  mais  il  me  semble  que  sans  rien  dire,  le 
prêtre,  revêtu  d'ornements  noirs,  est  un  prédicateur 
bien  éloquent;  il  me  semble  que  de  cette  chasuble  cou- 
verte de  larmes  sort  une  voix  qui  dit  :  Souviens-toi,  ô 
homme,  que  tu  es  poussière,  et  que  tu  retourneras 
poussière;  tu  ne  sais  ni  le  jour  ni  l'heure;  sois  prêt. 
A  ton  frère,  hier;  à  toi,  demain,  aujourd'hui  peut-être. 

Pour  conclusion,  les  fidèles  qui  assistent  à  nos  au- 
gustes mystères  doivent  se  souvenir  que  c'est  à  eux,  bien 
plus  encore  qu'aux  Israélites,  que  s'adressent  ces  paroles  : 
Vous  êtes  les  prêtres  du  Dieu  vivant,  une  race  royale, 
un  peuple  de  saints,  et  que  les  préparations  que  Dieu 
prescrit  au  sacrificateur  de  la  nouvelle  alliance  pour 
monter  à  l'autel,  il  les  demande  d'eux  pour  en  appro- 
cher. Comme  autrefois  il  envoya  Moïse  vers  le  peuple 
pour  le  sanctifier  pendant  deux  jours,  et  lui  ordonner 
de  laver  ses  vêtements,  parce  qu'il  devait  être  témoin 
de  la  présence  du  Seigneur  sur  la  montagne,  ainsi  il 
veut  que  ses  prêtres  avertissent  les  fidèles  de  ne  jamais 
s'approcher  de  la  montagne  sainte,  du  vrai  Sinaï,  sans 
cet  ensemble  de  vertus  intérieures  et  de  dispositions  ex- 
térieures figurées  par  les  vêtements  sacerdotaux. 

Voici  les  parements  de  l'autel  et  les  vases  sacrés  qui 
vont  continuer  le  môme  avertissement  :  ouvrons  nos 
esprits  et  nos  cœurs  pour  le  recevoir. 

L'autel  représente  un  tombeau,  nous  savons  pour- 
quoi :  les  tombeaux  des  Martyrs  furent  les  premiers 
autels  du  Christianisme.  Telle  est  encore  la  raison  pour 


272  CATÉCHISME 

laquelle  on  renferme  des  reliques  de  Saints  et  de  Mar- 
tyrs dans  nos  autels.  Durant  les  premiers  siècles  les  au- 
tels étaient  en  bois,  en  pierre  ou  en  marbre,  indifférem- 
ment; ils  étaient  massifs  ou  supportés  par  des  pieds  et 
des  colonnes.  On  les  couvrait,  pour  offrir  le  saint  sacri- 
fice, d'une  grande  nappe  en  lin  ou  en  soie,  à  laquelle 
on  donnait  le  nom  de  palJe.  Dès  le  temps  de  saint  Au- 
gustin les  autels  étaient  ornés  de  fleurs  *,  souvent  même 
des  guirlandes  de  lis  et  de  roses  décoraient  les  murs  des 
églises-;  aujourd'hui  trois  nappes  sont  posées  sur  l'au- 
tel, celle  qui  est  par-dessus  est  enrichie  de  dentelles  et 
de  broderies.  L'Église  a  prescrit  l'usage  de  ces  trois 
nappes  en  lin,  et  faciles  à  laver,  pour  parer  au  grave 
inconvénient  qui  pourrait  résulter  de  la  chute  du  calice. 
L'autel  doit  être  consacré  par  l'évêque  ;  avant  cette  con- 
sécration, qui  remonte  à  la  plus  haute  antiquité,  il 
n'est  pas  permis  d'y  célébrer  les  saints  mystères^. 

Sur  l'autel  vous  voyez  trois  cartons  appelés  canons, 
parce  qu'ils  servent  à  diriger  le  prêtre,  en  mettant 
sous  ses  yeux  des  prières  qu'il  serait  obligé  de  lire  avec 
gêne  dans  le  Missel.  Le  plus  grand  se  place  au  milieu 
devant  le  tabernacle,  le  second  à  gauche,  et  le  troisième 
à  droite.  L'autel,  suivant  l'antique  usage,  est  placé  à 
l'orient,  afin  que  les  fidèles  regardent  le  soleil  levant, 
image  de  celui  qui  est  le  vrai  soleil,  et  dont  la  lumière, 

*  De  Cii'.  Dei,  iib-  22,  c.  8. 

*  S.  Hier.,  Epitaph.  Nepot.  Grog  Turon.,  de  Gloria  conf.,  c.  50, 
Paulin  ,  \atal.  3  S.  FeUcis. 

^  Hincmarus  Remens.,  in  Capital.  Beda,  Iib.  5,  Hist.,c.  1 1 .  4thaD., 
^pol.  ud  Constantium.  Euseb.,  Iib.  4,  de  rita  Constantirit. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  273 

après  avoir  dissipé  les  ténèbres  du  Paganisme,  éclaire 
tout  homme  venant  en  ce  monde  *. 

Au  milieu  de  l'autel  est  le  tabernacle,  où  l'on  con- 
serve la  sainte  Eucharistie.  En  parlant  de  la  communion, 
dans  la  seconde  partie  du  Catéchisme,  nous  avons  expli- 
qué la  forme  des  anciens  tabernacles.  L'usage  de  con- 
server le  saint  sacrement  dans  un  tabernacle  placé  au 
centre  de  l'autel,  sous  le  pied  même  de  la  croix,  est 
d'une  assez  haute  antiquité  ^  Remarquez -vous  toutes 
les  belles  traditions  que  vous  rappelle  ce  mot  de  taber- 
nacle? Le  désert  du  Sinaï,  la  manne,  Aaron  et  ses  lé- 
vites, toutes  les  merveilles  accomplies  en  faveur  de  l'an- 
tique Église  il  y  a  plus  de  trois  mille  ans,  sont  là  réunies 
dans  ce  seul  mot.  Aujourd'hui,  ce  même  mot  vous  en 
rappelle  de  plus  grandes  encore  :  la  Cène,  le  Calvaire, 
le  passage  du  Rédempteur  sur  la  terre,  sa  présence 
perpétuelle  au  milieu  des  enfants  des  hommes.  Con- 
naissez-vous, dites-moi,  un  mot  plus  riche  que  celui-là? 

Le  labernacle  est  surmonté  d'une  grande  croix; 
bien  des  siècles  déjà  l'y  ont  vue  ,  bien  des  générations 
l'y  ont  adorée  ;  elle  est  là  pour  rappeler  que  le  sacrifice 
de  nos  autels  est  la  continuation  du  sacrifice  du  Cal- 
vaire, et  pour  apprendre  que  c'est  à  Dieu  seul  que  cet 
acte  suprême  de  Religion  se  rapporte,  et  non  aux  Saints 
ou  aux  Martyrs.  Trois  flambeaux,  ou  du  moins  un  de 
chaque  côté,  brûlent  pendant  la  messe  pour  honorer  le 
signe  de  la  Rédemption  et  rappeler  les  Catacombes.  La 

'  Tertull.,  a(h'.  raient.,  c.  3. 

*  Voyez  Burchard,  Ub.  5  Décret.,  c.  9. 

T.    VII.  18 


2Ti  CATÉCHISME 

Religion,  l'histoire,  l'antiquité,  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus 
propre  à  élever  l'âme,  à  loucher  le  cœur  et  à  saisir  les 
sens  se  trouve  réuni  sur  un  autel  catholique.  Si  pour 
l'indififérent  stupide  l'autel  n'est  qu'une  pierre,  pour  le 
savant,  et  surtout  pour  le  Chrétien,  il  est  le  plus  élo- 
quent de  tous  les  livres  ;  des  volumes  de  commentaires 
suffiraient  à  peine  pour  l'expliquer.  O  enfants  des 
hommes]  jusques  à  quand  aurez- vous  des  yeux  pour 
ne  point  voir? 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  pris  tant  de  soki  de  m'instruire  en  multipliant 
les  ornements  et  les  signes  sacrés  de  la  Religion  ;  ouvrez 
mon  esprit  et  mon  cœur  à  ces  saints  enseignements. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je  remercie- 
rai Dieu  d'avoir  établi  les  augustes  cérémonies  de  la 
Religion. 

PETIT  CATÉCHISME. 

LE   CHRISTIANISME    RENDU    SENSIBLE. 

Q.  Quels  sont  les  ornements  des  évêques  lorsqu'ils 
officient  solennellement? 

R.  Les  ornements  des  évêques  lorsqu'ils  officient 
solennellement,  sont  :  la  chaussure,  la  croix  pectorale, 
la  petite  tunique,  la  dalmatique,  les  gants,  l'anneau. 


DE    l»EllSévlÎRANCK.  275 

ia  milre,  la  crosse,  le  j)ailiUnl  si  c'fest  un  archevêque, 
el  le  grémial. 

Q.  Quelle  est  l'origine  el  la  signification  de  ces  di- 
vers ornements? 

R.  Voici  l'origine  et  la  significatioti  de  ces  divers 
ornements  :  la  chaussure  que  l'évêque  prend  à  l'église 
était  la  chaussure  des  princes  eldès  sénateurs  ^omains. 
L'Église  l'a  donnée  à  ses  pontifes,  comme  utte  chaussure 
plus  distinguée  et  qu'ils  ne  doitenl  porter  que  dans  la 
célébration  des  saints  mystères;  c'est  pourquoi  ils  la 
prennent  et  la  quittent  à  l'église.  Elle  signifie  que  les 
évêques  sont  les  successeurs  des  Apôtres,  ces  grands 
missionnaires  qui  parcoururent  le  monde  pour  annoncer 
l'Évangile. 

Q.  Qu'est-ce  que  la  croii  pectorale  ? 

R.  La  croix  pectorale  est  une  croix  que  les  évêques 
portent  sur  leurjpoilrine  ;  c'est  un  reste  de  l'antique  et 
saint  usage  où  étaient  tous  les  premiers  Chrétiens  de 
porter  une  croix  suspendue  à  leur  cou  ;  celle  des  évoques 
doit  renfermer  des  reliques,  afin  qu'ils  aient  toujours 
présent  le  souvenir  de  Notre-Seigneur  et  des  Martyrs. 

Q.  Qu'est-ce  que  la  petite  tunique  el  la  dalma- 
lique  ? 

R.  La  petite  tunique  et  la  dalmalique  sont  les  orne- 
ments propres  aux  sous-diacres  el  aux  diacres.  L'évêque 
les  prend  pour  marquer  qu'il  est  revêtu  de  la  plénitude 
du  sacerdoce. 

Q.  Qu'est-ce  que  les  gants  ? 

R.  Les  gauls  dont  l'évêque  se  sert  quand  il  ponti- 


276  CATÉCHISME 

fie  signifient  la  bénédiction  qu'il  vient  solliciter  de 
Dieu,  et  la  pureté  avec  laquelle  il  s'approche  de  l'autel. 
L'usage  des  gants  pour  l'évêque  est  très-ancien  dans 
l'Église. 

Q.  Qu'est-ce  que  l'anneau? 

R.  L'anneau  est  le  signe  de  l'alliance  que  l'évêque 
contracte,  dans  son  ordination,  avec  son  église  ;  il  est 
aussi  la  marque  de  la  discrétion  qu'il  doit  apporter  dans 
l'enseignement  de  la  doctrine. 

Q.  Qu'est-ce  que  la  mitre? 

R.  La  mitre  est  un  ornement  dont  l'origine  remonte 
jusqu'à  l'ancienne  loi.  Le  grand-prêtre  des  Juifs  la 
portait,  quoiqu'elle  fût  d'une  forme  différente.  Dans  les 
premiers  siècles  ce  vêtement  d'honneur  différait  aussi 
de  ce  qu'il  est  aujourd'hui.  Il  signifie  la  royauté  du 
sacerdoce  chrétien;  les  deux  bandes  qui  retombent  sur 
les  épaules  marquent  l'Ancien  et  leNdIiveau  Testament, 
dont  l'évêque  doit  avoir  une  parfaite  connaissance. 

Q.  Qu'est-ce  que  la  crosse  ? 

R.  La  crosse  est  le  sceptre  de  l'évêque,  c'est  la  hou- 
lette du  berger  ;  elle  lui  rappelle  qu'il  est  pasteur, 
qu'il  a  le  droit  de  punir  les  rebelles  :  mais  qu'il  est 
obligé  de  ramener  au  bercail  la  brebis  égarée,  et  qu'il 
doit  veiller  sur  tout  le  troupeau. 

Q.  Qu'est-ce  que  le  pallium  et  le  grémial? 

R.  Le  pallium  est  un  ornement  fait  de  laine  d'a- 
gneau blanc,  et  marqué  de  petites  croix  noires.  Il  est 
formé  de  deux  bandelettes  qui  retombent  sur  la  poitrine 


DE   PERSÉVÉRANCE.  277 

et  sur  les  épaules.  Il  est  la  marque  de  la  charité  et  de 
l'innocence  qui  doit  caractériser  le  pasteur.  Le  souverain 
pontife  ne  quitte  jamais  le  pallium.  Le  grémial  est  un 
voile  de  soie  qu'on  place  sur  les  genoux  de  l'évéque 
lorsqu'il  est  assis  pendant  la  messe  pontificale,  et  sem- 
ble destiné  à  préserver  ses  ornements. 

Q.  Pourquoi  l'Église  se  sert-elle  de  différentes  cou- 
leurs dans  ses  ornements? 

R.  L'Église  se  sert  de  différentes  couleurs  dans  ses 
ornements  pour  nous  faire  mieux  entrer  dans  les  dis- 
positions demandées  par  les  fêtes  qu'elle  célèbre  :  le 
blanc  nous  rappelle  l'innocence,  le  rouge  la  charité,  le 
violet  la  pénitence  et  l'espérance,  le  verl  la  patience 
et  la  foi,  le  noir  la  pensée  de  nos  fins  dernières. 

Q.  Quels  sont  les  parements  de  l'autel? 

R.  Les  parements  de  l'autel  sont  :  les  trois  nappes 
dont  on  le  couvre  par  respect,  les  chandeliers,  le  ta- 
bernacle et  la  croix.  Toutes  ces  choses  nous  rappellent 
les  plus  touchants  souvenirs  et  nous  donnent  les  plus 
salutaires  instructions. 

PRIÈRE. 

G  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  pris  tant  de  soin  de  m'inslruire  en  multipliant  les 
ornements  et  les  signes  sacrés  de  la  Religion  ;  ouvrez 
mon  esprit  et  mon  cœur  à  ces  saints  enseignements. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 


27S  CATÉCHISME 

de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je  remer- 
cierai Dieu  d'avoir  établi  les  augustes  cérémonies  de  la 
Religion. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  279 


ÎWi 


XIV'  LEÇON. 

LE    CHRISTIANISME    RENDU    SENSIBLE. 

Vases  sacrés.  —  Calice.  —  Patène.  —  Ciboire.  —  Osten.«oir.  —  Béné- 
diction de  l'eau  bénite  avant  la  messe  du  dimanche.  —  Aspersion 
de  l'eau  bénite. 

Si  les  ornements  des  ministres'et  les  parements  de 
l'autel  sont  pleins  de  souvenirs  et  d'instructions,  les  vases 
sacrés  n'offrent  pas  un  moindre  intérêt  à  la  pieuse  cu- 
riosité du  savant  et  du  fidèle.  Et  d'abord,  leur  consécra- 
tion, leur  éclat,  leur  richesse,  nous  rappellent  notre  con- 
sécration au  Seigneur  et  la  sainteté  qu'il  exige  de  nous. 
Car  nous  aussi  nous  sommes  des  vases  sacrés  ;  nous  de- 
vons être  d'autant  plus  saints  que  le  Dieu  trois  fois 
saint,  dont  le  corps  adorable  touche  simplement  les  ca- 
lices et  les  ciboires,  s'incorpore  à  nous.  Les  principaux 
vases  sacrés  sont  :  le  calice,  la  patène,  le  ciboire  et  l'os- 
tensoir. 

Le  calice  est  aussi  ancien  que  le  Christianisine.  C'est 
dans  une  coupe  que  Notre-Seigneur  consacra  son  sang 
divin  et  le  donna  à  boire  à  ses  Apôtres.  Le  calice  était 
un  vase  dont  les  Juifs  se  servaient  dans  leurs  repas  ;  tous 
buvaient  dans  la  même  coupe,  qu'on  se  transmettait  de 
main  en  main.  Dans  les  premiers  siècles,  alors  que  nos 
pères  n'étaient  riches  que  de  leur  pauvreté  et  de  leurs 


280  CATÉCHISME 

verlus,  les  calices  étaient  quelquefois  de  verre,  de 
cuivre,  ou  de  tout  autre  métal  moins  précieux  ;  mais 
aussitôt  que  les  ressources  le  permirent,  les  calices  et 
les  autres  vases  sacrés  furent  d'or  et  d'argent.  Le  pape 
Zéphirin  défendit  d'en  faire  désormais  d'autre  métal  \ 
L'Eglise  exige  aujourd'hui  ^que  les  calices  soient  d'ar- 
gent, au  moins  la  coupe,  dont  l'intérieur  doit  être  doré. 
Par  respect  pour  le  corps  et  le  sang  de  Notre-Seigneur, 
on  consacre  les  vases  qui  servent  à  l'autel  :  celle  consé- 
cration est  de  la  plus  haute  antiquité  ^ 

Lorsque  tout  le  peuple  communiait  sous  l'espèce  du 
vin,  les  calices  étaient  beaucoup  plus  grands  qu'aujour- 
d'hui. On  en  cite  un  entre  autres,  donné  par  Chàrle- 
magno,  du  poids  de  dix-huit  livres.  Ces  calices  avaient 
ordiniiirementdeux  anses,  afin  de  pouvoir  les  transpor- 
ter plus  facilement.  11  paraît  néanmoins  que  ce  n'était 
pas  dans  le  calice  principal  que  le  peuple  prenait  le 
précieux  sang,  mais  bien  dans  des  calices  plus  petits, 
où  l'on  mettait  une  partie  du  sang  du  Sauveur,  consacré 
à  l'autel  dans  le  calice  principal^.  Celait  aussi  dans  des 
calices  précieux  que  le  peuple  offrait  le  vin  et  l'eau 
qui  devaient  être  consacrés  ^.  Ils  ont  été  remplacés 
par  les  burettes.  Quelque  saints  que  fussent  tous  ces 
vases  destinés  à  l'autel,  les  évêques  les  plus  pieux  et 
les  plus  éclairés,  tels  que  saint  Arabroise  à  Milan,  saint 

'  Durantus,  lib.  l,c.  7. 

*  Ordre  Rom. 

'  Ces  calices  s'appelaient  calices  ministeriales- 

*  Ces  calices  s'appelaient  avudœ  ou  ham<e. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  281 

Anguslin  à  Hippone,  Deo-Gratias  à  Carlhage,  n'hési- 
taient pas  à  les  vendre  pour  soulager  les  pauvres  ou 
racheter  les  captifs  :  ils  donnaient  le  moins  pour  le 
plus. 

La  patène  est  un  petit  plal  d'or  ou  d'argent  doré  sur 
lequel  repose  le  pain  qui  doit  être  consacré.  Lorsque, 
durant  les  beaux  joursi'de  l'Eglise,  tous  ceux  qui  assis- 
taient à  la  messe  avaient  le  bonheur  de  recevoir  la 
sainte  Eucharistie,  chaque  fidèle  présentait  à  l'offrande 
le  pain  qui  devait  être  changé  au  corps  de  Jésus- 
Christ.  Ces  offrandes  étaient  placées  sur  la  patène  et 
mises  sur  l'autel  :  alors  les  patènes  étaient  fort  grandes; 
il  n'est  même  pas  douteux  qu'il  n'y  en  eût  plusieurs.  Le 
prêtre  s'en  servait  encore  pour  rompre  le  pain  et  le  dis- 
Tibuer  plus  commodément.  Aujourd'hui,  la  patène  n'est 
utile  qu'au  prêtre  pour  déposer  l'hostie  qu'il  doit  con- 
sacrer au  saint  sacrifice.  L'usage  de  l'offrande  est  aboli  ; 
le  nombre  des  communiants  est  malheureusement  moins 
considérable,  et  l'on  emploie  pour  distribuer  l'Eucharis- 
tie les  ciboires,  où  l'on  conserve  les  espèces  consacrées. 

Le  ciboire,  fait  en  forme  de  calice  couvert,  doit  être 
en  argent.  L'Eglise  exige  que  l'intérieur  de  la  coupe 
soit  doré.  On  gardait  autrefois  ce  vase  précieux  dans 
une  tour  ou  une  colombe  d'argent  suspendue  au-des- 
sus de  l'autel  :  aujourd'hui  on  le  place  dans  le  taber- 
nacle. Le  ciboire  rappelle  naturellement  l'arche  d'al- 
liance du  peuple  d'Israël,  où  était  renfermée  la  manne, 
figure  de  l'Eucharistie.  Mais  autant  la  réalité  l'emporte 
sur  la  figure,  autant  l'arche  d'alliance  de  la  nouvelle  loi 


282  CATÉCUISME 

remporte  sur  l'ancienne  :  c'est  assez  dire  quel  doit  être 
notre  respect  pour  elle. 

Près  du  tabernacle,  ou  en  face  de  l'autel,  est  suspen- 
due une  lampe  nuit  et  jour  allumée  ;  elle  est  là  pour 
nous  rappeler  que  Jésus-Christ,  lumière  éternelle  du 
monde,  est  présent  sur  nos  autels,  qu'il  attend  nos  ado- 
rations, et  que  notre  vie  doit  briller  devant  lui  comme 
un  flambeau  par  la  sainteté  de  nos  œuvres  saintes. 

Dans  le  tabernacle  se  place  aussi  l'ostensoir.  L'osten- 
soir, construit  en  forme  de  gloire  ou  de  soleil,  nous  rap- 
pelle par  sa  forme  le  véritable  Soleil  dont  la  gloire  a 
éclairé  le  monde.  Lorsque,  prosternés  au  pied  des  autels, 
nous  voyons  apparaître  l'ostensoir,  quels  sentiments 
doivent  se  presser  dans  notre  âme  au  souvenir  des  peu- 
ples sur  lesquels  n'a  point  encore  brillé  ce  divin  soleil, 
el  du  monde  entier  avant  que  ce  soleil  se  fût  levé  sur 
lui! 

L'ostensoir  n'est  pas  aussi  ancien  que  les  au- 
tres vases  sacrés  ;  son  origine  remonte  au  temps  où 
l'impiété  et  l'erreur  attaquèrent  la  présence  réelle  de 
Notre-Seigneur  dans  l'Eucharistie.  Toujours  attentive 
aux  besoins  de  ses  enfants,  l'Eglise  protesta  contre  le 
blasphème  et  l'hérésie.  Elle  établit  la  fête  solennelle 
du  Saint-Sacrement,  et  fournit  aux  âmes  chrétiennes 
l'occasion  de  manifester  leur  foi,  et  de  rendre  à  son  di- 
vin époux  l'adoration  el  l'hommage  qu'il  mérite  dans 
le  sacrement  de  son  amour.  Auparavant,  on  se  conten- 
tait, à  la  me  se,  après  le  Canon,  d'élever  un  peu  aux 
yeux  des  fidèles  le  corps  et  le  sang  de  Jésus-Christ,  en 


DE    PERSÉVÉRANCE.  2^ 

disant  :  Omnis  honor  et  gloria  :  Tout  honneur  et  toute 
gloire  lui  appartiennent.  Depuis  l'hérésie  de  Béranger, 
on  fit  solennellement  l'élévation  des  saintes  espèces 
aussitôt  après  les  paroles  de  la  consécration.  Dans  l'in- 
térieur de  l'église,  les  assistants  se  prosternaient  pour 
adorer,  et  la  cloche  annonçait,  comme  elle  l'annonce 
encore  aujourd'hui,  à  ceux  qui  n'avaient  pu  assister  au 
sacrifice,  que  le  Fils  de  Dieu  venait  de  descendre  sur 
l'autel,  et  qu'ils  avaient  à  lui  offrir  leur  respect  et  leurs 
vœux. 

Vers  le  même  temps,  on  fit  extérieurement  des  pro- 
cessions où  l'on  portait  avec  pompe  l'auguste  sacrement. 
Dans  l'église,  et  à  des  reposoirs  préparés  au  dehors, 
on  bénissait  le  peuple  avec  la  sainte  hostie  ;  on  la  por- 
tait d'abord  renfermée  dans  une  bourse,  comme  nous 
faisons  encore  dans  l'administration  des  malades  éloi- 
gnés de  l'église.  Bientôt,  pour  exposer  le  Sauveur  avec 
plus  de  décence  et  de  pompe  aux  adorations  des  fidèles, 
on  fit  des  tabernacles  portatifs  qu'on  appelait  melchisé- 
dechs,  et  que  nous  appelons  ostensoirs.  On  en  vit  de 
toutes  formes  et  de  toutes  grandeurs;  plusieurs  repré- 
sentaient une  tourelle  percée  à  jour.  Cet  emblème  est 
riche  d'idées  chrétiennes  et  de  souvenirs  vénérables; 
nous  l'avons  expliqué  en  parlant  de  la  communion.  Ces 
ostensoirs  étaient  d'or  ou  d'argent  doré,  quelquefois  en- 
richis de  pierres  précieuses.  Aujourd'hui  la  gloire  au 
moins  doit  être  en  argent,  et  le  croissant  ou  cercle  qui 
soutient  et  renferme  la  sainte  hostie  doit  être  doré'. 

'  Thiers,  Exposit.  du  Saint-Sacrement,  Ht.  2,'c.l,  sub  fine.  Bis. 
toire  des  Sacrements,  t.  11,  p.  296.  M.Thirat,  Esprit  des  Cér„  244. 


284  CATÉCHISME 

Nous  venons  de  parler  de  tous  les  préparatifs  au  sa- 
crifice redoutable.  Le  prôtre  et  ses  ornements,  l'autel 
et  ses  parements,  et  ses  vases  sacrés,  nous  sont  mainte- 
nant connus.  Si  c'était  un  jour  ordinaire,  nous  accom- 
pagnerions immédiatement  le  prêtre  à  l'autel  ;  mais  il 
ne  faut  pas  oublier  que  nous  expliquons  les  cérémonies 
du  dimanche.  Or,  la  messe  de  ce  premier  des  jours  est 
précédée  de  la  bénédiction  de  l'eau  bénite  et  de  la  pro- 
cession. 

La  bénédiction  de  l'eau  rentre  dans  les  bénédictions 
générales  de  l'Eglise  ;  c'est  la  même  raison  qui  l'a  éta- 
blie. Comme  les  autres,  elle  renferme  toute  l'histoire 
du  genre  humain  ;  elle  nous  dit  la  création  de  l'homme 
et  de  toutes  choses  dans  un  état  de  perfection  ;  la  dégra- 
dation de  l'homme  ;  la  victoire  du  Démon  sur  lui  et 
sur  toutes  les  créatures  qu'il  remplit  de  ses  malignes 
influences  ;  la  réhabilitation  ou  la  sanctification  de  toutes 
choses  par  Jésus-Christ. 

La  bénédiction  de  l'eau  remonte  comme  les  autres 
aux  temps  apostoliques  ' .  «Il  faut,  dit  saint  Cyprien,  que 
l'eau  soit  purifiée  et  sanctifiée  par  le  prêtre  '.  »  L'usage 
de  bénir  l'eau  chaque  dimanche  avant  la  messe  est  de 
la  plus  haute  antiquité  ;  il  se  lie  évidemment  à  la  cou- 
tume où  étaient  les  premiers  Chrétiens  de  se  laver  les 
mains  et  le  visage  avec  de  l'eau  bénite  afin  de  se  pu- 
rifier en  entrant  dans  l'église^. Que  veut  donc  l'Eglise 

•  S-  Basile,  de  Spir.  sanclo,  c  27. 

Epist.  70. 
^  3Iicrolog.,  c.  il 


DE    PERSÉVÉRANCE.  285 

en  bénissant  l'eau  et  en  la  répandant  sur  les  fidèles? 
Mère  tendre  et  pleine  de  sollicitude,  elle  veut  rappeler 
à  ses  enfants  leur  chute  et  leur  rédemption;  elle  veut 
les  purifier  et  leur  donner  toute  la  sainteté  nécessaire 
pour  assister  dignement  aux  mystères  redoutables  ;  elle 
veut  enfin  les  préserver  de  tout  ce  qui  pourrait  les 
souiller  et  leur  nuire  :  dans  cette  vue  elle  joint  à  ses 
prières  les  signes  les  plus  convenables  pour  montrer 
la  fin  qu'elle  se  propose. 

Le  propre  de  l'eau  c'est  de  laver,  le  sel  préserve  de 
la  corruption;  et  l'eau  et  le  sel  mêlés  ensemble  sont  un 
symbole  de  pureté  et  d'innocence.  Telle  est  la  matière 
de  l'eau  bénite.  Revêtue  du  pouvoir  même  de  son  divin 
époux  à  qui  toute  puissance  a  été  donnée  au  ciel  et  sur 
la  terre,  l'Eglise  ordonne  à  ses  ministres  de  soustraire 
ces  deux  créatures,  l'eau  et  le  sel,  au  pouvoir  du  Démon, 
et  de  les  rendre  utiles  à  l'homme  en  les  rappelant,  par 
la  sanctification,  à  leur  destination  primitive.  Et  le  prê- 
tre exorcise  l'eau  et  le  sel. 

Exorciser  veut  dire  conjurer  et  commander.  C'est  un 
terme  qui  ne  convient  qu'à  ceux  qui  parlent  avec  une 
suprême  autorité.  Dans  la  langue  de  l'Eglise,  exorciser 
signifie  conjurer  le  démon,  le  chasser,  lui  défendre  de 
nuire.  Exorciser  l'eau  et  le  sel,  veut  dire  que  le  prêtre 
commande  au  Démon,  delà  part  de  Dieu  et  parles  mé- 
rites de  la  croix  de  Jésus-Christ,  de  laisser  libres  ces 
deux  créatures,  de  ne  plus  s'en  servir  pour  nuire  aux 
hommes,  en  sorte  qu'elles  soient  désormais  utiles  à 
notre  salut.  Tel  est  le  sens  des  exorcismes  qu'on  fait 


286  CATÉCHISME 

sur  toutes  les  créatures  inanimées.  On  s'adresse  à  elles, 
mais  c'est  au  Démon  que  vont  les  commandements;  de 
même  que  c'est  sur  le  Démon  que  retomba  l'anathème 
divin  après  la  chute  de  nos  premiers  pères,  quoique 
Dieu  ne  parlât  qu'au  serpent.  Que  les  créatures  soient 
viciées,  que  le  Démon  exerce  sur  elles  un  grand  empire, 
qu'elles  aient  besoin  d'être  sanctifiées,  c'est  une  vérité 
de  foi  catholique  dont  nous  avons  donné  les  preuves  en 
parlant  des  bénédictions  en  général. 

Donc,  le  dimanche  avant  la  messe,  le  prêtre,  repré- 
sentant de  celui  qui  a  créé  les  éléments,  qui  a  com- 
mandé durant  sa  vie  mortelle  aux  créatures  inanimées, 
à  la  mer,  au\  vents  et  aux  tempêtes,  qui  a  tant  de  fois 
chassé  le  Démon  des  possédés  ;  le  prêtre  se  revêt  d'un 
surplis  et  d'une  étole,  et,  précédé  de  deux  clercs,  dont 
l'un  porte  uîi  flambeau  allumé,  l'autre  un  peu  de  sel  et 
on  aspersoir,  il  se  rend  auprès  du  bénitier.  Dans  quel- 
ques diocèses  l'eau  se  bénit  à  la  sacristie  ;  ailleurs  c'est 
à  l'autel,  au  chœur  ou  dans  la  nef.  Ce  dernier  usage 
est  plus  conforme  à  l'antiquité  et  semble  faire  plaisir 
aii  peuple  ^ 

Aussitôt  le  prêtre  demande  k  Dieu  son  assistance  en 
disant  :  Âdjutorium  nostrum  :  Toute  notre  aide  est  dans 
le  nom  du  Seigneur.  Les  fidèles,  représentés  par  le 
clerc,  répondent  :  Qui  fecit,  etc.  :  Qui  a  fait  le  ciel  et  la 
terre.  Dites,  la  confiance  de  l'Eglise  peut-elle  être 
lïlienx  placée? 

Puis  étendant  la  main  sur  le  sel,  en  signe  de  com- 

'  Lebrun,  p.  53. 


DE    PERSÉVÉRANCK.  287 

tliandement,  et  pour  monirer  qu'il  agit  au  nom  du  Tout- 
Puissant,  le  prêtre  continue  ainsi  : 

«Sel,  créature  de  Dieu,  je  t'exorcise  au  nom  du  Dieu 
vivant  f,  du  Dieu  vraif ,  du  Dieu  saint  f,  du  Dieu  qui 
par  le  prophète  Elisée  te  fit  jeter  dans  les  eaux  pour  les 
rendre  salubres  ;  je  t'exorcise  afin  que  tu  deviennes 
pour  les  fidèles  une  source  de  salul,  et  que  tu  procures 
à  tous  ceux  qui  le  goûteront  la  santé  de  l'âme  et  du 
corps;  que  l'esprit  immonde,  sa  malice  et  ses  ruses 
fuient  et  disparaissent  de  tous  les  lieux  où  tn  seras  ré- 
pandu, et  cela,  au  nom  de  celui  qui  viendra  juger  leô 
vivants  et  les  morts  et  le  siècle  par  le  feu.  » 

Le  sel  délivré  des  malignes  influences  du  Démon, 
que  reste-t-il  au  prêtre,  sinon  de  conjurer  le  Seignetir 
de  venir  prendre  possession  de  sa  créature,  de  la  bénir 
de  nouveau  et  de  la  rendre  utile  au  genre  humain?  Il 
invite  tous  les  fidèles  à  se  réunir  à  lui  pour  obtenir  la 
même  grâce.  Prions,  dit-il,  et  il  continue  ainsi  : 

«  Dieu  éternel  et  tout-puissant,  nous  implorons  avec 
hamililé  votre  souveraine  clémence  :  daignez  darf^ 
votre  miséricorde  bénir  -J*  et  sanctifier  •[•  ce  sel  que  vous 
avez  créé  à  l'usage  du  genre  humain  ;  qu'il  serve  à  tous 
ceux  qui  en  prendront  au  salut  de  leur  âme  et  de  leur 
corps,  et  que  tout  ce  qui  en  sera  touché  et  aspergé  soit 
préservé  de  toute  impureté  et  toute  attaque  des  esprits 
de  malice.  Par  Jésus-Christ  notre  Seigneur,  qui  vit  et 
règne  avec  vous  en  l'union  du  Saint-Esprit,  dans  tous 
les  siècles  des  siècles.  «Tous les  fidèles,  parla  bouche  du 
clerc,  répondent  :  «  Qu'il  en  soit  ainsi  :  Amen.  » 


288  CATÉCHISME 

Voilà  le  sel  purifié,  oui,  purifié,  c'est-à-dire  ramené 
à  sa  cîestinalion  primitive ,  qui  était  d'être  utile  à 
l'homme,  et,  en  procurant  son  avantage,  de  procurer  la 
gloire  du  Créateur.  Oui,  quoi  qu'en  puisse  dire  l'impiété 
ou  la  légèreté  mondaine,  il  en  est  ainsi.  Si  elle  en  doute, 
qu'elle  réponde  donc  aux  questions  suivantes  :  Est-il 
vrai  que  les  créatures  sont  viciées  et  assujetties  au  Dé- 
mon qui  s'en  sert  pour  nuire  à  l'homme  et  le  tenter  ? 
Est-il  vrai  que  Dieu  peut  les  purifier  et  les  soustraire  à 
l'influence  du  Démon  ?  Est-il  vrai  qu'il  le  veut  ?  Est-il 
vrai  qu'il  peut  et  qu'il  veut  communiquer  son  pouvoir 
à  des  hommes  choisis?  Est-il  vrai  qu'il  le  leur  a  com- 
muniqué? L'a-t-il  dit? Répondre  affirmativement  à  ces 
questions,  c'est  être  catholique.  Y  répondre  négative- 
ment, c'est  abjurer  le  sens  commun,  c'est  faire  le  procès 
au  genre  humain.  Et  qui  êtes-vous  pour  vous  arroger 
un  pareil  droit  et  pour  dire  :  Moi  seul  je  suis  sage,  seul 
éclairé  parmi  les  mortels? 

Le  prêtre  ayant  donc  sanctifié  le  sel,  reprend  de  nou- 
veau l'attitude  du  commandement  ;  il  étend  la  main,  et, 
s'adressantà  l'eau,  il  dit  : 

«  Eau,  créature  de  Dieu,  je  l'exorcise,  au  nom  de 
Dieuf,  le  Père  tout-puissant,  au  nom  de  Jésus-Christj, 
son  Fils, notre  Seigneur,  et  par  lavertuduSaint-Esprilf, 
afin  que  tu  sois  une  eau  pure  et  sainte,  capable  de  dé- 
truire la  puissance  de  notre  ennemi  et  de  le  renverser 
lui-même  avec  ses  anges  apostals.  Par  notre^Seigneur 
Jésus-Christ  qui  viendra  juger  les  vivants  et  les  morts 
et  le  siècle  par  le  feu.  » 


DE    PERSÉVÉRANCE.  289 

El  le  prêlre  invite  les  fidèles  à  demander  avec  lui 
que  Dieu  veuille  opérer  ce  qu'il  demande.  Prions,  dit-il, 
et  il  continue  ainsi  : 

«  0  Dieu  !  qui,  en  faveur  du  genre  humain,  avez  donné 
à  l'eau  d'immenses  propriétés,  écoulez  favorablement 
nos  prières,  cl  répandez  la  vertu  de  voire  bénédiction  j 
sur  cet  élément  qui  est  préparé  pour  diverses  purifica- 
tions ;  faites  que,  servant  à  vos  mystères,  il  reçoive 
l'effet  de  voire  grâce  divine  pour  chasser  les  démons 
et  guérir  les  malades  ;  que  tout  ce  qui  sera  aspergé  de 
celte  eau,  dans  les  maisons  et  dans  les  autres  lieux  où 
se  trouveront  les  fidèles,  soit  préservé  de  toute  impu- 
reté et  de  tous  maux  ;  que  celte  eau  en  éloigne  tout 
souffle  pestilentiel,  ou  corrompu  ;  qu'elle  écarte  les 
pièges  de  l'ennemi  caché,  et  tout  ce  qu'il  pourrait  y 
avoir  de  nuisible  à  la  santé  ou  au  repos  de  ceux  qui  les 
habitent,  et  qu'enfin  celte  santé,  que  nous  demandons 
par  l'intercession  de  votre  saint  nom,  nous  soit  con- 
servée contre  toutes  sortes  d'attaques.  Par  Jésus-Christ 
notre  Seigneur,  etc.  » 

Pendant  ces  exorcismes  et  ces  oraisons,  le  prêtre  fait 
plusieurs  signes  de  croix  pour  rappeler  que  ce  n'est  que 
par  les  mérites  de  Jésus- Christ  que  le  Démon  a  perdu 
sa  puissance,  et  que  les  créatures  cessent  de  nous  être 
nuisibles. 

Le  prêtre  prend  ensuite  le  sel  avec  la  main  droite,  et 
le  répand  dans  l'eau  en  forme  de  croix  en  prononçant 
ces  paroles  :  «  Que  le  mélange  du  sel  avec  l'eau  se 
fasse  au  nom  du  Père  et  du  Fils  et  du  Saint-Esprit.  » 

T.    VII.  19 


S90  CATÉCHISME 

Alors  les  fidèles,  par  la  bouche  du  clerc,  répondent:  Qu'il 
en  soit  ainsi:  Amen.  Vient  ensuite  une  magnifique  et 
touchante  prière  par  laquelle  le  prêtre  conjure  le  Sei- 
gneur, au  nom  de  l'Eglise,  de  donner  à  l'eau  bénite 
toutes  les  vertus  exprimées  dans  les  oraisons  précé- 
dentes; il  dit: 

«  O  Dieu  !  auteur  d'une  puissance  invincible,  et  roi 
d'un  empire  inébranlable,  qui  triomphez  toujours  glo- 
rieusement, qui  réprimez  les  efforts  de  toute  domina- 
lion  opposée,  qui  abattez  la  fureur  de  l'ennemi  rugis- 
sant, et  qui  domptez  puissamment  la  malice  de  vos 
ennemis;  nous  vous  supplions  très-humblement,  Sei- 
gneur, de  regarder  d'un  œil  favorable  celte  créature 
de  sel  et  d'eau,  de  relever  sa  vertu  et  de  la  sanctifier 
par  la  rosée  de  votre  grâce,  afin  que,  par  l'invocation  de 
votre  saint  nom,  toute  corruption  de  l'esprit  impur  soit 
bannie  des  lieux  qui  en  seront  aspergés  ;  que  la  crainte 
du  serpent  venimeux  en  soit  éloignée,  et  qu'en  implo- 
rant votre  miséricorde  nous  soyons  en  tous  lieux  as- 
sistés par  la  présence  du  Saint-Esprit.  Par  notre  Sei- 
gneur Jésus-Christ,  etc.  » 

Ces  prières  nous  apprennent  que  nous  avons  lieu 
d'attendre  quatre  effets  de  l'eau  bénite  :  1°  de  chasser 
le  Démon  des  lieux  qu'il  a  pu  infester,  et  de  faire  cesser 
les  maux  qu'il  a  causés  ;  2°  de  l'éloigner  de  nous,  des 
lieux  que  nous  habitons,  et  de  tout  ce  qui  sert  à  nos 
usages;  3°  de  servir  à  la  guérison  des  maladies;  4<'  de 
nous  attirer  en  toute  occasion  la  présence  et  le  secours 
du  Saint-Esprit  pour  le  bien  de  notre  âme  et  de  notre 


DE  PERSÉVÉRANCE.  291 

corps.  Nous  avons  vu  que,  suivant  saint  Thomas  et  le 
commun  des  théologiens,  l'eau  bénite  sert  aussi  à  effa- 
cer les  péchés  véniels. 

Et  tous  ces  effets  sont  réellement  produits  par  Peau 
bénite.  Pour  les  révoquer  en  doute,  il  faut  nier  l'histoire 
ecclésiastique  depuis  la  première  page  jusqu  ù  la  der- 
nière; il  faut  regarder  comme  des  imposteurs  ou  des 
imbéciles  les  hommes  les  plus  vertueux  et  les  plus 
grands  génies  qui  aient  jamais  brillé  sur  la  terre  :  Ter- 
luUien,  Origène,  saint  Augustin,  saint  Chrysostôme, 
saint  Epiphane,  saint  Jérôme,  saint  Grégoire,  saint 
Bernard  et  bien  d'autres  '. 

C'en  est  assez  pour  justifier  l'Eglise  qui  fait  usage 
de  l'eau  bénite,  qui  en  asperge  chaque  dimanche  les 
fidèles  et  le  temple  où  ils  viennent  assister  aux  saints 
offices,  et  qui  en  conserve  toujours  à  la  porte  de  la  mai- 
son du  Seigneur. 

C'en  est  assez  pour  justifier  les  fidèles  qui,  suivant 
les  conseils  de  l'Eglise,  ne  doivent  pas  se  contenter  de 
prendre  de  l'eau  bénite  dans  l'église,  mais  encore  l'em- 
porter dans  leurs  maisons,  l'y  gajj-der  avec  soin,  en  pren- 
dre en  se  couchant,  en  se  levant,  et  en  divers  autres 
temps  de  la  journée,  pour  éloigner  d'eux  l'esprit  des  té- 
nèbres et  attirer  le  secours  de  Dieu  dans  mille  dangers 
imprévus  du  corps  et  de  l'âme. 

L'eau  étant  bénite,  le  prêtre,  revêtu  de  l'aube  et  de 
l'étole,  en  fait  l'aspersion.  L'Eglise  veut  purifier  les  fi- 
dèles afin  qu'ils  puissent  assister  au  saint  sacrifice  avec 

* 

*  Durantus,lib.  1,  c,  21. 


292  CATÉCHISMB 

plus  d'attention,  d'innocence  et  de  piété.  En  faut-il  da- 
vantage pour  nous  faire  prendre  la  résolution  efficace  de 
pas  manquer  à  l'aspersion?  Si  pendant  la  messe  nous 
sommes  distraits,  tièdes,  pesants,  n'est-ce  pas  notre 
faute?  Avons-nous  pris  le  moyen  établi  par  l'Eglise 
pour  éviter  ces  inconvénients? 

Arrivé  au  pied  de  l'autel,  le  prêtre  entonne  ce  verset 
du  psaume  5l.«  -.Asperges  me:  Vous  m'aspergerez,  Sei- 
gneur ;  et  le  chœur  continue  :  Avec  l'hysope,  et  je  serai 
purifié;  vous  me  laverez,  et  je  deviendrai  plus  blanc 
que  la  neige. 

Pourquoi  l'Eglise  a-t-elle  choisi  ce  verset?  Parce 
qu'il  est  très-propre  à  nous  marquer  les  effets  de  l'eau 
bénite?Pourquoile  prophète  Daviddit-il:  Vousm'asper- 
gerez  a\ecVhysope,  et  non  pas  avec  toute  autre  chose? 
Pour  trois  raisons  :  la  première,  parce  que  l'hysope  est 
un  petit  arbrisseau  dont  les  feuilles,  pressées  et  touf- 
fues, sont  très-propres  à  retenir  les  gouttes  d'eau  pour 
l'aspersion.  La  seconde,  parce  que  la  propriété  médicale 
de  l'hysope  est  de  purifier  et  de  dessécher  les  mauvaises 
humeurs  ;  ce  qui  la  rend  un  signe  très-convenable  de 
la  purification  de  l'âme  et  du  corps  par  l'eau  bénite.  La 
troisième,  parce  que  l'aspersion  du  sang  de  l'agneau 
pascal  sur  les  portes  des  maisons,  l'aspersion  de  l'eau 
qui  purifiait  de  la  lèpre,  se  faisaient  avec  un  bouquet 
d'hysope. 

Ces  aspersions  étaient  des  figures  de  celle  du  sang  de 
Jésus-Christ.  Or,  il  convenait  que  la  réalité  s'accomplît 
par  4e  même  moyen  que  l'ombre  et  la  figure.  Pendant 


DE    PERSÉVÉRANCE.  293 

l'aspersion,  nous  devons  donc  nous  regarder  comme  le 
peuple  d'Israël,  dont  les  tribus,  passant  devant  Moïse  au 
pied  du  Sinaï,  étaient  aspergées  du  sang  des  victimes, 
et  demander  sur  nous  l'aspersion  du  sang  de  Jésus- 
Christ,  la  grande  victime,  c'est-à-dire  l'application  des 
mérites  de  son  sang  précieux,  qui  seul  peut  effacer  les 
péchés  et  nous  préserver  de  tous  les  maux. 

Au  temps  pascal,  c'est-à-dire  depuis  Pâque  à  la  Tri- 
nité, on  chante  :  Vkli  aquam  :  J'ai  vu  Veau  sortir  par 
le  côté  droit  du  temple,  etc.  Tout  occupée  du  baptême 
qu'on  administrait  la  veille  de  Pâque,  l'Eglise  a  choisi 
ces  paroles  pour  en  rappeler  le  souvenir  à  ses  enfants. 
Ce  temple  sacré,  ouvert  du  côté  droit,  est  le  Sauveur 
dont  le  côté  entr' ouvert  laissa  couler  du  sang  et  de  l'eau, 
emblème  du  sacrement  de  la  régénération.  Entrons 
donc  dans  les  vues  de  cette  bonne  mère,  et  sollicitons 
avec  ardeur  la  conservation  ou  le  recouvrement  de  no- 
tre innocence  baptismale. 

Après  avoir  entonné  VÀsperges  me,  le  prêtre  récite  à 
voix  basse  le  psaume  Miserere.  Pour  obtenir  la  purifi- 
cation de  notre  âme,  il  faut  entrer  dans  les  sentiments 
exprimés  dans  ce  cantique  du  roi  pénilCTit.  Le  prêtre 
asperge  : 

1°  L'autel.  11  jette  par  trois  fois  de  l'eau  bénite,  au 
milieu,  au  côté  de  l'Evangile  et  au  côté  de  l'Epître  ;  il 
asperge  ensuite  le  sanctuaire,  dont  il  fait  le  tour.  L'E- 
glise se  propose  par  là  d'éloigner  de  ce  lieu  saint  et  re- 
doutable l'esprit  des  ténèbres,  qui,  au  sentiment  des 


•294  CATÉCHISME 

Pères,  fait  tous  ses  efforts  pour  troubler  les  prêtres  et 
les  ministres  qui  servent  à  l'autel. 

2°  Le  prêtre  se  donne  de  l'eau  bénite  à  lui-même 
en  portant  l'aspersoir  à  son  front;  il  asperge  ensuite 
tout  le  peuple  en  descendant  dans  la  nef.  De  retour  à 
l'autel,  il  invoque  le  Seigneur  et  le  conjure  d'accorder 
à  l'assemblée  sainte  les  effets  attachés  à  l'eau  bénite. 
Voici  sa  prière  : 

«  Exaucez-nous,  Seigneur  saint,  Père  tout-puissant, 
Dieu  éternel,  et  daignez  envoyer  des  cieux  votre  saint 
ange,  qui  conserve,  entretienne,  protège,  visite  et  dé- 
fende tous  ceux  qui  sont  en  ce  lieu.  Par  notre  Seigneur 
Jésus-Christ.  » 

Et  celte  prière,  qui  a  traversé  bien  des  siècles  *,  qui 
a  passé  par  les  lèvres  de  tant  de  saints  prêtres  et  pon- 
tifes, qui  a  retenti  auxoreillesdetantde  saints,  nos  pères 
et  nos  amis  ;  cette  prière,  qui  nous  rappelle  la  puissance 
des  Anges  protecteurs,  leurs  miracles  de  charité,  à  par- 
tir d'Abraham  et  de  Tobie  ,  l'assistance  de  celui  qui 
veille  à  notre  garde  ;  cette  prière,  dis-je,  a  tout  ce  qu'il 
faut  pour  remplir  notre  cœur  de  confiance,  d'allégresse 
et  de  piété.  Puisse-t-elle  toujours  produire  en  nous  ces 
saintes  dispositions  !  • 

PRIÈRE. 

0  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  établi  des  bénédictions  pour  sanctifier  toutes  les 

*  Sacram.  Gelas.,  238. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  295 

créatures  ;  faites-moi  la  grâce  de  ne  jamais  m'en  servir 
que  pour  votre  gloire. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu  ;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je  ferai  tous 
mes  efforts  pour  assister  à  l'aspersion  de  l'eau  bénite 
avant  la  messe. 

PETIT  CATÉCHISME. 

LE    CHRISTIANISME    RENDU    SENSIBLE. 

Vases  sacrés.  —  Eau  bénite. 

Q.  Quels  sont  les  principaux  vases  sacrés  ? 

R.  Les  principaux  vases  sacrés  sont  :  le  calice,  la  pa- 
tène, le  ciboire  et  l'ostensoir.  On  les  appelle  sacrés  parce 
qu'ils  sont  consacrés  par  les  bénédictions  de  i'évêque, 
et  destinés  uniquement  au  culte  de  Dieu. 

0-  Qu'est-ce  que  le  calice  ? 

R.  Le  calice  est  la  coupe  dont  le  prêtre  se  sert  à  l'au- 
tel pour  consacrer  et  pour  prendre  le  sang  précieux  de 
Notre-Seigneur.  Le  calice  est  aussi  ancien  que  le  Chris- 
tianisme. C'est  dans  une  coupe  que  le  Sauveur  consacra 
son  sang  et  le  donna  à  boire  à  ses  Apôtres.  Les  calices 
étaient  autrefois  beaucoup  plus  grands  qu'aujourd'hui, 
parce  que  le  peuple  communiait  sous  l'espèce  du  vin. 
Les  calices  doivent  être,  au  moins  la  coupe,  d'or  ou  d'ar- 
gent. 

Q.  Qu'est-ce  que  la  patène  ? 


-06  CATÉCHISME 

R.  La  patène  est  une  espèce  de  plat  sur  lequel  le 
prêtre  met  l'hostie  qu'il  offre  et  qu'il  consacre  à  la 
messe.  La  patène  était  autrefois  très-large  ;  il  y  en 
avait  même  plusieurs  pour  recevoir  le  pain  offert  par 
les  fidèles,  qui -communiaient  tous  à  la  messe. 

Q.  Qu'est-ce  que  le  ciboire  ? 

R.  Le  ciboire  est  un  vase  sacré  qui  ressemble  à  ua 
calice  fermé  par  un  cou\ercle.  On  y  garde  la  sainte 
Eucharistie  pour  l'usage  des  fidèles  et  des  malades.  Le 
ciboire  se  renferme  dans  le  tabernacle  ;  il  doit  aussi  être 
d'or  ou  d'argent,  par  respect  pour  le  corps  de  Noire- 
Seigneur.  Cela  nous  apprend  quelle  doit  être  la  pureté 
de  notre  cœur  pour  communier. 

Q.  Qu'est-ce  que  l'ostensoir  ? 

R.  L'ostensoir  est  une  espèce  de  tabernacle  portatif 
dans  lequel  on  expose  Notre-Seigneur  à  l'adoration  des 
fidèles,  dans  les  bénédictions  ou  dans  les  processions. 
L*usage  des  ostensoirs  remonte  au  temps  où  l'on  éta- 
blit la  fête  du  Saint-Sacrement. 

Q.  Quelle  cérémonie  précède  la  messe  du  dimanche? 

R.  La  cérémonie  qui  précède  la  messe  du  dimanche, 
c'est  la  bénédiction  de  l'eau  bénite  et  l'aspersion.  L'E- 
glise bénit  l'eau  parce  que  toutes  les  créatures  ont  été 
viciées  par  le  Démon,  qui  s'en  sert  pour  nous  tenter  et 
pour  nous  nuire.  Le  prêtre  met  du  sel  dans  l'eau  pour 
marquer  que  l'eau  bénite  empêche  nos  âmes  de  se  cor- 
rompre par  le  péché,  et  pour  marquer  aussi  que  le  Dé- 
mon n'aura  plus  le  pouvoir  d'infecter  cette  eau  sanc- 
tifiée. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  297 

Q.  Quels  sont  les  effets  de  l'eau  bénite  ? 

R.  Les  effets  de  l'eau  bénite  sont  :  1°  de  chasser  les 
démons  ;  2°  de  servir  à  la  guérison  des  malades  ;  5°  de 
nous  attirer  le  secours  de  Dieu;  4°  de  servir  à  effacer 
les  péchés  véniels.  Nous  devons  donc  la  prendre  avec 
beaucoup  de  respect,  en  avoir  chez  nous,  en  faire  le  si- 
gne de  la  croix  sur  nous,  au  moins  en  nous  levant  et  en 
nous  couchant. 

Q.  Pourquoi  fait-on  l'uspersion  dans  l'église  ? 

R.  On  fait  l'aspersion  dans  l'église  pour  chasser  le 
Démon  et  pour  purifier  les  fidèles,  afin  qu'ils  assistent  à 
la  messe  avec  attention,  innocence  et  piété.  L'usage  de 
l'eau  bénite  est  aussi  ancien  que  l'Eglise.  La  puissance 
de  cette  eau  sanctifiée  a  été  prouvée  par  un  grand 
nombre  de  miracles. 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  établi  des  bénédictions  pour  sanctifier  toutes  les 
créatures;  faites-moi  la  grâce  de  ne  jamais  m'en  servir 
que  pour  vôtre  gloire.         9  " 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je  ferai  tous 
mes  efforts  pour  assister  à  l'aspersion  de  l'eau  bénite 
avant  la  messe. 


298  CATÉCHISME 

XV*^  LEÇON. 

LE    CHRISTIANISME    RENDU    SENSIBLE. 

Processions  en  général.  —  Procession  du  dimanche  avant  la  messe. 
—  Division  de  la  messe.  —  Sis:niflfation  de  ce  mot.  —  Première 
partie  de  la  messe,  la  préparation  au  bas  de  l'autel. 

L'aspersion  finie,  la  procession  commence.  Avant  d'y 
aller,  sachons  ce  que  nous  allons  faire.  La  procession 
est  une  marche  religieuse  et  solennelle  du  clergé  et  du 
peuple.  Voici  encore  un  de  ces  rites  de  l'Eglise  catholi- 
que dont  l'existence  remet  sous  nos  yeux  l'antiquité  la 
plus  reculée.  Chez  tous  les  peuples  il  y  a  eu  des  proces- 
sions :  on  connaît  celle  que  fil  Saloraon  avec  une  ma- 
gnificence digne  de  lui,  pour  transporter  l'arche  d'al- 
liance dans  le  temple  de  Jérusalem  ;  on  connaît  celle  du 
peuple  juif  lorsqu'il  vint  à  la  rencontre  du  Sauveur, 
portant  en  ses  mains  des  branches  d'olivier,  et  chantant 
Hosanna,  gloire  au  Fils  de'&avid  ;  on  connaît  celles  des 
Païens  eux-mêmes,  et  en  particulier  celle  que  la  ville 
d'Aulun  faisait  en  l'honneur  de  Cybèle  :  elle  est  deve- 
nue fameuse  par  le  martyre  de  saint  Symphorien,  dont 
elle  fut  l'occasion'. 

Cette  antiquité,  cette  universalité  des  processions, 
ne  prouve-t-elle  pas  que  ce  rit  sacré  est  d'institution  di- 

'  Sur  les  processions  des  Païens,  voyez  Brisson,  lib.  2,  de  For- 
mulis 


DE    PERSÉVléRANCE.  299 

vine,  et  vient  d'une  révélation  primitive?  Où  Thomme 
aurait-il  pris  l'idée  qu'une  marche  solennelle  pouvait 
honorer  la  Divinité?  Héritière  de  tous  les  usages  et  de 
toutes  les  traditions  saintes  et  immortelles,  l'Eglise,  en 
adoptant  les  processions,   a  pris  son  bien  où  elle  l'a 
trouvé,  chez  les  Juifs  aussi  bien  que  chez  les  Païens. 
Dès  le  principe  elle  fil  acte  de  propriété.  Ses  premières 
processions  eurent  lieu  dans  les  Catacombes,  en  atten- 
dant qu'elle  pût  les  faire  à  la  face  du  soleil'.  Quels 
étaient  le  recueillement  et  la  ferveur  de  ces  processions 
de  Chrétiens,  la  plupart  destinés  au  martyre,  marchant 
à  la  lueur  des  flambeaux  dans  des  galeries  souterraines, 
au  milieu  des  tombeaux  de  leurs  frères  immolés  pour  la 
foi,  sous  la  conduite  d'un  évêque,  plus  vénérable  en- 
core par  ses  vertus  que  par  ses  cheveux  blancs  ?  il  est 
facile  de  nous  en  faire  une  idée.  Puisse  cette  idée  sa- 
lutaire nous  accompagner  nous-mêmes  lorsque  nous 
marchons  sur  les  traces  de  nos  pères.  Eh  quoi  !   la 
procession  du  dimanche   dans  l'intérieur  de  l'église 
ne  se  fait-elle  pas  dans  une  catacombe  à  la  lueur  des 
flambeaux,  entre  des  tombeaux  de  Martyrs  dont  les  os- 
sements sacrés  reposent,  à  notre  droite  et  à  notre  gau- 
che, dans  les  chapelles  latérales  de  la  basilique?  Et  nous- 
mêmes  ne  sommes-nous  pas,  ne  devons-nous  pas  être 
des  martyrs  de  la  paix,  comme  dit  saint  Cyprien  ^,  tou- 
jours prêts  à  nous  immoler  et  toujours  immolant  nos 
convoitises  au  Dieu  pour  qui  nos  aïeux  répandirent  leur 

'  Boldetti,  Observ.  supra  icimiter.,  lib.  11,  c.  16,  p.  529. 
*  Habet  et  pax  martyres  suos. 


300  CATÉCHISME 

sang? Que  dis-je?  noire  foi  n'esl-elle  pas,  suivant  l'ex- 
pression de  Tertullien,  un  engagement  au  martyre  de 
sang  '? 

Mais  pourquoi  des  processions?  quelle  est  la  raison, 
quel  est  le  sens  de  ce  fait  si  ancien  et  si  universel  ?  d'où 
vient  que  l'Eglise  le  conserve  si  religieusement?  pour- 
quoi, dans  ses  jours  de  joie  comme  dans  les  temps  de 
deuil,  ordonne-t-elle  des  processions  à  ses  enfants? 

Pénétrons  le  mystère.  La  procession  est  un  grand 
enseignement  :  c'est  l'image  de  la  vie,  c'est  toute  l'his- 
toire du  monde,  passée,  présente  et  future.  Qu'est-ce, 
en  effet,  que  la  vie  de  l'homme,  sinon  une  marche  vers 
le  ciel?  sorti  de  Dieu,  il  doit  retourner  à  Dieu.  Mais 
qui  dirigera  sa  route,  sinon  celui  qui  est  la  lumière  et 
le  guide  de  tout  homme  venant  en  ce  monde? 

Et  voilà  que  dans  nos  processions  la  croix  part  du  pied 
de  l'autel  :  c'est  Jésus-Christ  sortant  du  sein  de  son  Père 
pour  descendre  parmi  les  hommes;  la  croix  s'avance 
accompagnée  de  lumières  ;  les  fidèles  se  mettent  à  sa 
suite  :  c'est  Jésus-Christ  paraissant  au  milieu  de  nous,  ré- 
pandant la  lumière  de  sa  doctrine,  et  recueillant  sur  son 
passage  les  élus  de  Dieu,  dispersés  aux  quatre  vents  ;  la 
croix  précède  la  marche  :  c'est  Jésus  Christ  conducteur 
de  l'homme  dans  la  roule  du  ciel  ;  bientôt  à  la  croix 
se  réunissent  des  bannières;  sur  lune  est  l'image  de 
Marie,  sur  les  autres  l'image  des  saints  :  viennent  en- 
core des  châsses,  espèces  de  chars  de  triomphe  où  re- 
posent les   corps  sacrés  des    glorieux  vainqueurs  du 

'  Debitricein  martyrii  fidem. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  301 

monde  et  du  Démon.  Tous  sont  là  pour  diriger  nos  pas 
et  animer  noire  courage.  Le  peuple  suit  en  priant,  en 
chantant  tour  à  tour  ses  espérances  et  ses  douleurs.  Ah  ! 
c'est  ici  surtout  qu'est  l'image  de  la  vie,  de  la  vie  chré- 
tienne. N'est-ce  pas  au  milieu  des  prières,  des  larmes, 
des  soupirs  que  l'exilé  accomplit  son  voyage  jusqu'aux 
frontières  de  la  patrie?  n'est-ce  pas  sur  les  traces  de 
Jésus-Christ,  et  sous  la  protection  de  Marie  et  des  Saints, 
que  nous  devons  marcher  vers  le  ciel?  n'est-ce  pas  là 
une  des  plus  importantes  leçons  dont  l'homme  ait 
besoin? 

La  procession  est  à  peine  en  marche,  que  le  son 
des  cloches  se  fait  entendre  :  ce  sont  les  trompettes  de 
l'Eglise  militante  qui  annoncent  le  passage  du  grand  Roi 
et  de  son  armée  ;  passage  accompagné  de  combats  sans 
cesse  renaissants  contre  les  légions  infernales,  contre 
les  séductions  du  monde  et  les  passions  révoltées.  La 
procession  décrit  différentes  lignes,  parcourt  différentes 
routes  :  c'est  Jésus-Christ  parcourant  le  monde,  appe- 
lant à  lui  tous  les  hommes  de  l'Orient  et  de  l'Occident. 

Enfin  la  procession  rentre  dans  l'église  :  c'est  Jésus- 
Christ  rentrant  dans  le  ciel,  conduisant  à  sa  suite  les 
élus  sauvés  par  son  sang  et  éclairés  par  ses  paroles.  La 
croix  vient  se  reposer  au  pied  de  l'autel,  au  même  lieu 
d'où  elle  était  partie  :  c'est  Jésus-Christ  se  reposant  sur 
son  trône  à  la  droite  de  son  Père,  après  lui  avoir  conquis 
un  peuple  entier  d'adorateurs.  Les  fidèles,  rendus  au 
lieu  d'où  ils  étaient  partis, c'estl'homme,  enfant  du  ciel, 
de  retour  au  ciel  ;  c'est  l'exilé  revenu  dans  la  patrie. 


302  Catéchisme 

La  procession  est  unie  ;  la  vie  est  terminée  :  et  voilà  une 
grande,  une  louchante  leçon  donnée  à  l'homme;  une 
leçon  plus  significative,  plus  éloquente  et  plus  complète 
que  tous  les  discours  des  philosophes*. 

Telle  est  la  signification  générale  des  processions.  La 
plupart  se  rattachent  aussi  à  des  événements  mémorables 
dont  elles  conservent  le  souvenir  de  générations  en  géné- 
rations. Celle  du  dimanche,  avantla  grand'messe,  a  été 
établie  pour  rappeler  une  circonstance  de  la  résurrection 
de  Notre-Seigneur. 

Jl  est  écrit  que  les  Anges ,  s'adressant  aux  saintes 
femmes  venues  pour  visiter  le  sépulcre,  leur  dirent  : 
«  Allez,  dites  aux  disciples  et  à  Pierre  :  Le  Seigneur 
vous  précédera  en  Galilée,  »  Et  le  Seigneur  lui-même,  les 
rencontrant  comme  elles  sortaient  du  sépulcre,  leur  dit, 
après  qu  elles  l'eurent  adoré  et  embrassé  ses  pieds  sa- 
crés :  «  Allez,  avertissez  mes  frères  d'aller  en  Galilée  : 
là  ils  me  verront.  »  L'Eglise,  prenant  pour  elle  ces  pa- 
roles, se  met  en  marche  tous  les  dimanches  avant  l'au- 
guste sacrifice,  et  s'en  va,  comme  les  saintes  femmes, 
annoncer  de  toutes  parts  à  ses  enfants  que  son  époux 
est  ressuscité  C'est  le  même  jour  et  presque  à  la  même 
heure  où  cet  ordre  fut  donné  sur  le  Calvaire  aux  saintes 
femmes,  que  l'Eglise  l'accomplit  depuis  dix-huit  cents 
ans,  sur  tous  les  points  du  globe.  Et  voilà  comment 
nos  moindres  cérémonies  attestent  à  toutes  les  géné- 
rations  les  grands   événements   sur   lesquels  repose 

'  Sur  tout  ceci,  voyez  les  intéressants  détails  donnés  par  Du- 
rand, Ration,  div.  offic,  lib.  4,  c.  6. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  309 

l'histoire  du  genre  humain.  A  cette  procession  l'Eglise 
asperge  ses  enfants  d'eau  bénite  en  mémoire  du  bap- 
tême, parce  que  tous  les  dimanches  de  l'année  sont 
comme  une  suite  du  dimanche  de  Pâque  et  de  la  Pen- 
tecôte, jours  solennels  où  le  baptême  se  donnait  dans  les 
premiers  siècles  :  la  nuit  qui  précédait  ces  grandes  fêtes 
faisait  partie  des  fêtes  elles-mêmes.  On  croit  commu- 
nément que  c'est  le  pape  Agapet  qui  a  établi  la  proces- 
sion du  dimanche*. 

Lorsque  la  procession  rentre  dans  le  chœur  on  chante 
une  antienne  au  saint  patron  de  l'église  :  on  le  supplie 
de  veiller  sur  les  fidèles,  surtout  durant  le  sacrifice. 
Celle  qu'on  chante  à  Nevers  s'adresse  à  saint  Cyr  et 
à  sainte  Julilte,  sa  mère,  patrons  de  la  cathédrale  : 
elle  est  ainsi  conçue  :  Parentes  nostri,  etc.  :  «  O  nos 
pères,  et  vous  tous  qui  habitez  dans  les  cieux,  inter- 
cédez pour  nous  auprès  du  Seigneur  notre  Dieu,  afin 
qu'il  agisse  avec  nous  dans  sa  miséricorde,  qu'il  nous 
donne  la  joie  du  cœur,  et  qu'il  fasse  régner  la  paix 
pendant  tout  le  cours  de  notre  vie.  » 

Ces  prières  et  toutes  les  processions  doivent  nous 
faire  penser  que  nous  sommes  voyageurs  sur  la  terre, 
que  le  ciel  est  notre  patrie,  que  nous  avons  besoin  de 
Jésus-Christ  pour  y  tendre  et  pour  y  arriver.  Il  est  la 
voie,  la  vérité  et  la  vie  :  la  voie  par  où  l'on  marche,  la 
vérité  où  l'on  tend,  et  la  vie  où  Ton  demeure  éternelle- 
ment^. 

'  Rupert.,  lib.  7,  c.  20.  Durandus,  lib.  4,  c  6.  Idem,  lib.  1 1 ,  c.  10. 
Meunier,  Traité  des  processions.  Eveillon,  de  Process.  Ecclesiœ. 
*  S.  Aug.,  Tract,  in  Joan.  Le  P,  Lebrun,  93. 


304  CATÉCHISME 

Nous  voici  revenus  de  la  procession:  recueillons-nous 
maintenant,  l'auguste  sacrifice  va  commencer.  Nous  di- 
viserons la  messe  en  six  parlies  *. 

La  première  comprend  la  préparation  au  sacrifice, 
qui  se  fait  au  bas  de  l'autel;  la  deuxième,  depuis  l'In- 
troït jusqu'à  rOfTertoire  ;  U  troisième,  depuis  l'Offertoire 
jusqu'au  Canon  ;  la  quatrième,  depuis  le  Canon  jusqu'au 
Pater;  la  cinquième,  depuis  la  prière  libéra  nos  jusqu'à 
la  Communion  ;  la  sixième ,  depuis  la  Communion 
jusqu  à  la  fin  de  la  messe. 

Le  mot  messe  veut  dire  renvoi.  Dans  les  premiers  siè- 
cles de  l'Eglise  il  y  avait  deux  renvois  des  assistants.  Le 
premier  avait  lieu  après  l'évangile  et  l'instruction,  lors- 
que le  diacre  avertissait  les  catéchumènes,  les  infidèles, 
les  pénitents  et  tous  ceux  qui  ne  devaient  point  parti- 
ciper aux  saints  mystères,  de  sortir  de  l'église  :  et  ce 
renvoi  s'appelait  la  messe  ou  le  renvoi  des  catéchumènes. 
Le  second  avait  lieu  lorsqu'après  la  célébration  du  saint 
sacrifice  le  même  diacre  disait  aux  fidèles  :  «  Sortez,  le 
moment  en  est  venu  ^.))  Etce  second  renvoi  s'appelait  la 
messe  ou  le  renvoi  des  fidèles^.  Le  nom  de  messe  donné 
aux  saints  mystères  semble  né  avec  l'Eglise  ;  on  le 
trouve  dès  l'origine  du  Christianisme.  Vers  l'an  166,  le 
pape  saint  Pie,  écrivant  à  Juste,  évêque  de  Vienne,  lui 
dit  :  «  Notre  sœur  Euprepia,  comme  vous  vous  en  sou- 
venez, a  donné  sa  maison  aux  pauvres.  Nous  y  demeu- 

•  Lebrun,  ici.  Le  P.  de  Condren,  Idée  du  Sacerdoce,  etc. 
"  Ite,  missa  est. 
'  Bona,  lib.  i,  c.  1. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  305 

rons  maintenant  et  nous  y  célébrons  la  messe*.  »  En 
254,  le  pape  saint  Corneille,  écrivant  à  Lupicin,  évoque 
de  la  même  église  de  Vienne,  lui  dit  :  *  Il  n'est  pas 
permis  maintenant  aux  Chrétiens  de  célébrer  publique- 
ment la  messe,  même  dans  les  Catacombes  les  plus 
connues,  à  cause  de  la  violence  de  la  persécution  ^  » 

La  première  partie  de  la  messe  est  la  préparation 
qui  se  fait  au  bas  de  l'autel.  Le  prêtre  chargé  du  mi- 
nistère le  plus  auguste  et  le  plus  redoutable  sort  de  la 
sacristie,  paré  de  ses  ornements,  et  s'avance  avec  mo- 
destie et  gravité  pour  consommer  la  grande  action  qui 
doit  réconcilier  le  ciel  avec  la  terre.  Encore  un  instant, 
et  il  fera  pleuvoir  sur  le  monde  les  bénédictions  les  plus 
abondantes,  ou  plutôt  il  fera  pleuvoir  le  Juste,  auteur 
de  toute  grâce.  Arrivé  au  pied  de  l'autel,  qu'il  salue 
profondément,  il  n'ose  en  franchir  les  degrés,  ou,  s'il  les 
monte  pour  quelques  préparatifs,  il  les  redescend  bientôt 
comme  repoussé  par  la  majesté  du  Dieu  qui  va  paraître. 

11  se  prosterne  de  nouveau  et  dit  :  In  nomine  Pa- 
trisy  etc.  Pour  sacrifier  une  victime,  il  faut  avoir  droit 
sur  sa  vie;  or,  Dieu  seul  a  droit  sur  la  vie  du  Verbe 
incarné,  victime  du  sacrifice  de  l'autel.  Afin  donc  de 
pouvoir  oflVir  Jésus-Christ  à  Dieu  son  Père,  le  prêtre 
a  besoin  de  l'autorité  de  Dieu  même.  Celle  autorité 
lui  a  été  promise,  elle  est  attachée  à  son  sacerdoce,  il 
l'invoque  en  disant  :  Au  nom  du  Père. 

'  Soror  nostra  Euprepia,  sicut  benè  recordaris,  titulum  domus 
suœ  pauperibusassignavit,  ubi  aiinccommorantes  missasaginius 
Baronius,  ann.  165. 

'  Bona,  c.  3,  p.  13. 

T.    VII.  JO 


306  Catéchisme 

Au  nom  du  PèrCy  qui  seul  a  le  droit  de  sacrifier  son 
Fils,  parce  que  lui  seul  a  droit  sur  sa  vie;  au  nom  du 
Père,  par  l'autorité,  par  le  choix  et  par  la  vocation  de 
qui  je  suis  prêtre. 

C'est  aussi  au  nom  du  Fils,  et  Filii,  c'est-à-dire  en 
sa  personne  et  en  sa  place,  comme  faisant  partie  de 
ce  prêtre  unique  et  éternel,  comme  associé  à  son  sa- 
cerdoce et  revêtu  de  sa  puissance,  afin  qu'il  fasse  sur 
la  terre,  par  mon  ministère,  ce  qu'il  fit  lui-même  sur 
la  croix,  et  ce  qu'il  fait  encore  dans  le  ciel. 

C'est  enfin  au  nom  du  Saint-Esprit,  et  Spiritus 
sancti,  c'est-à-dire  en  sa  puissance;  car  c'est  par  lui 
que  la  victime  de  ce  sacrifice  a  été  formée  dans  le  sein 
de  l'augusle  Marie  ;  c'est  par  lui  que  je  peux  avoir  la 
sainteté  nécessaire  à  mes  redoutables  fonctions. 

Telle  est  donc  la  signification  du  signe  de  la  croix 
que  le  prêtre  forme  sur  lui  au  commencement  de  la 
messe  : 

Au  nom  du  Père,  dont  je  suis  prêtre  ; 

Au  nom  du  Fils,  de  qui  je  suis  prêtre; 

Au  nom  du  Saint-Esprit,  par  qui  je  suis  prêtre  ; 

Au  nom  du  Père,  à  qui  j'ofl're  le  sacrifice; 

Au  nom  du  Fils,  que  j'offre  en  sacrifice  ; 

An  nom  du  Saint-Esprit,  par  qui  je  l'offre  en  sacri- 
fice. 

Le  prêtre  a  besoin  de  se  rappeler  tous  ces  souvenirs 
pour  oser  entreprendre  d'immoler  la  grande  victime. 
Cosacrificateurs  avec  le  prêtre,  les  fidèles  aussi  doivent 
se  les  rappeler  ;  et  pour  cela,  ils  doivent  faire  avec  un 


DE    PERSÉVÉRANCE.  307 

respect  et  une  attention  parliculière  le  si^ne  de  la  croix, 
qui  commence  la  messe. 

Elonné  de  ce  qu'il  va  faire,  le  prêtre  s'écrie  :  Quoi, 
j'irai  à  la  montagne  sainte,  je  monterai  à  l'autel  du 
Dieu  vivant  !  Intro'ibo  ad  altare  Dei!  Ici  commence  en- 
tre lui  et  le  peuple  assemblé,  représenté  par  le  clerc 
qui  répond  la  messe,  un  de  ces  dialogues  inimitables 
qu'on  ne  trouve  dans  aucune  langue  humaine. 

Craignant  que  la  frayetir  n'arrête  le  prêtre,  le  clerc 
semble  l'encourager  au  nom  de  tout  le  peuple,  que  réu- 
nit le  désir  de  recueillir  les  fruits  du  sacrifice  :  Oui, 
lui  dit-il,  vous  irez  vers  le  Dieu  bon  et  clément  qui  ré- 
jouit noire  jeunesse  :  Ad  Deum,  etc. 

C^s  paroles  ne  le  rassurent  pas  encore.  Alors,  s'a- 
dressant  directement  à  Dieu,  il  le  prie  d'entrer  en  juge- 
ment avec  lui,  avant  qu'il  franchisse  le  pas  sacré.  Il 
le  conjure  de  ne  point  faire  allenlion  à  ses  fautes,  mais 
de  se  souvenir  seulement  qu'il  est  de  la  nation  sainte, 
et  qu'il  désire  être  entièrement  séparé  du  mensonge  et 
de  l'iniquité  ;  il  le  supplie  de  lui  envoyer  d'en  haut  sa 
divine  lumière,  cet  esprit  de  vérité  et  de  foi  qui  peu- 
vent le  conduire  sûrement  à  la  montagne  du  salut,  à 
ce  tabernacle  auguste  où  réside  la  majesté  du  Tout- 
Puissant. 

Pendant  qu'il  s'occupe  ainsi  avec  le  Seigneur,  tou- 
jours tremblant  sur  son  indignité,  le  peuple  représenté 
par  le  clerc,  effrayé  de  celte  indécision  et  de  ces  re- 
tards, l'interrompt  à  plusieurs  reprises  pour  l'exciter. 
Il  lui  rappelle  que  le  Seigneur. est  notre  force  et  notre 


308  CATÉCHISME 

soutien  ;  qu'il  sait  guérir  nos  blessures  et  rendre  à  notre 
âme  sa  beauté  ;  et  le  peuple  lui  répèle  :  Oui,  vous 
irez  à  l'autel  du  Dieu  qui  réjouit  notre  jeunesse. 

Cédant  à  ces  instances  réitérées,  le  prêtre  s'écrie  : 
Oui,  mon  Dieu,  je  clmnterai  vos  louanges  à  la  face  de 
la  terre  ;  et  toi,  mon  âme,  pourquoi  es-tu  triste  et  me 
troubles-tu  de  la  sorte  ? 

Oui,  continue  le  peuple,  espérez  au  Seigneur;  nous 
le  bénirons  avec  vous.  Il  est  tiotre  Sauveur  et  notre 
Dieu. 

Gloire  lui  soit  rendue  :  Gloria  Patri,  etc.,  répond  le 
prêtre. 

Et  le  peuple,  unissant  sa  voix  à  la  sienne,  continue 
la  louange  de  l'auguste  Trinité  :  Sicul  crat,  etc. 

Mais,  comme  s'il  se  repentait  de  la  promesse  qu'il 
vient  de  faire  d'avance,  le  prêtre  s'étonne  de  nouveau  ; 
Quoi  !  je  monterai  à  l'autel  de  Dieu  ! 

Assurément,  lui  répond  le  peuple,  le  Dieu  de  miséri- 
corde vous  y  appelle.  Encore  une  fois,  c'est  le  Dieu  bon, 
le  Dieu  qui  réjouit  notre  jeunesse. 

Eh  bien  !  c'en  est  fait,  dit  le  prêtre,  je  mets  ma  force 
et  ma  confiance  dans  le  nom  du  Seigneur  :  Adjuto- 
rium,  elc. 

Elle  est  bien  placée,  répond  le  peuple  :  c^est  lui  qui 
a  fait  le  ciel  et  la  terre  :  Qui  fecit,  elc. 

Alors,  s'inclinant  profondément  et  se  frappant  la  poi- 
trine comme  le  Publicain  qui  n'osait  lever  les  yeux,  le 
prêtre  se  proclame  coupable  à  la  face  du  ciel  et  de  la 
terre.  Placé  entre  la  Jérusalem  céleste  et  la  Jérusalem 


DE    PERSÉVÉRANCE.  309 

terrestre,  il  appelle  ces  deux  cités  à  entendre  le  récit 
de  ses  fautes,  et  les  conjure  d'en  solliciter  le  pardon  : 
Confiteor,  etc. 

Et  le  peuple  de  la  terre,  unissant  sa  voix  à  celle  du 
peuple  du  ciel,  répond  :  «  Que  le  Seigneur  Dieu  tout- 
puissant  ait  pitié  de  vous,  et  qu'après  vous  avoir  par- 
donné vos  péchés,  il  vous  conduise  à  la  vie  élernelle  :  » 
Misereatur,eic.Ei  pendant  que  toute  l'Eglise  demande 
grdce  et  pardon  pour  son  ministre,  celui-ci  reste  pro- 
fondément incliné  dans  l'attitude  d'un  suppliant.  Avant 
de  se  relever,  il  exprime  le  seul  vœu  qu'il  ait  dans  le 
cœur  :  Amen  :  «  Qu'il  en  soit  ainsi,  dit-il  au  peuple,  que 
le  Seigneur  exauce  vos  prières  et  purifie  mon  âme.  » 

Touché  de  cette  humilité  du  prêtre,  le  peuple  com- 
prend que  lui  aussi  a  besoin  de  pardon  et  de  miséricorde. 
Et,  de  fait,  n'oJ!Ve-t-il  pas  avec  le  prêtre  ?  ne  doit-il 
pas  être  saint  comme  lui?  Le  Seigneur  verra-t-il  avec 
complaisance  l'otTrande  de  son  ministre,  si  le  peuple 
pour  qui  il  prie  ne  fait  rien  pour  se  purifier  lui-même? 
Et  voilà  que  le  peuple,  prenant  à  son  tour  l'attitude  du 
pénitent,  confesse  humblement  ses  fautes,  se  frappe  la 
poitrine,  et  demande  au  prêtre,  qu'il  appelle  son  père, 
de  prier  pour  lui  le  Dieu  tout-puissant.  Et  le  prêtre  ré- 
pond :  «  Que  le  Seigneur  tout-puissant  ait  pitié  de  vous, 
et  qu'après  vous  avoir  pardonné  vos  péchés,  il  vous  con- 
duise à  la  vie  éternelle.  »  Puis,  mêlant  sa  cause  à  celle 
du  peuple,  il  ajoute  :  «  Que  le  Seigneur  tout-puissant 
et  miséricordieux  nous  accorde  l'indulgence,  l'absolu- 
tion et  la  rémission  de  nos  péchés.  »  Et  en  disant  cette 


310  CATÉCHISME 

prière,  il  fait  le  signe  de  la  croix,  afin  de  rétablir  en  lui- 
même  et  dans  le  peuple  l'image  de  Jésus  crucifié  î 
image  d'innocence  et  de  sainteté  parfaite. 

De  quel  œil  pensez-vous  que  l'Eglise  du  ciel,  celle 
sœur  aînée  de  l'Eglise  de  la  terre,  doive  voir  sa  jeune 
sœur  s'humiliant  ainsi  et  se  repentant  devant  le  Père 
commun  ?  Les  brebis  prient  pour  le  pasteur,  et  le  pas- 
teur pour  les  brebis.  Est-il  un  spectacle  plus  attendris- 
sant et  plus  propre  à  faire  descendre  sur  la  terre  un 
ileuve  de  miséricordes? 

Plein  de  confiance,  le  prêtre,  s'adressant  au  Seigneur, 
lui  dit  :  «  Maintenant,  Seigneur,  vous  vous  convertirez 
à  nous;  vous  nous  regarderez  d'un  œil  favorable  :  ce 
regard  nous  donnera  la  vie  :  »  Deus  tu  conversus,  etc. 

Et  le  peuple  ajoute  celte  touchante  parole  :  «  Et  vo- 
tre peuple  se  réjouira  en  vous.  Votre  peuple,  ce  peuple 
que  vous  avez  tant  aimé,  pour  qui  vous  avez  opéré  tant 
de  prodiges  ;  ce  peuple  qui  vous  est  cher  comme  la  pru- 
nelle de  votre  œil  ;  ce  peuple  se  réjouira  en  vous,  et  la 
joie  des  enfants  fera  le  bonheur  et  la  gloire  du  Père  :  » 
Et  plehs  tua,  etc.  Ces  prières  mutuelles,  ce  touchant 
commerce  de  charité,  cette  humiliation  devant  Dieu, 
ont  ramené  dans  le  cœur  la  confiance  et  la  joie.  Le 
prêtre  et  le  peuple  achèvent  leur  admirable  dialogue 
en  conjurant  le  Seigneur  de  laisser  monter  jusqu'à  l'o- 
reille de  son  cœur  le  cri  de  leur  amour. 

Je  dis  que  ce  dialogue  esl  admirable.  Si  nous  vou- 
lions l'examiner  avec  les  yeux  profanes  de  la  critique 
littéraire,  il  ne  serait  pas  difficile  de  montrer  que  l'E- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  311 

glise,  qui  le  met  dans  la  bouche  de  ses  enfants,  au  mo- 
ment de  l'action  la  plus  redoutable  et  la  plus  sainte,  a 
parfaitement  connu  la  théorie  des  passions.  En  effet, 
un  sentiment  vif,  profond,  quel  qu'il  soit,  douleur, 
amour,  haine,  tristesse,  indignité,  se  replie  sans  cesse 
sur  lui-même.  Vous  pouvez  varier  les  termes  pour  l'ex- 
primer, mais  c'est  toujours  lui.  Or,  voyez  comment  le 
sentiment  d'indignité,  de  misère,  d'humilité,  qui  pé- 
nètre le  prêtre  et  le  peuple  en  présence  de  l'autel  du 
Dieu  trois  fois  saint,  se  répète  sans  cesse  et  s'exprime 
dans  chaque  parole  !  Mais  je  m'oublie. 

Vlntroibo  et  le  psaume  Judîca  sont  en  usage  dans 
l'Eglise  romaine  depuis  plus  de  sept  cents  ans  *.  Avant  le 
neuvième  siècle,  on  laissait  aux  évêques  et  aux  prêtres 
la  liberté  de  faire  cette  préparation,  selon  leur  dévotion, 
soit  seuls  et  en  silence,  soit  avec  les  ministres.  Si  les 
souverains  pontifes  ont  depuis  changé  cet  usage,  gardeï- 
vous  de  penser  qu'ils  se  soient  crus  plus  éclairés  et  plus 
sages  que  leurs  prédécesseurs  ou  les  Apôtres,  non  ; 
mais  le  temps  et  les  circonstances  l'ont  exigé. 

Aux  messes  des  morts  et  au  temps  de  la  passion, 
on  supprime  ce  psaume,  à  cause  de  ces  paroles  :  0 
mon  âme,  pourquoi  êtes-vous  triste?  Quare  tristis 
es?  etc.  Ces  paroles  doivent  bannir  toute  tristesse,  au 
lieu  que  les  cérémonies  lugubres  de  l'office  des  morts 
et  du  temps  de  la  passion  l'inspirent.  Cependant,  à  ces 
messes-là  même,  l'Eglise  n'ôte  pas  au  prêtre  la  conso- 
lation intérieure  qu'il  espère  trouver  à  l'autel;  c'est 

'  Innocent  ni,lib.  11,  de  Myst.  missœ,  c.  13. 


312  CATECHISME 

pourquoi  il  dit  toujours  :  J'entrerai  jusqu'à  l'autel  du 
Dieu  qui  réjouit  ma  jeunesse  '. 

Avant  de  quitter  le  peuple  pour  monter  à  l'autel,  le 
prêtre  lui  dit  :  Que  le  Seigneur  soit  avec  vous  :  Domi- 
nus  vobiscum;  et  le  peuple  répond  :  Et  aussi  avec  votre 
esprit  :  Et  cum  spiritu  tuo.  Ces  paroles,  tirées  de  l'E- 
criture, sont,  depuis  une  haute  antiquité,  employées 
par  l'Eglise  pour  exprimer  le  salut  mutuel  du  prêtre 
et  du  peuple.  Ce  peu  de  mots  renferment  un  grand 
sens.  Accoutumés  à  les  entendre  sortir  de  la  bouche 
du  prêtre,  et  peut-être  à  lui  répondre  par  habitude, 
avons-nous  jamais  médité  ce  qu'il  nous  promet  de  la 
part  de  Dieu,  et  ce  que  nous  lui  désirons  à  notre  tour? 

Que  le  Seigneur  .«oit  avec  vous  !  Eh  !  que  peut  le 
prêtre  nous  souhaiter  de  meilleur?  C'est  au  moment 
du  sacrifice  qu'il  adresse  ces  paroles  aux  fidèles.  C'est 
comme  s'il  leur  disait  :  «  Que  pendant  l'auguste  action 
où  le  ciel  va  s'ouvrir,  où  Dieu  va  descendre,  où  je  vais 
traiter  de  vos  plus  grands  intérêts,  l'Esprit  de  Dieu  repose 
sur  vous;  qu'il  forme  en  vous  l'esprit  de  prière,  qu'il 
vous  donne  les  saintes  dispositions  de  repentir  et  de 
ferveur  nécessaires  au  succès  de  vos  demandes.  Que  le 
Seigneur  soit  avec  vous  dans  ce  moment  où  il  désire 
lui-même  avec  tant  d'ardeur  de  s'unir  à  vous.  »  Est-il  un 
souhait  plus  touchant  et  plus  étendu?  N'y  mettons  point 
d'obstacle,  et  il  s'accomplira  en  notre  faveur. 

La  réponse  que  le  peuple  fait  au  prêtre  renferme  les 
mêmes  vœux  :  Et  avec  votre  esprit.  Le  peuple  ne  dit 

'  Lebrun,  [>.  113. 


DE    PERSÉVÉRANCB.  313 

pas  :  Et  avec  vous,  mais  :  Avec  votre  esprit,  parce  que, 
dit  un  auteur  du  neu\ième  siècle,  tout  est  mvslérieux 
et  spirituel  dans  les  fonctions  qu'il  va  remplir,  et  que 
son  cœur  ne  peut  être  pénétré  de  la  grandeur  de  son 
ministère,  qu'autant  que  son  esprit  s'applique  à  réfléchir 
sur  les  grandes  vérités  que  lui  présentent  les  prières 
qu'il  va  réciter.  En  un  mot,  le  peuple  ne  regarde  plus 
le  prêtre  comme  un  homme,  mais  comme  un  pur  es- 
prit, comme  un  ange  de  Dieu  qui  va  pénétrer  pour  lui 
dans  le  redoutable  sanctuaire,  et  accomplir  la  fonction 
la  plus  angélique  dont  une  créature  puisse  être  ho- 
norée. 

Ainsi  le  prêtre  souhaite  aux  fidèles  que  Jésus-Christ 
soit  au  milieu  d'eux,  el  le  peuple  fait  la  même  prière 
pour  le  prêtre,  afin  que  Jésus-Christ  soit  tout  en  tous; 
que  lui  seul  prie,  aime,  adore  dans  tous  les  cœurs,  et 
que  tous  les  cœurs  réunis  ne  forment  qu'un  seul  cœur 
en  Jésus-Christ.  Afin  d'entretenir  et  de  renouveler  cette 
union,  on  répète  cette  prière  jusqu'à  huit  fois  durant  la 
messe.  Puissions-nous  ne  pas  l'oublier  ! 

PRIÈRE. 

0  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  établi  le  saint  sacrifice  de  la  messe,  où  vous 
m'appliquez  les  mérites  de  votre  mort  et  passion;  fai- 
tes-moi la  grâce  d'y  assister  avec  plus  de  piété  que  je 
n'ai  fait  jusqu'ici. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 


314  CATÉCHISME 

de  Dieu  ;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je  réciterai 
U  Confiteor  au  commencement  de  la  messe  avec  heau- 
toup  de  piété. 


PETIT  CATÉCHISME. 

LE    CHRISTIANISME    RENDU    SENSIBLE. 

Processions. — Première  partie  de  la  messe. 

Q.  Qu'est-ce  que  les  processions? 

R.  Les  processions  sont  des  marches  religieuses  et 
solennelles  du  clergé  et  du  peuple. 

Q.  L'usage  des  processions  est-il  bien  ancien? 

R.  L'usage  des  processions  est  bien  ancien.  On  le 
trouve  sous  la  loi  de  Moïse.  L'Ecriture  nous  parle  des 
processions  raagniflques  que  firent  David  et  Salomon 
pour  transporter  l'Arche  d'alliance  à  Jérusalem.  Les 
Païens  eux-mêmes  faisaient  des  processions  en  l'hon- 
neur de  leurs  faux  dieux  :  c'était  un  reste  de  la  tradition 
primitive  qu'ils  avaient  conservée,  mais  qu'ils  profa- 
naient. 

Q.  Que  signifient  les  processions? 

R.  Les  processions  sont  l'image  de  notre  vie;  elles 
nous  rappellent  que  nous  sommes  des  voyageurs  sur  la 
terre.  La  croix  qui  marche  en  tête,  suivie  des  banniè- 
res, montre  que  pour  arriver  au  ciel  nous  devons  suivre 
les  traces  de  Jésus-Christ  et  des  Saints.  La  procession 
revient  au  lieu  d'où  elle  était  partie,  pour  nous  appren- 
dre que  nous  devons  retourner  à  Dieu,  d'où  nous  som- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  315 

mes  sortis.  Il  faut  assister  aux  processions  avec  beàtt- 
coup  de  recueillement,  de  piété  et  de  modestie. 

Q.  Pourquoi  a-t- on  établi  la  procession  du  dimanche 
avant  la  grand'messe? 

R.  On  a  établi  la  procession  du  dimanche  avant  là 
grand'messe  en  mémoire  de  la  résurrection  de  Jésus- 
Christ.  Le  Sauveur  étant  ressuscité,  apparut  aux  saintes 
femmes,  et  leur  dit  d'aller  aimoncer  cette  nouvelle  aux 
Apôtres.  L'Eglise,  épouse  de  Notre-Seigneur,  prenant 
pour  elle  ces  paroles,  se  met  en  marche,  chaque  di- 
manche matin ,  pour  imiter  le  voyage  des  saintes  femmes, 
et  pour  annoncer  à  tous  ses  enfants  la  résurrection  du 
Sauveur. 

Q.  En  combien  de  parties  se  divise  la  sainte  messe? 

R.  La  sainte  messe  se  divise  en  six  parties  :  1°  la  pré- 
paration qui  se  fait  au  bas  de  l'autel  ;  2°  depuis  l'Introït 
jusqu'à  rOiïertoire;  3"  depuis  TOIFertoire  jusqu'au  Ca- 
non; 4"  depuis  le  Canon  jusqu'au  Pater;  5°  depuis  le 
Pater  jusqu'à  la  Communion  ;  6°  depuis  la  Communion 
jusqu'à  la  fin  de  la  messe. 

Q.  Que  veut  dire  le  mot  de  messe? 

R.  Messe  veut  dire  renvoi,  parce  que,  dans  les  pre- 
miers siècles,  le  diacre  renvoyait  les  catéchumènes  à 
l'Offertoire  et  les  fidèles  à  la  fin  de  la  messe.  Il  disait 
aux  premiers  :  Catéchumènes,  sortez  ;  et  aux  seconds  ; 
AUezy  le  moment  de  sortir  est  venu. 

Q,  De  quoi  se  compose  la  première  partie  de  la 
messe? 

i{.[La  première  partie  de  la  messe  se  compose  du  signe 


316  CATÉCHISME 

de  la  croix,  d'un  psaume,  du  Confiteor  et  de  plusieurs 
autres  prières.  Dans  toutes  ces  prières  le  prêtre  confesse 
son  indignité  et  redoute  de  monter  à  l'autel.  Le  peuple 
l'encourage  :  il  craint  d'être  privé  des  fruits  du  sacrifice. 
Le  prêtre  confesse  publiquement  qu'il  est  pécheur;  il 
se  frappe  la  poitrine,  et  prie  le  peuple  d'intercéder  pour 
lui.  Le  peuple  le  fait,  et  demande  à  son  tour  la  même 
grâce  au  prêtre  ;  car  c'est  par  le  repentir  qu'il  faut  se 
préparer  au  saint  sacrifice.  Le  prêtre  dit  :  Que  le  Sei- 
gneur soit  avec  vous,  et  il  répète  cette  parole  jusqu'à 
huit  fois  durant  la  messe,  et  le  peuple  répond  :  Et  avec 
votre  esprit.  Ces  paroles  renferment  tout  ce  que  nous 
pouvons  désirer  de  meilleur.  Si  le  Seigneur  est  avec 
nous,  que  peut-il  nous  manquer,  soit  pour  le  corps,  soit 
pour  l'âme?  Ah!  que  nous  entendrons  bien  la  messe, 
si  ;ious  ne  mettons  point  d'obstacle  au  souhait  que  nous 
fait  le  prêtre  ! 

PRIÈRE. 

0  mon  Dieu!  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  établi  le  saint  sacrifice  de  la  messe,  où  vous 
m'appliquez  les  mérites  de  votre  mort  et  passion  ;  faites- 
moi  la  grâce  d'y  assister  avec  plus  de  piété  que  je  n'ai 
fait  jusqu'ici. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu  ;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je  réciterai 
le  Confiteor  au  commencement  de  la  messe  avec  beau- 
coup de  piété. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  317 

XVP   LEÇON. 

LE   CHRISTIANISME   RENDU   SENSIBLE. 

Encensements.  —  Seconde  partie  de  la  messe,  depuis  l'Introït  jus- 
qu'à l'Offertoire.  —  Introït.  —  Kyrie  eleison.  —  Gloria  in  Ex- 
celsis. 

Voilà  le  prêtre  et  les  fiflèles  qui  viennent  de  se  sou- 
haiter mutuellement  la  vraie  disposition  pour  bien  pro- 
filer de  l'auguste  sacrifice.  Oue  le  Seigneur  soit  avec 
son  peuple  et  avec  son  minisire;  qu'il  prie,  qu'il  aime, 
qu'il  adore  en  eux  et  avec  eux,  et  les  bénédictions  les 
plus  abondantes  leur  sont  assurées.  Après  avoir  recom- 
mandé aux  fidèles  de  prier  toujours  ;  Oremus,  Prions, 
le  prêtre  part  et  s'avance  lentement  vers  l'autel,  redou- 
blant ses  instances  pour  obtenir  d'entrer- sans  souillure 
dans  le  Saint  des  saints.  Nouveau  Moïse,  il  n'oublie  pas, 
en  montant  au  Sinaï,  le  peuple  bien-aimé  qu'il  a  laissé 
dans  la  plaine.  Pour  les  fidèles  aussi  bien  que  pour  lui- 
même,  il  fait  celte  prière  :  «  Nous  vous  en  supplions, 
Seigneur,  ôlez  de  nous  nos  iniquités,  afin  que  nous 
puissions  entrer  dans  votre  sanctuaire  avec  un  cœur  pur. 
Par  Jésus-Christ,  notre  Sauveur.  Amen.  » 

Arrivé  devant  le  tabernacle,  il  s'incline  profondément 
et  baise  l'autel,  pour  exprimer  son  respect  envers  Jésus- 
Christ,  qui  va  bientôt  y  descendre,  et  sa  vénération 
pour  les  saints  martyrs  dont  les  reliques  y  sont  renfer- 


318  CATÉCHISME 

mées.  Il  accompagne  celle  cérémonie  de  la  prière  sui- 
vante :  «Nous  vous  prions,  Seigneur,  par  les  mérites 
de  vos  Saints,  dont  les  reliques  sont  ici,  et  de  tous  les 
Saints,  qu'il  vous  plaise  me  pardonner  tous  mes  péchés. 
Amen.  »  En  plaçant  sous  la  table  de  Taulel  les  reliques 
des  3iartyrs,  TEglise  de  la  terre  a  voulu  imiter  ce  que 
saint  Jean  avait  remarqué  dans  le  ciel  :  «J'ai  vu,  dit-il, 
sous  l'autel  de  l'Agneau,  les  âmes  de  ceux  qui  sont 
morts  pour  le  nom  de  Jésus'.» 

C'est  avec  raison  que  le  prêtre  se  recommande  aux 
Saints  en  général  et  aux  Martyrs  en  particulier.  Les 
prières  des  uns,  le  sang  des  autres,  unis  aux  mérites  et 
au  sang  de  Jésus-Chrisl,  sont  d'une  valeur  infinie,  et 
leur  intercession  puissante  est  bien  capable  de  lui  obte- 
nir de  Dieu  la  rémission  de  toutes  ses  fautes. 

Le  prêtre  fait  ;'i  voix  basse  ces  deux  prières,  parce 
qu'elles  le  regardent  personnellement  :  elles  sont  très- 
anciennes  dans  l'Eglise  ^. 

Aux  messes  solennelles,  après  que  le  prêtre  a  dit  les 
prières  précédentes  et  baisé  l'autel,  le  diacre  le  prie  de 
bénir  l'encens,  en  lui  disant  :  «  Bénissez,  mon  révérend 
père.  »  Le  mol  de  père  est  bien  touchant  par  la  véné- 
rable antiquité  qu'il  rappelle  :  c'était  le  nom  que  les 
premiers  Chrétiens  donnaient  aux  prêtres  ei  aux  évo- 
ques, aussi  bien  qu'aux  auteurs  de  leurs  jours.  Rien 
n'est  plus  juste  :  les  prêtres  et  les  évêques  ne  sont-ils 
pas  les  pères  de  nos  âmes?  L'usage  de  cette  appellation 

«  Apoc,  VI,  13. 
•  B'>na,  lib.  2,  222- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  319 

s'est  conservé  inlact  dans  les  communaulés  religieuses  : 
c'est  là  que  les  saintes  traditions  de  l'Eglise  primitive 
se  sont  réfugiées  avec  le  véritable  esprit  de  l'Evangile. 

Le  célébrant  met  de  l'encens  dans  l'encensoir  en 
disant  :  «  Soyez  béni  par  celui  en  l'honneur  de  qui  vous 
serez  brûlé,»  et  le  bénit  en  faisant  le  signe  de  la  croix. 
11  reçoit  l'encensoir  des  mains  du  diacre,  encense  la 
croix,  le  fond  de  l'autel  vers  les  chandeliers,  le  devant 
et  les  deux  côtés. 

D'où  vient  l'usage  des  encensements,  et  quelle  est  sa 
signiGcation? 

Pour  arriver  à  l'origine  de  l'encens  dans  le  culte  di- 
vin, il  faut  franchir  trois  mille  cinq  cents  ans,  se  trans- 
porter au  désert  du  Sinaï,  écouter  Dieu  lui-même  pres- 
crivant à  Moïse  la  manière  de  composer  le  parfum  qui 
devait  être  brûlé  dans  le  tabernacle  *. Quand  un  usage  re- 
pose sur  une  pareille  antiquité  et  vient  d'une  source  aussi 
respectable,  on  peut  sans  doute  le  pratiquer  sans  rougir. 
Une  des  fonctions  principales  des  prêtres  de  l'ancienne  loi 
était  de  brûler  de  l'encens  sur  l'autel  des  parfums.  Les 
Païens,  héritiers  infidèles  de  la  tradition  primitive,  con- 
servèrent l'usage  de  l'encens  dans  leurs  cérémonies  ^ 

En  l'adoptant  pour  les  siennes,  l'Eglise  catholique  ne 
fut  point  l'imitatrice  des  Païens,  elle  ne  fit  que  prati- 
quer sous  l'Evangile  ce  qui  était  ordonné  sous  la  loi.  Le 
Sauveur  lui-même  lui  apprit,  par  son  exemple,  que 
l'offrande  de  l'encens  continuerait  d'être  agréable  à 

'  Exod.,  XXX,  34. 

•  Tertull.,  ApoL,  c.  30.  Arnob.,  lib.  2. 


320  CATÉCHISME 

Dieu.  Parmi  les  présents  qu'il  inspire  aux  Mages  de 
déposer  à  ses  pieds,  l'encens  est  marqué  en  termes  ex- 
près. Plus  tard,  le  Fils  de  l'homme,  invité  à  dîner  chez 
un  Pharisien,  se  plaint  de  ce  qu'on  ne  lui  a  pas  par- 
fumé la  tête,  comme  on  le  faisait  aux  personnes  qu'on 
voulait  honorer'.  Marie,  sœur  de  Lazare,  n'y  manqua 
point  dans  une  occasion  semblable  ^.  Dès  les  premiers 
siècles,  l'Eglise  fit  usage  des  encensements'^;  et  nous 
voyons  Constantin,  à  peine  monté  sur  le  trône  des  Cé- 
sars, s'empresser  de  faire  présent  aux  églises  d'encen- 
soirs d'or,  pour  leur  servir  pendant  la  célébration  des 
augustes  mystères  *. 

Quelle  est  maintenant  la  raison  de  cet  usage  si  con- 
stant, si  ancien  et  si  universel? 

1°  L'encens  qu'on  brûle  durant  les  saints  mystères 
est  comme  un  holocauste  offert  à  Dieu  :  on  témoigne 
par  là  que  toutes  les  créatures  doivent  être  employées 
et  consumées  pour  son  service  et  pour  sa  gloire.  La  li- 
turgie orientale  fait  connaître  clairement  cette  inten- 
tion, puisqu'elle  fait  accompagner  l'encensement  de 
cette  prière  :  Gloire  à  la  très-sainte^  consubstantielle  et 
vivifiante  Trinité,  maintenant,  toujours  et  dans  tous 
les  siècles  des  siècles  ^\ 

2°  L'encens  qu'on  brûle  à  l'autel,  d'où  le  parfum  se 
répand  dans  l'église,  est  une  figure  de  la  bonne  odeur  de 

'  Luc,  VII,  46. 

>  Joao.,  xil,  3. 

'•  Can.  des  Apôtres,  Liturgie  de  S.  Jacques,  etc. 

*  Pontifical.  Pâmas.,  et  Metaphr.,  in  Vita  S.  Nicolai. 

3  Euch.  Grffc,  p.  2. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  321 

Jésus-Christ,qui  se  répand  de  l'aulel  sur  l'âme  des  fidèles  : 
toute  Tanliquité  chrétienne  s'accorde  à  lui  reconnaître 
cette  belle  et  mystérieuse  signification  *.  Les  Pères  nous 
disent  que  l'encensoir  représente  l'humanité  de  Jésus- 
Christ,  le  feu  sa  divinité,  et  la  vapeur  du  parfum  sa 
grâce.  «L'encensoir,  dit  saint  Augustin,  est  comme  le 
corps  du  Seigneur,  et  l'encens  comme  ce  même  corps 
offert  en  sacrifice  pour  le  salut  du  monde  et  reçu  comme 
un  doux  parfum  par  le  Père  céleste  *.  » 

Pénétrés  de  ces  idées  mystérieuses  et  sublimes,  les 
premiers  Chréliens  avaient  tant  de  vénération  pour 
l'encens  qu'on  brûlait  dans  l'église,  qu'ils  tâchaient 
d'en  respirer  l'odeur  en  disant  ce  que  le  prêtre  dit  en- 
core aujourd'hui  ;  «Que  le  Seigneur  allume  en  nous 
le  feu  de  son  amour  et  la  flamme  de  l'élernelle  cha- 
rilé  •'.  » 

3°  L'encens  a  toujours  été  pris  pour  une  vive  expres- 
sion des  prières  que  nous  adressons  à  Dieu  et  du  désir 
ardent  que  nous  avons  qu'elles  s'élèvent  vers  lui  comme 
ce  doux  parfum  s'élève  en  haut.  La  prière  qui  accompa- 
gnait les  encensements  dans  les  anciennesliturgies  et  qui 
l'accompagne  encore  aujourd'hui,  ne  laisse  aucun  doute 
à  cet  égard.  O  Jésus-Christ,  dit  l'Eglise  orientale,  qui 
êtes  Dieu,  nous  vous  offrons  cet  encens  comme  un  par- 
fum spirituel,  afin  que  vous  daigniez  le  recevoir  en 

*  s.  Denis,  Hierarck.  eccUs.,  c.  3  et  4.  Simon  Tiiessal  ,  de  Templo. 
D.  Thom.,  3  part.,  q.  83,  art.  5. 

*  Homil.  6  in  Apoc,  X,  3. 

'  Voyez  le  P.  Menard,  p.  271. 

T.  TII.  21 


329  CATÉCHISME 

votre  saint  et  sublime  autel,  d'où  nous  attendons  les 
effets  de  votre  miséricorde  '....  Que  ma  prière,  Seigneur, 
dit  l'Eglise  occidentale,  s'élève  vers  vous  comme  cet  en- 
cens. 

C'est  sans  doute  pour  se  conformer  à  l'esprit  de  l'E- 
glise, que  l'an  526,  à  Césarée  en  Palestine,  le  saint 
prêtre  Zozimas,  fondant  en  larmes,  dans  le  moment  où 
la  ville  d'Anlioche  fut  abîmée,  fit  apporter  l'encensoir 
dans  le  chœur,  y  alluma  de  l'encens,  se  prosterna  par 
terre,  et  joignit  à  la  fumée  de  cet  encens  ses  pleurs, 
ses  soupirs  et  ses  prières  pour  tâcher  d'apaiser  la  colère 
de  Dieu*. 

Il  est  doue  certain  que  l'encens  a  toujours  été  re- 
gardé comme  un  symbole  de  nos  prières.  Pouvait-on 
en  trouver  un  plus  expressif?  L'encens  ne  s'élève  en 
haut  que  par  l'aclivilé  que  le  feu  lui  donne;  et  nos 
prières,  qui  ne  sont  réellement  que  les  désirs  de  notre 
cœur,  ne  peuvent  aller  jusqu'à  Dieu  si  elles  ne  sont 
animées  par  le  feu  de  l'amour  divin.  Ce  qui  s'élève  de 
J'encens  est  de  bonne  odeur:  leçon  touchante  qui 
nous  dit  de  préparer  tellement  notre  cœur,  qu'il  ne  s'en 
élève  rien  qui  ne  soit  agréable  à  Dieu.  Tout  l'encens 
est  consumé,  il  ne  reste  aucune  partie  qui  ne  s'élève  en 
vapeur  ;  de  même  tous  les  désirs  de  notre  cœur  doivent 
lendre  vers  Dieu  sans  qu'aucun  s'attache  à  la  terre. 

4*»  Si  l'encens  représenle  les  prières  des  Saints  de  la 
.terre,  à  plus  forte  raison  représente-l-il  celles  des  Saints 

'  Liturg.  Chrysost.,  Euch,,  p.  52. 
•  Evag.,  Hist.  eccl.,  lib.  4,  c.  7. 


DB    PERSÉVÉRANCE.  323 

du  ciel.  El  voilà  pourquoi  l'apôtre  saint  Jean  nous  dit  : 
Les  vieillards  étaient  prosternés  devant  l'Agneau,  ayant 
chacun  des  coupes  d'or  pleines  de  parfums,  qui  sont 
les  prières  des  Saints  *.  Puisque  l'encens  représenie  les 
prières  des  saints,  le  premier  encensement  ne  pouvait 
être  mieux  placé  qu'immédialemenl  après  la  prière 
Oramus  te,  dans  laquelle  nous  prions  Dieu  d'avoir  égard 
aux  prières  des  Saints  pour  nous  faire  miséricorde  -. 

Autrefois  on  encensait  tout  le  tour  de  l'autel  ;  au- 
jourd'hui, la  disposition  des  lieux  ne  le  perraellanl  plus, 
on  se  contente  d'encenser  le  fond,  le  dessus  et  les  trois 
côtés  qui  paraissent. 

Après  avoir  encensé  l'autel,  le  célébrant  remet  l'en- 
censoir aux  mains  du  diacre  ;  celui-ci  encense  le  prêtre. 
Il  faut  en  donner  la  raison.  Chez  tous  les  peuples, 
et  surtout  en  Orient,  Tencensement  a  été  une  marque 
d'honneur.  Pour  faire  honneur  à  une  personne  on  par- 
fumait la  chambre  dans  laquelle  on  la  recevait  ^.  On  ré- 
pandait de  l'huile  odoriférante  sur  sa  tête.  On  parfumait 
les  habits  de  cérémonie*.  Parmi  les  présents  que  Jacob 
envoya  en  Egypte  à  Joseph,  il  fil  mettre  des  parfums, 
et  la  reine  de  Saba  fit  présent  à  Salomon  d'une  quan- 
tité de  parfums  les  plus  exquis  °. 

Conformément  à  cet  usage,  on  encense  l'autel,  parce 
qu'il  est  la  figure  de  Jésus-Christ;  on  encense  le  saint 

'    ApOC,   VIII. 

*  Lebrun,  p.  556. 
»  Gant.,  I,  H. 

*  Gen.,  XXVII,  27. 

*  lU  Reg.,  X,  2. 


324  CATÉCHISME 

Evangile,  parce  qu'il  renferme  la  parole  de  Jésus-Christ; 
on  encense  les  prêtres  el  les  léviles,  parce  qu'ils  sont  les 
ministres  de  Jésus-Christ;  on  encense  les  reliques  des 
Saints,  parce  qu'ils  sont  les  restes  précieux  des  membres 
de  Jésus-Christ;  on  encense  les  choristes,  c'est-à-dire 
ceux  qui  chantent  les  louanges  de  Dieu,  parce  qu'ils 
sont  en  quelque  sorte  les  organes  dont  l'Eglise  se  sert 
pour  rendre  à  l'Eternel,  par  Jésus-Christ,  l'hommage 
de  la  prière;  on  encense  les  princes  et  les  supérieurs 
dans  l'ordre  temporel,  parce  que  toute  autorité  venant 
de  Dieu,  on  l'honore  dans  ceuv  qui  sont  ici -bas  les 
images  vivantes  du  Roi  des  rois,  du  Seigneur  des  sei- 
gneurs. Il  ne  faut  donc  pas  s'y  méprendre  :  tous  ces 
honneurs  sont  relatifs  et  remontent  à  celui  qui  seul 
mérite  l'honneur,  l'empire  et  la  gloire*. 

Ici  commence  la  seconde  partie  de  la  messe.  Elle 
comprend  Vlntroit,  le  Kyrie,  \e  Gloria  in  excelsis, 
la  Collecte,  VEpître,  le  Graduel  ou  le  Trait,  VEvan- 
gile  et  le  Credo.  L'Eglise  joint  ici  l'instruction,  la 
louange  de  Dieu  et  la  prière,  parce  qu'il  faut  remplir 
de  saintes  pensées,  de  saints  mouvements  l'esprit  et  le 
cœur  des  fidèles,  pour  les  disposer  à  la  célébration  des 
redoutables  mystères.  Cette  pratique,  pleine  de  sagesse, 
nous  vient  des  premiers  siècles.  Alors  seulement  on 
avait  soin  de  ne  rien  mettre  dans  cette  partie  de  la 
messe  qui  eût  un  rapport  trop  marqué  au  sacrifice  de 
l'Eucharistie,  de  peur  de  révéler  les  mystères  aux  ca- 

'  Cochin,  Cérém.  de  la  messe,  p.  222. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  325 

téchumènes  qui  pouvaient  assister  à  ces  prières  et  à 
ces  lectures  jusqu'à  l'oblation  '. 

Lors  donc  que  le  prêtre  a  été  encensé,  il  va  du 
côté  de  l'Epître  et  commence  Vlntro'it.  Le  mot  introït 
veut  dire  entrée,  parce  qu'on  le  chante  au  moment  où 
le  prêtre  vient  à  l'autel.  Quelques-uns  croient  qu'on  le 
chanlait  pendant  que  les  fidèles  entraient  à  l'église,  et 
c'est  pourquoi  il  se  composait  d'un  psaume  entier  et 
quelquefois  de  plusieurs  ^.  Ces'  le  pape  Célestin  qui  a 
élabli  rinlroït.  Auparavant,  la  messe  commençait  par 
une  lecture  de  l'Ecrilure  sainte,  comme  cela  se  pra- 
tique encore  aux  veilles  de  Pâque  et  de  la  Pente- 
côte ^, 

L'Introït,  qui  se  composait  originairement  d'un  psaume 
entier,  a  été  réduit  à  quelques  versets;  mais  on  a  laissé 
le  Gloria  Patri,  parce  que,  dans  l'office,  chaque  psaume 
est  suivi  de  cette  prière.  Et  d'ailleurs,  la  messe  pouvait- 
elle  mieux  commencer  que  par  la  louange  de  la  très- 
sainte  Trinité,  à  qui  le  saint  sacrifice  doit  être  offert? 

Pourquoi  l'Eglise  a-t-elle  choisi  de  préférence  les 
chants  du  roi-prophète  pour  composer  l'Introït? Un  an- 
cien auteur  répond  en  ces  termes  :  «  L'entrée  du  prêtre 
à  l'autel  figure  le  premier  avènement  du  Fils  de  Dieu 
sur  la  terre,  et  l'Introït  est  le  cri  par  lequel  le  monde 
ancien  appelait  le  Désiré  des  nations,  et  on  emploie 
pour  s'exprimer  les  paroles  de  David,  parce  qu'il  fut 

'  Lebrun,  p.  157. 

*  Rhénan,  ad  Tertull.,  de  Coron,  mil. 

*  Amal.,  lib.  3,  c.  5.  Lib.  Pontif.,  c.  42. 


326  CATÉCHISME 

du  nombre  de  ces  rois  et  de  ces  prophètes  qui  dési- 
rèrent si  ardemment  de  voir  ce  que  nous  voyons,  et 
d'entendre  ce  que  nous  entendons  ^  Plus  heureux  que 
tous  ces  saints  personnages,  les  enfants  de  l'Eglise  ca- 
tholique dilatent  leur  cœur,  expriment  leur  allégresse 
en  saluant  l'avènement  du  Rédempteur;  ils  possèdent 
celui  que  les  Patriarches,  les  Prophètes,  les  rois,  les 
prêtres,  tous  les  anciens  justes  appelaient  par  ces  paroles 
enflammées  :  Envoyez,  Seigneur,  l'Agneau  dominateur 
du  monde;  venez.  Seigneur,  et  ne  tardez  pas  *.  » 

Pendant  l'Introït,  auquel  nous  devons  nous  faire  un 
devoir  d'assister,  unissons  nos  cœurs  et  nos  désirs  à 
ceux  des  anciens  justes,  entrons  dans  leurs  dispositions  ; 
un  ardent  désir  est  une  condition  indispensable  pour 
bien  profiter  de  l'auguste  sacrifice.  Oh!  quelles  eus- 
sent  été  les  dispositions  d'Abraham,  d'Isaac  et  de  David, 
s'ils  avaient  eu,  comme  nous,  le  bonheur  d'assister  à  la 
messe,  à  l'immolation  de  cet  Agneau  de  Dieu,  qu'ils 
appelaient  arec  tant  d'ardeur! 

Le  prêtre  dit  l'introït  du  côté  de  l'Epître,  et  s'y 
tient  longtemps  pendant  la  messe.  En  voici  la  raison  : 
Dans  les  anciennes  églises  bien  orientées,  la  sacristie 
est  au  midi,  à  la  droite  de  ceux  qui  enireni,  et  le 
prêtre,  placé  de  ce  côté- là,  se  trouve  plus  à  portée 
de  tous  les  ministres  qui  vont  et  viennent  de  la  sacristie 
à  l'autel.  C'est  par  la  même  raison  qu'on  place  de  ce 
côté-là  le  siège  de  l'évêque  ou  du  célébrant  aux  messes 
solennelles. 

■  Matth.,  XI.- Luc,  X. 

•  Maxim.,  in  Exposit,  Liturg. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  327 

L'aulel,  qui  est  le  lieu  propre  du  sacrifice,  n'est 
pas  la  place  nécessaire  de  l'Introïl,  ni  de  tout  ce  qui 
précède  l'oblalion.  Il  y  a  déjà  plus  de  mille  ans  que  le 
pontife,  après  avoir  baisé  l'autel,  allait  se  placer  à  son 
siège,  et  ne  revenait  à  l'autel  que  quand  il  fallait  offrir. 
Les  évoques  font  encore  de  même  aux  messes  solen- 
nelles. Il  est  une  autre  raison  de  cet  usage,  c'est  que 
la  longueur  de  ce  qui  est  lu  ou  chanté  jusqu'à  l'Offer- 
toire demandait  qu'on  se  plaçât  hors  de  l'autel,  afin  de 
pouvoir  s'asseoir  ',  d'autant  mieux  qu'aux  grandes  fêtes 
on  répétait,  comme  on  répèle  encore,  l'Introït  deut 
fois,  pour  plus  de  solennité. 

Après  riniroïl,  le  prêtre  ayant  les  mains  jointes,  en 
signe  d'humilité  et  d'anéantissement  devant  la  majesté 
de  Dieu,  va  au  milieu  de  l'autel,  pour  dire  alternati- 
vement avec  le  peuple,  représenté  par  le  clerc,  trois 
fois  Kyrie  eleison ^  trois  fois  Christe  eleison^  et  trois  fois 
Kyrie  eleison. 

Kyrie  eleison  sont  deux  mots  grecs  qui  signifient  : 
Seigneur,  ayez  pitié.  L'usage  de  cette  prière,  com- 
mencé dans  l'Eglise  grecque,  est  de  la  plus  haute  an- 
tiquité dans  l'Eglise  latine.  Considérant,  dit  tin  ancien 
concile,  que  dans  l'Eglise  de  Rome,  aussi  bien  que 
dans  toutes  les  provinces  d'Orient  et  d'Italie,  s'est 
établie  la  sainte  et  très-salutaire  coutume  de  répéter 
souvent  avec  un  grand  sentiment  de  ferveur  et  de 
componction  Kyrie  eleison,  nous  voulons  que  dans  toutes 
nos  églises,  à  matines,  à  la  messe  et  à  vêpres,  on  in- 

•  Rit.  Laud.,  p.  98.  Id.,  Ord.  RooiaD. 


328  CATÉCHISME 

Iroduise,  avec  le  secours  de  Dieu,  ce  saint  usage  '. 

Comment  avail-il  commenc*^  dans  l'Eglise  grecque 
elle-même  ?  Rien  de  plus  touchant  que  son  origine  ; 
la  voici  :  Dans  les  premiers  siècles,  les  catéchumènes 
et  les  pénitents  assistaient  à  la  messe  jusqu'à  l'Offer- 
toire. Touchés  des  désirs  des  premiers  et  des  larmes 
des  seconds,  les  fidèles  avaient  soin  de  les  recomman- 
der au  Seigneur.  Les  caléchumènes  et  les  pénitents 
se  mettaient  à  genoux,  et  le  diacre  disait  :  Catéchu- 
mènes^ priez  ;  puis,  s'adressanl  aux  fidèles  :  Que  les 
fidèles  prient  pour  eux,  et  surtout  les  enfants  ^.  Oh  ! 
oui,  les  enfants,  les  anges  de  la  terre,  dont  le  cœur 
pur  et  les  mains  innocentes  élevées  vers  le  fiel  sont 
tout-puissanis  sur  le  cœur  de  Dieu.  Et  le  diacre  faisait 
tout  haut  diverses  demandes  pour  les  catéchumènes  ; 
il  disait  :  «  Prions  tous  pour  les  catéchumènes,  afin 
que  le  Seigneur,  plein  de  bonté  et  de  miséricorde, 
entende  leurs  prières  et  leur  accorde  les  demandes 
de  leur  cœur.  >  Les  fidèles,  et  surtout  les  enfants, 
répondaient  :  Kyrie  eleison  :  c  Seigneur,  ayez  pitié.  » 

Le  diacre  :  a  Qu'il  leur  découvre  l'Evangile  du  Christ.» 

/>5  fidèles,  et  surtout  les  enfants  :  «  Kyrie  eleison: 
Seigneur,  ayez  pitié.  » 

Le  diacre  :  «  Qu'il  les  éclaire  et  qu'il  leur  apprenne 
ses  commandements.  » 


'  Concil.  Vasens.  sub  Leone  I,  can.  5. 

*  Lfs  Constitutions  apostoliques  ajoutent:  Que  le  peuple,  sur 
chacune  des  choses  que  le  diacre  propose,  dise  :  Kyrie  eleison, 
et  surtout  les  enfants.  Constit.  apost.,  liv  8,  c.  5  et  6. 


DE    PERSÉVÉRANCK.  329 

Les  fidèles,  et  surtout  les  enfants  ;«  Seigneur,  ayez 
pitié.  » 

Le  diacre  :  «  Qu'il  leur  inspire  une  crainte  chaste  et 
salutaire;  qu'il  ouvre  les  oreilles  de  leur  cœur,  afin 
qu'ils  s'occupent  de  sa  loi  jour  et  nuit.  » 

Les  fidèles,  et  surtout  les  enfants  :  «  Seigneur,  ayez 
pitié.  » 

Le  diacre  :  «  Qu'il  les  unisse  et  les  mette  au  nombre 
de  ses  ouailles,  les  rendant  dignes  de  la  régénération 
et  du  vêlement  de  l'immortalité.  » 

Les  fidèles,  et  surtout  les  enfants  :  «  Seigneur,  ayez 
pitié.  M 

Le  diacre  :  «  Qu'il  les  purifie  de  toute  tache  de  corps 
et  d'esprit,  qu'il  habile  en  eux  avec  son  Christ,  qu'il 
bénisse  leur  entrée  et  leur  sortie,  et  fasse  réussir  tous 
leurs  projets.  » 

Les  fidèles,  et  surtout  les  enfants  :  «  Seigneur,  ayez 
pitié.  » 

Le  diacre  :  «  Qu'ils  reçoivent  la  rémission  de  leurs 
péchés  par  le  baptême,  afin  qu'ils  soient  rendus  dignes 
des  saints  mystères  et  de  la  demeure  des  Saints.  » 

Les  fidèles,  et  surtout  les  enfants  :  *  Seigneur,  ayez 
pitié.  » 

Après  ces  invocations  en  faveur  des  catéchumènes, 
le  diacre  en  commençait  d'autres  pour  les  pénitents. 
Les  fidèles,  et  surtout  les  enfants,  y  répondaient 
comme  aux  premières  :  Seigneur,  ayez  pitié. 

Le  nombre  de  ces  invocations  n'était  pas  rigoureu- 
sement déterminé.  De  là  est  venu  que,  dans  le  'prin- 


330  CATÉCHISME 

cipe,  lorsque  l'Eglise  eut  appliqué  ces  prières  à  tous 
les  fidèles,  le  Kyrie  eleison  se  récitait  plus  ou  moins 
de  fois,  suivant  les  circonstances.  Aujourd'hui,  une 
pieuse  coutume  approuvée  par  l'Eglise  fait  dire  neuf 
fois  Kyrie  ou  Christs  eleison,  pour  imiter  le  chant  des 
Anges,  qui  comprend  neuf  chœurs.  On  dit  trois  fois 
Kyrie  en  1  honneur  du  Père,  trois  fois  Christe  en  l'hon- 
neur du  Fils,  et  trois  fois  Kyrie  en  l'honneur  du  Saint- 
Esprit,  pour  adorer  et  invoquer  également  les  trois 
personnes  de  la  sainte  Trinité. 

L'Église  latine  a  conservé  les  paroles  grecques,  pour 
montrer  que  l'Église  occidentale  ne  faisait  qu'une  avec 
sa  sœur  l'Église  orientale,  et  que  par  elles  Dieu  était 
loué  et  béni  dans  toutes  les  langues*. 

Désormais  lorsque  nous  entendrons  le  Kyrie  eleison, 
reporlons-nous  par  la  pensée  dans  ces  anciennes  basi- 
liques de  Conslantinople  ou  de  Nicée,  et  tâchons  de 
le  redire  avec  les  mêmes  sentiments,  et  surtout  avec  la 
même  innocence  que  les  enfants  de  ces  heureux  siècles  ; 
ou  bien  encore,  disons- le  comme  l'aveugle  de  Jéricho, 
qui  n'employa  pas  d'autres  prières  pour  obtenir  du  Fils 
de  David  la  guérison  qu'il  sollicitait.  Hélas  !  cette  prière 
ne  nous  convient  pas  moins  qu'à  lui.  Puisse-t-elle  être 
dans  notre  cœur  comme  elle  était  dans  celui  de  tant 
de  Saints  qui  l'ont  dite  avant  nous  ! 

Après  le  Kyrie  eleison,  le  prêtre,  toujours  au  milieu 
de  l'autel,  étend  les  mains  en  signe  de  prière,  et,  les 
élevant  jusqu'à  la  hauteur  des  épaules  pour  signifier 

*  s.  Aug.^  Append.,  p.  44.  j 


DE    PERSÉVÉRANCE.  331 

par  ce  geste  l'amoLir  des  choses  célestes  et  le  désir  qu'il 
a  de  les  posséder,  entonne  le  Gloria  in  excelsis  Deo. 
A  ce  dernier  mot,  il  joint  les  mains  et  fait  une  incli- 
nation par  respect  pour  le  nom  de  Dieu. 

Le  Gloria  in  excelsis  touche  au  berceau  du  Christia- 
nisme; les  Anges  ont  entonné  ce  chant  d'amour  sur  la 
crèche  de  l'enfant  de  Bethléem,  et  l'Église  l'a  continué. 
Telle  est  l'origine  du  Gloria  in  excelsis.  Dès  le  temps 
de  saint  Athanase,  les  fidèles  le  récitaient  à  la  prière  du 
matin,  les  simples  femmes  le  savaient  par  cœur  *. 
Depuis  plus  de  treize  cents  ans  au  moins  il  est  d'usage 
de  le  dire  à  la  messe  ^. 

Pendant  l'Avent,  le  Carême,  aux  messes  de  morts, 
et  à  certains  autres  jours,  on  ne  chante  point  le  Gloria. 
L'office  alors  rappelle  la  pénitence  ou  la  tristesse,  et 
l'on  n'ose  pas  se  réjouir  et  chanter  la  gloire  céleste, 
tandis  qu'on  pleure  sa  propre  misère  et  les  souffrances 
des  âmes  du  purgatoire. 

Cantique  de  louanges  et  d'amour,  le  Gloria  est  ad- 
mirablement placé  après  le  Kyrie  eleison.  L'Eglise  vient 
de  crier  miséricorde  vers  son  divin  époux;  pleine  de 
confiance  qu'elle  est  exaucée,  elle  entonne  l'hymne  de 
sa  reconnaissance,  et,  empruntant  les  paroles  mêmes  des 
Anges,  elle  chante  le  grand  mystère  de  Tlncarnation, 
qui  fait  son  bonheur,  son  espérance  et  sa  gloire  ;  elle  en 
bénit  le  Seigneur,  et  sollicite  ainsi  sa  protection  toute- 
puissante. 

'  £>€  Pirgin.  vers.  fin.  Constit.  apost.y  lib.  7,  c.^47. 
•  Sacrament.  de  S.  Greg. 


332  CATÉCHISME 

Le  prêtre,  qui  l'entonne  seul,  et  auquel  tout  le  peuple 
répond,  rappelle  bien  la  manière  dont  il  fut  chanté  par 
les  Anges.  Un  de  ces  esprits  célestes  apparaît  aux  ber- 
gers, et  leur  annonce  la  grande  nouvelle;  il  n'a  pas  fini 
de  parler,  qu'une  multitude  d'Anges,  unissant  leurs  voix 
à  la  sienne,  chantent  avec  lui  :  Gloire  à  Dieu  dans  les 
hauteurs  des  deux,  et  sur  la  terre  paix  aux  hommes  de 
bonne  volonté.  L'Introït  exprime  les  vœux  des  Patriar- 
ches, le  Gloria  in  excelsis  en  annonce  l'accomplisse- 
ment. Deux  grandes  époques  du  genre  humain,  l'époque 
antérieure  au  Messie,  et  l'époque  qui  lui  est  postérieure, 
se  réunissent  ainsi  dans  la  seconde  partie  du  sacrifice 
catholique.  Cette  pensée  n'est-elle  donc  pas  assez  élevée 
pour  nous  dire  quelque  chose?  sera-t-elle  incapable 
d'éclairer  notre  esprit,  de  fixer  notre  imagination  et 
d'enflammer  notre  cœur? 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu!  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  perpétué  le  sacrifice  du  Calvaire  ;  faites-moi  la 
grâce  d'entrer  dans  les  sentiments  de  componction,  de 
reconnaissance  et  de  joie  qu'inspirent  les  premières 
prières  de  la  messe. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu  ;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je  m'effor- 
cerai de  réciter  le  Kyrie  eleison  comme  les  premiers 
Chrétiens. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  333 

PETIT  CATÉCHISME. 

LE    CHRISTIANISME    RENDU   SENSIBLE. 

Encensements —  Seconde  partie  de  la  messe. 

Q.  Que  fait  le  prêtre  en  montant  à  l'autel? 

R.  En  montant  à  l'autel  le  prêtre  récite  une  prière 
par  laquelle  il  demande  à  Dieu  d'entrer  sans  souillure 
dans  son  saint  tabernacle. 

Q.  Que  fait-il  lorsqu'il  est  arrivé  à  l'autel? 

jR.  Lorsqu'il  est  arrivé  à  l'autel,  il  demande  à  Dieu, 
par  l'intercession  des  Saints,  et  surtout  des  Martyrs 
dont  les  reliques  reposent  dans  l'autel,  de  lui  pardonner 
ses  péchés;  il  baise  l'autel  par  respect  pour  le  Sauveur, 
qui  doit  bientôt  y  descendre,  et  par  vénération  pour  les 
Martyrs  dont  les  restes  précieux  y  sont  renfermés. 

Q.  Quelle  cérémonie  succède  à  ces  prières? 

R.  La  cérémonie  qui  succède  à  ces  prières  dans  les 
messes  solennelles,  c'est  l'encensement.  L'usage  d'of- 
frir de  l'encens  dans  le  culte  divin  fut  prescrit  à  Moïse 
par  le  Seigneur  lui-même.  Notre-Seigneur  permit  aux 
Mages  de  lui  en  offrir,  et  l'Église  catholique  en  fait 
brûler  en  son  honneur  dans  les  solennités.  L'encens 
qui  se  consume  et  qui  s'élève  vers  le  ciel  en  parfum 
d'agréable  odeur  nous  apprend  que  nous  devons  nous 
consumer,  ainsi  que  toutes  les  créatures,  en  l'honneur 
de  Dieu;  il  marque  aussi  que  nos  prières  doivent  s'éle- 
ver vers  Dieu  par  le  feu  de  la  charité,  et  que  nous 


334  CATÉCHISME 

devons  par  nos  vertus  répandre  autour  de  nous  la  bonne 
odeur  de  Jésus-Christ. 

Q.  Pourquoi  encense-t-on  le  prêtre? 
R.  On  encense  le  prêtre  parce  qu'il  est  représentant 
de  Jésus-Christ.  Offrir  de  l'encens  à  une  personne  était 
chez  les  anciens  une  marque  d  honneur.  On  encense 
aussi  les  ecclésiastiques,  parce  qu'ils  sont  les  ministres 
de  Dieu;  on  encense  les  rois  et  les  supérieurs,  parce 
qu'ils  sont  les  dépositaires  de  son  autorité  :  mais  l'hon- 
neur qu'on  leur  rend  se  rapporte  à  Dieu. 
Q.  Que  fait  le  prêtre  après  l'encensemenl? 
R.  Après  l'encensement  le  prêtre  va  du  côté  de  l'E- 
pître,  t'ait  le  signe  de  la  croix,  et  lit  l'Introït.  Ici  com- 
mence la  seconde  partie  de  la  messe.  Le  mot  introït 
veut  dire  entrée,  parce  qu'on  le  chante  lorsque  le 
prêtre  vient  à  l'autel  pour  y  célébrer  la  messe.  L'In- 
troït se  compose  ordinairement  de  quelques  versets  des 
psaumes.  L'Église  emploie  les  paroles  du  roi-prophète 
pour  annoncer  le  grand  mystère  qui  va  s'accomplir,  et 
après  lequel  les  justes  de  l'ancienne  loi  soupirèrent  si 
longtemps.  Il  doit  exciter  en  nous  un  grand  désir  de 
bien  entendre  la  messe. 

Q.  Quelle  prière  vient  après  l'Introït? 
R.  Après  l'introït  vient  le  Kyrie  eleison.  Ces  paroles 
grecques  signifient  :  Seigneur,  ayez  pitié.  On  récite 
neuf  fois  Kyrie  ou  Christe  eleison  pour  rappeler  les  neuf 
chœurs  des  Anges.  L'Église  latine  conserve  ces  paroles 
grecques  pour  montrer  qu'elle  ne  faisait  qu'une  avec 
l'Église  orientale,  et  que  le  nom  du  Seigneur  est  béni 


DE    PERSÉVÉBANCK.  335 

dans  toutes  les  langues.  Au  Kyrie  succède  le  Gloria  in 
excelsis. 

Q.  Qu'est-ce  que  le  Gloria  in  excelsis  ? 

R.  Le  Gloria  in  excelsis  est  une  hymne  de  louange, 
de  reconnaissance  et  d'amour,  que  l'Eglise  adresse  à 
Dieu  après  avoir  imploré  sa  miséricorde.  Les  Anges 
nous  ont  appris  les  premières  paroles  du  Gloria  in  ex- 
celsis, et  l'Eglise  a  continué.  Cette  hymne  remonte  jus- 
qu'aux temps  apostoliques.  En  la  récitant,  nous  devons 
nous  réjouir,  avec  les  Anges  ei  avec  les  premiers  Chré- 
tiens, de  la  naissance  du  Sauveur  qui  va  bientôt  s'im- 
moler pour  nous  sur  l'autel. 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu  1  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remerciç 
d'avoir  perpétué  le  sacriflce  du  Calvaire  ;  faites-moi  la 
grâce  d'entrer  dans  les  sentiments  de  componction,  de 
reconnaissance  et  de  joie  qui  inspirent  les  premières 
prières  de  la  messe. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par -dessus 
toute  chose,  et  mon  prochain  comnae  moi-même  pour 
l'amour  de  Dieu  ;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je 
m'efforcerai  de  réciter  le  Kyrie  eleison  comme  lespre- 
ffijers  Chrétiens. 


336  CATÉCHISME 

XVir  LEÇON. 

LE    CHRISTIANISME    RENDU    SENSIBLE. 

Deuxième  partie  de  la  messe  (  Suite  ).  —  Oraison.  —  Epître.  —  Gra- 
duel. —  Trait.  —  Alléluia.  —  Prose. 

En  finissant  le  Gloria  in  excelsis,  le  prêtre  fait  le 
signe  de  la  croix.  Cet  usage  nous  reporte  h  dix-huit 
siècles.  C'est  une  iradilion  des  premiers  Chrétiens, 
qui,  nous  le  savons,  ne  manquaient  jamais  à  faire  le 
signe  de  la  croi.x;  au  commencement  et  à  la  fin  de 
leurs  principales  actions.  Pouvaient-ils,  et  nous-même 
pouvons-nous  trop  souvent  avoir  recours  à  ce  signe 
tout-puissant,  et  nous  rappeler  que  toute  bénédiction 
nous  est  venue  de  la  croix  ?  Soigneuse  de  conserver  les 
saintes  pratiques  des  premiers  âges,  l'Eglise  a  voulu 
que,  durant  les  saints  mystères,  on  fît  le  signe  de  la 
croix  à  la  fin  du  Gloria  in  excelsis,  avant  l'Evangile, 
après  le  Credo,  l'Oraison  dominicale,  le  Sanctus,  etc.  K 

Le  cantique  des  Anges  vient  de  retentir  ;  la  paix  ap- 
portée au  monde  par  Jésus-Christ  a  été  annoncée; 
quoi  de  plus  naturel  que  le  prêtre,  cet  ange  d'ici-bas, 
la  souhaite  aux  fidèles?  Mais  de  quelle  manière  va-t-il 
le  faire?  Il  baise  l'autel  pour  puiser  la  paix  dans  le  sein 
même  du  Sauveur;  il  le  baise  au  milieu,  parce  que 

'  Durandus.  Rational.,  lib.  5,  n,  15. 


DE  p8:rskvékance.  337 

c'est  là  qu'est  la  pierre  sacrée,  tombeau  des  martyrs  et 
figure  de  la  pierre  angulaire  de  l'Église,  Jésus-Christ  ; 
il  joint  les  mains,  et,  se  tournant  vers  le  peuple  les 
yeux  baissés,  il  ouvre  les  mains  pour  marquer  sa 
charité  et  dit  :  Que  le  Seigneur  soit  avec  vous. 

En  Orient,  les  prêtres,  au  lieu  de  dire  :  Dominus  vo- 
biscum  :  Que  le  Seigneur  soit  avec  vous,  ont  toujours 
dit  :  Pax  vobis  :  Que  la  paix  soit  avec  vous.  C'est  par 
ces  douces  paroles  que  le  Sauveur,  après  sa  résurrec- 
tion, saluait  les  Apôtres.  Les  évoques  d'Occident  ont 
conservé  cet  usage.  Quand  ils  ont  dit  le  Gloria  in  ex- 
celsis,  ils  disent  :  Pax  vobis  :  Que  la  paix  soit  avec  vous^ 
pour  souhaiter  aux  fidèles  cette  paix  qu'ils  viennent 
d'annoncer.  Comme  presque  partout  les  évoques  seuls, 
jusqu'au  onzième  siècle,  ont  dit  le  Gloria  in  excelsis  à 
la  messe,  ils  ont  dit  aussi  seuls  :  ta  paix  soit  avec  vous^ 
ô  cause  du  rapport  de  ces  paroles  avec  l'hymne  angé- 
liquë. 

Le  peuple  répond  :  Qu'il  mt  aussi  ûvèû  tbtre  esprit. 
Pleins  de  reconnaissance  pour  le  souhait  si  avantageux 
que  le  prêtre  vient  de  leur  faire,  les  fidèles  lui  rendent 
le  salut  en  priant  pour  lui  '. 

Riche  des  bénédictions  de  ses  frères,  le  prêtre  se 
tourne  du  côté  de  l'Epître  et  dit  :  Prions.  C'est  la  seconde 
fois  depuis  le  commencement  de  la  messe  qu'il  se  donne 
à  lui-môme  et  au  peuple  cet  avertissement  essentiel. 
Prions  ;  nos  cœurs  viennent  de  s'unir  par  le  souhait 
d'une  charité  mutuelle;  le  Seignenr  est  avec  vous, 

•  Remig.  AntLssioil.,  Expos,  miss. 

T.  VII.  2'2 


338  CATÉCHISME 

il  est  aussi  avec  mon  esprit  ;  il  prie  en  vous,  il  prie 
en  moi;  ayons  confiance;  le  Fils  de  Dieu,  qui  règne 
dans  nos  cœurs,  n'est-il  pas  toujours  exaucé  à  cause  du 
respect  qui  lui  est  dû? 

Et  le  prêtre  tient  ses  mains  ouvertes  et  élevées  : 
souvenirs  de  trois  mille  ans,  tradition  de  dix -huit 
siècles.  Souvenirs  de  trois  mille  ans  :  c'était  les  mains 
élevées  vers  le  temple  de  Jérusalem  que  .priaient 
les  Israélites  *.  Tradition  de  dix -huit  siècles  :  c'était 
les  mains  étendues,  pour  imiter  Jésus-Christ  sur  la 
croix,  que  priaient  nos  pères,  exprimant  par  cette  atti- 
tude leur  disposition  au  martyre,  au  sacrifice  entier  de 
leur  fortune,  de  leur  famille,  de  leur  vie  même,  plutôt 
que  de  renoncer  à  la  foi  '^;  usage  touchant  si  jamais  il 
en  fut,  et  que  l'Eglise  a  pris  soin  de  conserver.  Ah  ! 
quand  nous  verrons  désormais  un  prêtre  à  l'autel,  sur 
la  montagne  du  sacrifice,  les  mains  étendues,  pour- 
rons-nous oublier  Notre-Seigneur  en  croix,  nos  pères 
dans  les  Catacombes,  se  disposant  au  martyre?  pour- 
rons-nous oublier  que  nous  sommes  les  enfants  de 
Jésus-Christ  et  des  martyrs,  et  que  nous  devons  être  leurs 
imitateurs,  du  moins  par  la  disposition  de  notre  cœur? 
et  si  nous  n'élevons  plus  nos  mains  pendant  la  prière, 
élevons  du  moins  nos  affections  et  nos  pensées. 

Après  avoir  averti  tout  le  peuple  de  prier  avec  lui, 
le  prêtre  commence  l'Oraison  ^.  Cette  prière  s'appelle 

'  Ps.  xxvn. 

«  Tertull.,  Apolog,,  et  de  Orat.,  c.  13. 

'"  Autrefois,  aux  stations  ou  processions  des  jours  de  jeûne,  le 
peuple  se  rendait  dans  une  église  où  il  attendait  l'évêque,  qui  com- 


DE   PERSÉVÉRANCE.  330 

oraison,  ce  qui  est  la  même  chose  que  prière  ;  béné- 
diction, parce  qu'elle  est  destinée  à  attirer  sur  l'Église 
la  bénédiction  de  Dieu  ;  collecte,  pour  deux  raisons  ;  la 
première,  parce  qu'elle  se  fait  sur  le  peuple  assemblé  : 
le  mot  collecte  veut  dire  assemblée  ;  la  seconde,  parce 
qu'elle  est  un  précis  de  tout  ce  que  le  prêtre  doit  de- 
mander à  Dieu,  soit  pour  lui-même,  soit  pour  les 
fidèles. 

La  plupart  des  collectes  qui  sont  encore  en  usage  ont 
été  rédigées  par  saint  Grégoire  et  le  pape  Gélase;  mais 
le  fond  est  de  tradition  apostolique  *.  Rien  n'est  plus 
vénérable,  et  nous  pouvons  ajouter  que  rien  n'est  plus 
complet.  Les  collectes  de  la  messe  forment  un  recueil 
unique.  Quelque  variés  que  soient  nos  besoins,  nos 
vœux,  nos  souffrances,  il  n'en  est  pas  un  qui  ne  trouve 
son  expression  dans  ces  admirables  oraisons.  Ajoutez 
qu'il  règne  dans  ces  collectes  une  simplicité  et  une 
onction  qu'on  cherche  vainement  ailleurs.  A  l'Eglise 
catholique  seule  il  appartenait  de  lescomposer.L'épouse 
véritable  connaît  seule  la  manière  de  parler  à  son  époux  : 
seule  elle  connaît  le  chemin  de  son  cœur.  Autant  elle 
l'emporte  sur  les  sectes  par  la  vérité  de  son  enseigne- 

mençait  par  l'oraison  appelée  Ad collec/am,  c'est-à-dire  .4  l'assem- 
blée ou  Sur  l'assemblée.  De  là  on  allait  à  une  autre  église,  où  l'on 
commençait  la  messe.  Le  célébrant  disait  :  Oremus,  prions.  Le 
diacre  disait  :  Flectanius  genua,  alin  que  les  assistants  tissent  à 
genoux  uue  petite  pause  pendant  laquelle  on  priait  eu  silence.  Le 
diacre  d^saic  ensuite  :  Levate.  On  se  levait,  et  le  célébrant  disait 
l'oraison,  dans  laquelle  il  exposait  les  demandes  de  l'assemblée. 
Sacrainent.  6.  Greg.,  in  cap.  Jejun.,  p.  34.  Bona,  lib.  2,  c.  à. 
^'  Bona,  lib.  2,  c.  ô. 


340  CATÉCHISME 

ment,  autant  elle  leur  est  supérieure  par  îa  beauté  de 
ses  prières. 

Communément,  aux  jours  de  pénitence,  le  prêtre  en 
dit  un  plus  grand  nombre  ;  dans  les  grandes  solennités, 
il  les  restreint  à  une  seule,  pour  fiier  les  fidèles  sur  le 
mystère  du  jour,  seul  objet  qui  doit  les  occuper  dans  les 
fêtes  importantes  ;  car  nos  mystères,  quelque  différents 
qu'ils  paraissent  par  les  objets  qu'ils  nous  présentent,  se 
rapportent  tous  à  une  seule  et  même  fin,  la  gloire  de 
Dieu  et  notre  salut.  L'Eglise  veut  que  nous  compre- 
nions que  c'est  demander  tout  à  Dieu,  que  de  lui  deman- 
der l'application  du  mystère  qu'elle  célèbre. 

Dans  les  fêtes  des  Saints,  les  collectes  sont  une  de- 
mande relative  aux  principales  vertus  qui  ont  distingué 
ces  amis  de  Dieu,  et  pour  nous  un  engagement  k  l'imi- 
tation de  leurâ  exemples.  Mais  elle  a  bien  soin  de  noui 
faire  apercevoir  la  différence  essentielle  que  U  foi  lui 
fait  mettre  entre  lô  Saint  tîu'eile  honore  et  le  Dieu  qu'elle 
invoque.  Ici,  le  Saint  est  désigné  sous  Je  nom  de  servi- 
teur, et  Dieu  est  supplié  sous  le  nom  de  Seigneur  et  de 
maître. 

Les  collectes  s'adressent  ordinairement  à  Dieu  le 
Père,  parce  que  c'est  à  lui  que  le  sacrifice  est  offert  ; 
elles  finissent  par  cette  conclusion  :  Per  Dominum 
nostrum  Jesum  Christum  :  Par  Jésus- Christ  notre 
Seigneur.  Cela  veut  dire  que  c'est  en  Jésus-Christ  et 
par  Jésus-Christ  que  s'adresse  toute  prière  ;  car  il  n'est 
pas  d'autre  médiateur  entre  Dieu  et  l'homme  que  le 
Sauveur  Jésus  ;  cela  veut  dire  encore  que  Jésus-Christ, 


I)K    PERSÉVÉRANCE.  341 

qui  est  chargO  de  toutes  nos  délies,  se  charge  aussi  de 
présenter  toutes  nos  supplications  et  tous  nos  vœux  ; 
cela  veut  dire  enfin  que  toute  grâce  nous  est  donnée  en 
vue  des  mérites  de  Jésus-Chrisl.  Et  comme  ce  divin  in- 
tercesseur s'immole  sur  l'autel,  et  que  nous  le  donnons 
à  son  Père  en  échange  des  bienfaits  que  nous  attendons, 
il  n'est  rien  de  plus  propre  que  cette  formule  à  ranimer 
notre  confiance.  En  demandant  par  Jésus-Christ,  nous 
avons  droit  de  tout  obtenir.  Puissions-nous  en  être  bien 
convaincus  et  pénétrés  en  récitant  la  collecte  ! 

A  la  fin  des  oraisons,  les  assistants  répondent  :  Amen. 
Ce  mot  est  une  acclamation  courte,  mais  énergique,  qui 
veut  dire  ici  :  «  Que  cela  soit  ainsi  ;  que  les  vœux  que 
vous  venez  de  présenter  au  Seigneur  soient  exaucés. 
Nous  le  souhaitons,  nous  nous  unissons  à  vous  pour  le 
demander  ;  nous  promettons  de  n'y  mettre  aucun  ob- 
stacle, ni  par  des  actes,  ni  par  des  volontés  contraires.  » 
La  signification  de  ce  mot  varie  suivant  les  circonstances. 
Dit  après  l'exposition  des  vérités  de  la  foi,  après  le  chant 
du  Symbole,  par  exemple,  il  signifie  :  cela  est  vrai,  je 
le  crois.  Après  la  demande  d'une  faveur  ou  l'exposé 
d'un  devoir,  amen  signifie  j'y  consens,  je  le  désire. 

Ameriy  c'est  encore  là  un  de  ces  mots  que  nous  ne 
devons  prononcer  qu'avec  le  plus  profond  respect.  Et  le 
moyen  qu'il  en  soit  autrement,  si  nous  pensons  qu'il  a 
passé  de  siècle  en  siècle,  répété  par  les  lèvres  angé- 
liques  de  tant  de  saints  pontifes,  de  tant  de  vierges,  de 
tant  de  solitaires,  de  tant  de  Chrétiens,  nos  pères  dans 
la  foi  et  nos  modèles  dans  la  vertu?  Il  a  été  prononcé  par 


342  CATléCHISME 

les  martyrs  dans  les  Catacombes,  dans  les  prisons  et 
même  sur  les  échafauds;  il  semble  encore  couvert  de 
leur  sang,  et  parfumé  de  l'encens  de  leur  cbarilé  '. 

Que  sera-ce  si  nous  pensons  que  cet  Amen,  prononcé 
par  les  Anges  et  par  les  Saints,  retentit  perpétuellement 
et  retentira  aux  siècles  des  siècles  sous  les  voûtes  d'or  de 
la  Jérusalem  céleste?  Oh  !  ranimons  notre  foi,  et  l'Eglise 
de  la  terre  nous  représentera  d'une  manière  sensible 
l'Eglise  du  ciel,  si,  en  chantant  le  même  cantique,  nous 
le  chantons  dans  le  même  esprit.  Si  nous  ne  savons  dire 
qn^Amen,  efforçons-nous  du  moins  de  le  dire  comme 
les  Anges,  les  élus  et  les  Saints.  Prenons-y  garde  ;  en 
répétant  ce  beau  mot,  navons-nous  jamais  mentiPNous 
disons  Amen  à  tout  ce  que  l'Eglise  demande  et  promet 
en  notre  nom,  et  peut-être  n'en  suivons-nous  pas  moins 
la  perversité  de  nos  volontés  et  de  nos  désirs  1  0  mon 
Dieu  !  qu'est-ce  donc  que  l'amen  de  l'hypocrite,  Vamen 
de  l'avare,  Vamen  de  l'ambitieux,  Vamen  du  vindicatif, 
l'amen  des  voluptueux,  sinon  une  outrageante  ironie? 
Malheur  à  celui  qui  s'en  rend  coupable  ! 

Après  l'oraison,  le  célébrant  dit  d'une  voix  intelli- 
gible Vépître,  parce  que  c'est  une  instruction  pour  le 
peuple.  Aux  grand'messes,  c'est  le  sous-diacre  qui  la 
chante.  Autrefois  cette  fonction  appartenait  au  lecteur, 
parce  que  l'épîlre  ne  se  chantait  pas,  elle  se  lisait  ^. 

L'usage  de  lire  l'Ecriture  dans  les  assemblées  de  re- 

'  s.  Justin,  Apol.,  2. 

*  De  là  le  nom  de  lutrin,  lectrin,  letriu,  lectricium,  lectoriam, 
le^eoHum,  donné  au  pupitre  sur  lequel  on  la  lisait. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  818 

ligion  remonte  à  la  plus  haute  antiquité.  Les  Juifs 
commençaient  leurs  prières  dans  les  synagogues  par  la 
lecture  de  Moïse  et  des  Prophètes  '.  Les  premiers  Chré- 
tiens imitèrent  cet  usage  dans  leurs  réunions  du  di- 
manche. Nous  nous  assemblons,  dit  Tertullien,  pour 
lire  les  divines  Ecritures,  et  y  voir  ce  qui  convient  aux 
divers  temps  ^.  A  la  lecture  de  l'Ancien  Testament  on 
joignait  celle  du  Nouveau  :  On  lit  dans  l'assemblée,  dit 
saint  Justin,  les  écrits  des  Prophètes  et  des  Apôtres  ^. 
L'Eglise  a  religieusement  conservé  cet  usage. 

Non-seulement  on  lisait  dans  la  primitive  Eglise  les 
livres  de  l'Ecriture  sainte,  mais  encore  les  actes  des 
Martyrs  *.  On  aimait  surtout  à  lire  les  lettres  des  sou- 
verains pontifes  et  des  autres  évêques,  qu'on  appelait 
lettres  de  paix  ou  de  communion.  Par  ce  commerce  de 
lettres,  l'unité,  la  paix,  la  communion  était  conservée 
entre  le  pontife  de  Rome,  chef  suprême  de  l'Eglise,  et 
les  évêques  et  toutes  les  Eglises  du  monde.  Ces  lettres 
faisaient  encore  distinguer  les  Catholiques  des  Héréti- 
ques. On  les  envoyait  d'une  Eglise  à  l'autre,  afin  que 
les  fidèles  connussent  quels  étaient  ceux  avec  qui  ils 
devaient  communiquer  ^. 

Cette  lecture  est  appelée  épitre,  parce  qu'elle  est  or- 
dinairement tirée  des  épîtres  des  Apôtres,  et  surtout  de 

'  Act.,  XIII  et  XV. 

»  Apol.,  c.  39. 

5  ^poL,  2. 

*  Euseb.,  lib.  5,  c.  1. 

»  Bona,  lib.  2,  c.  7. 


344  CATÉCHISMK 

saint  Paul.  Redevables  aux  Grecs  et  aux  Barbares,  mis- 
sionnaires du  monde  entier,  les  Apôtres  ne  pouvaient 
pas  séjourner  longtemps  au  milieu  des  Eglises  qu'ils 
avaient  fondées.  Pour  soutenir  dans  la  foi  les  enfants 
qu'ils  venaient  d'enfanter  à  Jésus-Christ,  ils  leur  écri- 
vaient, au  milieu  de  leurs  courses  et  de  leurs  tra- 
vaux, des  lettres  pleines  d'utiles  conseils.  Jamais  fa- 
mille n'éprouva  autant  de  joie  à  recevoir  des  nouvelles 
d'un  père  chéri,  que  ces  fervents  Chrétiens  en  avaient 
à  recevoir  les  lettres  de  leurs  pères  dans  la  foi.  Ces  mo- 
numents de  leur  sollicitude  et  de  leur  charité  étaient 
conservés  avec  un  soin  extrême.  Par  respect  on  les  li- 
sait, comme  les  paroles  de  Dieu  même,  dans  les  as- 
semblées saintes.  Les  évêques  en  développaient  le  sens 
aux  fidèles  :  c'est  ce  qui  nous  a  valu  tant  de  beaux  ou- 
vrages des  Pères  de  l'Eglise. 

On  s'assied  pendant  l'épître  ;  nos  pères  le  faisaient 
aussi,  afin  d'écouter  la  lecture  avec  plus  de  recueille- 
ment et  d'attention.  Ecoutons-la  comme  nous  écoute- 
rions saint  Pierre,  saint  Paul  ou  saint  Jean,  s'ils  parais- 
saient au  milieu  de  nous  :  c'est  leur  propre  parole  qui 
retentit  à  nos  oreilles,  comme  elle  retentissait  aux 
oreilles  de  nos  pères.  Puisse-t-elle  faire  sur  nous  les 
mêmes  impressions  qu'elle  faisait  sur  eux  ! 

Nous  sommes  redevables  à  saint  Jérôme  de  la  distri- 
bution des  épîtres  et  des  évangiles  pour  tout  le  cours 
de  l'année;  il  envoya  son  travail  au  pape  Damase. 
L'Eglise  romaine  l'adopta,  et  c'est  de  celte  Eglise,  mère 


DE    PERSÉVÉRANCE.  345 

et  maîtresse  de  toutes  les  autres,  que  nous  vient  l'ordre 
que  nous  suivons  encore  aujourd'hui  *. 

Et  maintenant,  pourquoi  lil-on  i'épître  avant  l'évan- 
gile? Ce  n'est  pas  sans  une  raison  profonde.  Dans  l'in- 
troït, nous  avons  entendu  la  voix  des  Prophètes  ;  dans 
I'épître,  nous  entendons  celle  des  Apôtres,  voix  d'hom- 
mes inspirés  qui  nous  préparent  à  entendre  la  voix  du 
Maître.  Ne  semble-t-il  pas  entendre  l'apôtre  saint  Paul 
écrivant  aux  Hébreux  :  Dieu  a  parlé  aux  hommes  par 
plusieurs  voix  et  de  plusieurs  manières,  et  enfin  par  son 
Fils?  Ne  semble-l-il  pas  voir  le  Sauveur  lui-môme  re- 
nouvelant à  la  messe  ce  qu'il  faisait  durant  sa  vie  mor- 
telle, lorsqu'il  envoyait  saint  Jean-Baptisle  ou  ses  Apô- 
tres deux  h  deux  devant  lui,  pour  lui  préparer  les 
voies?  Ne  semble-t-il  pas  voir  les  douces  clartés  de 
l'aube  et  les  rayons  dorés  de  l'aurore,  préparant  nos 
yeux  aux  feux  étincelants  du  soleil?  Que  de  souvenirs 
dans  l'ordre  de  nos  lectures  saintes  ^  ! 

La  parole  de  vie  vient  de  tomber,  par  la  lecture  de 
I'épître,  sur  le  cœur  des  assistants,  comme  une  rosée 
salutaire,  pour  les  vivifier  et  leur  faire  produire  des  fruits 
dignes  de  la  récompense  éternelle.  Pleins  de  reconnais- 
sance, les  fidèles  répondent  qu'ils  sont  disposés  à  faire 
ce  qui  leur  a  été  enseigné.  Leur  réponse  est  exprimée 
par  le  graduel  ou  répons,  par  le  trait,  par  V Alléluia  et 
la  prose. 

'  Bono,  lil).  2,  c.  7.  Durantus,  lib.  3,  c.  18.  Le  livre  de  saint  Jé- 
rôme est  intitulé  Cornes,  vel  Lectionarius.  Pamel.,  t.  2  Liturgicor. 
«DurantuSi  lib.  2,  c  18.  AIruin.,  de  Çelebr.  niissa. 


346  CATÉCHISME 

Le  répons  ou  la  réponse  des  fidèles  se  nomme  gra- 
duel, parce  que  les  choristes  chargés  de  la  proclamer 
se  plaçaient  sur  les  degrés  inférieurs  de  l'ambon  ou  du 
jubé.  C'est  encore  ce  qui  s'observe  aujourd'hui.  Nous 
voyons  aux  grandes  fêles  ceux  qui  doivent  chanter  le  ré- 
pons et  l'alléluia  venir  se  placer  à  côté  des  choristes, 
au  lutrin,  qui  représente  l'ambon  ^ 

Les  répons  établis,  ou  plutôt  mis  en  ordre  par  saint 
Grégoire,  sont  toujours  analogues  aux  vérités  et  aux 
exhortations  contenues  dans  l'épître  ^.  Les  fidèles  y  pro- 
lestent de  leur  bonne  volonté  et  de  leurs  saines  dispo- 
sitions à  se  conformer  entièrement  aux  préceptes  apo- 
stoliques. 

Dans  les  jours  de  tristesse  et  de  jeûne,  comme  pen- 
dant le  carême,  la  réponse  du  peuple  ou  le  répons  s'ap- 
pelle trait,  parce  qu'elle  se  chante  lentement  et  d'un 
ton  lugubre.  C'est  le  gémissement  de  l'exil  ^. 

Au  contraire,  lorsque  l'Eglise  est  dans  la  joie,  comme 
dans  le  temps  pascal  et  les  dimanches  consacrés  à  la 
mémoire  de  la  résurrection  de  son  époux,  le  chant  du 
répons  est  moins  grave  ;  il  est  même  précédé  et  suivi 
de  l'alleluia. 

'  Raban  Maur.,  lib.  l,  de  Instit,  cleric,  c.  33. 
'  C'est  Saint  Jérôme  quî,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut, 
distribua,  à  la  prière  du  pape  Daoïase,  les  psaumes,  les  évangiles 
et  les  épitres  dans  l'ordre  où  ils  sont.  Les  papes  saint  Grégoire  et 
Gélase  y  ajoutèrent  les  oraisons,  les  répons  et  les  versets.  Saint  Ani- 
broise  y  ajouta  les  graduels,  les  traits  et  l'alleluia.  11  le  fit  pour 
entrejenir  la  piété  des  catholiques  de  Milan,  obligés  de  veiller  dans 
leurs  églises  pour  en  défendre  l'entrée  aux  Ariens. 

*  Hug.  à  S.  Vict.,  Specul.  eccl.,  c.  7.  Alcuin,  de  divin.  O/fic, 
cap.  de  Septuagesima. 


DE   PEKSÉVÉRANCE.  Z¥7 

L'alléluia  est  un  mot  hébreu  qui  veut  dire  louet 
Dieu,  mais  qui  exprime  en  môme  temps  un  mouve- 
ment, un  transport  de  joie,  qu'on  n'a  pas  cru  pouvoir 
rendre  par  aucun  mot  grec  ou  latin  ;  ce  qui  l'a  fait  con- 
server partout  dans  sa  langue  originale. 

Il  faut  le  dire,  l'alléluia  est  un  mot  de  la  langue  du 
ciel,  que  la  Jérusalem  bienheureuse  a  laissé  tomber  sur 
la  terre,  et  que  l'Eglise  voyageuse  s'est  empressée  de 
recueillir.  Il  est  pour  elle  le  chant  de  ses  grandes  solen- 
nités, jours  heureux  oîi  elle  s'efforce  de  participer  d'a- 
vance aux  joies  de  sa  sœur  aînée,  en  bégayant  son 
éternel  cantique.  Saint  Jean,  dit  le  cardinal  Bona,  enten- 
dit dans  le  ciel  les  chœurs  des  Anges  qui  chantaient 
alléluia  sur  leurs  harpes  d'or,  afin  que  nous  sachions 
que  ce  mot  ineffable  est  descendu  du  ciel  dans  l'Eglise  ' . 

Cette  coutume  de  chanter  l'alléluia  est  louée  par 
saint  Augustin  comme  une  tradition  de  la  plus  haute 
antiquité.  «  Nous  ne  disons  pas  l'alléluia  avant  Pâque, 
dit  ce  grand  évêque,  parce  que  le  temps  de  la  passioia 
de  Jésus-Christ  marque  le  temps  des  afflictions  de  celte 
vie;  et  sa  résurrection  désigne  la  béatitude  dont  nous 
jouirons  un  jour.  C'est  dans  cette  vie  bienheureuse  que 
nous  louerons  Dieu  sans  cesse;  mais,  pour  le  louer 
éternellement,  il  faut  commencer  de  le  louer  en  ce 
monde.  C'est  pourquoi  nous  chantons  plusieurs  fois  al- 
léluia, en  nous  excitant  ainsi  les  uns  et  les  autres  à  louer 
Dieu  ;  mais  faites  que  tout  ce  qui  est  en  vous  le  loue, 

'  Lib.  2,  c.  C,  p.  368. . 


348  CATÉCHISME 

votre  langue,  votre  voix,  voire  conscience,  voire  vie  et 
vos  actions  *.  » 

L'alleluia  est  donc  réservé  pour  les  temps  de  joie. 
Mais  quoi  !  ne  devons -nous  pas  louer  Dieu  en  tout 
temps?  Sans  doute.  Aussi,  lorsque  l'Eglise  nous  fait 
quitter  l'alléluia  à  la  Septuagésirae,  elle  nous  fait  dire  : 
Laus  tibi,  Domine,  rexœternœ  gloriœ  :  Louange  soil 
à  vous,  Seigneur,  roi  d^éternelle  gloire.  Ces  paroles 
renferment  le  sens  principal  de  l'alléluia,  mais  non  pas 
le  transport  ou  l'effusion  de  joie  qu'il  inspire  ou  qu'il 
exprime;  Iransport  de  joie  qui  ne  cessera  jamais  dans 
le  ciel,  mais  qui  est  souvent,  hélas  !  interrompu  dans 
la  vallée  des  larmes  ^. 

L'Eglise  prolonge  tant  qu'elle  peut  le  chant  de  l'al- 
léluia ;  elle  voudrait  qu'il  lui  fût  déjà  permis  de  ne  plus 
l'interrompre.  De  là  ce  grand  nombre  de  notes  dont  il 
est  chargé.  «Nous  avons  coutume,  dit  saint  Bonaventure, 
de  multiplier  les  notes  sur  la  dernière  lettre  de  l'allé- 
luia, parce  que  la  joie  des  Saints  dans  le  ciel  est  indi- 
cible et  interminable  ' .  »  Cette  longue  suite  de  notes 
s'appelle  neume. 

Le  mot  neume  signifie  souffle.  C'est,  comme  nous  ve- 
nons de  le  dire,  une  longue  suite  de  notes  qu'on  chante 
à  la  suite  de  l'alléluia.  On  les  chante  aussi,  dans  cer- 
taines églises,  après  la  dernière  antienne  de  l'office  du 
soir,  aux  jours  des  grandes  solennités.  Par  cette  longue 

'  /n  Psal.  cxLViil  et  cxviii. 
'■•  Durantus,  lib.  2,  c.  20. 
^  De  Exposit.  missw,  c.  2. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  349 

suite  de  sons  inarticulés,  l'Eglise  marque  que  les  pa- 
roles lui  manquent  pour  exprimer  le  ravissement  de  son 
admiration  et  les  langueurs  de  son  amour,  quand  elle 
pense  aux  magnificences  et  aux  délices  de  la  Jérusalem 
céleste.  Quelle  parole  humaine,  en  effet,  pourrait  dire 
ce  que  l'œil  de  l'homme  n'a  point  vu,  ce  que  son  oreille 
n'a  point  entendu,  ce  que  son  cœur  même,  tout  vaste 
qu'il  est,  ne  saurait  concevoir!  En  entendant  l'Eglise 
chanter  ses  neumes,  ne  vous  semble-t-il  pas  voir  la 
reine  de  Saba,  ravie  hors  d'elle-même  à  la  vue  des 
gloires  de  Salomon,  manquer  de  paroles  pour  exprimer 
ce  qu'elle  éprouvait/  ?  Et  cependant  ces  richesses  ne 
lui  appartenaient  pas,  ce  palais  n'était  pas  pour  elle. 
Enfants  du  véritable  Salomon,  héritiers  de  son  trône, 
futurs  compagnons  de  son  bonheur,  ah  !  efforçons-nous 
d'exciter  en  nous,  à  la  vue  du  ciel,  du  ciel  qui  nous  est 
desiinèt  qaelques«uns  des  i@ntimentg  de  la  reine  étran« 
gère  î 

Les  neumes  ont  donné  lieu  aux  proses  { Voici  de  quelle 
iïianière.  Sous  cette  longue  suite  de  notes,  on  plaça 
quelques  paroles,  puis  quelques  versets,  qui  exprimaient 
la  joie  et  qui  étaient  comme  une  suite  de  l'alléluia.  Peu 
à  peu  on  en  augmenta  le  nombre,  enfin  on  en  fit  des 
hymnes,  c'est-à-dire  des  chants  de  joie,  analogues  à  la 
fête.  Ce  changement  eut  lieu  vers  le  neuvième  siècle. 
De  là  vient  1"  que  l'Eglise  romaine,  toujours  fidèle  aux 
anciens  usages,  n'a  qu'un  très-pelit  nombre  de  proses  ; 
de  là  vient  2°  que  les  proses  furent  et  sont  encore  appe- 

'  Non  habebat  uUra  spiritum. 


350  gâtéchishe 

lées  sequentia,  ce  qui  veut  dire  suite];  en  effet,  elles  sont 
la  suite  ou  le  prolongement  de  l'alléluia  ;  de  là  vient 
3°  qu'on  ne  dit  les  proses  qu'aux  messes  où  l'on  chante 
l'alléluia. 

Il  faut  excepter  la  messe  solennelle  pour  les  morts, 
où  l'on  dit  la  prose  Dies  irœ.  Quoique,  suivant  l'opi- 
nion  commune,  elle  soit  l'ouvrage  du  cardinal  Mala- 
branca,  qui  mourut  en  1294,  elle  ne  fut  dite  à  la  messe 
qu'au  commencement  du  dix-septième  siècle.  C'était  par 
respect  pour  l'ancien  usage,  qui  ne  permettait  pas  de 
dire  de  prose  quand  il  n'y  avait  pas  d'alléluia.  Enfin  on 
a  cessé  de  faire  attention  aux  raisons  de  l'institution  des 
proses,  pour  ne  plus  y  voir  qu'une  marque  de  solennité. 
En  conséquence,  on  n'a  pas  voulul'ôter  aux  grand'messes 
de  morts,  où  se  trouve  souvent  une  nombreuse  assem- 
blée. 

JjuC  moi  prose  signifie  discours  libres  qui  n'est  pas  gêné 
comme  les  vers.  On  a  eu  raison  d'appeler  ainsi  ces 
hymues,  dont  la  plupart  sont  écrites  dans  un  style  fort 
libre,  quoique  rimées.  11  y  a  dans  ce  laisser-aller  quel- 
que chose  qui  convient  bien  à  la  prière.  Ici  comme  par- 
tout, on  voit  cette  familiarité  touchante,  et  quelquefois 
naïve,  de  l'épouse  quand  elle  parle  à  son  divin  époux. 
Je  ne  sais,  mais  la  mesure  des  vers,  l'obligation  de  ren- 
fermer sa  pensée  dans  un  nombre  voulu  de  syllabes, 
gêne  les  épanchements  du  cœur,  comprime  ses  élans  et 
refroidit  son  ardeur.  Pour  tout  dire,  en  un  mot,  il  me 
semble  que  les  proses,  surtout  les  anciennes,  prient,  et 
que  nos  hymnes  modernes  ne  prient  pas  ou  ne  prient 


DE    PERSÉVÉRANCE.  351 

guère.  On  croit  communément  que  le  premier  auteur 
des  proses  fut  un  moine  de  Saint-Gall,  en  Suisse,  nommé 
Notker.  Il  vivait  vers  l'an  880  K 

Il  est  donc  vrai,  quels  que  soient  ses  cérémonies,  ses 
prières  ou  ses  chants,  l'Eglise  catholique  vous  apparaît 
toujours  la  même,  toujours  attentive  à  nous  tracer  dans 
son  culte  extérieur  les  vertus  que  nous  devons  prati- 
quer, les  sentiments  qui  doivent  nous  animer  pour  nous 
rendre  agréables  à  Dieu.  Le  Chrétien  charnel  qui  ne 
voit  que  la  superflcie  des  cérémonies  sacrées,  qui  n'en- 
tend que  celte  harmonie  extérieure  qui  frappe  l'oreille 
du  corps,  trouve  quelquefois  nos  chants  et  nos  solennités 
froids  et  insipides;  que  dis-je?  il  ose  se  dédommager 
par  de  sacrilèges  plaisanteries  de  l'ennui  qu'il  a  éprouvé 
dans  le  temple  de  Dieu.  Ne  vous  en  étonnez  pas  ;  il  lui 
manque  un  sens,  le  sens  de  la  foi  :  c'est  un  aveugle  qui 
veut  juger  des  couleurs.  Mais  le  Chrétien  qui  vit  de 
l'esprit,  attentif  à  tout  dans  la  maison  du  Seigneur,  pé- 
nètre la  fin  de  toutes  nos  cérémonies;  il  ne  s'y  dit  pas 
une  parole,  les  ministres  n'y  font  pas  une  démarche, 
qu'il  n'en  découvre  le  motif,  qu'il  n'en  pénètre  le  sens 
et  qu'il  ne  s'en  applique  le  fruit. 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  mêlé  les  instructions  et  les  prières  pendant  la 

>  Radulf.  Tungrensis,  prop.  23.  Coroel-  Schultingus,  Biblioth 
ecct.,  t.  1,  p.  2,  c.  6  et  7. 


352  CATKCHlSMi; 

seconde  partie  de  la  messe,  afin  de  me  préparer  digne- 
ment aux  saints  mystères  ;  faites-moi  la  grâce  d'être 
attentif  au  sens  de  tous  les  cantiques  et  de  toutes  les 
cérémonies. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  Tamour 
de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amouT,  j'écouterai 
Vépître  avec  un  grand  désir  d'en  profiter. 


PETIT  CATÉCHISME. 
LE   CHRISTIANISME   RENDU    SENSIBLE. 

Seeoodc  partie  de  h  messG  (Suite). 

Q,  Que  fait  le  prêlra  en  finissant  le  Gloria  in 

Ri  En  flnisâènt  le  Gloria  in  exceîsiS)  le  prêtre  fait  le 
signe  de  la  croix.  C'est  pour  imiter  les  premiers  Chré*- 
tiens,  qui  faisaient  ce  signe  adorable  avant  et  après 
leurs  principales  actions.  C'est  aussi  pour  rappeler  le 
sacrifice  de  la  croix  qui  va  s'accomplir  sur  l'autel. 

Q.  Que  fait-il  ensuite  ? 

R.  Ensuite  il  baise  l'autel  afin  de  puiser  dans  le  sein 
du  Sauveur,  représenté  par  l'aulel,  la  paix  qu'il  va  sou- 
haiter aux  fidèles  ;  car,  après  avoir  baisé  l'autel,  le  prê- 
tre se  tourne  vers  le  peuple,  étend  les  bras  en  signe  de 
charité,  et  dit  :  Que  le  Seigneur  soit  avec  vous.  Le  peu- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  353 

pie  répond  :  Et  avec  votre  esprit.  Le  prêtre,  revenu  au 

côté  de  l'Epîlre,  dit:  Prions  :  Oremus.  C'est  la  seconde 

fois,  depuis  le  commencement  de  la  messe,  qu'il  se 

donne  à  lui-môme  et  au  peuple  cet  avis  important. 

» 
Aussitôt  il  commence  la  prière  appelée  collecte. 

Q.  D'où  lui  vient  ce  nom  ? 

R.  Ce  nom  a  été  donné  à  cette  prière  :  l' parce  qu'elle 
ge  fait  pour  l'assemblée;  le  mot  collecte  veut  dire  assem- 
blée ;  2»  parce  qu'elle  contient  en  abrégé  toutes  les  de- 
mandes que  tes  fidèles  présentent  au  Seigneur.  Les 
collectes  sont  très-vénérables  par  leur  antiquité;  la 
plupart  remontent,  pour  le  fond,  jusqu'aux  temps  apo- 
stoliques. Nous  devons  les  réciter  avec  la  même  ferveur 
que  les  premiers  Chrétiens. 

Q.  Gomment  se  termine  la  collecte  ? 

R.  La  collecte  se  termine  par  ces  mots  :  Par  notre 
Seigneur  Jésus-Christ.  C'est  au  nom  de  Jésus-Christ  que 
nous  prions  ;  c'est  par  ses  mérites  que  nous  attendons 
l'effet  de  nos  demandes.  Le  peuple  répond  :  Amen  :  Qu'il 
en  soit  ainsi  ;  c'est-à-dire  nous  désirons  obtenir  tout  ce 
qui  est  exprimé  dans  la  prière  ;  nous  promettons  de  n'y 
point  mettre  obstacle,  ni  par  notre  volonté,  ni  par  notre 
conduite.  Cela  nous  apprend  dans  quelles  dispositions 
nous  devons  répondre  Amen. 

Q.  Qu'est-ce  que  l'épîlre  ? 

R.  L'épître  est  une  lecture  des  livres  saints  qui  suit 
la  collecte.  On  l'appelle  épître,  parce  qu'elle  est  ordi- 
nairement tirée  des  lellres  des  Apôtres,  et  surtout  de 
saint  Paul.  On  s'assied  pendant  l'épître  afin  de  l'écouter 
T.  VII.  -23 


3S4  CATÉCHISME 

àYec  plus  de  recueillement.  L'épître  est  suivie  du  gra- 
duel ou  répons.  Le  graduel  est  un  verset  tiré  de  l'Ecri- 
ture, qui  contient  la  réponse  que  le  peuple  fait  à  l'épî- 
tre. Il  répond  qu'il  est  disposé  à  pratiquer  les  instruc- 
tions qu'il  vint  d'entendre.  On  l'appelle  graduel,  parce 
qu'il  se  chante  sur  les  degrés  du  lutrin.  Dans  les  jours 
de  deuil  et  de  jeûne,  on  chante  cette  réponse  du  peuple 
d'un  ton  triste  et  traînant  si  alors  on  l'appelle  le  trait. 
Dans  les  jours  de  joie,  on  le  chante  d'un  ton  plus  gai  ; 
il  est  précédé  et  suivi  de  l'alléluia. 

Q.  Qu'est-ce  que  l'alléluia  et  la  prose  ? 

R.  L'alléluia  est  une  expression  de  joie.  C'est  le  chant 
des  Saints  dans  le  ciel.  Pour  marquer  l'allégresse  qu'il 
inspire,  on  multiplie  les  notes  sur  la  dernière  lettre  de 
l'alléluia.  On  a  ensuite  mis  des  paroles  sous  ces  notes  ; 
c'est  de  là  que  sont  venues  les  proses  qu'on  appelle  aussi 
séquences,  ou  suite,  parce  qu'elles  sont  comme  la  conti- 
nuation de  l'alléluia.  En  les  chantant,  ou  en  les  enten- 
dant chanter,  nous  devons  entrer  dans  l'esprit  de  l'E- 
glise et  nous  réjouir  par  la  pensée  du  ciel. 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu!  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  mêlé  les  instructions  et  les  prières  pendant  la 
seconde  partie  de  la  messe,  afin  de  me  préparer  digne- 
ment aux  saints  mystères  ;  faites-moi  la  grâce  d'être 
attentif  au  sens  de  tous  les  cantiques  et  de  toutes  les 
cérémonies. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 


DE   PERSÉVÉRANCE.  SS5 

chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amom, j'écouterai 
'l'épître  avec  un  grand  désir  d'en  profiter. 


356  CATÉCHISME 

XVIIP  LEÇON. 

LE    CHRISTIANISME   RENDU    SENSIBLE. 

Seconde  partie  de  la  messe  (  Suite  ).  —  Evangile.  —  Credo.  — Troi- 
sième partie  de  la  messe,  —  Offertoire.  —  Offertoire  dans  les 
premiers  siècles. 

En  répondant  à  Tépître  par  le  graduel  ou  le  trait, 
l'alléluia  el  la  prose,  toute  l'assemblée  des  fidèles  s'est 
montrée  disposée  à  mettre  en  pratique  les  saintes  le- 
çons qui  lui  sont  données.  La  voix  des  Prophètes  el  des 
Apôtres  vient  de  la  préparer  à  entendre  une  voix  plus 
sainte  encore,  celle  du  Fils  de  Dieu,  le  maître  des  Pro- 
phètes et  des  Apôtres.  Le  voici  qui  va  parler,  on  va 
lire  l'Evangile;  recueillons-nous  pour  l'entendre,  ou 
plutôt  étudions  les  cérémonies  qui  en  accompagnent  la 
lecture  ;  elles  suffisent  pour  nous  donner  les  disposi- 
tions que  la  foi  demande  de  nous. 

Le  prêtre  vient  au  milieu  de  l'autel,  lève  les  yeux  au 
ciel,  puis,  s'indinant  profondément,  il  fait  cette  prière  : 
«  Dieu  tout-puissant,  puritiez  mon  cœur  et  mes  lèvres  ; 
ô  vous. qui  avez  purifié  les  lèvres  du  prophète  Isaïe  avec 
un  charbon  ardent,  daignez  par  votre  pure  miséricorde 
sanctifier  mon  cœur,  afin  qu'il  puisse  annoncer  digne- 
ment votre  saint  Evangile.  »  C'est  ainsi  que  ne  se 
croyant  jamais  assez  pur  pour  répéter  les  paroles  de 


DE    PERSÉVÉRANCE.  357 

vie  qui  sorlirent  autrefois  de  la  bouche  de  l'Homme- 
Dieu,  le  prêtre  fait  instance  auprès  du  Seigneur  pour 
qu'il  soit  dans  son  cœur  et  sur  ses  lèvres.  Pendant  ce 
temps-là  les  fidèles  aussi  doivent  demander  à  Dieu  que 
leurs  cœurs  deviennent  cette  bonne  terre  où  la  semence 
sacrée  fructifie  et  rapporte  au  centuple. 

L'usage  de  lire  l'Evangile  à  la  messe  remonte  au 
moment  même  où  ce  livre  divin  fut  écrit  *.  N'est-il  pas 
bien  juste  que  ceux  qui  assistent  au  sacrifice  de  Jésus- 
Christ  connaissent  ses  préceptes  et  ses  actions,  et  mar- 
quent publiquement  qu'ils  les  respectent  et  qu'ils  les 
aiment?  L'Evangile  est  le  prédicateur  de  la  croix,  il  n'a 
triomphé  que  par  elle.  Voilà  pourquoi  le  prêtre,  avant 
de  le  lire,  le  marque  d'abord  de  ce  signe  adorable,  et  le 
fait  ensuite  sur  son  front,  sur  ses  lèvres  et  sur  son  cœur  : 
tous  les  assistants  l'imitent. 

Nous  faisons  le  signe  de  la  proix  sur  notre  front 
pour  marquer  que  nous  croyons  les  vérités  contenue^ 
dans  l'Evangile,  qu'elles  sont  notre  gloire  et  que  nous 
n'en  rougirons  jamais^;  sur  nos  lèvres,  pour  marquer 
que  nous  sommes  prêts  à  les  professer  hautement  de- 
vant le  monde ,  ou  comme  nos  pères,  en  face  même 
des  tyrans,  s'il  était  nécessaire  ;  sur  notre  cœur,  pour 
montrer  qu'elles  y  sont  gravées,  que  nous  les  aimons 
et  qu'elles  seront  toujours  la  règle  de  nos  pensées  et 
de  nos  affections.  A  la  lecture  de  l'Evangile  tous  les 
fidèles  se  tiennent  debout,  comme  des  gens  prêts  au 

'  Bona,  lib.  2,  c.  7. 

*  S.  Aug.,  in  Psal.  cxli- 


358  CATECHISME 

combat  et  disposés  à  marcher  courageusement  à  la 
suite  de  Jésus-Christ  partout  où  il  les  appellera.  Cette 
coutume  est  de  la  plus  haute  antiquité  \ 

En  finissant  la  lecture,  le  prêtre  baise  l'Evangile  en 
signe  d'amour  et  de  respect.  Tout  le  peuple,  représenté 
par  le  clerc,  répond  :  Louange  soit  à  vous,  Christ.  Ja- 
mais louange  fut-elle  mieux  méritée  ?  Que  sommes- 
nous  ?  nous  sommes  des  captifs  du  Démon,  des  exilés 
du  ciel,  des  voyageurs  qui  traversent  le  désert  de  la  vie, 
la  vallée  des  larmes.  Qu'est-ce  que  TEvangile?  c'est  la 
bonne  nouvelle  ;  c'est  aux  captifs  la  nouvelle  de  leur 
délivrance,  aux  exilés  la  nouvelle  que  les  portes  de  la 
patrie  leur  sont  ouvertes,  aux  voyageurs  la  iiouvelle 
qu'un  guide  charitable  et  sûr  est  descendu  du  ciel  pour 
les  protéger  et  les  conduire  jusqu'au  terme.  Oh!  si 
nous  sentons  ce  que  nous  sommes  depuis  l'Evangile, 
ce  que  nous  fûmes  avant  l'Evangile,  ce  que  nous  serions 
encore  sans  l'Evangile,  avec  quel  profond  sentiment 
de  reconnaissance  nous  dirons  :  Gloire  soit  à  vous, 
Christ,  Christ,  Sauveur  du  monde. 

Aux  grand'messes,  la  lecture  de  l'Evangile  est  ac- 
compagnée de  cérémonies  pleines  de  mystères,  toutes 
propres  à  nourrir  la  piété  et  le  respect  profond  que  nous 
devons  à  la  parole  de  Dieu.  Le  diacre  porte  le  livre  des 
Evangiles  sur  l'autel.  L'usage  de  mettre  et  de  prendre 
le  livre  des  Evangiles  sur  l'autel  vient  de  ce  qu'autre- 
fois on  le  portait  en  cérémonie  à  l'autel  dès  le  com- 
mencement de  la  messe.  L'Eglise  voulait  qu'on  se  re- 

•  Ordre  Rom. 


DE   PERSÉVÉRANCE.  359 

présentât  Jésus-Christ  lui-même,  en  voyant  le  livre  qui 
contenait  ses  divines  paroles  '. 

L'honneur  de  chanter  l'évangile  est  réservé  au  diacre. 
Le  respect  dû  à  ce  livre  divin,  la  majesté  de*  cérémo- 
nies qui  en  accompagnent  la  lecture,  exigeaient  que 
cet  ofOce  fût  rempli  par  le  minisire  sacré  qui  approche 
le  plus  de  la  dignité  sacerdolale  ^ 

Autrefois  dans  l'Eglise  d'Alexandrie,  cette  noble 
fonction  n'était  remplie  que  par  l'archidiacre,  et  dans 
plusieurs  autres  l'évangile  était  dit  par  des  prêtres,  et 
par  des  évêques  aux  grandes  fêtes,  comme  à  Constanti- 
nople  le  jour  de  Pâque  '.  Nous  dirons  en  passant  qu'à 
Rome,  lorsque  le  souverain  pontife  célèbre  la  messe  so- 
lennelle, l'épître  et  l'évangile  se  chantent  en  grec  et  en 
latin  :  c'est  un  cardinal  qui  chante  l'évangile.  La  divine 
parole  annoncée  dans  ces  deux  langues  rappelle  l'anti- 
que union  de  l'Orient  et  de  l'Occident.  Puisse  la  divine 
Providence  la  rétablir  un  jour  ! 

Le  diacre  monte  à  l'autel,  se  met  à  genoux  et  récite 
la  prière  que  nous  avons  rapportée  plus  haut  :  Dieu 
tout-puissant,  purifiez,  etc.  Dans  ce  diacre  qui  monte 
à  l'autel  ne  vous  semble- t-il  pas  voir  Moïse,  appelé  par 
la  voix  de  l'Eternel  sur  le  mont  Sinaï,  au  milieu  des 
foudres  et  des  éclairs,  pour  recevoir  la  loi  et  la  trans- 
mettre au  peuple  d'Israël?  Le  diacre  se  prosterne  au 
pied  de  l'autel  et  en  présence  du  livre  de  la  Ipi,  parce 


'  Amalar.,  de  Offic.  eccL,  lib.  3,  c.  5. 
•  Bona,  lib.  2,  c.  7. 
»  Sozom.,  Hist,,\ib.  7. 


360  CATÉCHISME 

qu'il  sait  qu'il  n'appartienl  point  à  l'homme  de  devenir 
l'organe  des  vérités  éternelles.  Il  se  relève  et  prend  sur 
l'autel  le  livre  qui  contient  ces  adorables  vérités,  ce  qui 
signifie  qu'il  les  reçoit  de  la  bouche  même  de  Jésus- 
Christ,  que  l'autel  représente,  afin  que  les  fidèles  n'i- 
gnorent pas  que  ce  sont  les  vérités  du  ciel  qui  vont  leur 
être  manifestées. 

Le  diacre  se  remet  à  genoux,  demande  la  bénédiction 
au  prêtre  ou  à  l'évéque,  et  lui  baise  la  main.  Le  diacre 
avait  demandé  à  Dieu  de  pouvoir  dignement  annoncer 
l'évangile;  il  demande,  maintenant  au  prêtre  ou  à 
l'évéque  la  permission  de  l'annoncer  ;  car  dans  l'Eglise 
nul  ne  doit  exercer  de  ministère  s'il  n'y  est  appelé. 
Répondant  à  sa  demande,  le  célébrant  lui  dit  :  Que  le 
Sewneur  soit  dans  votre  cœur  et  sur  vos  lèvres,  afin  que 
vous  annonciez  dignement  et  comme  il  faut  l'évan- 
gile. Comme  il  faut,  c'est-à-dire  avec  piété  et  modestie, 
afin  qu'il  vous  soit  utile  à  vous-même,  et  que  tous  ceux 
qui  l'entendront  en  soient  édifiés.  En  recevant  la  béné- 
diction du  célébrant,  le  diacre  lui  baise  la  main  pour 
lui  marquer  son  respect  et  sa  reconnaissance. 

Alors  le  diacre,  précédé  de  l'encens,  qui  signifie  et 
la  prière  qui  peut  seule  rendre  la  parole  de  Dieu  fé- 
conde, et  la  bonne  odeur  des  vertus  que  cette  parole 
répand  dans  les  cœurs  *,  marche  vers  le  lieu  qui  doit 
le  mettre  à  portée  d'être  entendu  du  peuple.  Le  thuri- 
féraire est  précédé  de  trois  ministres,  dont  deux  portent 
des  flambeaux  allumés,  le  troisième  la  croix.  Ces  cierges 

'  Àppend.  ad  Sacr.  S,  Greg.,  p.  258. 


DE  PERSÉVÉRANCE.  361 

allumés  qui  précèdent  le  Livre  sacré  sont  un  signe  de  la 
joie  que  nous  donne  l'évangile,  et  rappellent  aux  Chré- 
tiens que  Jésus-Christ,  dont  ils  vont  entendre  la  parole, 
est  la  lumière  qui  éclaire  tout  homme  venant  en  ce 
monde  :  le  feu  de  ces  lumières  est  le  symbole  de  la 
charité  que  l'évangile  doit  allumer  dans  nos  cœurs.  Un 
des  ministres  porte  la  croix.  Cet  étendard  du  Sauveur 
rappelle  éloquemment  que  c'est  lui  qui  va  parler  dans 
son  Evangile,  et  que  ce  sont  des  maximes  de  crucifie- 
ment qu'il  va  faire  entendre.^  Il  veut  que  ses  disciples 
en  aient  l'image  sous  les  yeux,  afin  qu'ils  s'accoutu- 
ment à  en  porter  le  sentiment  dans  le  cœur. 

Le  diacre  élève  le  livre,  non-seulement  pour  qu'il 
soit  vu  et  honoré  de  tous  ceux  qui  vont  l'entendre,  mais 
encore  pour  annoncer  que  c'est  une  morale  descendue 
du  ciel  qui  va  les  instruire.  A  celte  vue  tous  ceux  qui 
sont  dans  le  chœur  se  lèvent  par  respect  ;  pénétré  du 
même  sentiment,  le  clergé  se  tient  aussi  debout  sans 
s'appuyer  en  aucune  manière  sur  les  stalles'. 

'  C'est  ce  qui  a  toujours  été  recouimandé,  depuis  qu'on  s'est 
servi  de  quelque  appui  dans  l'église.  La  lougueur  de  l'oftice  ne 
permettant  pas  à  tout  le  monde  de  se  tenir  debout  sans  appui,  on 
introduisit,  vers  l'an  800,  l'usage  de  s'appuyer  sur  des  bâtons.  On 
s'en  est  servi  aux  ix*,  x",  xi^  et  xii''  siècles;  on  fit  même  alors 
ces  bâtons  en  forme  de  potence,  qu'on  appelait  reclinatorin,  pour 
s'y  mieux  appuyer.  Plus  tard,  on  fit  des  formes  et  des  stalles,  et  ce 
petit  appui  qu'on  appelle  miséricorde,  sur  lequel  ou  s'appuie  sans 
paraître  assis.  Mais,  dès  qu'on  était  à  l'évangile,  tout  le  monde 
quittait  les  bâtons  ou  potences,  et  on  se  tenait  debout,  comme 
des  serviteurs  devant  leur  maître.  (  Araalar.,  Ijb.  3,  de  eccl.  Offic, 
c  18.)  Les  Chrétiens  orientaux  se  servent  encore  de  bâtons  en  forme 
de  potence,  qu'ils  quittent  à  l'évangile.  Voy,  Lebrun,  p.  225. 


362  CATÉCHISME 

Jusqu'au  neuvième  siècle,  le  diacre,  arrivé  au  jubé  ou 
au  lieu  destiné  à  lire  l'Evangile,  se  tournait  au  midi, 
c'est-à-dire  du  côté  des  hommes,  qui,  séparés  des 
femmes,  occupaient  cette  partie  de  l'église.  Depuis  le 
milieu  du  neuvième  siècle  le  diacre  se  tourne  au  sep- 
tentrion. Une  raison  mystérieuse  a  causé  ce  change- 
ment. L'aquilon  représente  le  souffle  du  malin  esprit. 
Et  l'Ecriture,  dit  un  ancien  auteur  S  nous  apprend  elle- 
même  cette  signification,  puisqu'elle  adresse  au  Démon 
ces  paroles  :  O  Lucifer,  tu  disais  en  ton  cœur  :  Je  m'éta- 
blirai à  l'aquilon  -.  Ainsi  on  se  tourne,  en  lisant  l'évan- 
gile, vers  le  côté  gauche  de  l'église,  qui  est  ordinai- 
rement le  septentrion,  pour  montrer  qu'on  se  propose  de 
dissiper,  par  la  parole  de  Dieu,  les  mauvaises  impres- 
sions du  souffle  de  l'aquilon,  c'est-à-dire  du  Démon. 

A  peine  le  diacre  a-t-il  élevé  la  voix  pour  dire  aa 
peuple  :  Dominus  vobiscum  :  Que  le  Seigneur  soit  avec 
vous,  et  il  en  a  plus  besoin  que  jamais  dans  ce  moment 
solennel  :  que  tout  le  peuple  se  lève  en  répondant  :  Et 
cum  spiritu  tuo  :Et  avec  votre  esprit.  Et  dans  les  siècles 
passés  vous  auriez  vu  tous  les  fidèles  déposant  respec- 
tueusement leurs  bâtons,  et  les  chevaliers  des  difl"érents 
ordres  militaires,  et  la  noblesse  polonaise  tirer  l'épée 
du  fourreau  et  la  tenir  élevée  pendant  toute  la  lecture 
de  l'évangile,  témoignant  ainsi  de  leur  disposition  à 
combattre  vaillamment  et  à  verser  leur  sang  pour  la 
défense  de  la  Religion.  L'histoire  est  là,  brillante  de 

•  Remig.  Antiss.,  Erposit.  missot. 

*  Isai.,xiY.,  1. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  363 

leurs  faits  immortels,  pour  attester  que  ce  n'était  pas 
une  vaine  cérémonie  '. 

Le  diacre,  formant  le  signe  de  la  croix  sur  le  livre  sa^ 
cré,  puis  sur  son  front,  sur  ses  lèvres  et  son  cœur,  an- 
nonce ensuite  celui  des  évangôlisles  qui  nous  a  transmis 
la  vérité  que  l'Eglise  va  proposer  à  notre  méditation. 
Quoique  Jésus-Christ  ail  conûé  à  quatre  de  ses  disci- 
ples le  soin  de  nous  transmettre  ses  préceptes  et  ses 
actions,  il  règne  entre  eux  un  tel  concert,  un  si  parfait 
accord,  que  c'est  toujours  la  suite  du  saint  Evangile  de 
Jésus-Christ  :  Sequentia  sancti  Evangelii.  Aussi  répon- 
dons-nous :  Que  la  gloire  vous  en  soit  rendue,  à  mon 
Dieu  ! 

Le  livre  des  Evangiles  étant  placé  sur  un  pupitre,  ou 
tenu  par  le  sous-diacre,  le  diacre,  selon  le  rit  romain, 
l'encense  de  trois  coups  :  un  au  milieu,  un  à  la  droite,  et 
le  troisième  à  la  gauche,  comme  pour  montrer  que 
c'est  là  la  source  du  parfum  de  la  divine  parole  qui  doit 
se  répandre  dans  nos  esprits  ;  selon  le  rit  parisien,  c'est 
le  thuriféraire  seul  qui,  au  lieu  d'encenser  le  livre,  en- 
cense le  diacre  qui  va  prononcer  hautement  cette  sainte 
parole  ^. 

Après  que  le  diacre  a  chanté  l'évangile,  le  sous-diacre 
porte  le  livre  ouvert  au  célébrant  qui  le  baise  ;  et  il  est 
encensé  comme  le  principal  ministre,  qui  doit,  suivant 

l'expression  de  saint  Paul,  répandre  en  tout  lieu  la  bonne 

• 

»  Bona,  lib.  2,  c.  7. 

*  Lebrun,  p.  230.  Cet  usage  remonte  à  plus  de  huit  cents  ans.  On 
le  trouve  dans  l'Ordinaire  du  Mont-Cassin,  écrit  Ters  l'an  1100. 


364  CATÉCHISME 

odeur  de  la  connaissance  de  Jésus-ÇJinstK  De  tout  cet 
appareil  que  l'Eglise  met  à  la  lecture  de  l'Evangile,  de 
toutes  les  prières  qui  la  prc^cèdent,  de  toutes  les  céré- 
monies qui  l'accompagnent  et  qui  la  suivent,  que  de- 
vons-nous conclure?  sinon  que  nous  ne  devons  jamais  y 
assister  qu'avec  un  cœur  pur  ou  du*moinsavec  un  cœur 
pénitent;  et  que  la  crainte,  la  vénération,  la  docilité,  la 
confiance  et  la  fidélité  sont  autant  de  dispositions  rela- 
tives à  cette  cérémonie. 

Le  dimanche  et  les  jours  de  fêtes  la  lecture  de  l'Evan- 
gile est  suivie  de  l'instruction.  Cet  usage  est  aussi 
ancien  que  le  Christianisme  :  nous  le  voyons  pratiqué 
depuis  les  temps  apostoliques^.  Rien  n'est  plus  naturel. 
L'Evangile  est  comme  la  manne  qui  tombait  dans  le  dé- 
sert ;  elle  avait  besoin  de  préparation  pour  devenir  la 
nourriture  des  Israélites.  Pour  être  l'aliment  de  notre 
vie  spirituelle,  l'Evangile  aussi  a  besoin  de  préparation  ; 
c'est  un  pain  qu'il  faut  rompre  aux  petits,  c'est-à-dire 
aux  fidèles.  Et  voilà  l'importante  fonction  dont  le  prêtre 
va  s'acquitter. 

L'instruction  de  la  grand'messe  s'appelle  prône  ;  ce 
qui  veut;  dire  annonce  ^.  En  effet,  le  prêtre  annonce, 
et  les  fêtes  de  la  semaine,  et  les  futurs  mariages,  et 
enfin  la  parole  de  Dieu,  qui  n'est  que  le  commentaire 
de  l'Evangile.  Dans  un  grand  nombre  de  diocèses, 
toutes  ces  choses  sont  précédées  par  d'admirables  prié- 

•II  Cor.,  XI,  14.] 
»  Just.,  j^pol.  2. 
'  Prseconium. 


dle  perskvvîrance.  365 

res,  appelées  prières  du  prône.  La  famille  catholique, 
réunie  au  pied  de  l'autel,  prie  pour  ses  supérieurs 
spirituels  et  temporels,  pour  les  vivants  et  pour  les 
morts  ;  usage  qui  nous  apprend  à  tous  que  la  charité 
est  catholique  comme  la  foi,  et  que  pour  participer 
au  même  sacrifice,  nous  ne  devons,  comme  nos  pères, 
n'être  qu'un  cœur  et  qu'une  âme.  On  voit  par  là  combien 
il  est  important  d'assister  à  la  messe  paroissiale. 

Avons-nous  jamais  réfléchi  sur  tout  ce  qu'il  y  a  de  so- 
cial dans  cette  instruction  évangélique  du  dimanche? 
Vous  ne  trouvez  rien  de  semblable  chez  les  peuples  les 
plus  célèbres  de  l'antiquité.  Grâces  soient  rendues  à 
Jésus-Christ  de  nous  avoir  préparé  dans  son  Eglise  un 
cours  d'instruction  ignoré,  jusqu'à  lui,  de  tous  les  sages 
de  la  terre!  et  dans  celte  instruction,  voyez  quelle  mo- 
rale! l'humilité,  dont  le  nom  n'a  point  de  synonyme 
chez  aucun  philosophe  de  l'antiquité,  mise  à  la  place 
de  l'orgueil ,  une  des  maladies  les  plus  incurables  de 
noire  nature;  l'amour  de  Dieu  et  des  hommes  prêché 
comme  la  fin  et  le  sommaire  de  la  loi  ;  toutes  les  vertus 
recommandées,  tous  les  vices  proscrits,  tous  les  pen- 
chants de  l'homme  pour  le  bien  excités  et  soutenus  par 
de  dignes  motifs  ;  telle  est  l'instruction  évangélique  dont 
l'égalité  sainte  des  Chrétiens  fait  une  des  plus  tou- 
chantes maximes.  La  philosophie  reconnaissait  encore 
des  libres  et  des  esclaves,  des  patriciens  et  des  plébéiens, 
elle  appelait  les  empereurs  des  dieux;  lorsque  déjà  l'E- 
glise donnait  à  tous  les  hommes  le  nom  de  frères,  de 
Irès-chers,  d'enfants  de  Dieu  ,  d'héritiers  de  sa  gloire; 


366  CATÉCHISME 

lorsqu'elle  établissait  sur  la  terre  l'image  de  la  société 
du  ciel,  et  qu'elle  leur  apprenait,  comme  elle  le  fait 
encore  aujourd'hui,  à  consacrer  le  septième  jour  par 
la  communion  des  mômes  prières  et  des  mêmes  rites  *. 

A  peine  le  prêtre  est-il  descendu  de  chaire  qu'il  re- 
paraît à  l'autel  d'oîi  il  entonne  le  Credo.  C'est  une  pro- 
testation solennelle  que  l'on  croit  toutes  les  vérités  dont 
on  vient  d'entendre  l'explication,  et  que  l'on  sera  fidèle 
à  les  suivre  dans  la  pratique. Le  Symbole  que  nous  chan- 
tons à  la  messe  est  celui  qui  fut  composé  en  325  par  le 
concile  général  de  Nicée.  Il  est  aussi  appelé  Symbole  de 
Constantinople ,  parce  que  le  concile  général  qui  se 
tint  en  cette  ville  y  ajouta  des  explications  opposées 
aux  nouvelles  erreurs  des  Macédoniens.  L'Eglise  a  cru 
que  celte  formule,  plus  étendue  que  celle  qui  nous  vient 
des  Apôtres,  n'en  serait  que  plus  propre  à  inspirer  aux 
Chrétiens  le  respect  pour  les  dogmes  qu'elle  renferme, 
et  la  fidélité  à  les  honorer.  C'est  toujours  la  même  foi 
que  nous  professons,  soit  que  nous  récitions  la  formule 
transmise  par  les  Apôtres,  soit  que  nous  chantions  avec 
l'Eglise  le  Symbole  de  Nicée  et  de  Constantinople. 

Oh  !  que  cette  pensée  est  propre  à  donner  de  l'énergie 
à  notre  foi  !  Si  un  miracle  de  la  puissance  divine  appelait 
subitement  dans  une  de  nos  églises  les  catholiques  de 
toutes  les  contrées  de  l'univers,  si  le  même  miracle  ré- 
veillait les  générations  éteintes  dans  chacun  des  dix- 
huit  siècles  qui  nous  précèdent,  et  les  réunissait  aux 
générations  vivantes,  et  qu'il  nous  fût  donné  d'entendre 

•  fûiy.  Jauf fret,  du  Culte  public^  p.  244. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  367 

leur  chant  et  leur  langage,  nous  les  entendrions  toutes 
redire  le  même  Symbole  que  nous  répétons  et  que  nos 
neveux  répéteront  après  nous. 

Si  le  même  miracle  dont  nous  parlons  rappelait  à  la 
vie  tous  les  Hérétiques,  tous  les  Protestants  des  divers 
siècles  et  des  divers  pays,  et  qu'on  demandât  à  chacun 
d'eux  sa  profession  de  foi;  qu'enlendrions-nous?  une 
confusion  de  voix,  véritable  image  de  l'enfer  ou  de  la 
tour  de  Babel;  autant  de  symboles  que  de  sectes,  que 
d'individus  dans  chaque  secte;  symboles  opposés  les 
uns  aux  autres,  variables  suivant  les  temps  et  les  pays. 
Si  la  vérité  est  une,  dites  de  quel  côté  elle  se  trouve  : 
chez  les  Catholiques  ou  chez  les  Protestants? 

Jusqu'au  cinquième  siècle  on  ne  récitait  point  le 
Symbole  durant  la  messe  ;  le  vendredi  saint  seulement 
l'évêque  le  disait  à  haute  voix  pendant  l'instruction 
qu'il  adressait  aux  catéchumènes.  Mais  les  erreurs  des 
Macédoniens  faisant  quelques  progrès,  Timolhée,  évo- 
que de  Conslanlinople,  le  fit  chanter  comme  une  protes- 
tation contre  l'hérésie'.  Ce  fut  en  510.  Cet  usage  passa 
bientôt  en  Occident  ^  Toutefois  on  ne  le  disait  pas  encore 
à  Rome  au  commencement  du  onzième  siècle.  Voici  à 
cette  occasion  les  remarquables  paroles  d'un  ancien  au- 
teur'^  témoin  occulaire  du  fait  qu'il  raconte. 

«  En  1016,  l'empereur  saint  Henri  étant  venu  à 
Rome,  fut  très-étonné  de  voir  qu'on  ne  chantait  pas  le 

•  Theodor.  Lector.,  lib.  2  Collectaneorum. 

•  Conc.  ïolet.  3,  can.  2. 

•  Berno  Augiens.,  de  Rébus  ad  miss,  pertin.,  c  2. 


368  CATÉCHISME 

Credo  à  la  messe  ;  il  en  demanda  la  raison  aux  clercs,  qui 
lui  répondirent  en  ma  présence  :  «  L'Eglise  romaine  ne 
chante  pas  le  Credo  parce  qu'elle  n'a  jamais  été  souillée 
d'aucune  hérésie  ;  mais  que,  suivant  la  doctrine  de  Pierre, 
elle  demeure  immuable  dans  l'intégrité  de  la  foi  catho- 
lique. Elle  n'a  donc  pas  besoin  de  le  chanter  comme 
les  églises  qui  ont  pu  tomber  dans  l'erreur.  »  Néan- 
moins, le  saint  empereur  fit  instance  auprès  du  souve- 
rain pontife  pour  que  le  Symbole  fût  chanté  à  Rome 
comme  dans  le  reste  de  la  chrétienté  ;  le  pape  Benoît  Vlll 
se  rendit  à  sa  prière,  et  le  Symbole  fut  chanté  ;  ce  qui 
a  continué  jusqu'à  ce  jour  '. 

Lorsqu'en  chantant  le  Credo  on  est  arrivé  à  ces  mots  ; 
4?(  homo  factus  est  :  Et  il  s'est  fait  homme,  on  se  pro- 
sterne ou  l'on  s'incline  pour  honorer  les  abaissements 
de  Jésus-Christ.  «  C'est  par  l'humiliation,  dit  saint  Au- 
gustin, qu'il  faut  approcher  d'un  Dieu  humble  ;  humi- 
liation, non  de  nos  corps,  mais  de  notre  cœur  qui  doit 
se  pénétrer  des  sentiments  d'un  Dieu,  fait  esclave  pour 
nous  rendre  la  liberté  ;  fait  homme,  homme  pauvre,  lui 
qui  commande  à  la  nature  entière;  homme  inconnu, 
lui  qui  descendait  des  rois  de  .luda,  et  qui  avait  été 
établi  le  roi  des  nations;  homme  mortel,  lui  qui  n'avait 
point  mérité  la  mort  par  le  péché.  Que  toute  créature 
s'abaisse  donc  au  souvenir  d'un  mystère  où  un  Dieu, 
du  haut  de  sa  gloire,  est  descendu  dans  le  profond  abîme 
des  humiliations  et  des  indignités,  pour  sauver  le  monde 
coupable.  » 

'  Bona,  lib,  2,  c  8. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  369 

Maintenant  on  dit  le  Symbole  dans  certains  jours  pour 
trois  raisons  principales.  La  première,  c'est  pour  procla- 
mer de  générations  en  générations  les  triomphes  que 
l'Eglise  a  remportés  sur  les  anciennes  hérésies  ;  la  se- 
conde, c'est  le  concours  du  peuple  :  on  le  dit  tous  les 
dimanches,  qui  de  tout  temps  ont  été  les  jours  de  l'as- 
semblée des  Chrétiens  ;  la  troisième,  à  cause  du  rapport 
du  Symbole  avec  la  fête  qu'on  célèbre  :  on  le  dit  aux  fêtes 
de  Notre-Seigneur,  parce  qu'il  est  parlé  de  lui  dans  le 
Symbole  ;  on  le  dit  aux  fêtes  des  Apôtres  qui  nous  ont 
annoncé  la  foi,  et  à  celles  des  docteurs  qui  l'ont  prêchée 
et  défendue. 

Nous  avons  vu  que  dans  les  premiers  su'cles  de  l'E- 
glise on  ne  chantait  pas  le  Credo.  Lorsqu'on  devait  le 
dire  on  faisait  sortir  les  catéchumènes  ;  alors  commen- 
çait la  messe  des  fidèles.  Tout  ce  qui  précède  depuis  le 
commencement  jusqu'après  l'instruction  composait  celle 
des  catéchumènes.  Nous  voici  donc  arrivés  à  la  troi- 
sième partie  de  la  messe  ;  elle  comprend  le  commence- 
ment du  sacrifice  ou  l'oflertoire ,  et  les  prières  qui  le 
suivent  jusqu'à  la  préface. 

Lors  donc  que  toutes  les  prières,  toutes  les  cérémo- 
nies, toutes  les  instructions  dont  nous  venons  de  parler, 
et  qui  formaient  la  préparation  au  redoutable  sacrifice, 
étaient  achevées,  le  diacre  donnait  ordre  aux  catéchu- 
mènes, aux  pénitents,  aux  Juifs,  aux  Hérétiques  de  se 
retirer;  ceux-là  seuls  étaient  admis  à  rester  qui  avaient 
reçu  la  grâce  du  baptême,  et  qui  étaient  censés  l'avoir 

conservée  intacte  ou  recouvrée  par  la  pénitence.  Cet 
T.  VII.  24 


370  CATÉCHISME 

ancien  usage  nous  apprend  quel  respect  profond  l'E- 
glise a  (oujonrs  eu  pour  les  divins  mystères;  et  cet  usage 
seul  serait  une  preuve  de  sa  foi  à  la  présence  réelle  de 
Jésus-Christ  dans  l'Eucharistie  ;  cet  usage  nous  dit  aussi 
quelle  sainteté  nous  devons  apporter  à  la  messe.  Si  les 
pécheurs  n'en  sont  plus  exclus  comme  autrefois,  l'E- 
glise veut  du  moins  qu'ils  n'y  assistent  qu'avec  un  dé- 
sir, un  commencement  de  conversion,  avec  ces  gémis- 
sements qui,  parlant  d'un  cœnr  contrit  et  humilié,  ap- 
pellent la  miséricorde  du  Seigneur. 

Avant  l'offertoire  le  prêtre  salue  de  nouveau  les  fi- 
dèles de  la  manière  accoutumée  :  Dominus  vohiscum. 
Le  peuple,  de  son  côté,  voyant  approcher  le  moment 
terrible,  et  sentant  plus  vivement  que  jamais  combien  il 
lui  importe  que  son  sacrificateur  soit  revêtu  de  la  vertu 
d'en  haut,  répond  en  lui  souhaitant  encore  l'assistance 
du  Seigneur.  Et  cum  spiritu  tuo.  Aussitôt  qu'il  est  re- 
tourné vers  l'autel,  le  prêtre  dit  Oremus  :  Prions  ;  exhor- 
tant l'assemblée  à  se  tenir  de  plus  en  plus  unie  à  Dieu, 
à  mesure  que  tout  se  dispose  plus  prochainement  à 
la  grande  action.  Incontinent  il  récite  la  prière  appelée 
['offertoire,  parce  que  c'est  durant  ce  temps-là  que  dans 
la  primitive  égHse  les  fidèles  offraient  le  pain  et  le  vin 
destinés  au  sacrifice  '. 

Voici  de  quelle  manière  se  faisait  cette  offrande: 
chaque  fidèle  apportait  le  vin  et  le  pain  qu'il  voulait 
présenter  à  l'autel.  Les  hommes  d'abord,  et  ensuite  les 
femmes  déposaient  leurs  offrandes  sur  des  nappes  blan- 

'  Boua,  lib.  2,  c.  8- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  371 

ches.  L'évêque  recevait  ces  oblations,  qui  étaient  mises 
par  un  sous-diacre  dans  une  nappe  tenue  par  deux 
acolytes.  L'archidiacre  recevait  les  petits  calices  ou 
burettes  '  que  chaque  fidèle  lui  présentait,  et  en  versait 
du  vin  dans  un  grand  calice  tenu  par  un  sous-diacre. 
L'archidiacre  mettait  surTautel  autant  dQ  dons  offerts* 
qu'il  en  fallait  pour  la  communion  du  peuple,  ou  bien 
les  présentait  à  l'évoque,  qui  les  y  plaçait  lui-même; 
puis  il  versait  à  travers  un  couloir  le  vin  dans  le  calice 
où  devait  se  faire  la  consécration  ;  un  sous-diacre  allait 
recevoir  du  premier  chantre  la  burette  d'eau',  et  l'ap- 
portait à  l'archidiacre,  qui  en  versait  dans  le  calice, 
après  quoi  il  la  plaçait  sur  l'autel  devant  le  pontife,  à 
droite  des  oblations^. 

Les  prêtres  et  les  autres  ministres  de  l'Eglise  fai- 
saient leurs  offrandes  à  l'autel,  au  lieu  que  les  fidèles 
les  faisaient  hors  du  chœur  ou  de  la  balustrade  qui 
séparait  le  clergé  du  peuple  ^.  C'est  là  que  l'évêque  ou 

'  Aaiulas. 
«  Oblata. 

*  Fontem. 

*  Ordre  romain. 

=  Ainsi  tous  les  fidèles  offraient  à  l'autel  du  pain,  du  vin,  de 
l'huile,  et  toutes  les  choses  nécessaires  pour  la  célébration  des 
saints  mystères  et  pour  la  communion.  Quand  on  avait  pris  ce 
qu'il  fallait  pour  cet  usage,  les  ministres  de  l'autel  vivaient  du 
reste  et  des  autres  aumônes  faites  à  l'Eglise.  La  diversité  du  pain 
et  du  vin  qui  étaient  offerts  pour  consacrer  n'était  pas  sans  in- 
convénient. L'Eglise  trouva  bon  qu'une  seule  personne  offrit  le 
pain,  le  vin  et  le  luminaire  nécessaires  pour  le  sacrifice,  et  que  le 
reste  des  fidèles  offrissent  en  argent  ce  qu'ils  auraient  la  dévotion 
de  donner  pour  la  subsistance  des  ecclésiasiiqucs  De  là  nos  of- 


372  CATÉCHISM&' 

le  prêlie  officiant  allait  les  recevoir.  Par  respect  pour 
la  dignité  souveraine  dont  il  était  revêtu,  l'empereur 
était  excepté  de  celle  règle  générale  pour  les  laïques. 
Il  portait  lui-même  son  offrande  à  l'autel  :  savoir,  le 
pain  qu'il  avait  pétri  de  ses  propres  mains.  C'est  à  roc- 
casion  de  cet,  usage  qu'eut  lieu  un  des  faits  les  plus 
remarquables  de  noire  sainte  antiquité.  Voici  de  quelle 
manière  saint  Grégoire  de  Nazianze  le  rapporte. 

L'empereur  Valons,  étant  à  Césarée,  vint  à  l'église  le 
jour  de  l'Epiphanie,  environné  de  tous  ses  gardes,  et  se 
mêla,  pour  la  forme,  au  peuple  catholique,  car  il  était 
Arien.  Quand  il  entendit  le  chant  des  psaumes,  qu'il  vit 
ce  peuple  immense,  et  l'ordre  qui  régnait  dans  le  sanc- 
tuaire et  aux  environs,  les  ministres  sacrés  plus  sem- 
blables à  des  anges  qu'à  des  hommes,  saint  Basile  de- 
vant l'autel,  le  corps  immobile,  le  regard  fixe,  l'esprit 
uni  à  Dieu,  comme  s'il  ne  fût  rien  arrivé  d'extraordi- 
naire, ceux  qui  l'environnaient  remplis  de  crainte  et  de 
respect;  quand,  dis-je,  Valons  vit  tout  cela,  ce  fut  pour 
lui  un  spectacle  si  nouveau,  que  la  tête  lui  tourna  et  sa 
vue  s'obscurcit.  On  ne  s'en  aperçut  pas  d'abord,  mais 
quand  il  fallut  apporter  à  Vautel  son  offrande  qu'il 
avait  faite  de  ses  mains,  voyant  que  personne  ne  la  re- 

fertes  aux  grand'raesses  du  dimanche.  Nous  avons  encore  un  yes- 
tige  de  cet  usasre  dans  la  messe  solennelle  pour  un  défunt,  où  l'on 
offre  du  pain,  du  vin,  du  blé,  des  cierges  et  de  l'argent.  Cette  ac- 
tion n'est  pas  une  pure  libéralité  ;  mais  une  action  qui  répond  à  ce 
qui  s'est  toujours  pratiqué  dans  tout  sacrifice,  où  celui  qui  l'of- 
frait devait  fournir  l'hostie,  et  à  l'usage  le  plus  religieusement 
observé  p;ir  les  anciens  fidèles. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  373 

cevait,  suivant  la  coutume,  parce  qu'on  ne  savait  si 
saint  Basile  voudrait  l'accepter,  il  chancela  de  telle 
sorte,  que  si  un  des  ministres  de  l'autel  ne  lui  eût 
tendu  la  main  pour  le  soutenir,  il  serait  tombé  honteu- 
sement '. 

Pendant  tout  le  temps  de  l'oblation  on  chantait  des 
psaumes.  Cette  coutume  était  déjA  en  pleine  vigueur 
au  quatrième  siècle  ^  ;  mais  son  origine  remonte  beau- 
coup plus  haut.  Transportons-nous  au  temple  de  Jérusa- 
lem, et  nous  verrons  le  peuple  juif  offrant  ses  holo- 
caustes et  ses  prémices  au  chant  des  cantiques,  au  son 
des  trompettes  et  des  cymbales,  afin  de  témoigner  de 
la  joie  avec  laquelle  il  présentait  au  Seigneur  les  dons 
qu'il  avait  reçus  de  sa  magnificence.  Non  moins  recon- 
naissants que  les  Juifs,  nos  pères  aussi  ont  accompagné 
leur  offrande  du  chant  des  hymnes  sacrées.  Nous  avons 
hérité  de  leur  usage,  avons-nous  aussi  hérité  de  leur 
piété  envers  Dieu  ?  L'offertoire,  que  nous  chantons  en- 
core, est  donc  une  leçon  bien  précieuse  et  un  souvenir 
bien  vénérable.  On  le  chante  lentement,  afin  de  laisser 
au  prêtre  le  temps  de  faire  l'offrande  du  pain  et  du  vin, 
ainsi  que  les  prières  qui  l'accompagnent. 

Lorsque  l'offrande  du  peuple  était  finie,  l'évêque  al- 
lait s'asseoir  sur  son  siège,  s'y  lavait  les  mains  et  re- 
tournait à  l'autel.  Préparons-nous  à  l'y  suivre. 

'  Fleury,t.  4,  p.  244. 

^  S.  Aug.,  Retract.,  lib.  2,  c.  2. 


374  CATÉCHISME 

PRIÈRE. 

Omon  Dieu!  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  environné  le  saint  sacrifice  de  tant  de  prières 
et  de  cérémonies  si  propres  à  ranimer  ma  foi  et  ma 
piété  ;  failes-moi  la  grâce  d'en  bien  pénétrer  l'esprit. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amom,  j'écouterai 
la  lecture  de  l'Evangile  comme  j'aurais  écouté  Notre- 
Seigneur  en  personne. 


PETIT  CATÉCHISME. 

LE   CHRISTIANISME    RENDU    SENSIBLE. 

Seconde  et  troisième  partie  de  la  messe.  —  Corporal.  —  Palle.  — 
Purificatoire. —Offrande  du  pain.  —  Mélange  du  vin  et  de  l'eau. 
—  Offrande  du  calice.  —  Pain  bénit.  —  Quêtes. 

Q.  Comment  se  fait  la  lecture  de  l'évangile? 

R.  La  lecture  de  l'évangile  se  fait  au  milieu  d'un 
grand  nombre  de  prières  et  de  cérémonies  bien  propres  à 
nous  inspirer  un  profond  respect  pour  cette  divine  pa- 
role. Aux  messes  solennelles,  le  diacre  qui  doit  lire 
l'évangile  se  met  à  genoux  au  pied  de  l'autel,  prie  le 
Seigneur  de  purifier  ses  lèvres  et  son  cœur  ;  il  se  relève, 
prend  le  livre,  se  remet  à  genoux,  et  demande  au  célé- 
brant la  permission  dechanler  l'évangile,  car  nul  ne  doit 
exercer  de  fonctions  dans  l'Eglise  s'il  n'y  est  appelé. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  375 

L*évangile  est  précédé  de  la  croix,  de  cierges  allu- 
més et  de  l'encens.  Le  diacre  souhaite  aux  Gdèles  que 
le  Seigneur  soit  avec  eux,  afin  qu'ils  profilent  de  la 
lecture  sainte  ;  il  fait  le  signe  de  la  croix  sur  le  livre 
des  Evangiles,  pour  nous  rappeler  que  l'Evangile  est  le 
prédicateur  de  la  croix  ;  il  le  fait  sur  son  front,  sur 
ses  lèvres  et  sur  son  cœur.  Tout  le  peuple  doit  l'imi- 
ter. On  répond  à  la  lecture  de  l'évangile  en  disant  : 
Louange  soit  à  vous,  Seigneur  Jésus-Christ  ;  car  Tévan- 
gile  est  un  grand  bienfait  de  Dieu  à  notre  égard.  On 
se  tient  debout  pendant  l'évangile,  pour  marquer  qu'on 
est  prêt  à  marcher  à  la  suite  de  Jésus-Christ. 

Q.  De  quoi  est  suivie  la  lecture  de  l'évangile? 

R.  La  lecture  de  l'évangile  est  suivie  de  l'instruc- 
tion; c'est  l'explication  des  vérités  qu'on  vient  de  lire  : 
cette  instruction  s'appel  prône,  ce  qui  veut  dire  an- 
nonce, parce  que  le  prêtre  y  annonce  les  fêtes  de  la  se- 
maine, les  futurs  mariages,  et  enfin  la  parole  de  Dieu. 
Cela  nous  montre  qu'il  est  bien  important  d'assister  à  la 
messe  de  paroisse. 

Q.  Que  fait  le  prêtre  après  l'instruction? 

R.  Après  l'instruction  le  prêtre  revient  à  l'autel  et 
entonne  le  Credo  ou  le  Symbole.  En  le  chantant,  nous 
protestons  que  nous  croyons  fermement  toutes  les  vé- 
rités qui  viennent  de  nous  être  enseignées.  Après  le 
Credo  commence  la  troisième  partie  de  la  messe,  qui 
s'étend  jusqu'à  la  préface.  Tout  ce  qui  précède  jusqu'à 
l'offertoire  s'appelait  autrefois  la  messe  des  catéchu- 
mènes, et  le  diacre  les  faisait  sortir,  ainsi  que  les  pé- 


376  CATÉCHISME 

nitents,  après  rinstrQclion.  Cela  nous  apprend  que  nous 
devons  être  saints,  ou  du  moins  sincèrement  contrits 
pour  assister  au  saint  sacrifice.  Le  prêtre  se  retourne  vers 
les  assistants,  souhaite  que  le  Seigneur  soit  avec  eux, 
et  les  invite  à  redoubler  de  ferveur  en  disant  :  Prions. 

Q.  Quelle  prière  fait-il  alors? 

R,  Alors  il  récite  la  prière  qu'on  appelle  l'offertoire, 
parce  que  c'est  durant  ce  temps-là  que  les  fidèles  of- 
raient  à  l'autel  le  pain  et  le  vin  qu'ils  avaient  apportés 
pour  le  sacrifice.  On  chantait  pendant  l'offertoire  pour 
montrer  la  joie  qu'on  éprouvait  à  offrir  au  Seigneur 
les  dons  reçus  de  sa  bonté.  Nous  devons  aussi,  pen- 
dant l'offertoire,  nous  offrir  à  Dieu  de  bon  cœur  pour 
être  immolés  avec  Notre-Seigneur. 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  environné  le  saint  sacrifice  de  tant  de  prières 
et  de  cérémonies  si  propres  à  ranimer  ma  foi  et  ma 
piété  ;  faites-moi  la  grâce  d'en  bien  pénétrer  l'esprit. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  j'écouterai 
la  lecture  de  l'évangile  comme  j'aurais  écouté  Notre- 
Seigneur  en  personne. 


DE   PERSÉVÉRANCE.  377 

XIXe    LEÇON. 

L£   CHRISTIANISME    RENDU    SENSIBLE. 

Troisième  partie  de  la  messe  (Suite).  —  Offertoire  dans  les  temps 
actuels. 

Nous  savons  de  quelle  manière  se  faisait  l'ofTerloire 
jusqu'au  neuvième  siècle  :  nous  allons  dire  comment  il 
se  fait  aujourd'hui.  Le  prêtre  découvrele  calice  :  l'usage 
de  couvrir  le  calice  d'un  voile  existait  déjà  aux  premiers 
âges  du  Christianisme  ',  il  témoigne  du  respect  que 
l'Eglise  a  toujours  porté  aux  vases  destinés  à  l'autel.  Il 
étend  le.  corporal,  c'est-à-dire  le  linge  sur  lequel  doit 
reposer  le  corps  de  Jésus-Christ.  Le  corporal  doit  être 
de  lin,  parce  que  le  linceul  qui  enveloppa  Notre-Seigneur 
était  de  lin:  il  y  a  quatorze  cents  ans  que  saint  Jérôme 
le  disait  ainsi.  L'Eglise  a  établi  l'usage  du  corporal  pour 
une  plus  grande  propreté  et  pour  parer  aux  inconvé- 
nients qui  pourraient  arriver  si  une  goutte  de  sang  ve- 
nait à  tomber  sur  l'autel.  Le  corporal  était  autrefois 
aussi  long  et  aussi  large  que  le  dessus  de  l'autel  ;  et  il 
était  si  ample,  qu'on  le  repliait  sur  le  calice  pour  le 
couvrir  ^.  Mais  comme  cela  était  embarrassant,  surtout 
depuis  qu'on  a  fait  l'élévation  du  calice,  que  quelques- 

'  Canon  apost.,  72.  Bona,  lib.  l,  p.  25. 
«  Greg.  Tur.,  Hist.,  lib.  7,  c.  f2. 


378  CATÉCHISME 

uns  voulaient  tenir  couvert  même  en  l'élevant,  on  a  fait 
deux  corporaux  plus  petits  :  l'un  qu'on  étend  sur  l'au- 
tel, et  l'autre  plié  d'une  manière  propre  à  couvrir  le 
calice;  entre  les  deux  toiles  de  ce  dernier,  on  a  rais  un 
carton,  afin  qu'il  fût  plus  ferme  et  qu'on  le  prît  plus 
commodément.  On  lui  a  toujours  laissé  le  nom  de  palle, 
qui  veut  dire  manteau  ou  couverture  '. 

Le  calice  découvert,  le  prêtre  prend  la  patène,  sur 
laquelle  est  placé  ce  petit  pain  rond  et  mince  que  nous 
appelons  hostie,  c'esl-à-dire  victime,  parce  qu'il  doit 
être  changé  en  la  victime  sainte,  et  lient  la  patène  avec 
les  deux  mains  à  la  hauteur  de  la  poitrine.  Il  élève  les 
yeux  vers  le  ciel,  puis  les  abaisse,  exprimant,  par  cette 
posture  et  par  ce  geste,  qu'il  offre  à  Dieu,  qui  est  au 
ciel,  cette  hostie  si  sainte  et  si  pure,  quoiqu'il  ne  soit 
qu'un  indigne  pécheur;  il  dit  en  même  temps  :  a  Re- 
cevez, Père  saint,  tout-puissant  et  éternel,  cette  hostie 
sans  tache  que  je  vous  offre,  moi  qui  suis  votre  indigne 
serviteur,  à  vous  qui  êtes  mon  Dieu  vivant  et  véritable, 
pour  mes  péchés,  mes  offenses  et  mes  négligences  qui 
sont  sans  nombre,  pour  tous  les  assistants  et  pour  tous 
les  fidèles  chrétiens  vivants  et  morts,  afin  qu'elle  pro- 
fite à  eux  et  à  moi  pour  le  salut  et  la  vie  éternelle. 
Ainsi  soit-il.  » 

Le  prêtre  achève  cette  prière  en  faisant  le  signe  de 
la  croix,  comme  pour  placer  déjà  la  victime  sur  la  croix 
où  elle  doit  être  immolée';  il  met  ensuite  la  patène  à 

'  Paliium;  Bona,  lib.  1,  c.  27. 
•  Durandus,  lib.  4,  c.  30,  n.  15. 


DI    PERSÉVÉRANCE.  379 

moitié  sous  le  corporal,  et  couvre  l'autre  moitié  avec  le 
purificatoire,  afin  de  la  conserver  plus  proprement  jus- 
qu'à ce  qu'il  en  ait  besoin  pour  la  fraction  de  l'hostie; 
il  purifie  le  calice  avec  un  petit  linge  appelé  pour  cela 
purificatoire.  Il  y  met  le  vin,  puis  de  l'eau,  mais  en 
petite  quantité,  parce  que  la  matière  du  sacrifice,  celle 
dont  le  Sauveur  se  servit,  est  le  vin,  et  non  un  autre 
liquide  quelconque.  Ce  mélange  de  l'eau  et  du  vin  est 
aussi  ancien  que  l'institution  de  la  sainte  Eucharistie. 
La  tradition  nous  apprend  que  le  Sauveur  mit  de  l'eau 
dans  la  coupe  de  vin  qu'il  consacra  ^  :  en  cela  il  se  con- 
formait au  rit  des  Juifs,  suivant  lequel  il  devait  y  avoir 
dans  la  coupe  pascale  du  vin  mêlé  avec  de  l'eau. 

Ce  mélange  est  plein  de  mystères  ;  voici  celui  qui  est 
le  plus  instructif  pour  nous  :  l'eau  représente  le  peuple  ; 
cette  idée  nous  est  donnée  par  saint  Jean  lui-même^  et 
par  plusieurs  saints  Pères*.  Nous  ne  devons  fairp  qu'un 
même  corps  avec  Jésus-Christ,  et  par  conséquent  nous 
devons  être  consacrés  avec  lui;  il  s'est  fait  semblable  à 
nous  en  prenant  notre  nature  ;  mais  il  veut  que  l'union 
soit  parfaite  et  que  nous  lui  devenions  semblables  en 
nous  revêtant  de  sa  divinité.  Or,  ce  mélange  d'eau  et 
de  vin  est  une  image  de  cette  union  adorable  de  Dieu 
et  de  l'homme  qui  s'est  faite  dans  l'incarnation  ;  de  l'u- 

•  f^oy.  les  liturgies  de  saint  Jacques,  de  saint  Basile,  de  saint 
c;hr)sostôme;S.  Justin,^/}»/.  2;  S.  Cypr.,  lil».  2,  epist.  3,  etc.,ctc 
Bona,  lib.  2,  c.  9. 

'  Apoc.,  XVII,  15. 

^  S.  Cyril.,  epist.  63. 


380  CATÉCHISME 

nion  de  l'homme  avec  Jésus-Christ,  qui  se  fait  dans  la 
communion;  et  de  la  consommation  de  l'homme  en 
Dieu,  qui  se  fera  par  la  gloire  '.  Telles  sont  les  grandes 
idées  qu'exprime  la  prière  que  le  prêtre  fait  en  bénis- 
sant celte  eau  représentant  le  peuple  fidèle,  celte  eau 
qui  ne  va  plus  faire  qu'un  avec  le  vin  du  sacrifice,  ce 
peuple  qui,  par  la  transsubstantiation,  ne  va  plus  faire 
•qu'un  avec  Jésus-Christ. 

«0  Dieu  !  dit  le  ministre  sacré,  qui  avez  admirable- 
ment formé  l'homme  dune  nature  si  noble,  et  qui  l'a- 
vez rétabli  d'une  manière  encore  plus  admirable,  faites 
que,  par  le  mystère  de  cette  eau  et  de  ce  vin,  nous  de- 
venions participants  de  la  divinité  de  votre  Fils  Jésus- 
Christ,  notre  Seigneur,  qui  a  bien  voulu  se  rendre  par- 
ticipant de  notre  humanité,  lui  qui,  étant  Dieu,  vit  et 
règne  avec  vous  en  l'unité  du  Saint-Esprit,  dans  tous 
les  siècles  des  siècles.  Ainsi  soit-il.  » 

Aux  messes  de  morts,  le  prêtre  ne  bénit  pas  l'eau  par 
le  signe  de  la  croix  :  c'est  une  suite  de  la  signification 
mystérieuse  de  Teau.  On  n'emploie  pas  ce  signe  exté- 
rieur pour  bénir  l'eau,  qui  signifie  le  peuple,  parce 
qu'on  est  tout  occupé  des  âmes'  du  purgatoire,  qui  ne 
sont  plus  en  voie  d'être  bénies  par  le  prêtre. 

Nous  avons  dit  qu'on  ne  met  dans  le  calice  qu'une 
petite  quantité  d'eau,  afin,  dit  un  concile,  que  la  majesté 
du  sang  de  Jésus-Christ  y  soit  plus  abondante  que  la 
fragilité  du  peuple  représenté  par  l'eau  \ 

•  Mixtura  Dei  et  hominis.  S.  Aug 

'  Concile  de  Tribur,  eau.  19,  terni  vers  l'an  895- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  381 

Aux  messes  solennelles,  c'est  le  sous-diacre  qui  met 
l'eau  dans  le  calice  ;  le  diacre  présente  le  pain  et  le  vin, 
afin  que  nous  sachions  bien  que  le  prêtre  n'oftre  pas 
seul,  qu'il  ne  sacrifie  point  pour  lui  seul,  qu'il  ne  rem- 
plit point  un  ministère  étranger  au  reste  des  fidèles.  Le 
diacre  et  le  sous-diacre,  qui  tiennent  comme  le  milieu 
entre  le  laïque  et  le  prêtre,  représentent  ici  le  peuple 
tout  entier;  et,  en  mettant  entre  les  mains  du  prêtre  les 
substances  qui  doivent  être  consacrées,  ils  offrent  en 
quelque  sorte  au  nom  du  peuple,  par  les  mains  du 
prêtre.  Quelle  leçon  pour  nous! 

Quelle  autre  leçon  dans  les  éléments  que  le  Sauveur 
a  choisis  pour  son  sacrifice!  Le  pain,  qui  est  composé  de 
plusieurs  grains  de  blé>  et  le  vin,  qui  est  fait  de  plusieurs 
grains  de  raisin,  ne  représentent-ils  pas  admirablement 
l'Eglise,  composée  de  plusieurs  membres,  qui  sont  tirés 
de  la  masse  corrompue,  pour  être  encore  changés  en 
Jésus-Christ  et  devenir  son  corps  mystique,  comme  ce 
pain  et  ce  vin  sont  changés  réellement  en  son  corps  na- 
turel et  en  son  sang  véritable?  Quel  éloquent  enseigne- 
ment de  cette  vérité,  base  de  toutes  les  sociétés,  principe 
de  toutes  les  vertus  et  de  tous  les  sacrifices  généreux  : 
Vous  ne  devez  tous  former  qu'un  cœur  et  qu'une  âme! 

Le  pain  et  le  vin  tiennent  donc  la  place  de  ceux  qui 
les  offrent,  et  en  eux  de  toute  l'Eglise  ;  car  le  pain  et  le 
vin  élantla  nourriture,  la  subsistance  et  comme  la  vie  des 
hommes,  quand  ils  les  offrent  à  l'autel,  ils  y  offrent  en 
quelque  façon  leur  vie  ;  ils  s'y  oH'renl  eux-mêmes  h 
Dieu  pour  être  sacrifiés  à  sa  gloire  avec  Jésus-Christ 


382  CATÉCHISME 

leur  chef:  telle  es(,  en  effet,  la  vraie  disposition  dans 
laquelle  on  doit  être  pour  faire  l'oblation  du  pain  et  du 
vin  avec  le  prêtre.  EteS'\'Ous  à  une  bonne  table,  dit 
l'Ecriture,  à  la  table  d'un  grand?  sachez-  qu'il  faut  que 
vous  rendiez  la  pareille  *.  Quelle  est  cette  grande  table, 
demande  saint  Augustin,  sinon  celle  où  nous  recevons 
le  corps  et  le  sang  de  Jésus-Christ?  et  que  signifient  ces 
paroles  :  Sachez  qu'il  faut  que  vous  rendiez  la  pareille, 
sinon  ce  qu'a  dit  saint  Jean  :  Comme  Jésus-Christ  a 
donné  sa  vie  pour  nous,  il  faut  de  même  que  nous  don- 
nions notre  vie  pour  nos  frères^?  »  Ainsi,  assister  à  la 
messe  en  esprit  de  victime,  de  victime  immolée  avec 
Jésus-Christ,  et  pour  les  mêmes  fins  que  Jésus-Christ, 
c'est-à-dire  pour  la  gloire  de  Dieu  et  le  bien  de  nos 
frères,  telle  est  la  grande  disposition  avec  laquelle  nous 
devons  venir  au  sacrifice  auguste  :  cette  disposition  ren- 
ferme toutes  les  autres. 

Le  calice  ainsi  préparé,  le  prêtre  revient  au  milieu 
de  l'autel,  et  l'ofire  comme  il  a  offert  le  pain,  mais  avec 
celte  différence  qu'il  ne  parle  plus  seul,  mais  au  nom 
de  toute  l'assemblée,  qu'il  élève  pour  ainsi  dire  vers  le 
ciel  dans  celte  eau  mêlée  au  vin  du  calice.  Il  dit  donc, 
en  tenant  les  regards  fixés  vers  les  saintes  montagnes, 
et  le  calice  à  la  hauteur  de  son  front  :  «Nous  vous  of- 
frons, Seigneur,  cette  coupe  salutaire,  et  nous  supplions 
votre  clémence  de  la  faire  monter  comme  une  odeur 
agréable,  en  présence  de  votre  divine  majesté,  pour 

'  Eccli.,  XXXI,  12. 
*  S.  Aug.,  Serm.  31. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  383 

notre  salul  et  celui  du  monde  entier.  Ainsi  soil-il.  » 

Celte  belle  prière  nous  montre  clairement  ce  que  dit 

Tertullien,  que  Jésus-Christ  est  le  prôtre  catholique  du 

Père;  son  sang  a  purifié  la  terre  et  le  ciel;  car  il  est  la 

victime  de  propitiation pour  nos  péchés^etnon-seulement 
pour  les  nôtres,  mais  pour  ceux  de  tout  l'univers^. 

Après  cette  prière,  le  prêtre  forme  avec  le  calice  le 
signe  de  la  croix  sur  Tautel,  pour  montrer  qu'il  met 
l'oblation  sur  la  croix  de  Jésus-Christ;  puis,  comme 
nous  avons  lieu  de  craindre  que  notre  indignité  ne  mêle 
à  l'offrande  quelque  chose  qui  soit  désagréable  à  Dieu, 
le  prêtre  s'incline,  les  mains  jointes  sur  l'autel,  en  signe 
de  suppliant,  et  il  dit  au  nom  de  tous  les  assistanis  ce 
que  disaient  les  jeunes  Hébreux  captifs  à  Babylone,  qui 
s'offraient  courageusement  en  holocauste  pour  être  je- 
tés dans  la  fournaise  :  «  Recevez-nous,  Seigneur,  nous 
qui  nous  présentons  devant  vous  avec  un  esprit  humilié 
et  un  cœur  contrit,  et  faites  qu'aujourd'hui  notre  sacri- 
fice s'accomplisse  en  votre  présence,  d'une  manière  qui 
vous  le  rende  agréable.  » 

Alors  le  prêtre  élève  les  yeux  et  les  mains  au  ciel 
pour  appeler  l'Esprit  saint,  cet  esprit  de  feu,  cet  esprit 
sanctificateur,  qui  consumait  quelquefois  visiblement 
les  holocaustes  anciens,  et  qui  tous  les  jours  consum(% 
en  les  changeant  d'une  manière  si  admirable,  les  dons 
que  nous  offrons.  Pour  cela  il  dit  :  «  Venez,  sanctificateur 
lout-puissant,  Dieu  éternel,  et  bénissez  ce  sacrifice  pré- 
paré ù  la  gloire  de  votre  saint  nom.  »  A  ce  mot  bénissez, 

'  1  Joan.,  II,  2. 


384  CATÉCHISME 

il  fait  le  signe  de  la  croix  sur  le  calice  et  sur  l'hostie, 
pour  marquer  que  ce  n'est  que  par  la  vertu  de  la  croix 
qu'il  attend  du  Saint-Esprit  la  sanctification  des  dons 
qui  doivent  être  changés  au  corps  et  au  sang  de  Jésus- 
Christ. 

Oh  !  que  ce  moment  est  précieux  pour  nous  offrir  ! 
quel  motif  de  confiance  !  Nous  ne  sommes  point  pré- 
sentés seuls  à  Dieu,  hélas  !  qui  voudrait  de  notre  indi- 
gnité? mais,  présentés  avec  Jésus-Christ,  nous  ne  fai- 
sons plus  qu'un  avec  lui.  Dieu  ne  peut,  pour  ainsi  dire, 
plus  nous  repousser,  et  ccmme  il  ne  peut  rien  refuser 
à  son  Fils,  comme  il  l'exauce  toujours,  suivant  l'expres- 
sion de  saint  Paul,  par  le  respect  qui  lui  est  dû,  il  est 
forcé  de  nous  recevoir  avec  lui.  Notre  misère,  notre 
imperfection  est  cachée  et  comme  absorbée  dans  la  di- 
gnité infinie  de  la  personne  de  Jésus- Christ.  Entrons 
bien  avant  dans  les  sentiments  d'oblation  auxquels  la* 
circonstance  nous  invite;  offrons  le  bien  qui  est  en  nous, 
afin  qu'uni  aux  mérites  du  Sauveur,  il  soit  purifié  des 
imperfections  dont  nous  le  mêlons,  et  devienne  digne  de 
Dieu  ;  oiïrons  le  mal  qui  est  en  nous,  afin  qu'il  soit  ca- 
ché et  consumé  par  la  grande  charité  de  la  victime  ; 
offrons  notre  corps  et  tous  ses  sens,  notre  âme  et  toutes 
ses  facultés.  Jésus-Christ,  notre  premier-né,  ne  réserve 
rien.  Des  lors  que  nous  venons  à  son  sacrifice,  nous  ces- 
sons de  nous  appartenir  ;  nous  consentons  à  être  victimes 
avec  lui  ;  nous  consentons  à  tout  rendre  à  Dieu,  de  qui 
nous  avons  tout  reçu,  cl  à  qui  tout  appartient. 

Aux  grand'messes,  après  la  prière  Offerimus  :  Nous 


DE    PERSl!;VÉRANCE.  3S5 

offrons,  le  diacre  ôfe  la  patène  de  dessus  l'autel  et  la 
donne  h  un  acolyte  qui  la  tient  couverte  jusqu'au  Pater. 

Quelle  est  la  raison  de  celte  C('>r(''inonie?  Durant  les 
sixpremiers  siècles,  on  consacrait  le  pain  sur  la  patène'  ; 
mais  depuis  on  l'a  placé  sur  le  corporal  :  dès  lors  on  n'a 
plus  eu  besoin  de  la  patène  que  pour  rompre  l'hostie. 
On  aurait  pu  la  laisser  sur  l'autel,  comme  cela  se  fait 
aux  messes  basses,  si  elle  avait  toujours  été  aussi  petite 
qu'elle  est  à  présent;  mais  lorsque  les  assemblées 
étaient  fort  nombreuses,  et  qu'un  très-grand  nombre 
de  fidèles  y  communiaient,  la  patène,  qui  devait  conte- 
nir tout  ce  que  le  prêtre  consacrait,  élait  un  fort  grand 
plat  dont  il  était  à  propos  de  débarrasser  l'autel  après 
l'oblation^.  Telle  est  la  raison  de  cette  cérémonie  qui, 
en  nous  rappelant  la  ferveur  de  nos  pères  pour  la  com- 
munion, nous  reporte  au  delà  de  onze  siècles. 

Si  la  patène,  au  lieu  d'élre  portée  à  la  sacristie,  est 
gardée  dans  l'église  par  un  des  ministres,  c'est  afin 
qu'elle  soit  sous  la  main  du  prêtre  au  moment  où  il  en 
aura  besoin.  Vers  la  fin  du  Pater,  l'acolyte  la  remet  au 
sous-diacre,  celui-ci  au  diacre,  qui  la  tient  élevée  un 
instant,  afin  d'avertir  le  peuple  que  le  moment  de  la 
communion  approche  ;  il  la  porte  ensuite  à  l'autel,  et  la 
présente  au  célébrant  * . 

Ces  prières  et  ces  cérémonies  achevées,  le  diacre, 

•  Sacr.  S.  Greg.,  apud  Menard,  p.  154. 

*  Il  est  parlé  de  patènes  d'or  et  d'argent  qui  pesaient  vingt-cinq 
et  trente  livres. 

^  Riibnq.  du  Miss,  paris. 

T.  VII.  25 


386  CATÉCHISME 

aux  grand'messes,  présente  la  navette  au  célébrant  qui 
bénit  l'encens,  et  il  encense  d'abord  le  pain  et  le  vin. 
Nous  l'avons  dit,  l'encens  est  un  symbole  de  nos  prières 
et  de  l'oblation  de  nous-mêmes.  Le  prélre  encense  le 
pain  et  le  vin  pour  marquer  plus  sensiblement  que  nous 
joignons  à  ces  oblations  nos  vœux,  nos  personnes  et  nos 
biens.  C'est  ce  qu'expriment  très-clairement  les  prières 
que  le  prêtre  récite  pendant  l'encensement  des  obla- 
tions et  de  l'autel. 

Dans  certaines  églises,  c'est  après  l'encensemenl 
qu'a  lieu  l'offrande  du  pain  bénit,  ainsi  que  les  diffé- 
rentes quêtes.  Voici  deux  usages  trois  fois  vénéra- 
bles, et  par  leur  antiquité,  et  par  les  touchants  sou- 
venirs qu'ils  rappellent,  et  par  les  leçons  qu'ils  nous 
donnent. 

On  connaîtra  que  vous  êtes  mes  disciples,  disait  le 
Sauveur,  si  vous  vous  aimez  les  uns  les  autres.  Fidèles 
à  ce  commandement,  nos  pères  dans  la  foi  ne  formaient 
qu'un  cœur  et  qu'une  âme;  l'Église  n'était  qu'une 
grande  famille  répandue  dans  toutes  les  parties  du 
monde.  Mais  tous  ces  frères  qui  s'aimaient  sans  s'être 
jamais  vus  voulurent  se  donner  un  signe  sensible  de  la 
charité  qui  les  unissait  ;  ils  choisirent  le  plus  énergique 
de  tous,  le  pain.  Comme  le  pain  est  composé  de  plu- 
sieurs grains  de  blé  tellement  mêlés  qu'ils  ne  forment 
plus  qu'un  seul  et  même  tout,  de  même  ils  expri- 
maient, en  se  l'envoyant,  qu'ils  étaient  un  entre  eux;  un 
en  quelque  sorte  comme  les  personnes  divines  sont  un 
entre  elles.  On  donna  à  ce  pain  le  nom  d'eulogie,  parce 


DE    PERSÉVÉRANCE.  387 

qu'avant  de  l'envoyer  on  le  bénissait.  Cet  usage  re- 
monte aux  temps  apostoliques*.  Bien  plus,  on  s'en- 
voyait aussi  l'Eucharistie  ;  des  diacres  la  portaient  aux 
églises  les  plus  éloignées  \  Telle  est  l'origine  du  pain 
bénit. 

Il  a  donc  été  d'abord  en  usage  pour  marquer  et  en- 
tretenir l'union  entre  les  Chrétiens  éloignés  les  uns  des 
autres;  il  l'a  été  ensuite  pour  être  un  signe  d'union 
entre  tous  ceux  qui  se  trouvent  ensemble  à  la  même 
messe.  Le  signe  d'union  par  excellence  est  la  sainte 
Eucharistie  ;  mais,  hélas  !  tout  le  monde  ne  commu- 
niant plus,  l'Église  a  institué  un  autre  signe  qui  supplée 
à  la  réception  du  corps  et  du  sang  du  Sauveur,  afin  que 
les  Chrétiens  d'aujourd'hui  puissent  dire  encore,  quoi- 
que dans  un  sens  différent,  ce  que  disaient  les  Chré- 
tiens des  premiers  jours  :  Nous  participons  tous  au 
même  pain  \  Dites,  est-il  possible  de  trouver  un  moyen 
plus  propre  à  rappeler  aux  hommes  celte  grande  vé- 
rité, qui  est  la  base  des  sociétés  et  la  garantie  du  bon- 
heur public,  qu'ils  sont  tous  frères,  tous  égaux  devant 
Dieu,  puisqu'ils  mangent  tous  le  même  pain;  qu'ils 
doivent  tous  s'aimer  les  uns  les  autres,  et  ne  faire 
qu'une  grande  famille  ?  0  mon  Dieu  !  pourquoi  faut-il 
que  voire  Religion  sainte  soit  si  peu  comprise  et  si 
mal  observée  *  ! 

'  Paulin,  Epist.  41  ad  Aug. 

*  Id.,  ibid.,  et  Euseb.,  lib.  3,  c.  24. 

*  I  Cor.,  X,  17. 

*  Dans  le  diocèse  de  Besançon,  on  ne  distribue  pas  de  pain  bénit 
le  jour  de  Pàque,  parce  que  ce  jour-là,  tout  le  monde  étant  censé 
participer  à  la  réalité,  la  figure  devient  inutile. 


388  CATÉCHISME 

Ce  qui  précède  nous  fait  comprendre  dans  quels  sen- 
timents de  respect,  de  joie,  de  charité  et  de  confiance  il 
faut  être  pour  recevoir  le  pain  bénit.  1^  Nous  devons  le 
respecter;  les  Pères  de  l'Église  avertissent  les  fidèles 
de  porter  le  plus  grand  respect  à  ces  dons,  parce  qu'ils 
ont  reçu  la  bénédiction  des  prêtres,  et  de  ne  pas  per- 
mettre que  la  moindre  parcelle  en  soit  foulée  aux  pieds, 
même  par  une  négligence  involontaire  ;  2°  nous  devons 
le  recevoir  avec  des  sentiments  de  joie  et  de  charité. 
N'est-il  pas  bien  doux  pour  des  frères  de  se  trouver 
ensemble  à  la  table  de  leur  père  commun,  d'y  man- 
ger le  même  pain,  sans  distinction  de  riches  ou  de 
pauvres,  de  savants  ou  d'ignorants?  de  penser  que  des 
millions  de  cœurs  battent  à  l'unisson  du  leur,  et  que 
ce  pain  de  fraternité  qu'ils  mangent  en  ce  moment, 
d'autres  frères  le  mangent  aussi  en  Asie,  en  Amé- 
rique, en  Chine,  et  jusque  dans  les  îles  naguère  sau- 
vages de  rOcéanie?  Cette  grande  leçon  de  charité  fut- 
elle  jamais  plus  nécessaire  que  dans  un  siècle  où 
l'égoïsme  tend  à  dessécher  toutes  les  âmes,  et  où  le 
luxe  a  mis  une  énorme  disproportion  entre  les  hommes? 
3°  Nous  devons  le  manger  avec  une  sainte  confiance  ; 
nous  devons  à  la  bénédiction  qui  sanctifie  ce  pain  fra- 
ternel une  juste  confiance,  qui  nous  persuade  que  ce 
pain,  béni  pour  nous,  peut  éloigner  de  nos  corps,  et 
plus  encore  de  nos  cœurs,  tout  ce  qui  pourrait  en  trou- 
bler l'harmonie,  et  qu'il  produira  en  nous  cet  effet. 
L'Eglise  met  cette  pratique  et  toutes  les  bénédictions 


OË    PERSÉVÉRANCE.  389 

du  même  genre  au  nombre  de  celles  que  les  théolo- 
giens nomment  sacramentales  \ 

Bien  différents  de  ceux  que  Notre  Seigneur  a  institués, 
ces  rites  n'opèrent  point  par  leur  propre  vertu,  mais  ils 
opèrent  en  vertu  des  mérites  de  Jésus-Christ,  joints  aux 
dispositions  qu'on  y  apporte;  ils  ne  remettent  pas  les 
péchés  par  leur  nature,  mais  ils  obtiennent  des  grâces 
de  sanclification  et  de  persévérance  pour  les  justes,  des 
grâces  de  conversion  pour  les.  pécheurs  qui  mangent  ce 
pain  avec  un  cœur  contrit  et  humilié.  C'est  pour  ainsi 
dire  une  seconde  communion,  infiniment  moins  pré- 
cieuse et  moins  redoutable  que  la  participation  au  pain 
de  vie;  mais  qui  la  supplée  en  quelque  sorte  dans  ceux 
qui  ne  sont  pas  préparés  suffisamment,  qui  les  y  dispose 
et  qui  leur  en  fait  naître  le  désir  *, 

Avec  le  pain  bénit  oh  offre  un  cierge  et  une  pièce  de 
monnaie.  Cet  usage  nous  reporte  à  la  plus  haute  anti- 
quité, où  les  fidèles  offraient  eux-mêmes  tout  ce  qui 
était  nécessaire  au  sacrifice  et  à  la  subsistance  des  mi- 
nistres sacrés  :  le  pain,  le  luminaire  et  les  aumônes. 

Dans  beaucoup  d'églises,  la  distribution  du  pain  bénit 
est  suivie  de  la  quête.  Rien  ne  nous  semble  plus  naturel 
et  plus  touchant  que  cet  usage.  En  effet,  les  doctrines 
et  les  cérémonies  de  l'Eglise  doivent  toutes  se  traduire 
en  bonnes  œuvres  ;  car  la  charité  est  essentiellement  ac- 
tive. Les  enfants  de  la  grande  famille  viennent  de  man- 
ger le  pain  de  la  fraternité.  L'Eglise  veut  qu'ils  donnent 

*  Sacraineotalia- 

'^  Foy.  Cochin,  Sacrifice  de  In  messe,  220. 


390  CATléCHISME 

des  marques  réelles,  efficaces  de  celte  charité  qui  les 
unit.  Elle  se  présente  donc  à  eux,  implorant  leur  com- 
passion pour  ceux  de  leurs  frères  qui  sont  dans  le  be- 
soin. Ce  sont  des  orphelins  qu'il  faut  soutenir;  des 
pauvres  honteux  qu'il  faut  loger  et  entretenir;  des 
vieillards  infirmes  à  qui  il  faut  procurer  les  soulage- 
ments que  réclament  leur  âge  et  leurs  souffrances; 
des  malades,  des  mourants,  des  morts  même,  car  les 
morts  aussi  sont  nos  frères,  à  qui  des  secours  tem- 
porels ou  spirituels  sont  nécessaires  ;  enfin  c'est  Jésus- 
Christ  lui-même  qui  demande  pour  son  autel,  qui  n'est 
pas  décoré  avec  toute  la  décence  convenable  ;  pour  son 
temple,  dont  la  nudité  et  la  pauvreté  excitent  la  com- 
passion des  pauvres  eux-mêmes. 

Ces  motifs  de  nos  quêtes  existaient  déjà  il  y  a  dix- 
huit  siècles,  et  le  monde  vit  le  grand  Apôtre  parcourant 
les  vastes  provinces  de  la  Grèce  et  de  l'Asie,  faisant 
dans  les  assemblées  des  fidèles  des  quêtes  pour  leurs 
pauvres  frères  de  Jérusalem.  Il  établit,  dit  saint  Chry- 
sostôme,  qu'elles  auraient  lieu  le  dimanche.  En  con- 
séquence, le  jour  du  soleil,  c'est-à-dire  le  dimanche, 
«  chacun  de  nous,  disent  Tertullien  et  saint  Justin,  ap- 
porte à  l'assemblée  sa  modique  offrande,  selon  ses 
moyens  :  personne  n'est  taxé  ;  c'est  comme  un  trésor 
de  piété  que  nous  employons  au  soulagement  des  pau- 
vres, des  infirmés,  des  orphelins,  des  exilés,  de  ceux 
qui  sont  condamnés  aux  mines  pour  la  cause  de  la  foi.  » 
Demanderez-vous  pourquoi  saint  Paul  établit  que  les 
quêtes  et  les  aumônes  se  fissent  principalement  le  di- 


DE   PERSÉVÉRANCE.  ^iSlf 

manche?  Saint  Chrysostôme  va  vous  répondre  :  «  C'est 
parce  que  le  dimanche  est  le  jour  où  l'enfer  a  été  vain- 
cu, le  péché  détruit,  les  hommes  réconciliés  avec  Dieu, 
notre  race  rendue  ù  son  antique  gloire  ;  que  dis-je  ?  à  une 
gloire  plus  grande,  où  le  soleil  éclaire  l'étonnant  miracle 
de  l'homme  devenu  tout  h  coup  immortel.  Paul,  voulant 
toucher  notre  cœur,  a  choisi  ce  jour  pour  solliciter  no- 
tre charité,  en  nous  disant  :  Songe,  6  homme  !  de  quels 
maux  tu  as  été  délivré,  de  quels  biens  tu  as  été  comblé 
dans  ce  jour.  Si  donc  nous  célébrons  l'anniversaire  de 
notre  naissance  par  des  repas  et  des  présents  que  nous 
donnons  à  nos  amis,  combien  plus  devons-nous  honorer 
par  nos  libéralités  ce  jour  qu'on  peut  appeler  sans 
crainte  le  jour  de  la  renaissance  de  tout  le  genre  hu- 
main '  ?  » 

Le  même  Père  exhorte  ensuite  tous  les  fidèles  à  mettre 
de  côté  quelque  chose  tous  les  dimanches  pour  les  pau- 
vres; car  saint  Paul  n'excepte  personne  quand  il  dit  que 
chacun,  unusquisque,  mette  à  part  quelque  aumône.  Les 
pauvres  ne  sont  pas  exemptés,  puisqu'ils  ne  sont  pas  si 
pauvres  que  la  veuve  de  l'Evangile,  qui  n'avait  que  les 
deux  moindres  pièces  de  monnaie  et  qui  les  donna. 

L'éloquent  patriarche  donne  ensuite  la  raison  pour 
laquelle  l'Eglise  permet  que  les  pauvres  mendient  à  la 
porte  de  ses  temples  :  «  C'est  afin,  dit-il,  que  chacun 
puisse  purifier  ses  mains  et  sa  conscience  par  l'aumône 

*  si  nos  natalitia  celebramus,  etc.;  quanto  magis  Dobis  dies  iste 
observandus,  quum  siquis  natalitium  totius  oaturae  humante  ^p- 
pellet,  non  errabit.  Serm,  22. 


392  CATÉCHISME 

avant  d'y  entrer.  Sans  doute  il  est  saint  l'usage  qui 
établit  des  fontaines  devant  les  portes  des  églises  et  des 
oratoires,  afin  qu'on  puisse  se  laver  les  mains  avant  d'y 
entrer  et  de  prier,  mais  plus  saint  encore  et  plus  néces- 
saire est  l'usage  qui  place  les  pauvres  à  la  porte  de  nos 
temples  pour  laver  les  taches  et  les  souillures  de  notre 
âme  avant  de  nous  présenter  devant  la  majesté  du  Dieu 
trois  fois  saint  :  or,  nos  pères  ont  établi  les  pauvres  à 
la  porte  de  nos  églises,  comme  des  fontaines  de  purifi- 
calion;  car  l'aumône  est  bien  plus  puissante  pour  puri- 
fier nos  âmes  que  l'eau  elle-même  pour  purifier  nos 
mains  '.  » 

Gardez-vous  donc  bien  d'abolir  les  quêtes  de  nos 
grand'messes!  vous  effaceriez  un  des  plus  précieux  ves- 
liges  de  notre  sainte  antiquité.  Que  les  Protestants,  qui 
ne  tiennent  à  rien  dans  le  passé,  et  dont  les  doctrines 
divisent  au  lieu  d'unir,  aient  supprimé  les  quêtes  dans 
leurs  prêches,  on  le  conçoit  ;  mais  l'Eglise  catholique  les 
conservera  tant  qu'elle  sera  la  fidèle  héritière  du  passé, 
tant  qu'elle  portera  dans  son  cœur  un  amour  de  mère, 
tant  qu'elle  saura  que  c'est  par  des  œuvres  et  non 
par  de  vaines  paroles  que  la  charil'"'  doit  se  produire. 
El  puis,  quelle  préparation  meilleure  au  sacrifice  et  à 
\a  sainle  communion  que  cette  aumône  faite  pour  l'a- 
mour du  Dieu  qui  va  se  donner  à  nous,  et  en  présence 
des  fidèles  pour  les  édifier  ? 

Revenons  maintenant  à  l'autel.  Voici  le  prêtre  qui  re- 
tourne du  côté  de  l'épître  el  qui  se  lave  les  doigts.  Celte 

S<?nn.  25. 


1>E    PERSÉVÉRANCE.  393 

cérémonie,  de  la  plus  haute  antiquité,  est  fondée  sur 
deux  raisons,  l'une  naturelle  et  l'autre  mystérieuse.  La 
raison  naturelle,  c'est  que  les  deux  cérémonies  qui  pré- 
cèdent, savoir  :  la  réception  des  offrandes  des  fidèles, 
comme  cela  se  pratiquait  dans  les  siècles  passés,  et  l'en- 
censement, qui  se  pratique  encore  aujourd'ui,  peuvent 
salir  les  mains,  et  demander  que  le  prêtre  les  lave  par 
une  raison  naturelle  et  de  bienséance  ;  la  raison  mysté- 
rieuse, c'est  d'apprendre  aux  prêtres  et  aux  fidèles  qu'ils 
doivent,  pour  offrir  le  sacrifice,  se  purifier  des  moindres 
taches.  «  Vous  avez  vu,  dit  saint  Cyrille  de  Jérusalem, 
qu'un  diacre  donne  à  laver  les  mains  au  prêtre  qui  offi- 
cie et  aux  autres  prêtres  qui  sont  autour  de  l'autel.  Pen- 
sez-vous que  ce  soit  pour  nettoyer  le  corps?  nullement  ; 
car  nous  n'avons  pas  coutume,  quand  nous  entrons  dans 
l'église,  d'être  en  tel  état  que  nous  ayons  besoin  de  nous 
laver  pour  nous  rendre  nets.  Mais  ce  lavement  des  mains 
nous  rappelle  que  nous  devons  être  purs  de  tous  nos  pé- 
chés, parce  que  nos  mains  signifient  les  actions;  laver 
nos  mains  n'est  autre  chose  que  pu|:ifier  nos  œuvres  *.  » 
Conformément  à  cette  pensée,  la  rubrique  ne  prescrit 
aux  prêtres  que  l'ablution  de  l'extrémité  des  doigts. 
Cette  ablution,  dit  saint  Denis,  ne  se  fait  pas  pour 
effacer  les  souillures  du  corps,  elles  ont  été  déjà  la- 
vées, mais  pour  marquer  que  l'âme  doit  se  purifier  des 
moindres  taches  ;  c'est  pour  ce  sujet  que  le  prêtre  se 
lave  seulement  l'extrémité  des  doigts  et  non  pas  les 
mains  ^. 

'  Catéch.  M)  st.,  5. 

*DyoDi8.,  lie  EccL  Hier.,  c.  53. 


394  CATÉCHISME 

En  se  lavant  les  mains,  le  prêtre  dit  le  psaume 
Lavabo,  qui  convient  si  parfaitement  à  cette  action,  que, 
dès  les  premiers  siècles,  on  le  récitait  déjà  dans  la 
même  circonstance*.  Ce  spectacle  ne  dira-t-il  rien  aux 
fidèles?  Eux  aussi  ne  doivent-ils  pas  être  purs  pour  as- 
sister aux  redoutables  mystères  ?  Qu'ils  répètent  donc 
alors  dans  toute  la  sincérité  de  leur  cœur  :  Lavez-moi, 
Seigneur,  de  plus  en  plus  de  toutes  mes  iniquités,  pu- 
rifiez les  pensées  de  mon  esprit  et  les  désirs  de  mon 
cœur,  afin  que  je  puisse  m'unir  aux  dispositions  du 
prêtre  et  participer  à  la  grâce  et  aux  fruits  du  sacrifice. 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
de  me  rappeler  par  l'olTrande  du  pain  bénit  que  nous 
sommes  tous  frères  ;  faites-nous  la  grâce  de  nous  ai- 
mer les  uns  les  autres  comme  les  enfants  d'une  même 
famille. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par -dessus 
toute  chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour 
l'amour  de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je 
donnerai  à  la  quête  le  dimanche  toutes  les  fois  que  je 
le  pourrai. 

>  Liturg.  de  S.  Chrys.  Euchol.  Grœc,  p.  60. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  89^ 

PETIT  CATÉCHISME. 

LE   CHRISTIANISME   RENDU    SENSIBLE. 

Troisième  partie  de  la  nusse  (Suite). 

Q.  Que  fait  le  prôtre  après  avoir  récité  l'offertoire? 

R.  Après  avoir  récité  l'offertoire  le  prêtre  découvre 
le  calice.  Le  calice  est  couvert  par  respect  pour  la 
consécration.  Cet  usage  remonte  à  la  plus  haute  anti- 
quité. Il  étend  ensuite  le  corporal.  Le  corporal  est  un 
linge  carré,  destiné  à  recevoir  le  corps  de  Notre-Sei- 
gneur.  Le  corporal  doit  être  de  lin,  parce  que  le  linceul 
dont  le  Sauveur  fut  enveloppé  était  aussi  de  lin.  Il  ôte 
la  palle.  Le  mot  palle  veut  dire  couverture  ou  manteau. 
Autrefois  le  corporal  était  plus  long  et  plus  large  qu'au- 
jourd'hui; on  s'en  servait  pour  recouvrir  le  calice.  On 
le  partagea  ensuite.  On  mit  un  carton  entre  la  partie 
du  corporal  destinée  à  couvrir  le  calice,  afin  de  pou- 
voir l'ôter  et  la  remettre  plus  aisément.  De  là  est  venue 
la  palle.  Le  prêtre  prend  ensuite  la  patène,  sur  laquelle 
repose  l'hostie  ;  il  lève  les  yeux  au  ciel  et  offre  à  Dieu 
le  pain  qui  doit  être  changé  au  corps  de  Notre-Seigneur. 

Q.  Pour  qui  l'offre-t-il  ? 

R.  Il  l'ofifre  pour  lui,  pour  les  assistants  et  pour  tous 
les  fidèles  vivants  ou  morts.  Il  prend  ensuite  le  calice 
dans  lequel  il  verse  du  vin  et  un  peu  d'eau.  On  met  un 
peu  d'eau  dans  le  calice  pour  représenter  l'union  du 
peuple  fidèle  avec  Notre-Seigneur.  En  bénissant  l'eau 
le  prêtre  fait  une  prière  par  laquelle  il  demande  que 


396  CATÉCHISME 

nous  devenions  participants  de  la  divinité  de  Jésus- 
Christ,  comme  lui-même  est  devenu  parlicipant  de 
notre  humanité.  11  offre  ensuite  le  calice  pour  le  monde 
entier;  puis  il  s'humilie  devant  Dieu  et  conjure  le  Saint- 
Esprit  de  venir  consumer  ces  offrandes  en  les  changeant 
au  corps  et  au  sang  de  Jésus-Christ.  Aux  grandes  messes, 
on  encense  le  pain  et  le  vin  offerts  sur  l'autel,  par  res- 
pect pour  ces  dons  consacrés,  et  pour  rappeler  aux 
fidèles  que  leurs  cœurs  et  leurs  prières  doivent  monter 
vers  Dieu  et  devenir  avec  les  oblations  un  sacrifice  d'a- 
gréable odeur. 

Q.  Qu'est-ce  que  le  pain  bénit? 

R.  Le  pain  bénit  est  une  marque  de  la  charité  et  de 
l'union  qui  doit  régner  entre  tous  les  Chrétiens.  Au- 
trefois les  différentes  Eglises  s'envoyaient  la  sainte  Eu- 
charistie, pour  marquer  qu'elles  étaient  unies  entre 
elles.  On  envoya  plus  tard  du  pain  bénit  appelé  eulo- 
gie.  Nous  devons  prendre  le  pain  bénit  avec  respect, 
avec  joie,  avec  confiance,  en  esprit  de  charité  et  avec  le 
désir  de  la  communion  dont  il  est  la  figure. 

Q.  Quelle  est  l'origine  et  la  raison  de  la  quête  qu'on 
fait  à  la  messe? 

R.  L'origine  de  la  quête  qu'on  fait  à  la  messe  est 
aussi  ancienne  que  le  Christianisme.  On  fait  la  quête 
pour  marquer  que  la  charité  des  Chrétiens  n'est  pas 
seulement  en  paroles,  mais  en  bonnes  œuvres.On  donne 
à  Jésus-Christ  dans  la  personne  des  pauvres;  on  lui 
donne  aussi  pour  les  ornements  de  son  temple.  La 
quête  est  donc  une  bonne  œuvre  et  un  bon  exemple. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  397 

Q.  Pourquoi  le  prcHre  se  lave-t-il  les  doigts  après 
l'offerloire  ? 

B.  Après  l'offertoire,  le  prêtre  se  lave  les  doigts  : 
1°  parce  que  la  réception  des  offrandes  des  fidèles 
qui  avaient  lieu  autrefois  et  l'encensement  peuvent 
salir  les  doigts;  2^  parce  qu'il  doit  être  purifié  des 
moindres  taches  pour  offrir  le  saint  sacrifice.  Il  récite 
en  se  lavant  un  psaume,  bien  propre  à  former  en  lui 
ces  dispositions  d'humilité  et  de  sainteté.  Nous  de- 
vons demander  nous  -  mêmes  à  Dieu  qu'il  nous  pu- 
rifie de  plus  en  plus,  afin  de  participer  aux  fruits  du 
sacrifice. 

PRIÈRE. 

0  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
de  me  rappeler  par  l'offrande  du  pain  bénit  que  nous 
sommes  tous  frères;  faites-nous  la  grâce  de  nous  ai- 
mer les  uns  les  autres  comme  les  enfants  d'une  même 
famille. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par -dessus 
toute  chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour 
l'amour  de  Dieu  ;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je 
donnerai  à  la  quvle  le  dimanche  toutes  les  fois  que  je 
le  pourrai. 


398  CATÉCHISME 


XX^   LEÇON. 

LE   CHRISTIANISME    RENDU    SENSIBLE. 

Troisième  partie  de  la  messe  (Suite).— Ora/e  fratres.  —  Quatrième 
partie  de  la  messe.— Préface. — Sanctus. — Canon. —  Dyptiques. 

Après  que  le  prêtre,  au  nom  de  l'Eglise,  a  offert  le 
pain  et  le  vin,  et  que  lui  et  les  fidèles  se  sont  offerts  eux- 
mêmes  pour  reconnaître  le  souverain  domaine  de  Dieu, 
et  pour  l'expiation  de  leurs  péchés,  il  revient  au  milieu 
de  l'autel,  s'incline  un  peu,  présente  à  la  sainte  Tri- 
nité cette  oblation,  et  lui  exprime  le  but  qu'il  se  pro- 
pose en  la  lui  offrant  ;  c'est  en  mémoire  des  mystères 
de  Jésus-Christ  et  en  l'honneur  des  Saints  ;  c'est-à-dire 
pour  remercier  Dieu  des  faveurs  dont  il  les  a  comblés  et 
pour  mériter  leur  protection.  Pour  cela,  il  dit  la  prière 
suivante  :  «  Recevez,  Trinité  sainte,  cette  oblation  que 
nous  vous  offrons  en  mémoire  de  la  Passion,  de  la  Ré- 
surrection et  de  l'Ascension  de  Jésus- Christ  notre  Sei- 
gneur, et  en  l'honneur  de  la  bienheureuse  3Iarie,  tou- 
jours vierge,  de  saint  Jean-Baptiste,  des  apôtres  saint 
Pierre  et  saint  Paul,  de  ceux-ci*  et  de  tous  les  Saints, 
afin  qu'elle  serve  à  leur  honneur  et  à  notre  salut,  et 

'  Des  saints  dont  on  fait  la  fête  :  tel  était  autrefois  le  sens  de 
ces  paroles.  Aujourd'hui  elles  signifient  :  De  ceux  dont  les  reliques 
sont  ici. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  399 

que  ceuï  dont  nous  faisons  mémoire  sur  la  terre  dai- 
gnent intercéder  pour  nous  dans  le  ciel.  Par  Jésus- 
Christ  notre  Seigneur,  ainsi  soit-il.  > 

Celle  antique  prière  *  renferme  toutes  les  personnes 
qui  ont  droit  au  sacrifice,  quoique  d'une  manière  bien 
différente  :  Dieu  à  qui  le  sacrifice  est  offert;  Jésus-Christ 
qui  en  est  la  victime,  non  simplement  offerte  à  Dieu, 
mais  offerte  en  mémoire  de  sa  propre  Passion,  de  sa 
Résurrection  et  de  son  Ascension,  par  conséquent 
comme  élevée  devant  le  trône  de  Dieu  pour  être  tou- 
jours présente  devant  sa  face,  et  y  plaider  notre  cause  ; 
l'Eglise  du  ciel  et  de  la  terre  qui  s'unissent  pour  par- 
ticiper à  ce  sacrifice  catholique.  L'Eglise  militante  y 
communie  sacramentellement  et  en  reçoit  de  nou- 
veaux fruits  de  vie.  L'Eglise  triomphante  y  communie 
aussi,  mais  d'une  manière  invisible,  et  c'est  par  cette 
communion  continuelle  que  la  vie  glorieuse  de  Jésus- 
Christ  est  communiquée  aux  Saints  dans  le  ciel  ^. 

En  récitant  celte  prière,  le  prêtre  tient  les  mains 
joinles  sur  l'autel  et  la  tête  inclinée  ;  il  exprime  par  là 
(ïu'il  se  reconnaît  indigne  d'offrir  le  grand  sacrifice  à  la 
lûajesté  suprême,  et  combien  il  faut  être  innocent  pour 
se  présenter  devant  Dieu  de  la  part  du  genre  humain. 

Enfin  il  baise  l'autel,  figure  de  Jésus-Christ,  pour  y 
puiser  les  dispositions  saintes  dont  il  sent  de  plus  en 
plus  la  nécessité.  Afin  de  les  communiquer  aux  fidèles, 

'  Bona,  lib.  2,  c.  9. 

»  Le  P.  de  Goudren,  Idée  du  Sacerdoce,  etc. 


4Ô0  CATJ^CHISME 

il  se  retourne  vers  eux  et  leur  dit  en  ouvrant  les  bras  de 
sa  charité  :  Priez,  mes  frères,  afin  que  mon  sacrifice, 
qui  est  aussi  le  vôtre,  soit  reçu  favorablement  de  Dieu, 
le  Père  tout-puissant. 

Le  prêtre  dit  d'un  ton  un  peu  élevé  :  Priez,  mes  frères, 
afin  d'être  entendu,  au  moins  de  ceux  qui  sont  autour 
de  l'autel,  puisque  son  invitation  s'adresse  aux  assis- 
tants. Le  plus  ancien  motif  de  cette  exhortation  est 
venu  de  l'otfrande  du  peuple  qui  durait  longtemps,  et 
qui  pouvait  causer  des  distractions  '  ;  mais  le  principal 
motif  est  que,  plus  le  moment  du  sacrifice  approche, 
plus  aussi  la  prière  et  le  recueillement  sont  nécessaires. 

Le  prêtre,  jusqu'à  ce  moment  confondu  avec  le  peuple, 
a  en  quelque  sorte  conversé  avec  lui,  par  les  différents 
souhaits  qu'il  a  formés  en  sa  faveur,  par  les  diverses  in- 
structions qu'il  lui  a  données,  par  les  prières  mêmes 
qu'il  a  faites  en  son  nom.  Voici  qu'il  va  quitter  les 
fidèles  pour  s'enfoncer  dans  le  secret  du  sanctuaire  ; 
nouveau  Moïse,  il  va  monter  sur  la  redoutable  monta- 
gne pour  s'y  entretenir  avec  Dieu.  Mais  il  n'oublie  pas, 
avant  de  faire  cette  grande  démarche,  qu'il  y  porte  les 
faiblesses  inséparables  de  l'humanité,  et  qu'il  a  besoin, 
dans  cette  occasion  redoutable,  d'être  aidé  par  les  priè- 
res du  peuple,  et  il  dit  :  Priez,  mes  frères  :  Orate,  fratres; 
priez  pour  moi,  comme  le  disaient  les  prêtres  il  y  a  plus 
de  huit  cents  ans%  dans  cette  circonstance  de  la  messe  ; 
priez  pour  moi,  pauvre  pécheur,  comme  le  disent  en- 

'  Steph.  Eduens.  episc,  de  Sacr.  altar.,  c.  12. 
•  Miss.  Illvric. 


DE    PERSKVÉRANCE.  401 

core  les  Chartreux,  qui  ont  retenu  cet  ancien  usage  *. 

Par  cette  prière,  le  prêtre  prend  congé  du  peuple  qu'il 
ne  verra  plus  jusqu'à  ce  qu'il  ait  consommé  le  sacri- 
fice. Durant  tout  ce  temps,  il  ne  se  tournera  plus  vers 
lui,  pas  même  lorsqu'il  dira  :  Domimis  vobiscum,  bien 
que  ce  soit  une  salutation  qui  se  fait  toujours  en  regar- 
dant les  personnes  qu'on  salue.  Tout  occupé  du  grand 
mystère  qui  va  s'opérer,  et  dévotement  tourné  vers  l'au- 
tel, comme  s'il  était  renfermé  dans  le  Saint  des  saints, 
bien  éloigné  du  peuple,  il  ne  terminera  ses  prières 
secrètes  qu'en  criant  fort  haut,  pour  exhorter  les  fidèles 
à  tenir  leur  âme  élevée  à  Dieu. 

A  VOratefiatres,  le  prêtre,  se  tournant  vers  les  fidèles, 
leur  dit  :  Mes  frères.  Ce  mol  touchant  date  de  dix-huit 
siècles  ;  il  a  retenti  dans  les  Catacombes  ;  il  a  été  pro- 
noncé par  des  peuples  de  saints  :  c'était  le  nom  que  se  don- 
naient nos  pères  dan&la  foi.  Et  quand  les  Païens  étonnés 
leur  demandaient  :  «  Comment  étes-vous  tous  frères?  »  ils 
répondaient  :  «  Parce  que  nous  sommes  tous  nés  d'un 
même  père,  qui  est  Jésus-Christ,  et  d'une  même  mère, 
qui  est  l'Eglise  -.  »  Oh  !  que  ce  nom  devient  touchant 
dans  celte  circonstance  où  le  prêtre  le  prononce  :  Mes 
frères,  unis  par  les  liens  du  sang,  soyons-le  par  le  lien 
de  la  charité  ;  ne  nous  séparons  pas  dans  ce  moment, 
où  il  s'agit  de  notre  cause  commune  ;  nous  allons  tous 
nous  asseoir  h  la  même  table,  rompre  le  même  pain;  et 

Oïdin.  Cartu.<si<tn.,  o.  2G,  n.  21. 

Lucie  cstis,  o;nnos  fratrcs?  De  uiio  p^tre,' Christo; 'de  iiiia 
'7  atrc,  Ecriesia.  Araob.,  in  l'sttl.  133. 

1.  VU.  2(i 


402  CATECHISME 

ce  pain  enireliendra  en  nous  une  même  vie  ;  le  même 
sang  divin  coulera  dans  nos  veines,  et  deviendra  pour 
nous  le  gage  du  même  héritage  :  Mes  frères  !! 

Il  dit  mon  sacrifice,  qui  est  aussi  le  vôtre.  Il  est  le 
mien,  j'en  suis  le  ministre.  Il  est  offert  pour  moi,  la  vic- 
time m'appartient.  Il  est  aussi  le  vôtre,  vous  l'offrirez 
vous-mêmes  par  mes  mains  :  la  victime  est  à  vous. 

Il  ajoute  :  Afin  qu'il  soit  favorablement  reçu.  Mais 
quoi  !  peut-elle  être  rejetée,  cette  oblalion  du  sang  d'un 
Dieu,  du  Fils  unique  du  Père  ?  non  ;  mais  j'ai  une  autre 
victime  à  offrir  avec  celle-là,  c'est  vous,  c'est  moi,  et  le 
Dieu  trois  fois  saint  peut  trouver  des  taches  dans  cette 
seconde  victime  ;  il  peut  voir  dans  nos  mains  des  injus- 
tices, dans  nos  cœurs  des  désirs  criminels,  dans  nos  con- 
sciences des  souillures.  C'est  pour  vous  engager  à  de 
nouveaux  sentiments  de  douleur  et  de  gémissement  sur 
nos  péchés  communs,  que  je  vous  renouvelle  l'avertis- 
sement de  prier  :  Orate,  fratres. 

A  une  invitation  si  juste  et  si  utile,  le  peuple  répond  : 
Oui,  nous  prierons  afin  que  le  Seigneur  reçoive  de  vos 
mains  le  sacrifice  pour  l'Iionneur  et  la  gloire  de  son 
nom,  pour  ndîre  utilité  et  pour  celle  de  toute  l'Eglise. 
Dans  cette  belle  prière  est  une  leçon  de  charité  mu- 
tuelle. Elle  nous  rappelle  que  nous  sommes  tous  les  en- 
fants d'une  même  famille.  C'est  à  Dieu,  notre  Père 
commun,  que  le  sacrifice  va  être  présenté  ;  c'est  Jésus- 
Christ,  notre  frère,  qui  va  s'offrir;  c'est  par  les  mains 
d'un  ministre  choisi  d'entre  nous,  qu'il  va  être  offert; 
c'est  pour  la  sanctification  de  tous  que  s'est  consommé 


DE    PERSÉVÉRANCE.  403 

le  grand  mystère  qui  va  se  renouveler  sous  nos  yeux. 
Si  nous  voulons  que  nos  prières  soient  accueillies,  gar- 
dons-nous de  mettre  à  nos  vœux  ni  restriction  ni  ré- 
serve. 

Le  prêtre  répond  :  Amen  :  Qu'il  soit  ainsi  !  Et  il  récite 
l'oraison  appelée  Secrète.  EWe  porte  ce  nom  parce  qu'elle 
se  dit  à  voix  basse.  Voilà  donc  le  prêtre  entré  dans  le 
secret  du  sanctuaire,  pour  y  traiter  seul  à  seul  avec 
Dieu.  Et  que  fait  le  nouveau  Moïse  dans  ce  mystérieux 
entretien?  Il  demande  au  Seigneur  que  les  oblations 
des  fidèles  lui  soient  agréables  et  leur  obtiennent  toutes 
les  grâces  que  son  infinie  sagesse  connaît  leur  être  né- 
cessaires. Pour  s'unir  au  prêtre  dans  ce  moment,  les 
assistants  doivent  demander  à  Dieu  qu'il  daigne  les 
purifier,  les  sanctifier,  afin  qu'ils  soient  dignes  de  lui 
être  présentés  comme  une  hostie  sainte,  vivante  et  d'a- 
gréable odeur.  Cette  disposition  est  d'autant  plus  im- 
portante, que  l'instant  de  la  consécration  approche. 
Voici  la  quatrième  partie  de  la  messe  qui  commence; 
elle  comprend  depuis  la  Préface  jusqu'au  Pater. 

Le  mot  préface  veut  à\re  prélude,  introduction,  ac- 
tion ou  discours  qui  précède.  C'est,  en  effet,  pour  précé- 
der le  Canon  et  pour  y  préparer,  que  l'Eglise  fait  dire  la 
Préface  immédiatement  avant  de  commencer  les  prières 
qui  le  composent.  Elle  a  voulu,  en  mettant  une  préface 
avant  l'action  par  excellence,  imiter  Jésus-Christ,  qui 
commence  par  rendre  grAces  à  son  Père  avant  de  res- 
susciter Lazare,  et  avant  de  changer  le  pain  en  son 
corps,  et  e  vin  en  son  sang. 


404  CATÉCHISME 

La  Préface  est  un  chant  de  triomphe  et  de  gloire; 
c'est  une  invitation  à  élever  son  cœur  vers  Dieu  et  à 
s'unir  aux  hiérarchies  des  Anges  pour  le  louer  et  le 
bénir.  Elle  est  de  toute  antiquité  dans  l'Eglise,  et  vient 
probablement  des  Apôtres  '.  Saint  Cyprien  exprime  clai- 
rement le  motif  qui  l'a  fait  instituer  :  «  Le  prêtre,  avant 
de  commencer  la  prière  (  le  Canon  est  la  prière  par 
excellence),  prépare  l'esprit  des  frères  par  cette  préface, 
Sur-sum  corda,  en  haut  les  cœurs,  afin  que  le  peuple 
soit  averti  par  sa  propre  réponse  :  Habemus  ad  Domi- 
mun  :  Nous  les  tenons  élevés  vers  le  Seigneur,  de  l'obli- 
gation où  il  est  de  ne  s'occuper  que  de  Dieu  seul  -.  » 
On  compte  généralement  onze  préfaces  qui  remontent 
à  une  plus  ou  moins  haute  antiquité  :  la  préface  com- 
mune pour  tous  les  jours  qui  n'en  ont  pas  de  propre  ; 
celle  de  Noël,  de  l'Epiphanie,  du  Carême,  de  Pâque, 
de  l'Ascension,  de  In  Pentecôte,  de  la  Trinité,  des  Apô- 
tres, de  la  Croix  et  de  la  sainte  Vierge.  Les  églises  par- 
ticulières en  ont  ajouté  quelques  autres,  d'une  date 
moins  ancienne  '. 

Le  prêtre  a  quitté  le  peuple;  il  a  pris  congé  de  lui 
en  lui  faisant  de  solennels  adieux  et  se  recommandant 
à  ses  prières.  Nouveau  Moïse,  il  est  entré  dans  le  sanc- 
tuaire pour  n'en  plus  sortir  que  le  grand  mystère  de 
notre  rédemption  ne  soit  consommé.  Pour  marquer 
d'une  manière  sensible  cette  séparation  mystérieuse, 

•  s   Augustin,  Epist.  ad  Januar,  c,  54. 

•  De  Or.it.  Domini. 
"  C-  su;  .  t.  i. 


DE   PERSÉVÉRANCK.  405 

on  tirait  aulrefois  des  rideaux  avant  la  Préface,  et  on 
fermait  les  portes  qui  séparaient  le  sanctuaire  du  reste 
de  l'église  '  ;  on  ne  les  rouvrait  qu'au  moment  de  la 
communion. 

C'est  du  fond  de  celte  solitude  redoutable  que  le 
prêtre,  après  avoir  appelé  la  bénédiction  de  Dieu  sur  les 
offrandes  des  fidèles,  élève  tout  à  coup  la  voix  pour 
entonner  l'hymne  de  l'éternité  :  Per  omnia,  secula 
seculorum  iDans  tous  les  siècles  des  siècles.  Gomme  s'il 
disait  :  Le  Seigneur  accepte  vos  dons,  il  agrée  le  sacri- 
fice, le  sacrifice  qui  va  devenir  pour  vous  une  source 
de  bénédictions;  comment  m'aurait-il  refusé?  je  l'ai 
prié  au  nom  de  son  Fils  adorable,  qu'il  exauce  toujours, 
et  qui  vit  et  règne  avec  lui  dans  tous  les  siècles  des 
siècles.  Le  peuple,  partageant  la  joie  du  prêtre,  s'em- 
presse de  répondre  :  Amen,  qu^il  soit  ainsi.  Nous  con- 
sentons à  l'oblatioii  que  vous  venez  de  présenter,  et 
dont  nous  sommes  les  victimes;  nous  sommes  heu- 
reux que  le  Seigneur  daigne  l'agréer  :  Amen,  qu'il  soit 
ainsi.  Et  les  voûtes  du  temple  retentissent  de  celte  pro- 
testation solennelle,  et  les  échos  de  la  Jérusalem  d'en 
haut  la  redisent  aux  Anges  attendris.  Ici  commence 
entre  le  prêtre  et  les  fidèles  un  dialogue  à  la  beauté 
duquel  ajoute  encore  le  chant  inimitable  qui  l'accom- 
pagne^. 

Que  le  Seigneur  soit  avec  vous,  dit  le  prêtre  du  fond 


'  Liturg.  de  S.  Jacques,  de  S.  Hasile  et  de  6'.  Chry.sost. 
'^  Concilior,  t.  4. 


CATECUISME 

du  sanctuaire;  préparez-vous,  de  grandes  choses  vont 
s'accomplir. 

Qu'il  soit  aussi  avec  votre  esprit,  répond  le  peuple  : 
plus  que  jamais  son  assistance  vous  est  nécessaire. 

En  haut  les  cœurs,  dit  le  prêtre.  0  Dieu!  quand  on 
pense  que  cette  admirable  invitation  est  sortie  mille 
fois  de  la  bouche  des  Chrysostôme,  des  Ambroise,  des 
Basile,  des  Augustin,  et  qu'elle  a  retenti  aux  oreilles  de 
millions  de  Saints  et  de  Martyrs;  quand  on  pense  aux 
impressions  qu'elle  a  produites  sur  celte  multitude  de 
cœurs,  avec  quel  respect  profond  ne  devons-nous  pas 
l'écouter,  avec  quelle  ferveur  ne  devons-nous  pas  ré- 
pondre ! 

Nous  les  tenons  élevés  vers  le  Seigneur.  Cela  est-il 
vrai?  nos  cœurs  sont-ils  bien  réellement  dégagés  des 
affections  terrestres?  Dans  ce  moment  solennel  avons- 
nous  oublié,  et  nos  plaisirs,  et  nos  affaires,  et  les  baga- 
telles qui  nous  amusent?  Le  ciel  qui  va  s'ouvrir,  la  vic- 
time qui  va  descendre  sont-ils  tout  pour  nous?  Hélas! 
que  dis-je?  sont-ils  quelque  chose  pour  nous?  L'Église 
le  désire,  le  prêtre  aime  à  le  croire,  c'est  pourquoi  il 
ajoute  : 

Rendons  grâces  au  Seigneur  notre  Dieu,  et  pour  celte 
heureuse  disposition,  et  pour  les  bienfaits  dont  il  nous 
a  comblés  jusqu'à  présent,  et  pour  les  faveurs  signalées 
qu'il  s'apprête  à  nous  accorder  encore.  Et  les  fidèles, 
dans  un  transport  de  reconnaissance  et  d'amour,  répon- 
dent par  acclamation  : 

Il  est  juste  et  raisonnable. 


DE    PEKSÉVÉRANCE.  ^&1 

Assuré  des  dispositions  des  assistants,  dont  il  vient 
en  quelque  sorte  de  recueillir  les  suffrages,  le  prêtre  se 
trouve  chargé  de  tous  les  vœux  ;  il  devient  l'interprète 
de  tous  les  cœurs,  et,  répétant  la  réponse  du  peuple,  il 
la  porte  aux  pieds  du  trône  de  Dieu.  Aux  motifs  de 
justice  qui  nous  engagent  à  rendre  grâces  à  Dieu,  il 
ajoute  des  motifs  d'intérêt  :  Rendre  grâces  au  Seigneur, 
dit-il,  estime  chose  vraiment  digne  et  juste,  équitable 
et  salutaire  en  tout  temps  et  en  tout  lieu;  et  pour  le 
prouver  le  prêtre  rappelle  la  sainteté,  la  puissance,  la 
bonté  infinie  de  Dieu:  Pater  omnipotens,œterne Deus. 
Dans  chaque  fête  il  signale  quelques-uns  de  ses  bien- 
faits analogues  à  la  circonstance,  puis  il  ajoute  l'éter- 
nelle et  sublime  conclusion  de  toutes  les  prières  catho- 
liques :  Per  Jesum  Christum.  Toutes  ces  actions  de 
grâces  nous  les  rendons  par  Jésus-Christ.   Médiateur 
entre  la  Jérusalem  terrestre  et  la  Jérusalem  céleste. 
Dieu  par  nature,  homme  par  obéissance,  roi  du  ciel, 
Seigneur  du  genre  humain,  Dominum  nostrum,  c'est 
lui  qui  a  délié  notre  langue  pour  la  mettre  en  état  de 
louer  Dieu,  c'est  lui  qui  associe  notre  voix  à  la  voix  des 
esprits  bienheureux;  et  c'est  par  lui  que  toute  la  milice 
céleste  rend  à  Dieu  des  hommages  proportionnés  au 
rang  que  lui  a  marqué  l'Éternel  :  Per  quem  majesta* 
tem  tuam.  Alors,  ô  moment  solennel  !  des  cantiques 
des  Anges  et  des  cantiques  des  hommes  il  se  forme  un 
seul  cantique,  une  seule  voix  qui  redit  et  qui  redira 
éternellement:  Saint,  saint,  saint  est  le  Seigneur  Dieu 
des  armées  :  Sanctus,  sanclus,  etc. 


408  CATÉCHISME 

Le  Sanclus  est  une  hymne  que  la  terre  doit  au  ciel. 
Isaïe,  ravi  en  esprit,  l'entendit  chanter  alternativement 
par  les  Séraphins,  et  saint  Jean  dit  que  les  Saints  en 
feront  retentir  éternellement  la  Jérusalem  céleste'.  Le 
Sanctus  est  donc  un  de  ces  refrains  sublimes  que  l'Eglise 
triomphante  a  envoyés  à  sa  sœur,  l'Église  militante, 
pour  qu'elle  apprenne  à  le  bégayer  dans  l'exil,  et  qu'en 
le  bégayant  elle  se  consohH  dans  l'espérance  de  le  chan- 
ter un  jour.  Le  Sanclus  se  trouve  dans  les  plus  anciennes 
Liturgies  ^ 

En  disant  le  Sanctus  le  prêtre  baisse  le  ton,  et  parce 
que  cette  variété  soulage  celui  qui  récite,  et  parce  qu'elle 
réveille  l'attention  ;  il  le  prononce  néanmoins  d'une  voix 
intelligible,  parce  que  le  peuple  a  toujours  été  invité 
à  dire  ce  cantique  ^  ;  de  là  vient  qu'aux  grand'messes  il 
est  encore  répété  par  le  chœur.  Pour  marquer  un  plus 
profond  respect  en  récitant  le  Sanctus^  le  prêtre  joint 
les  mains  et  se  tient  incliné.  On  sonne  une  clochette 
pour  avertir  les  assistants  que  le  prêtre  va  entrer  dans 
la  grande  prière  du  Canon  qui  doit  opérer  la  consécra- 
tion du  corps  de  Jésus-Christ. 

Le  Sanctus  se  termine  par  ces  paroles  :  Hosanna  in 
exceîsis  :  Sauvez-7wus,  je  vous  prie,  vous  qui  habitez 
les  hauteurs  des  deux.  Hosanna,  cri  de  joie,  acclamation 
pleine  d'énergie,  est  un  mol  hébreu  comme  amen  et 
alléluia,  que  l'Église  a  consacré  sans  le  traduire. 

*  Apoc,  IV,  8. 

*  Liturg.  de  S.  Jacques.  S.  Cyril.,  Catéch.,  myst.  5. 

*  S.  Greg.  Nyss,,  Orat  de  non  diff.  Baptism. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  409 

En  disant  ces  derniers  mois,  le  prêtre  se  redresse  et 
fait  sur  lui  le  signe  de  la  croix,  parce  que  c'est  par  la 
vertu  de  la  croix  que  nous  avons  part  aux  bénédictions 
que  Jésus-Christ  est  venu  répandre  sur  la  terre.  Suit 
immédiatement  le  Canon, 

Le  mot  canon  veut  dire  règle.  Ce  nom  a  été  donné 
à  la  prière  de  la  messe  qui  commence  par  ces  mots  : 
Te  igitw\  et  qui  s'étend  jusqu'au  Pater,  parce  qu'elle 
renferme  toutes  les  prières  prescrites  par  l'Église  pour 
offrir  le  saint  sacrifice ,  et  qu'on  ne  doit  jamais 
changer. 

Les  prières  du  Canon  sont  de  toute  antiquité  ',  el  le 
concile  de  Trente  dit  avec  raison  qu'elles  sont  composées 
des  paroles  mêmes  de  Notre-Seiyneur,  des  traditions 
des  Apôtreset  des  pieuses  institutions  des  saints  papes '^. 
Les  Pères  appellent  aussi  le  Canon  la  prière,  c'est-à- 
dire  la  prière  par  excellence,  parce  qu'on  y  demande  le 
plus  grand  de  tous  les  dons,  qui  est  Jésus-Christ  ;  Vac- 
ttOH,c'est-ci-dire  l'action  par  excellence,  parce  que  c'est 
dans  cette  partie  de  la  messe  que  s'accomplit  la  plus 
sublime  action  qui  se  puisse  concevoir  '-\  L'action  par 
excellence,  c'est  le  sacrifice;  aussi,  dans  les  langues 
anciennes,  agir  et  sacrifier,  action  et  sacrifice  s'expri- 
ment par  le  même  mot. 

Le  Canon  est,  dans  le  corps  des  prières  catholiques, 

'  Vigil.  papa,  Epist.  ad  prœfect.  Jirucar.  Cypr.,  de  Ornt,  dont. 
lODOC.  I,  Epist  ad  Décent. 
■  Sess.  22,  c.  18  et  c.  4. 
*  Strab.,  de  Reb.  eccl.,  c.  22. 


410  CATÉCHISME 

ce  qu'il  y  a  de  plus  excellent  et  de  pins  ancien  :  on  ne 
peut  citer  un  temps  dans  l'Eglise  où  le  saint  sacrifice  se 
soit  offert  avec  d'autres  prières.  Dès  lors  quelle  vénéra- 
tion n'exigent  pas  dans  la  foi  des  paroles  que  nos  pères 
ont  prononcées  avant  nous  !  des  prières  dont  ils  faisaient 
leur  unique  consolation,  et  qui,  pendant  les  persécu- 
tions, attiraient  sur  eux  la  force  et  le  courage  néces- 
saires pour  résister  aux  tyrans,  subir  los  tortures  et 
répandre  leur  sang  pour  la  religion. 

Lors  donc  que  le  prêtre  a  fini  le  Sanctus,  il  élève  les 
yeux  et  les  mains  au  ciel.  C'est  pour  imiter  le  Sauveur, 
qui,  avant  d'opérer  ses  miracles,  s'adressait  au  Père 
qui  règne  dans  les  cieux.  Mais  bientôt  il  baisse  les  yeux, 
joint  les  mains,  et  s'incline  pour  prendre  la  posture  d'un 
suppliante  Ensuite  il  baise  l'autel  qui  représente  Jésus- 
Christ,  pour  lui  exprimer  son  amour  et  son  respect,  et 
lui  demander  qu'il  donne  à  sa  prière  d'être  puissante 
sur  le  cœur  de  Dieu,  et  il  dit  :  «  Nous  vous  supplions 
donc.  Père  très-clément,  et  nous  vous  conjurons,  par 
notre  Seigneur  Jésus -Christ  votre  Fils,  d'avoir  pour 
agréables  et  de  bénir  ces  dons,  ces  offrandes,  ces  sacri- 
fices saints  et  sans  tache  que  nous  offrons  premièrement 
pour  votre  sainte  Eglise  catholique,  afin  qu'il  vous  plaise 
de  lui  donner  la  paix,  de  la  conserver,  de  la  maintenir 
dans  l'union,  et  de  la  gouverner  par  toute  la  terre,  et 
avec  elle  votre  serviteur  notre  pape  N. ,  et  notre  évê- 
que  N.,  ei  noire  roi  N.,  et  tous  ceux  dont  la  créance  est 
orthodoxe ,  et  qui  font  profession  de  la  foi  catholique 
et  apostolique.  » 


DE   PERSÉVÉRANCE.  tll 

Ces  mois,  nous  vous  supplions  donc,  marquent  dis- 
tinctement que  cette  prière  est  la  suite  des  précédentes. 
Les  fidèles  ont  déclaré  dans  la  Préface  qu'ils  tenaient 
leurs  cœurs  en  haut,  qu'ils  unissaient  leurs  volontés  et 
leurs  voix  aux  Anges  et  aux  Saints  pour  rendre  gloire 
â  Dieu,  et  le  prêtre  conclut  qu'il  est  temps  de  deman- 
der au  Seigneur  la  bénédiction  et  la  consécration  du 
sacrifice. 

Eh  disant  ces  dons,  ces  offrandes,  ces  sacrifices 
saints  et  sans  tache,  le  prêtre  fait  trois  fois  le  signe  de 
la  croix  sur  le  calice  et  sur  l'hostie,  pour  montrer  que 
c'est  par  les  mérites  de  la  croix  de  Jésus-Christ  qu'il 
demande  à  Dieu  de  bénir  le  pain  et  le  vin,  et  de  le  chan- 
ger au  corps  et  au  sang  du  Sauveur,  comme  des  dons  qui 
viennent  de  lui,  comme  des  présents  que  nous  lui  offrons, 
comme  la  matière  du  sacrifice  pur  et  sans  tache  qui  va 
lui  être  fait. 

Pendant  le  reste  de  cette  prière  le  prêtre  tient  les 
mains  étendues  à  la  hauteur  des  épaules  :  ne  vous 
semble-t-il  pas  voir  Moïse  sur  la  montagne,  Jésus- 
Christ  sur  la  croix,  nos  pères  dans  les  catacombes? 
c'est  ainsi  qu'ils  priaient.  Ce  spectacle  si  riche  de  sou- 
venirs ne  dira-t-il  rien  à  notre  cœur? 

Dans  la  première  prière  du  Canon,  l'Eglise  exprime 
le  but  qu'elle  se  propose  en  offrant  l'auguste  sacrifice  : 
la  paix  et  l'union  parmi  ses  enfants;  la  conservation  du 
souverain  pontife,  centre  de  l'unité  catholique,  et  repré- 
sentant de  Jésus-Christ  sur  la  terre  ;  celle  de  l'évêque  du 
lieu,  parce  qu'il  est  établi  pour  conduire  une  partie  du 


412  CATÉCHISME 

troupeau  ;  celle  du  roi,  qui  est  l'évêque  du  dehors  ;  enfin 
la  grâce  h  tous  ceux  qui  professent  la  foi  catholique  et 
apostolique.  Pendant  cette  prière,  les  fidèles  s'unissent 
aux  prêtres  pour  demander  à  Dieu  qu'il  agrée  leurs 
dons,  qu'il  exalte  sa  sainte  Eglise,  et  qu'il  accorde  à  ses 
enfants  de  passer  une  vie  paisible  et  tranquille  sous  la 
conduite  de  ceux  qu'il  a  appelés  à  les  gouverner'. 

Après  avoir  rappelé  la  fin  principale  pour  laquelle  le 
sacrifice  est  offert  et  prié  pour  toute  l'Eglise,  le  prêtre 
récite  la  seconde  prière  du  Canon  dans  laquelle  il 
recommande  à  Dieu  tous  les  assistants,  et  en  particu- 
lier ceux  pour  qui  il  va  offrir  la  sainte  victime  :  «  Sou- 
venez-vous, Seigneur,  dit-il,  de  vos  serviteurs  et  de  vos 
servantes  N.  N.  (Ici  il  s'arrête  pour  les  désigner),  et  de 
tous  ceux  qui  sont  ici  présents,  dont  vous  connaissez  la 
foi  et  la  dévotion,  pour  qui  nous  vous  offrons  ou  qui 
vous  offrent  ce  sacrifice  de  louanges  pour  eux-mêmes, 
pour  tous  ceux  qui  leur  appartiennent,  pour  la  rédemp- 
tion de  leurs  âmes,  pour  l'espérance  de  leur  salut  et  de 
leur  conservation,  et  qui  vous  rendent  leurs  vœux,  Dieu 
éternel,  vivant  et  véritable.  » 

Reconnaissez-vous  dans  cette  prière  le  cœur  ma- 
ternel de  l'Eglise?  Santé  de  l'âme  et  du  corps,  paix, 
union,  charité,  salut  éternel  pour  tous  ses  enfants  : 
voilà  ce  qu'elle  demande  à  son  divin  époux  ;  voilà  ce 
qu'elle  veut  que  nous  demandions  les  uns  pour  les  au- 
tres. Mais  ce  n'est  pas  assez  pour  sa  tendresse  :  après 
avoir  réuni  tous  ses  enfants  qui  voyagent  encore  avec  elle 

'  Lebrun,  art.  11,  p.  412  et  suiv. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  413 

sur  celte  terre,  après  leur  avoir  dit  de  ne  former  tous 
entre  eux  qu'un  cœur  et  qu'une  âme,  après  les  avoir 
mis  en  quelque  sorte  sous  ses  ailes,  comme  la  poule  y 
met  ses  poussins,  cette  tendre  mère  nous  avertit  d'é- 
lever nos  yeux  avec  elle  ;  de  contempler  nos  frères  qui 
régnent  dans  les  cieux,  qui  nous  tendent  les  bras,  et  les 
anges  qui  se  préparent  à  mettre  nos  prières  dans  leurs 
encensoirs  d'or,  pour  les  présenter  au  Seigneur  comme 
un  parfum  d'agréable  odeur. 

Elle  nous  rappelle  donc  le  dogme  consolant  de  la 
communion  des  saints  qui  ne  fait  des  Chrétiens  de  la 
terre  et  des  Chrétiens  du  ciel  qu'une  seule  famille  dont 
les  intérêts  sont  communs.  Mes  bien-aimés,  nous  dit- 
elle,  vous  que  j'enfante  maintenant  à. lésus-Christ,  vous 
êtes  en  communion  avec  vos  frères  aînés  :  leurs  prières 
appuieront  les  vôtres  :  votre  sacrifice  est  le  leur.  Et  la 
voilà  qui  se  met  à  nous  réciter  le  nom  de  quelques-uns 
de  ces  illustres  habitants  des  cieux  :  celui  de  Marie  noire 
mère  et  la  mère  de  Jésus -Christ  notre  frère  ;  celui  des 
Apôtres  et  de  quelques  martyrs.  «  Etant  en  communion, 
dit  le  ministre  sacré,  et  honorant  la  mémoire,  en  pre- 
mier lieu,  de  la  glorieuse  Marie,  toujours  vierge,  mère 
de  Jésus-Christ,  notre  Dieu  et  notre  Seigneur,  et  de 
vos  bienheureux  Apôtres  et  Martyrs,  Pierre  et  Paul, 
André,  Jacques,  Jean,  Thomas,  Jacques,  Philippe,  Bar- 
Ihélemi,  Matthieu,  Simon  et  Thaddée;  Lin,  Ciel,  Clé- 
ment, Xisle,  Corneille,  Cyprien,  Laurent,  Chrysogone, 
Jean  et  Paul,  Côme  et  Damiens,  et  de  vos  saints,  aux 
mérites  et  aux  prières  desquels  daignez  accorder  qu'en 


4t4  CATÉCHISME 

toutes  choses  nous  soyons  munis  du  secours  de  votre 
protection,  par  le  naôrae  Jésus-Christ  notre  Seigneur. 
Amen,  qu'il  soit  ainsi. 

Pendant  cette  prière,  le  prêtre  lient  les  mains  éle- 
vées, et  il  fait  une  inclination  par  respect,  aux  noms  de 
Jésus  et  de  Marie. 

Il  semble  qu'il  suffisait,  sans  nommer  un  aussi  grand 
nombre  de  bienheureux,  de  dire  :  Honorant  la  mé- 
moire de  vos  saints,  aux  mérites  et  aux  prières  des- 
quels daignez  accorder,  etc.;  mais  l'Eglise  a  voulu 
perpétuer  le  souvenir  d'un  usage  précieux  des  premier^ 
sifîcles. 

11  y  avait  autrefois  dans  chaque  église  trois  cata- 
logues ou  dyptiques  qu'on  conservait  avec  beaucoup 
de  soin.  Le  moi  dyptique  veut  dire  tables  pliées  en 
deux. 

Sur  le  premier  dyptique  on  écrivait  le  nom  de  la  sainte 
Vierge,  des  Saints,  des  Apôtres  et  surtout  des  Martyrs; 
plus  tard  on  y  inséra  aussi  le  nom  des  évêques  morts  en 
odeur  de  sainteté.  Quand  on  voulait  déclarer  un  homme 
saint,  on  mettait  son  nom  sur  le  dyptique  des  saints. 
De  là  est  venu  le  mot  canoniser,  parce  qu'on  le  récitait 
pendant  le  Canon. 

Sur  le  second  on  mettait  le  nom  des  fidèles  qui  vi- 
vaient encore  et  qui  étaient  recommandables  par  leur 
dignité ,  ou  par  les  services  qu'ils  avaient  rendus  ^ 
l'Eglise  ;  ce  catalogue  renfermait  les  noms  du  pape,  du 
patriarche,  de  l'évêque,  du  clergé  du  diocèse,  des  rois, 
des  princes,  des  magistrats,  etc. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  415 

Sur  le  troisième  on  inscrivait  les  noms  des  fidèles 
morts  dans  la  communion  de  l'Eglise. 

Ces  trois  catalogues  étaient  publiquement  récités  à 
l'église  pendant  le  saint  sacrifice  de  la  messe  par  le 
prêtre,  ou  par  un  diacre,  ou  par  un  sous-diacre. 

De  cet  antique  usage,  nous  avons  conservé  des  ves- 
tiges. Au  commencement  du  Canon  nous  récitons  les 
noms  du  pape,  de  l'évêque,  du  roi,  etc.;  au  premier 
Mémento,  les  noms  des  vivants  ;  au  second,  les  noms 
des  morts;  et  avant  et  après  la  consécration,  les  noms 
des  principaux  saints  de  l'Eglise.  Au  prône  on  trouve 
encore  les  restes  de  la  même  tradition.  On  y  prie  pour 
les  vivants  et  pour  les  morts,  on  nomme  les  uns  et  les 
autres.  A  notre  avis,  rien  n'est  plus  touchant  et  plus 
charitable  *.  Voyez  comme  dans  toute  notre  liturgie 
respire  la  grande  vertu  du  christianisme,  la  vertu  qui 
a  civilisé  le  monde,  la  vertu  qui  fait  encore  la  force  des 
Etals,  le  bonheur  des  familles  et  le  charme  de  la  vie,  la 
charité. 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
des  grandes  leçons  de  ferveur  et  de  charité  que  vous 
me  donnez  dans  les  prières  du  saint  sacrifice  ;  aidez- 
moi  à  les  bien  comprendre  et  à  les  réciter  comme  les 
premiers  Chrétiens. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 

V  f'oy.  M.  Thirat,  p.  332;  Lebrun,  p.  410. 


416  CATÉCHISME 

(le  Dieu  ;  el,  en  témoignage  de  cet  amour,  j'assisterai 
à  (a  messe  en  esprit  de  victime. 

PETIT  CATÉCHISME. 

LE    CHRISTIANISME    RENDU    SENSIBLE. 

Troisième  et  quatrième  partie  de  la  messe. 

Q.  Quelle  prière  fait  le  prêtre  après  le  lavement  des 
mains? 

R.  Après  le  lavement  des  mains  le  prêtre  revient  au 
milieu  de  l'autel,  élève  les  yeux  au  ciel  et  supplie  la 
sainte  Trinité  d'agréer  le  sacrifice  qu'il  offre  à  sa  gloire, 
et  pour  la  remercier  des  faveurs  accordées  aux  saints 
dont  il  implore  la  protection. 

Q.  Que  fait-il  ensuite? 

R.  Ensuite  il  baise  l'autel,  se  tourne  vers  le  peuple 
et  lui  dit  :  Priez,  mes  frères.  C'est  pour  prendre  congé 
des  assistants,  avant  d'entrer  dans  le  sanctuaire,  et 
commencer  la  grande  action  du  sacrifice.  En  ce  moment 
on  tirait  autrefois  des  rideaux  qui  cachaient  le  prêtre 
el  l'autel,  on  ne  les  rouvrait  qu'après  la  communion. 
Le  peuple  répond  en  conjurant  le  Seigneur  de  recevoir 
le  sacrifice  que  le  prêtre  va  lui  offrir.  Le  prêtre  dit  en- 
suite la  Secrète. 

Q.  Qu'est-ce  que  la  Secrète? 

R.  La  Secrète  est  une  prière  par  laquelle  le  prêtre 
demande  à  Dieu  qu'il  veuille  bénir  les  dons  des  fidèles 
el  les  fidèles  eux-mêmes,  afin  qu'ils  lui  soient  un  sa- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  417 

crifice  agréable.  Celle  prière  s'appelle  Secrèle  parce 
que  le  prêtre  la  récite  à  voix  basse.  Ici  commence  la 
quatrième  partie  de  la  messe  qui  s'étend  jusqu'au  Pater. 
Le  prêtre  termine  la  Secrèle  en  élevant  la  voix  et  disant  : 
Dans  tous  les  siècles  des  siècles  :  il  vient  de  prier  au 
nom  de  Jésus-Christ  fils  de  Dieu  et  notre  Sauveur,  qui 
vit  aux  siècles  des  siècles,  il  en  avertit  les  fidèles,  afin 
d'animer  leur  confiance,  et  les  fidèles  répondent  Amen, 
qu'il  soit  ainsi  :  nous  consentons  à  tout  ce  que  vous 
venez  de  demander  pour  nous. 

Q.  Qu'est-ce  que  la  Préface  ? 

R.  La  Préface  est  une  introduction  à  la  grande  prière 
qu'on  appelle  le  Canon.  L'Eglise  nous  y  invite  à  rendre 
gloire  à  Dieu  d'avoir  bien  voulu  agréer  nos  offrandes  ; 
pour  l'en  remercier  dignement,  nous  nous  réunissons  à 
toute  la  cour  céleste,  et  nous  chantons  avec  elle  le  can- 
tique de  l'éternité  :  Saint,  saint,  saint  est  le  Seigneur, 
le  Dieu  des  armées  :  Hosanna  in  excelsis  veut  dire  : 
Sauvez-nous,  je  vous  prie,  vous  qui  êtes  au  plus  haut 
des  cieux.  C'est  alors  que  nous  devons  tous  unir  nos 
cœurs  à  ceux  des  Saints,  afin  d'être  prêts  à  recevoir  le 
Sauveur  quand  il  descendra  sur  l'autel. 

Q.  Qu'est-ce  que  le  Canon? 

R.  Le  mot  canoji  veut  dire  règle.  Le  Canon  de  la 
messe,  ce  sont  les  prières  prescrites  par  l'Eglise  pour 
offrir  le  saint  sacrifice  et  qu'il  n'est  pas  permis  de 
changer.  Le  Canon  est  de  toute  antiquité.  Il  se  com- 
pose des  paroles  mêmes  de  Noire-Seigneur,  des  tradi- 
tions apostoliques  et  de  quelques  mots  ajoutés  par  les 


X.  vu. 


418  CATÉCHISME 

souverains  pontifes.  Nous  devons  le  réciter  avec  un 
profond  respect  et  une  grande  confiance.  Dans  la  pre- 
mière prière  du  Canon  sont  marquées  les  fins  princi- 
pales pour  lesquelles  le  sacrifice  est  offert  :  la  gloire  de 
Dieu,  le  bien  de  l'Eglise  catholique  ;  dans  la  seconde 
on  nomme  les  personnes  qui  ont  une  part  principale  à 
la  messe,  ceux  pour  qui  on  l'offre  et  les  assistants; 
dans  la  troisième  l'Eglise  nous  rappelle  que  nous  som- 
mes en  communion  avec  toute  la  cour  céleste.  Elle 
nous  engage  à  ne  former  tous  qu'un  cœur  et  qu'une 
âme,  et  à  mettre  toute  notre  confiance  dans  l'interces- 
sion des  Saints.  Nous  devons  pendant  ce  temps-là  prier 
les  uns  pour  les  autres,  et  nous  unir  plus  spécialement 
aux  prières  de  la  sainte  Vierge  et  des  Saints. 

PRIÈRE. 

0  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
des  grandes  leçons  de  ferveur  et  de  charité  que  vous 
me  donnez  dans  les  prières  du  saint  sacrifice  ;  aidez- 
moi  à  les  bien  comprendre  et  à  les  réciter  comme  les 
premiers  Chrétiens. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  j'assisterai 
à  la  messe  en  esprit  de  victime. 


o/'-\o 


DE    PERSÉVÉRANCr:.  419 


XXI'    LEÇON. 

LE    CHRISTIANISME    RENDU    SENSIBLE. 

Quatrième  partie  de  la  messe  (suite).  —  Consécration.  —  Eléva- 
tion. —  Prières  qui  la  suivent. 

Dans  la  prière  précédent  l'H^ise  de  la  terre  est 
entrée  en  communion  avec  l'Eglise  du  ciel  ;  les  deuv 
sœurs  sont  réunies  pour  offrir  le  grand  sacrifice  qui  les 
réjouit  l'une  et  l'autre.  Le  prêtre  est  leur  ministre  ;  en 
leur  nom  il  va  prendre  possession  de  la  victime  :  le  voici 
qui  étend  les  mains  sur  le  calice  et  sur  l'hostie.  Et  cette 
importante  cérémonie  vous  reporte  à  trois  raille  ans. 
Vous  voyez  sous  vos  yeux  Aaron  et  les  anciens  pontifes, 
successeurs  d' Aaron,  étendant  les  mains  sur  la  tête  des 
victimes,  en  prendre  possession  au  nom  de  Dieu,  et 
exprimant  par  ce  signe  que  l'animal, dont  le  sang  allait 
couler,  était  substitué  à  leur  place,  à  la  place  de  l'homme 
coupable  et  digne  de  mort.  Ainsi  fait  le  prêtre  catho- 
lique. 

Mais  ce  n'est  plus  sur  une  victime  figurative  qu'il 
étend  les  mains,  c'est  sur  la  victime  véritable  at- 
tendue pendant  quarante  siècles  ;  et,  comme  celles 
d' Aaron,  ses  mains  étendues  disent  que  c'est  lui 
qui  est  coupable,  lui  qui  doit  être  sacrifié  à  la 
place  de  la  victime  innocente.  Oh!  dans  quels  senti- 


420  CATÉCHISME 

ments,  prêtres  et  fidèles,  ne  devons -nous  pas  nous 
unir  à  cette  prière  !  quel  saint  tremblement  doit  nous 
saisir,  quand  nous  voyons  cette  redoutable  cérémonie  et 
que  nous  entendons  ces  paroles  par  lesquelles  la  sainteté 
de  Dieu  s'empare  de  la  victime  :  Les  voici  :  Hanc 
igitur,  etc.  !  «  Nous  vous  prions  donc,  Seigneur,  de  re- 
cevoir favorablement  cette  offrande  de  notre  servitude 
et  de  toute  votre  famille,  d'établir  nos  jours  dans  votre 
paix,  de  nous  prései^r  de  la  damnation  éternelle  et  de 
nous  mettre  au  nombre  de  vos  élus,  par  notre  Seigneur- 
Jésus-Christ.  Ainsi  soit-il.  » 

Le  prêtre  dit  de  notre  servitude.  Ces  paroles  signi- 
fient les  prêtres  qui  sont  plus  que  les  fidèles,  la  servi- 
tude ou  les  serviteurs  de  Dieu  ^ 

La  paix  en  ce  monde,  l'exemption  du  péché,  le  salut 
éternel,  voilà  les  avantages  que  nous  attendons  du  sa- 
crifice et  que  nous  exprimons  |dans  celte  prière.  De- 
mandons-les avec  confiance ,  le  sang  de  l'auguste 
victime  est  assez  puissant  pour  nous  les  obtenir. 

Le  ministre  sacré  a  pris  possession  de  la  victime  ;  il 
retire  ses  mains,  les  joint  en  signe  d'humilité,  car  il  va 
solliciter  le  plus  grand  des  miracles.  C'est  par  anticipa- 
tion qu'il  a  pris  possession  de  la  victime  ;  car  jusqu'ici 
il  n'y  a  sur  l'autel  que  du  pain  et  du  vin,  éléments  du 
sacrifice.  Il  s'agit  d'obtenir  leur  transubstantiation  au 
corps  et  au  sang  de  l'Homme-Dieu.  Le  prêtre  donc, 
recueillant  les  pensées  de  sa  foi,  s'arme  du  pouvoir 

•  LebruD,  p.  441. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  421 

sublime  dont  il  a  été  revêtu,  et,  s'adressant  au  Créateur 
des  mondes,  il  lui  dit  de  prononcer,  suivant  sa  promesse, 
sur  le  pain  et  le  vin,  pour  les  changer  au  corps  et  au 
sang  de  Jésus-Christ,  le  fiât  tout-puissant  qui  fit  jaillir 
la  lumière  et  qui  créa  l'univers  :  «  Nous  vous  prions 
donc,  ô  Dieu,  lui  dit-il,  qu'il  vous  plaise  de  faire  que 
celte  oblation  soit  en  toutes  choses  bénie,  admise,  rati- 
fiée, raisonnable  et  agréable,  afin  qu'elle  devienne  pour 
nous  (fiât)  le  corps  et  le  sang  de  votre  très-cher  fils 
notre  Seigneur  Jésus-Christ.  » 

Cette  prière  renferme  un  sens  profond  qu'il  faut 
expliquer.  Nous  demandons  que  cette  oblation  soit 
bénie  en  toutes  choses,  c'est-à-dire  entièrement,  par- 
faitement bénie  ;  en  d'autres  termes,  changée  au  corps 
et  au  sang  du  Sauveur,  ce  qui  est  la  bénédiction  par 
excellence;  et  qu'ainsi  la  divine  victime,  la  victime  es- 
sentiellement bénite,  nous  communique  toutes  ses  bé- 
nédictions. L'Eglise  renferme  en  général  tout  ce  qu'elle 
peut  souhaiter  touchant  l'oblation  de  l'autel,  en  deman- 
dant qu'elle  soit  bénie  en  toutes  choses  ;  mais,  pour  mieux 
marquer  celte  grande  grâce  qu'elle  attend,  elle  dé- 
taille par  les  quatre  mots  suivants  tout  ce  qu'elle  es- 
père de  Dieu. 

Admise,  qu'il  l'accepte,  qu'il  l'agrée,  et  que  l'obla- 
tion que  nous  faisons  de  nous-mêmes  ne  soit  pas  non  plus 
rejetée,  mais  admise  avec  celle  de  Jésus-Christ. 

Ratifiée,  qu'elle  devienne  une  victime  permanente, 
qui  ne  change  point  comme  les  anciens  sacrifices  des 
animaux,  qui  ont  été  révoqués,  et  que  notre  oblation 


422  CATÉCHISME 

soit  aussi  irrévocable,  de  sorte  que  nous  n'ayons  jamais 
le  malheur  de  nous  séparer  de  Dieu. 

Raisonnable.  Ici,  raison  humaine,  tais-toi;  adore 
dans  le  silence  celui  qui  d'un  mol  créa  l'univers,  et 
qui  peut  en  parlant  opérer  des  prodiges  plus  facilement 
que  tu  ne  parles  ta  pensée.  Nous  demandons  que  la  vic- 
time qui  est  sur  l'autel  devienne  une  victime  humaine, 
raisonnable,  et  même  la  seule  douée  de  raison,  la  rai- 
son par  excellence,  la  seule  digne  de  nous  réconcilier 
avec  Dieu  '  ;  car  toutes  les  victimes  dont  le  sang  coula 
sur  les  autels  du  monde  antique  durant  quarante  siè- 
cles n'étaient  pas  raisonnables,  n'étaient  dignes  ni  de 
l'homme,  ni  de  Dieu. 

Agréable,  c'est-à-dire  que  l'oblation  de  l'autel  de- 
vienne le  corps  et  le  sang  du  Fils  bien-aimé,  en  qui  le 
Seigneur  a  mis  toutes  ses  complaisances. 

Nous  ne  demandons  pas  seulement  que  cette  obla- 
tion  devienne  tout  cela,  mais  même  qu'elle  le  devienne 
pour  nous,  pour  notre  bien. 

Et  ces  prodiges  de  puissance  et  de  bonté,  voyez-vous 
avec  quelle  simplicité  de  paroles  l'Eglise  les  demande  ! 
Avec  autant  de  simplicité  que  l'Ecriture  exprime  le 
plus  grand  des  miracles  dans  Tordre  de  la  nature,  la 
création  :  Fiat  lux  :  Que  la  lumière  soit;  le  plus  grand 
dans  l'ordre  religieux,  l'incarnation:  Qu'il  soit  fait  se- 
lon votre  parole,  l'Eglise  demande  le  prodige  qui  ren- 
ferme tous  les  autres,  le  grand  miracle  du  changement 
du  pain  et  du  vin  au  corps  et  au  sang  de  Jésus-Christ? 

'  Lebrun,  suprà.  Le  P.  de  Condrcn,  Idée  du  sacrifice. 


DE   PERSÉVÉRANCE.  423 

Que  cette  ablation  devienne  pour  nous  le  corps  et  le 
sang  de  votre  cher  fils  Notre-Seigneur  Jésus- Christ!... 
Est-ce  là  du  sublime?  Trouvez  quelque  chose  de  com- 
parable dans  les  auteurs  profanes!  Il  est  donc  vrai, Re- 
ligion sainte  !  vous  réunissez  tous  les  titres  à  l'amour 
du  Chrétien  et  à  l'admiration  de  l'homme  éclairé.  A 
chaque  page  de  votre  liturgie  comme  à  chacun  de  vos 
dogmes  et  de  vos  préceptes,  brille  le  cachet  de  votre 
céleste  origine. 

En  prononçant  les  prières  que  vous  venons  d'expli- 
quer, le  prêtre  fait  plusieurs  signes  de  croix,  pour  mar- 
quer que  c'est  au  nom  tout-puissant  de  Jésus-Christ 
qu'il  demande  le  miracle. 

Enfin  nous  voici  au  moment  où  le  Fils  de  Dieu,  l'é- 
ternel, le  fort,  le  tout-puissant,  le  créateur  des  mondes, 
va  se  rendre  obéissant  à  la  voix  d'un  mortel.  Le  prêtre 
essuie  sur  le  corporal  le  pouce  et  le  second  doigt  de 
chaque  main,  afin  d'en  ôter  l'humidité  ou  ia  poussière, 
et  de  les  mettre  plus  en  état  de  toucher  décemment  le 
corps  du  Seigneur.  Avec  les  doigts  qu'il  a  purifiés,  et 
qui  ont  été  consacrés  par  l'ordination,  il  prend  l'hostie, 
et  il  dit  avec  respect  et  piété,  d'un  ton  simple  et  uni, 
comme  faisaitle  Sauveur,  dont  il  tient  la  place,  lorsqu'il 
opérait  des  miracles  :  «  Qui  (Jésus-Christ),  la  veille  de 
sa  Passion,  prit  du  pain  dans  ses  mains  saintes  et  véné- 
rables, et  ayant  levé  les  yeux  au  ciel,  vers  vous,  ô  Dieu, 
son  Père  tout-puissant!  vous  rendant  grâces,  le  bénit,  le 
rompit,  et  le  donna  à  ses  Disciples  en  disant  :  Prenez  et 
mangez  ;  ceci  est  mon  corps.  »  . 


424  CATÉCHISME 

Le  miracle  est  accompli  !  Et  le  prêtre  tombe  à  ge- 
noux ;  et  les  assistants  se  prosternent;  et  la  cloche,  cette 
trompette  de  l'Eglise  militante,  avertit  au  loin  les  fidè- 
les d'adorer;  et  on  les  voyait  jadis,  au  bruit  de  l'airain 
sacré,  se  mettre  à  genoux  dans  les  maisons,  dans  les 
rues  et  dans  les  champs,  et  réciter  l'oraison  du  Seigneur. 
Cependant  le  prêtre  élève  le  corps  adorable  du  Fils  de 
Dieu  qui  vient  de  s'incarner  dans  ses  mains ,  et  à  ce 
moment  de  l'élévation,  les  anciennes  basiliques  étaient 
émues  :  on  ouvrait  les  portes  saintes,  on  tirait  les  ri- 
deaux qui  avaient  caché  le  sanctuaire  ;  et  saint  Chry- 
sostôme  disait  à  son  peuple  :  «  Regardez  l'intérieur  du 
sanctuaire  comme  l'intérieur  du  ciel,  pour  voir  des 
yeux  de  la  foi  Jésus-Christ  et  les  rhœurs  des  Anges 
prosternés  autour  de  l'Agneau'.  Considérez  la  table  du 
Roi  ;  les  Anges  en  sont  les  serviteurs  ;  le  Roi  s'y  trouve 
en  personne.  Si  vos  vêtements  sont  purs,  adorez  et  com- 
munie;^ *.  » 

Après  avoir  déposé  sur  le  corporal  le  corps  du  Sei- 
gneur, le  prêtre  continue:  «  De  même,  après  qu'on  eut 
soupe,  prenant  aussi  ce  précieux  calice  entre  ses  mains 
saintes  et  vénérables,  et  vous  rendant  pareillement  grâ- 
ces, il  le  bénit,  et  le  donna  à  ses  Disciples  en  disant  : 
a  Prenez  et  buvez-en  tous  ;  car  ceci  est  le  calice  de  mon 
sang,  le  sang  du  nouveau  et  éternel  Testament,  mys- 
tère de  foi',  qui  sera  répandu  pour  vous  et  pour  plu- 

'  Homil.  3  in  Epist.  ad  Ephes. 

2  Homil.  61  ad  pop.  Jntioch.  Alors  l'élévation  n'avait  lieu  qu'a- 
yant la  communion. 
'  Mystère  de  foi,  Paroles  du  Sauveur  conservées  par  la  tradition. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  425 

sieurs,  en  rémission  de  vos  péchés.  Toutes  les  fois  que 
vous  ferez  ces  choses,  vous  les  ferez  en  mémoire  de  moi.» 

Ces  dernières  paroles  sont  le  titre  du  pouvoir  du 
prêtre  et  la  preuve  éternelle  du  mystère  qu'il  vient 
d'accomplir.  Le  Tout-Puissant,  c'est-à-dire  celui  qui 
opère  ce  qu'il  veut  en  parlant,  lui  a  dit  :  «  Vous  ferez 
ce  que  j'ai  fait;  vous  changerez  le  pain  en  mon  corps 
et  le  vin  en  mon  sang.  »  Et  le  prêtre  le  fait.  Et  ce  n'est 
ni  rimpie,  ni  l'incrédule,  ni  l'hérétique,  qui  mettront 
des  bornes  à  la  puissance  du  Tout-Puissant. 

Le  prêtre  fait  de  nouveau  l'élévation  du  calice  ;  puis 
il  le  repose  sur  l'autel  après  l'avoir  adoré.  L'élévation 
et  l'adoration  de  l'Eucharistie  n'ont  pas  toujours  été 
faites  comme  à  présent;  jusqu'au  commencement  du 
douzième  siècle,  les  prêtres  élevaient  en  même  temps 
le  calice  et  l'hostie  à  ces  paroles  :  Omnis  honor  :  Tout 
honneur  et  toute  gloire  dans  les  siècles  des  siècles.  On 
observe  bien  encore  cette  petite  élévation  ;  mais  l'Eglise, 
pour  protester  contre  l'erreur  des  hérétiques,  qui  ont 
osé  attaquer  le  dogme  de  l'Eucharistie,  et  pour  donner 
aux  fidèles  l'occasion  de  manifester  solennellement  leur 
foi,  a  établi  l'usage  d'élever,  après  la  consécration,  le 
corps  et  le  sang  de  Jésus-Christ,  et  de  l'offrir  à  l'ado- 
ration des  Chrétiens. 

L'élévation,  telle  que  nous  la  pratiquons  aujourd'hui, 

oh  !  oui,  le  Sacrifice  de  l'HommeDicu  est  bien  le  mystère  de  fol  par 
escellence!  mystère  de  foi  pour  tousjles  siècles  anciens  qui  l'atten- 
daient, mystère  de  foi  pour  tous  les  siècles  postérieurs  au  Messie, 
qui  le  croient  sans  que  la  raison  humaine  puisse  le  comprendre. 


426  CATÉCHISHË 

remonte  donc  au  commencement  du  douzième  siècle, 
et  l'hérétique  Béranger  en  fournit  la  cause  par  ses  blas- 
phèmes contre  la  présence  réelle  de  Jésus-Christ  dans 
le  sacrement  de  son  amour.  Plus  tard,  on  la  fit  encore 
avec  plus  de  raison,  lorsque  Luther  et  Calvin,  dévelop- 
pant l'hcrésie  de  l'archidiacre  d'Angers,  attaquèrent 
avec  une  fureur  implacable  le  dogme  de  la  sainte  Eu- 
charistie. On  ne  se  contenta  pas  de  sonner  la  cloche 
pour  avertir  tout  le  monde  de  se  prosterner  ;  on  alluma 
aussi  des  torches  pour  rendre  ce  moment  plus  solen- 
nel *.  Vous  voyez  celte  dernière  cérémonie  se  pratiquer 
encore  avec  pompe  dans  nos  messes  solennelles. 

La  consécration  et  l'élévation  finies,  le  prêtre  étend 
les  bras  et  continue  la  grande  action.  Docile  au  com- 
mandement exprès  du  Sauveur,  qui  dit  à  ses  Apôtres 
et  à  leurs  successeurs  :  Toutes  les  fois  que  vous  ferez 
ces  choses,  faites-les  en  mémoire  de  moi;  le  prêtre  dit  : 
«C'est  pourquoi,  Seigneur,  nous  qui  sommes  vos  ser- 
viteurs, et  avec  nous  votre  peuple  saint,  en  mémoire 
de  la  très-heureuse  passion  de  votre  Fils  Jésus-Christ 
Notre-Seigneur,  et  de  sa  résurrection  des  enfers,  et  de 
sa  glorieuse  ascension  au  ciel,  nous  offrons  à  votre  in- 
comparable majesté,  de  vos  dons  et  de  vos  bienfaits 
l'hostie  -J-  pure,  l'hostie  -J*  sainte,  l'hostie  -J*  sans  tache, 
le  pain  sacré  f  de  la  vie  éternelle,  et  le  calice  f  du  salut 
perpétuel.  » 

Oh  !  que  celle  prière  est  propre  à  élever  l'âme  et  â  la 
pénétrer  de  religion  !  Quoique  le  sacrifice  de  la  messe 

'  Lebrun,  p. 471. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  427 

soit  spécialement  destiné  à  nous  rappeler  la  mémoire  de 
la  Passion  de  Jésus-Christ,  l'Église,  suivant  l'ordre  de 
son  divin  époux,  fait  aussi  mention  des  mystères  de  la 
Résurrection  et  de  l'Ascension,  parce  qu'ils  ont  avec  la 
Passion  un  rapport  essentiel.  Ainsi  nous  communi- 
quons, dans  le  sacrifice  de  l'aulel,  à  Jésus-Christ  mort, 
et  qui  par  sa  mort  a  détruit  l'empire  que  la  mort  avait 
sur  nous,  en  bornant  au  temps  notre  mort,  qui  devait 
être  éternelle,  et  en  faisant  de  la  mort  le  passage  à  une 
vie  qui  n'aura  pas  de  fin;  nous  communiquons  à  Jésus- 
Christ  ressuscité,  dont  la  résurrection  est  le  principe  et 
le  modèle  de  la  nôtre  ;  nous  communiquons  à  Jésus- 
Christ  montant  aux  cieux,  et  par  là  nous  y  montons  en 
quelque  sorte  avec  lui;  tellement  que  nous  pouvons 
nous  envisager  dès  à  présent  comme  les  citoyens  du 
ciel.  Est-il  possible  de  se  rappeler  les  différents  fruits 
de  tous  ces  grands  mystères,  et  de  conserver  si  opiniâ- 
trement l'amour  des  choses  sensibles  ? 

En  disant  celte  prière,  le  prêtre  fait  cinq  fois  le  signe 
de  la  croix  sur  le  corps  et  le  sang  du  Sauveur.  Or,  il 
faut  savoir  qu'il  y  a  une  grande  différence  entre  les  si- 
gnes de  croix  qui  se  font  après  la  consécration  et  ceux 
qui  la  précèdent  ou  l'accompagnent.  Les  premiers  ont 
pour  but  d'attirer  des  grâces  ou  de  marquer  qu'on  les 
attend  par  les  mérites  de  la  croix  de  Jésus-Christ,  et  ils 
sont  joints  à  des  mots  qui  expriment  la  faveur  qu'on 
désire,  la  bénédiction  qu'on  sollicite  ;  les  seconds  ne 
sont  institués  que  pour  montrer  que  les  dons  placés  sur 
l'autel  sont  le  corps  el  le  sang  réels  de  Jésus-Christ,  et 


428  CATÉCHISME 

que  le  sacrifice  de  la  messe  est  le  même  que  celui  de 
la  croix.  Aussi  depuis  la  consécration  n'y  a-t-il  point  de 
mot  qui  invile  Dieu  à  bénir. 

Dans  la  prière  que  nous  expliquons,  le  prêtre  fait  cinq 
signes  de  croix  :  trois  sur  l'hoslie  et  le  calice  en  même 
temps,  un  sur  l'hostie  seule,  et  l'autre  sur  le  calice.  Oh  ! 
qu'il  y  a  d'éloquence  dans  celte  répétition  multipliée  du 
signe  adorable  !  L'Eglise  veut  nous  pénétrer  de  cette 
grande  pensée  que  la  victime  de  l'autel  est  la  victime 
du  Calvaire.  Et  voilà  qu'elle  s'épuise  en  quelque  sorte 
à  redire  cette  vérité  à  nos  yeux,  à  nos  oreilles,  à  tous 
nos  sens,  afin  de  la  faire  descendre  jusqu'à  notre  cœur. 
Par  les  cinq  signes  de  croix  dont  nous  parlons,  le  prê- 
tre semble  donc  dire  :  Nous  ofl'rons  à  Votre  Majesté 
suprême  l'hostie  sainte  qui  s'est  ofiferte  sur  la  croix; 
Vhostie  pure  qui  a  été  attachée  à  la  croix;  Vhostie  sans 
tache  qui  a  été  immolée  sur  la  croix  ;  le  pain  sacré, 
c'est-à-dire  Jésus-Christ,  pain  vivant,  éternel,  descendu 
du  ciel,  qui  est  mort  sur  la  croix  pour  nous  donner  la 
vie;  enfin  te  calice  du  salut,  le  sang  de  Jésus-Christ, 
médiateur  de  la  nouvelle  alliance  ;  sang  qui  a  été  ré- 
pandu sur  la  croix  pour  la  rédemption  de  nos  péchés. 
Nous  le  répétons,  l'Eglise  veut  que,  dans  ces  moments 
tout  à  la  fois  si  précieux  et  si  redoutables,  le  prêtre  et 
les  fidèles  soient  tout  occupés  de  Jésus-Christ  immolé 
sur  l'autel  :  pouvait-elle,  dites-moi,  employer  un  moyen 
plus  propre  de  leur  en  rappeler  le  souvenir,  que  ces 
signes  de  croix  tant  de  fois  multipliés?  Pouvait-elle 
mieux  leur  manifester  sa  foi  au  miraculeux  changement 


DE    PERSÉVÉRANCE.  429 

qui  vient  de  s'opérer  ?  Enfin,  pouvait-elle  mieux  leur 
dire  :  Soyez  au  pied  de  l'autel  comme  vous  auriez  été 
sur  le  Calvaire  '  ! 

Ln  Dieu  est  sur  l'autel.  Victime  d'un  prix  infini,  of- 
ferte à  un  Dieu,  comment  ne  serait-elle  pas  agréable  ? 
Pourquoi  donc  la  prière  suivante,  par  laquelle  on  con- 
jure le  Seigneur  de  recevoir  favorablement  l'hoslie  que 
nous  lui  présentons  ?  Ah  !  c'est  que  l'auguste  victime 
est  offerte  par  les  mains  d'un  mortel  ;  c'est  qu'à  l'hostie 
sans  tache  se  joignent  d'autres  hosties  infiniment  moins 
pures,  les  cœurs  des  fidèles.  Et  voilà  que  l'Eglise,  rap- 
pelant au  Père  éternel  que  le  sacrifice  de  Jésus-Christ 
est  le  sacrifice  catholique,  le  sacrifice  dont  les  anciens 
n'étaient  que  des  ombres,  conjure  le  Seigneur  de  donner 
à  ses  enfants  les  saintes  dispositions  qui  animaient  les 
antiques  sacrificateurs,  lorsqu'ils  immolaient  les  victi- 
mes figuratives  :  l'innocence  d'Abel,  la  foi  d'Abraham, 
la  sainteté  de  Melchisédech  ;  et  le  prêtre  dit  :  «  Daignez 
regarder  d'un  œil  favorable  et  propice  l'oblation  que 
nous  vous  faisons  de  ce  saint  sacrifice,  de  celte  hostie 
sans  tache,  comme  il  vous  a  plu  agréer  les  présents  du 
juste  Abel,  votre  serviteur;  le  sacrifice  d'Abraham,  no- 
tre patriarche,  et  celui  que  vous  a  offert  votre  grand- 
prêtre  Melchisédech.  » 

Rentrons  ici  en  nous-mêmes  ;  avons-nous  l'innocence 
et  la  générosité  d'Abel,  qui  offrait  les  plus  précieux  de 
ses  agneaux  ?  Avons-nous  la  foi  et  le  courage  d'Abraham, 
qui  déjà  tenait  le  glaive  pour  immoler  Isaac?  Avons-nous 

•  Lebrun,  p.  488.  Bona,  lib.  2  c.  13. 


430  CATÉCHISME 

la  sainteté  de  Melchisédech,  qui  nous  apparaîtsans  père, 
sans  mère,  sans  généalogie  ;  c'est-à-dire  détaché  de 
toutes  les  affections  humaines  ?  Si  nous  n'avons  pas  ces 
dispositions,  demandons-les  avec  ardeur  durant  cette 
prière.  Si  elles  nous  manquent  entièrement,  comment 
profiter  du  sacrifice,  comment  participer  à  la  commu- 
nion qui  approche  ? 

La  prière  suivante  doit  nous  inspirer  d'autres  senti- 
ments. Je  vois  le  prêtre  qui  prend  tout  à  coup  l'attitude 
d'un  suppliant,  il  baisse  les  .yeux,  il  s'incline  profondé- 
ment, il  joint  les  mains  comme  un  humble  vassal,  et  les 
pose  sur  l'autel.  Pourquoi  tout  cela?  La  prière  qu'il 
fait  va  nous  l'apprendre  :  «  Nous  vous  supplions,  ô  Dieu 
tout-puissant,  de  commander  que  ces  dons  soient  portés 
par  les  mains  de  votre  saint  Ange  sur  votre  autel  su- 
blime, en  présence  de  votre  divine  majesté,  afin  que 
nous  tous  qui,  en  participant  à  cet  autel,  aurons  reçu 
le  corps  j  et  le  sang  ^  sacrés  de  votre  Fils,  nous  soyons 
remplis  de  toutes  les  bénédictions  et  de  toutes  les 
grâces  du  ciel.  Par  le  même  Jésus-Christ  notre  Sei- 
gneur. » 

Comment  faire  comprendre  le  sens  profond  de  cette 
magnifique  prière  ?  Dans  la  précédente,  le  prêtre  a  con- 
juré le  Seigneur  d'avoir  pour  agréable  l'hostie  qu'il  lui 
offrait.  Tout  à  coup,  comme  saisi  d'une  inspiration  d'en 
haut,  il  trouve  un  moyen  infaillible  de  faire  recevoir  cette 
victime,  et  nos  vœux  et  nos  cœurs  qui  l'accompagnent  ; 
donc,  s'adressant  à  Dieu,  il  le  supplie  d'ordonner  que 
la  victime  lui  soit  portée  au  pied  de  son  trône,  par 


DE    PERSÉVÉRANCE.  431 

la  victime  elle-même.  Par  respect  pour  Jésus-Christ,  le 
prôlre  n'ose  le  nommer  à  Dieu  le  Père  ;  il  se  contente 
de  le  désigner  par  ces  mots  :  Votre  Ange.  Oui,  cet  Ange 
par  excellence,  cet  Ange  du  grand  conseil,  cet  Ange 
médiateur  de  l'alliance  *,  qui,  égal  à  Dieu,  est  sûr  de 
faire  agréer  et  son  sacrifice  et  le  nôtre,  et  d'attirer  sur 
nos  têtes  une  rosée  de  toutes  sortes  de  bénédictions.  Les 
signes  de  croix,  dont  le  prêtre  accompagne  sa  prière, 
indiquent  la  présence  réelle  de  celle  victime  sainte,  de 
cette  victime  céleste,  sur  l'autel  delà  terre.  Une  humi- 
lité profonde,  un  désir  ardent  de  la  sainteté,  afin  que 
rien  dans  notre  cœur  ne  s'oppose  h  l'accueil  favorable 
de  nos  vœux,  telles  doivent  être  nos  principales  dispo- 
sitions durant  cette  prière. 

Nous  voilà,  nous  qui  vivons  sur  la  terre  et  qui  assis- 
tons au  sacrifice,  nous  voilà  bien  recommandés  au  Sei- 
gneur ;  on  vient  d'appeler  sur  nos  têtes  toutes  ses  béné- 
dictions. Dans  ce  moment  précieux  où  elle  peut  tout 
obtenir,  l'Eglise  oubliera-t-elle  ses  autres  enfants,  ses 
enfants  qui  ne  sont  plus?  Ah!  vous  ne  sauriez  pas  ce 
que  c'est  qu'une  mère  :  dans  son  cœur  sont  tous  ses 
enfants;  les  plus  pauvres,  les  plus  nécessiteux  y  tien- 
nent la  plus  large  place.  Voilà  donc  l'Eglise  catholique 
qui  prie  pour  ses  enfants  défunts.  Sa  prière  même  est 
une  leçon  pour  les  vivants  ':  elle  prie  pour  ceux  qui 
nous  ont  précédés  ;  donc  nous  les  suivrons.  Le  prêtre 
dit  :  «  Souvenez-vous  aussi.  Seigneur,  de  vos 'serviteurs 
et  de  vos  servantes  N.  N,  qui  nous  ont  précédés  avec  le 

'  Const.  apost.,  lib.  8,  c.  t2. 


432  CATÉCHISME 

signe  de  la  foi  et  qui  dorment  du  sommeil  de  paix.  » 

Aces  mots,  le  prêtre  joint  les  mains  sur  sa  poitrine, 
tient  les  yeux  affectueusement  dirigés  vers  la  sainte 
hostie,  et  prie  en  siience  pour  les  défunts  qu'il  a  l'inten- 
tion de  recommander  à  Dieu,  puis  il  continue  : 

«  Nous  vous  supplions,  Seigneur,  d  accorder  par  votre 
miséricorde,  à  eux  et  à  tous  ceux  qui  reposent  en  Jésus- 
Christ,  le  lieu  du  rafraîchissement,  de  la  lumière  et  de 
la  paix.  Par  le  même  Jésus-Christ  notre  Seigneur.  Ainsi 
soit-il  '.  » 

Pendant  cette  prière,  nous  devons  aussi  recommander 
nos  morts  et  ranimer  notre  foi  sur  les  grands  motifs  que 
nous  avons  de  prier  pour  eux  :  la  gloire  de  Dieu,  la 
charité,  la  justice  et  notre  propre  intérêt. 

Voici  maintenant  l'Eglise  qui  revient  à  nous,  qui 
sommes  sur  la  terre.  Durant  l'offrande  de  l'auguste  sa- 
crifice, nous  voyons  cette  tendre  mère,  dans  une  agita- 
tion pleine  de  sollicitude,  monter  au  ciel,  descendre  au 
purgatoire,  revenir  dans  la  vallée  des  larmes,  réunissant 
tous  les  vœux,  tous  les  besoins,  sollicitant  toutes  les 
prières,  toutes  les  recommandations,  afin  de  profiter  plei- 
nement du  riche  trésor  qui  lui  est  ouvert  dans  les  mérites 
de  la  victime.  Ainsi,  avant  la  consécration,  elle  a  fait  mé- 
moire de  la  communion  des  saints,  dans  laquelle  il  était 
nécessaire  d'offrir  le  sacrifice  catholique  du  ciel  et  de  la 
terre  ;  elle  vient  de  solliciter  pour  les  âmes  du  purga- 
toire l'entrée  de  la  Jérusalem  céleste,  maintenant  elle 

'  Cette  prière  se  trouve  dans  les  plus  anciennes  liturgies-  Bona, 
lib,  2,  c.  14.  Durantus,  lib.  2,  c.  43. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  433 

sollicite  la  même  grâce  pour  ses  enfants  voyageurs.  Le 
prêtre  donc  demande  instamment  pour  lui  et  pour  les 
fidèles  le  bonheur  du  ciel. 

Touché  de  son  indignité,  il  se  frappe  la  poitrine,  s'a- 
vouant  pécheur,  comme  lePublicain  de  l'Evangile.  Afin 
que  les  assistants  puissent  l'entendre,  s'unir  à  lui,  s'hu- 
milier et  implorer  tous  ensemble  la  divine^miséricorde, 
il  dit,  en  élevant  un  peu  la  voix  :  «  Et  à  nous  aussi,  pé- 
cheurs, qui  sommes  vos  serviteurs,  et  qui  espérons  en 
la  multitude  de  vos  miséricordes,  daignez  nous  donner 
part  au  céleste  iiérilage  et  nous  associer  avec  vos  saints 
Apôtres  et  Martyrs,  avec  Jean,  Etienne,  Matthias,  Bar- 
nabe, Ignace,  Alexandre,  Marcellin,  Pierre,  Félicité, 
Perpétue,  Agathe,  Lucie,  Agnès,  Cécile,  Anastasie,  et 
avec  tous  vos  saints,  en  la  compagnie  desquels  nous  vous 
prions  de  nous  recevoir,  non  pas  en  considérant  nos  mé- 
rites, mais  en  nous  faisant  grâce  et  miséricorde.  Par 
Jésus  Christ  notre  Seigneur.  » 

On  nomme  dans  cette  prière  les  saints  qui  étaient 
honorés  d'un  culte  particulier  par  l'Eglise  de  Rome, 
mère  ei  maîtresse  de  toutes  les  églises.  Ils  sont  tous 
martyrs,  et  appartiennent  aux  différents  états  :  prophè- 
tes, apôtres,  papes,  évêques,  prêtres,  clercs,  femmes  et 
vierges.  De  là  une  consolante  leçon  pour  nous  :  on  peut 
donc  se  sauver  dans  toutes  les  conditions,  et  les  saints 
qui  sont  au  ciel  offrent  aux  justes  qui  souffrent  une 
garantie  de  leur  félicité  éternelle. 

Le  prêtre  vient  de  solliciter  l'entrée  du  ciel  pour  les 
morts  et  pour  les  vivants  par  Jésus-Christ.  Il  va  mar- 

T.    VII.  is 


434  CATÉCHISME 

quer,  en  finissant  le  Canon,  la  raison  pour  laquelle  il 
fait  toutes  ses  demandes  par  ce  divin  médiateur,  et  il  dit  : 
«  Par  qui.  Seigneur,  vous  créez  toujours  tous  ces  biens, 
TOUS  les  sanctifiez  f,  vous  les  vivifiez  y,  vous  les  bénis- 
sez f  et  vous  nous  les  donnez.  C'est  par  lui  f,  et  avec 
luif,  et  en  luif  que  tout  honneur  et  toute  gloire  ap- 
partiennent à  Dieu  tout-puissant  f,  en  l'unité  du  Saint- 
Esprit  f,  dans  tous  les  siècles  des  siècles.  Amen.  » 

Ainsi,  la  raison  pour  laquelle  nous  formons  toutes 
nos  demandes  au  nom  de  Jésus -Christ,  c'est  que  Dieu 
nous  accorde  par  lui  tous  les  biens  et  toutes  les  grâces. 
Le  prêtre  dit  :  Par  qui  vous  créez,  etc.  En  elTet,  c'est 
par  Jésus-Christ  que  Dieu  le  Père  a  créé  toutes  ces 
choses,  le  pain  et  le  vin,  devenus  le  corps  et  le  sang  de 
Jésus-Christ,  non-seulement  en  les  tirant  du  néant  aux 
premiers  jours  du  monde,  mais  en  les  renouvelant  par 
un  miracle  continuel  qui  fait  produire  tous  les  ans  à  la 
terre  de  nouveaux  grains  et  de  nouveaux  raisins  ;  ce 
qui  fait  dire  à  Jésus-Christ  lui-même  :  Mon  Père  jus- 
qu'à ce  jour  ne  cesse  point  d'opérer,  et  j'opère  aussi  con- 
timiellement. 

C'est  en  Jésus-Christ  que  ces  dons  offerts  sur  l'autel 
deviennent  des  dons  sacrés  séparés  de  l'usage  commun. 
Vous  les  sanctifiez.  C'est  par  Jésus-Christ  que  Dieu 
les  vivifie  en  les  changeant  au  corps  et  au  sang  pré- 
cieux, qui  sont  la  vraie  nourriture  de  vie.  Vous  les 
vivifiez.  C'est  par  Jésus-Christ,  sanctifiant  et  vivifiant, 
que  Dieu  le  Père  répand  sur  le  pain  et  sur  le  vin  les 
bénédictions  célestes,  et  qu'après  l'avoir  ainsi  béni  il 


DE    PERSËVÉKAMCE.  43S 

nous  le  donne  pour  être  en  nous  noire  véritable  vie. 
Vous  les  bénissez  et  vous  nous  les  donnez.  C'est  aussi 
par  Jésus-Christ,  comme  le  vrai  médiateur,  avec  Jé- 
sus-Christ, comme  Dieu  égal  à  Dieu,  en  Jésus-Christ, 
comme  consubslantiel  à  son  Père,  que  tout  honneur  et 
toute  gloire  est  rendue  à  Dieu  Père  tout-puissant. 

En  est-ce  assez  pour  mériter  que  Dieu  nous  exauce 
quand  nous  demandons  par  Jésus-Christ  ? 

Le  prêtre,  en  récitant  ces  magnifiques  paroles,  fait  plu- 
sieurs signes  de  croix,  trois  d'abordsur  l'hostie  et  le  calice 
à  ces  mots  :  Sanctifiez,  vivifiez,  bénissez,  pour  marquer 
que  c'est  par  les  mérites  de  la  croix  de  Jésus-Christ  que 
nous  avons  l'eucharistie,  et  que  par  conséquent  le  pain 
et  le  vin  sont  sanctifiés,  vivifiés,  bénis.  Il  ne  fait  point 
de  signe  de  croix  en  disant  vous  créez,  parce  que  toutes 
choses  ont  été  créées  par  Jésus-Christ  comme  sagesse 
du  Père,  Verbe  éternel,  et  non  comme  incarné  et  im- 
molé sur  la  croix.  Les  autres  signes  de  croix  qui  accom- 
pagnent cette  prière  expriment  que  l'hostie  et  le  calice 
contiennent  indivisiblement  Jésus-Christ  mort  sur  la 
croix,  et  que  par  son  sacrifice  le  Père  et  le  Saint-Esprit 
sont  dignement  honorés. 

Et  nous  aussi  ayons  soin  de  nous  unir  à  la  sainte 
victime  pour  honorer  le  Père  et  le  Saint-Esprit,  pour  les 
louer,  et  commencer  sur  la  terre  l'hymne  que  nous  de- 
vons chanter  dans  le  ciel.  Je  ne  sais  si  je  me  trompe, 
mais  il  me  semble  que  durant  cette  prière  il  nous  im- 
porte surtout  de  tenir  nos  cœurs  en  harmonie  avec  nos 
lèvres,  de  peur  que  ces  belles  paroles  ne  soient  démen- 


436  CATÉCHISME 

lies  par  noire  attache  aux  créatures.  En  prononçant 
cette  sublime  prière  nos  voix  sont  unies  à  celle  des 
Anges  et  des  Saints.  Mais  si,  de  retour  dans  nos  mai- 
sons, nos  pensées  sont  tout  aussi  terrestres,  nos  désirs 
tout  aussi  charnels,  nos  penchants  tout  aussi  déréglés, 
alors  nous  tombons  en  quelque  sorte  du  ciel  sur  la  terre; 
nous  quittons  le  séjour  de  l'immortalité  pour  nous  amu- 
ser dans  celui  de  l'exil,  et,  comme  des  insensés,  nous 
préférons  le  langage  des  hommes  à  celui  des  amis  de 
Dieu.  Puisse-t-il  n'en  être  jamais  ainsi! 

PRIÈRE . 

O  mon  Dieu!  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  institué  l'auguste  sacrifice  de  nos  autels  ;  faites- 
moi  la  grâce  d'y  assister  comme  j'aurais  assisté  à  celui 
(lu  Calvaire. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  j«  serai  pro- 
fondément recueilli  pendant  la  consécration. 


PETIT  CATÉCHISME. 

LE    CHRISTIANISME  RENDU    SENSIBLE. 

Quatrième  partie  de  la  messe. 

Q.  Que  fait  le  prêtre  avant  la  consécration  ? 
R.  Avant  la  consécration  le  prêtre  prend  possession 
de  la  victime  ;  pour  cela,  il  étend  les  mains  sur  le  pain 


DE    PERSÉVÉRANCE.  437 

et  le  vin,  et  demande,  en  vertu  du  sacrifice  qu'il  va 
offrir,  les  biens  temporels  et  spirituels  qui  nous  sont  né- 
cessaires. Pendant  que  le  prêtre  fait  cette  prière,  nous 
devons  nous  considérer  comme  des  victimes  et  nous  of- 
frir à  Dieu.  Le  prêtre  demande  ensuite  le  plus  grand 
des  miracles,  le  changement  du  pain  et  du  vin  au  corps 
et  au  sang  de  Jésus-Christ,  et  il  a  le  droit  de  le  deman- 
der et  le  pouvoir  de  l'obtenir. 
Q.  Qui  lui  a  donné  ce  pouvoir? 
R.  C'est  Notre-Seigneur  lui-même,  quand  il  dit  à  ses 
Apôtres  et  à  leurs  successeurs,  après  avoir  consacré  le 
pain  et  le  vin  :  Faites  ceci  en  mémoire  de  mot.  Le 
prêtre  s'adresse  donc  au  Dieu  qui  a  tiré  le  monde  du 
néant  par  une  seule  parole,  el  il  le  conjure  de  changer 
le  pain  et  le  vin  au  corps  et  au  sang  de  Notre-Seigneur  ; 
ensuite  il  rappelle  ce  que  fît  le  Sauveur  dans  la  der- 
nière cène,  puis  il  prononce  d'un  ton  simple  et  uni, 
comme  Jésus-Christ  lui-même  quand  il  faisait  des  mi- 
racles, les  paroles  delà  consécration. 

Q.  Pourquoi  élève-t-on  l'hoslie  et  le  calice? 
jR.  On  élève  l'hostie  et  le  calice  pour  faire  adorer  le 
Sauveur  qui  vient  de  s'immoler.  Les  fidèles  se  proster- 
nent alors,  et  témoignent  ainsi  de  leur  foi  à  la  présence 
réelle  de  Jésus-Christ  dans  l'eucharistie.  Après  l'éléva- 
tion du  calice  le  prêtre  fait  une  prière  par  laquelle  il 
offre  Notre-Seigneur  à  Dieu  son  père,  en  mémoire  de  sa 
passion,  de  sa  résurrection  et  de  son  ascension  :  cela 
nous  rappelle  que  Jésus-Christ  est  sur  l'autel  dans  un 
étalde  mort  mystérieuse,  et  aussi  dans  un  état  de  gloire, 


438  CATÉCHISME 

et  qu'en  le  recevant  nous  communiquons  à  ses  souffran- 
ces et  à  sa  gloire. 

Q.  Quelle  prière  fait  ensuite  le  prêtre? 

R.  Le  prêtre  fait  ensuite  une  prière  par  laquelle  il 
conjure  Dieu  de  recevoir  favorablement  la  victime  qu'il 
lui  présente  et  les  cœurs  des  fidèles  qu'il  lui  ofifre  en 
même  temps.  Pour  cela,  il  lui  rappelle  la  bonté  avec 
laquelle  il  a  reçu  les  sacrifices  d'Abel,  d'Abraham  et  de 
Melchisédech  qui  n'étaient  que  des  figures  du  sacrifice 
de  l'autel.  Pendant  cette  prière  nous  devons  demander 
à  Dieu  qu'il  nous  donne  l'iunocence  d'Abel,  la  foi  d'A* 
braham  et  la  sainteté  de  Melchisédech.  Pour  obtenir  ce 
qu'il  demande,  le  prêtre  dit  à  Dieu  de  se  faire  présenter 
la  victime  par  Jésus-Christ  même,  bien  sûr  que  nos  cœurs 
et  nos  vœux  dont  elle  est  accompagnée  lui  seront  alors 
agréables  ;  il  lui  demande  en  même  temps  les  effets  du 
sacrifice,  qui  sont  les  biens  de  la  grâce  en  ce  monde  et 
le  ciel  dans  l'autre. 

Q.  Pour  qui  prie-t-il  ensuite? 

JR.  Ensuite  le  prêtre  prie  pour  les  âmes  du  purgatoire; 
il  demande  pour  elles  comme  pour  nous  l'entrée  dans  la 
Jérusalem  céleste;  il  sollicite  cette  grâce  pour  lui-même 
et  pour  les  assistants,  par  l'intercession  des  Saints  et  sur- 
tout de  Notre-Seigneur,  par  qui  nous  recevons  tous  les 
biens  que  nous  demandons  en  Dieu,  et  par  qui  Dieu  lui- 
même  reçoit  tout  honneur  et  toute  gloire.  Pendant  toutes 
ces  prières  nous  devons  ardemment  désirer  le  ciel,  qui 
estl'eiret  du  sacrifice,  et  nous  confier  pleinement  pour 
l'obtenir  aux  mérites  infinis  de  Notre-Seigneur. 


DE   PERSÉVÉRANCE.  439 

PRIÈRE. 

0  mon  Dieu!  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  institué  l'auguste  sacrifice  de  nos  autels;  faites- 
moi  la  grâce  d'y  assister  comme  j'aurais  assisté  à  celui 
du  Calvaire. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je  serai  pro- 
fondément recueilli  pendant  la  consécration. 


440 


CATECHISME 


XXir  LEÇON. 

LE    CHRISTIANISME   RENDU    SENSIBLE.* 

Cinquième  partie  de  la  messe. —  Pater.—  Prières  et  cérémoniesqui 
le  suivent.  — Fraction  de  l'I  ostie — Le  baiser  de  paix.  —  Jgnus 
Dei.  —  Prières  avant  la  coainiuuion.  —  Communion.  —  Prières 
après  la  communion. 

Le  prêtre,  renfermé  dans  le  secret  du  sanctuaire, 
vient,  pendant  le  Canon,  de  traiter  tète  à  tête  avec  Dieu 
des  intérêts  du  peuple.  En  finissant  celte  suite  de  priè- 
res, il  rend  grdces  par  .Tésus-Chrisl,  et  élève  la  voix  en 
disant  :  Dans  tous  les  siècles  des  siècles  ;  et  le  peuple 
s'empresse  de  souscrire  à  tout  ce  que  le  prêtre  vient  de 
faire  et  de  demander  pour  lui,  et  il  dit  :  Amen,  qu'il 
soit  ainsi.  Ce  mot  termine  le  Canon  et  la  quatrième 
partie  de  la  messe. 

La  cinquième  est  une  préparation  à  la  communion. 
Or,  qu'est-ce  qu'un  peuple  qui  communie  ?  Ce  sont  des 
enfants  qui  viennent  s'asseoir  à  la  table  du  père  de  fa- 
mille, qui  mangent  le  pain,  qui  boivent  le  vin  que  sa 
tendre  sollicitude  leur  a  préparé.  Et  quel  pain,  grand 
Dieu  !  et  quel  vin  vont  être  servis  à  la  table  divine  !  Pour 
rappeler  cette  touchante  idée  d'une  famille  qui  s'assied 
à  la  même  table,  l'Eglise  veut  que  ses  enfants  saluent 
Dieu  du  doux  nom  de  père,  et  aussitôt  elle  leur  met 
sur  les  lèvres  l'Oraison  dominicale.  Mais  cette  oraison 


DE    PERSÉVÉRANCE.  441 

est  si  sainte,  elle  nous  élève  à  une  dignité  si  haute  en 
nous  permettant  d'appeler  Dieu  notre  père,  que  l'Eglise 
a  cru  devoir,  dans  une  courte  Préface,  exposer  que  ce 
n'est  que  d'après  l'ordre  de  Jésus-Christ  lui-même  que 
ses  enfants  osent  la  réciter. 

Pendant  que  le  prêtre  la  prononce,  ayons  grand  soin 
d'exciter  dans  notre  cœur  un  vif  sentiment  d'humilité  et 
de  reconnaissance  ;  car,  instruits  par  des  préceptes  sa- 
lutaires, et  formés  par  une  institution  divine,  nous 
osons  dire  :  Notre  père,  Pater  noster,  etc.  Oh  !  quelle 
consolation  pour  nous  que  l'Eglise  nous  fasse  réciter 
l'Oraison  dominicale  dans  un  moment  où  Jésus-Christ, 
qui  en  est  l'auteur,  est  immolé  sur  l'autel  pour  nous  ob- 
tenir de  son  Père  toutes  les  demandes  qu'elle  contient! 
L'usage  de  réciter  le  Pater  pour  se  préparer  à  la  com- 
munion est  de  toute  antiquité.  Puisse-t-il  passer  sur 
nos  lèvres  comme  il  a  passé  depuis  dix-huit  siècles  et 
sur  les  lèvres  de  l'Homme-Dieu,  et  sur  celles  des  Apô- 
tres, des  Martyrs,  et  de  tant  de  Saints,  nos  pères  et  nos 
modèles  ! 

Dans  ITEglise  orientale,  le  Pater  est  dit  par  tout  le  peu- 
ple, et  dans  l'Eglise  latine  par  le  prêtre  seul*.  L'Eglise 
latine  veut  que  le  prêtre  récite  seul,  à  voix  intelligible, 
l'Oraison  dominicale,  afin  que  tout  le  monde  l'entende 
plus  distinctement.  Cependant,  afin  que  tout  le  peuple 
y  prenne  part,  on  lui  fait  réci-ter  la  dernière  demande, 
qu'il  doit  dire  comme  récapitulation  de  toutes  les  autres. 
Ainsi,  en  prononçant  ces  mots  :  Délivrez-nous  du  mal, 

'  S.Oré<^.,Scrm.  58,  in.  Mntth.,G,  de  Orat.  dont.,  c  10- 


442  CATÉCHISME 

les  fidèles  disent  :  Délivrez-nous  du  mal,  afin  que  vous 
soyez  toujours  glorifié  en  nous,  que  vous  y  régniez 
seul  ;  que  nous  fassions  votre  volonté,  que  nous  obte- 
nions de  votre  bonté  les  biens  spirituels  et  temporels, 
que  nous  méritions  le  pardon  de  nos  péchés  par  l'a- 
mour sincère  de  nos  frères,  et  que  notre  faiblesse  ne 
soit  point  exposée  aux  tentations.  Le  prêtre  répond  : 
Qu'il  en  soit  ainsi,  Amen  :  Que  vous  soyez  délivrés  du 
mal. 

Et  il  explique  cette  demande  du  peuple  en  exprimant 
les  maux  dont  nous  désirons  la  délivrance,  et  les  inter- 
cesseurs par  la  médiation  desquels  nous  l'attendons; 
il  dit  :  «  Délivrez -nous,  Seigneur,  de  tous  les  maux 
passés,  présents  et  futurs;  nous  vous  en  supplions  par 
l'intercession  de  la  bienheureuse  et  glorieuse  Marie, 
mère  de  Dieu,  toujours  vierge,  de  vos  bienheureux 
Apôtres  Pierre,  Paul  et  André,  et  de  tous  les  Saints; 
donnez-nous,  par  un  effet  de  votre  bonté,  la  paix  du- 
rant nos  jours,  afin  qu'étant  soutenus  par  le  secours  de 
votre  miséricorde,  nous  soyons  délivrés  de  tout  péché, 
et  exempts  de  toute  sorte  de  troubles.  Par  le  même  Jé- 
sus-Christ notre  Seigneur,  votre  Fils,  qui  étant  Dieu  vit 
et  règne  avec  vous  dans  l'unité  du  Saint-Esprit,  dans 
tous  les  siècles  des  siècles.  Amen. 

Avant  cette  prière  et  vers  la  fin  du  Pater,  le  diacre 
essuie  la  patène,  afin  qu'elle  soit  plus  propre  ;  le  prêtre  la 
prend  et  la  tient  appuyée  sur  l'autel,  afin  d'être  plus  à 
même  de  s'en  servir  pour  faire  le  signe  de  la  croix.  A 
ces  mots  :  Donnez-nous  la  paix,  il  fait  sur  lui  le  signe 


DE    PERSÉVÉRANCE.  441 

de  la  croix  avec  la  patène  et  la  baise  par  respect,  comme 
l'inslrument  de  la  paix,  le  vase  dans  lequel  doit  bien- 
tôt reposer  le  corps  adorable  de  Jésus-Christ.  Il  s'en 
sert  en  môme  temps  pour  faire  le  signe  de  la  croix, 
parce  que  c'est  par  la- croix  que  le  Sauveur  a  détruit 
tout  ce  qui  s'opposait  à  notre  paix.  Il  met  la  patène  sous 
l'hostie,  afin  de  pouvoir  prendre  cette  dernière  plus  fa- 
cilement. Il  découvre  ensuite  le  calice,  fait  une  génu- 
fluxion  pour  l'adorer,  et,  prenant  l'hostie,  il  la  rompt 
en  trois  au-dessus  du  précieux  sang,  afin  que  les  parties 
qui  pourraient  s'en  détacher  tombent  dans  le  calice 
même. 

Pourquoi  cette  fraction  de  l'hostie  ?  C'est  pour  rap- 
peler l'un  des  plus  vénérables  souvenirs  de  la  religion. 
Avant  de  le  distribuer  à  ses  Apôtres,  le  Sauveur  prit  le 
pain  et  le  rompit  en  disant  :  Prenez  et  mangez.  Il  est 
donc  vrai  que  dans  la  plus  petite  de  nos  cérémonies  est 
un  trésor  de  souvenirs  et  de  piété.  Cette  division  de 
l'hostie  a  lieu  dans  toutes  les  églises  d'Orient  et  d'Occi- 
dent^. Une  des  parties  est  mise  dans  le  calice  ;  la  se- 
conde était  autrefois  distribuée  au  peuple  ;  le  prêtre 
communiait  avec  la  troisième.  Dans  l'antiquité,  l'hostie 
consacrée  par  le  prêtre  était  plus  large  et  plus  épaisse, 
il  était  possible  d'en  donner  une  portion  aux  fidèles  ; 
aujourd'hui,  étant  plus  petite,  le  prêtre  la  consommé 

•  De  là  vient  Tient  que,  dans  plusieurs  églises,  on  donne  à  baiser 
la  patène  dans  les  offrandes,  en  disant  :  Pax  vobis,  que  la  paix  aoit 
avec  vous. 

*  Euchol.  graec,  p.  81,  ad  hom.  Amalar^  lib.  3,  p.  635.  Bona, 
lib.  2,  c.  15. 


444  CATÉCHISME 

tout  entière  ;  les  petites  hosties  servent  à  la  communion 
du  peuple. 

Le  prêtre,  tenant  entre  le  pouce  et  l'index  de  la  main 
droite  la  particule  de  l'hostie  qu'il  va  mêler  au  précieux 
sang,  fait  trois  signes  de  croix  sur  le  calice  d'un  bord  à 
l'autre,  en  disant  :  Que  la  paix  du  Seigneur  soit  tou- 
jours avec  vous  ;  et  le  peuple  répond  :  Et  avec  votre 
esprit. 

Le  prêtre  fait  le  signe  de  la  croix  sur  le  sang  du  Sau- 
veur, car  c'est  par  ce  songe  divin  que  toutes  choses  ont 
été  pacifiées  ';  il  le  fait  trois  fois  en  l'honneur  des  trois 
personnes  de  la  sainte  Trinité. 

Durant  les  six  premiers  siècles,  ce  souhait  du  prêtre. 
Que  la  paix  du  Seigneur  soit  toujours  avec  vous,  était 
le  signal  de  la  paix  que  les  Chrétiens  devaient  se  don- 
ner en  s'embrassant.  Et  vous  auriez  vu  tous  ces  enfants 
de  la  même  famille,  appelés  à  la  table. du  Père  com- 
mun, le  Dieu  de  charité,  s'embrasser  tendrement, 
pour  marquer  qu'il  n'y  avait  dans  leur  cœur  ni  amer- 
tume, ni  aversion,  ni  froideur,  mais  la  charité  la  plus 
firanche  et  la  plus  vive  ;  et  vous  auriez  entendu  les 
Païens  s'écrier  :  Voyez  comme  ils  s'aiment,  et  comme 
ils  sont  prêts  à  mourir  les  uns  pour  les  autres  !  Et  cette 
société  naissante  trouva  dans  sa  charité  le  principe  de  sa 
victoire  sur  le  paganisme,  car  l'union  fait  la  force.  Les 
hommes  donnaient  aux  hommes  le  saint  baiser,  les 
femmes  aux  femmes;  et  tout  ce  peuple  de  frères  s'ap- 
prochait ensuite  de  la  table  de  l'Agneau,  à  laquelle, 

'    ColoSS.,  l,    XX- 


DE    PERSlSvÉRANCE.  445 

suivant  le  langage  des  saints  docteurs,  les  pacifiques 
ont  seuls  le  droit  de  s'asseoir'. 

Si  l'Eglise,  dans  sa  profonde  sagesse,  a  changé  ce 
touchant  usage,  elle  a  en  conservé  les  vestiges.  Aux 
grand'messes  nous  voyons  encore  le  diacre  donner 
au  sous-diacre  la  paix  qu'il  vient  de  recevoir  du  prêtre, 
car  le  prêtre,  avant  de  donner  la  paix,  baise  l'aiiîel, 
figure  de  Jésus-Christ,  et  autrefois  il  baisait  la  sainte 
hostie,  pour  marquer  que  c'était  dans  le  cœur  même 
du  Sauveur  qu'il  puisait  la  paix.  Du  sous-diacre,  cetle 
paix  se  communique  ensuite  à  tous  les  ecclésiastiques 
qui  sont  présents.  Ainsi  l'esprit  de  l'Eglise  n'a  point 
changé,  et  les  fidèles  qui  assistent  à  la  messe  doivent 
en  ce  moment  demander  à  Dieu  la  paix,  et  faire  un 
acte  de  charité  envers  le  prochain,  se  rappelant  ces 
paroles  du  divin  Maître  :  Lorsque  vous  présenterez 
votre  offrande  à  l'autel,  si  vous  vous  rappelez  que 
votre  frère  a  quelque  chose  contre  vous,  laissez  là  votre 
offrande  devant  rautel,  allez  vous  réconcilier,  puis  vous 
viendrez  offrir  votre  présent^. 

Mais  quelle  est  celte  paix  que  le  prêtre  souhaite  aux 
fidèles,  et  que  les  fidèles  doivent  demander?  La  paix 
du  Seigneur  :  Pax  Domini;  la  paix,  le  seul  héritage 
temporel  que  du  haut  de  la  croix  l'Homme-Dieu  légua 
à  ses  enfants,  la  paix  intérieure  de  l'âme  que  le  monde 
ne  saurait  donner;  en  un  mot, la  paix  avec  Dieu  et  avec 

'  Hie  .,  in  epist.  ad  hœc  vcrha  :  Salutate  invicem  in  osculo 
sancto. 

•Matlh.,  vu. 


446  CATÉCHISME 

DOS  frères,  et  la  paix  de  l'Eglise  par  la  cessation  des  per- 
sécutions. La  première  est  la  disposition  à  la  commu- 
nion, la  seconde  en  est  le  fruit.  Pour  donner  une  vive 
image  de  cette  paix  divine,  le  prêtre,  pendant  que  le 
peuple  répond  :  Et  avec  votre  esprit,  laisse  tomber  dans 
le  calice  la  portion  de  l'hostie  qu'il  lient  à  la  main  droite, 
et  il  dit  :  «  Que  ce  mélange  et  celle  consécration  du 
corps  et  du  sang  de  notre  Seigneur  Jésus -Christ  soit 
faite  pour  la  vie  éternelle  à  nous  qui  le  recevons.  Amen.» 

Autrefois  on  scellait  les  alliances  par  le  sang  des 
victimes,  ou  par  le  sang  des  parties  contractantes  ;  cha- 
cun se  tirait  un  peu  de  sang,  on  le  mêlait,  et  avec  ce 
saug  ou  signait  le  contrat.  Et  ici  c'est  dans  le  sang  divin, 
dans  le  sang  de  l'alliance  éternelle  que  le  prêtre  scelle 
l'alliance,  l'union,  la  paix  des  fidèles  entre  eux  et  avec 
pieu.  Ainsi,  une  paix  perpétuelle  et  universelle,  voilà 
ce  que  l'Eglise  demande  par  cette  prière  comme  l'effet 
du  sacrifice  de  Jésus-Christ,  offert  par  la  consécration 
et  consommé  par  la  communion. 

Le  mélange  qui  se  fait  dans  le  calice  des  espèces  du 
pain  et  du  vin  marque  :  1"  l'union  de  Dieu  et  de 
l'homme  qui  se  fit  dans  l'incarnation,  appelée  par  saint 
Augustin  mélange  de  Dieu  et  de  l'homme^  ;  2°  le  second 
mélange  de  Dieu  et  de  l'homme  qui  se  fait  par  la  com- 
munion de  la  terre  ;  3'^  celui  qui  se  fera  par  la  com- 
munion éternelle  du  ciel,  communion  parfaite  dans 
laquelle,  tous  les  voiles  étant  ôtés,  les  saints  seront 
consommés  dans  la  paix  et  dans  l'unité  de  Dieu. 

'  Mixtura  Dei  et  hominis 


DE    PERSÉVÉRANCE.  iit 

Mais  comment  parvenir  à  celte  paix  si  désirable,  à 
cette  unité  divine,  si  nous  n'avons  une  victime  qui 
nous  réconcilie  avec  Dieu  en  se  chargeant  de  nos  pé- 
chés? Hélas!  tant  que  le  mur  de  division  élevé  par  le 
péché  subsistera,  toute  union  entre  Dieu  et  l'homme 
demeure  impossible.  L'Eglise  le  sait,  et  voilà  pourquoi 
s'adressant  à  Jésus -Christ,  elle  l'invoque  en  qualité 
d'Agneau  et  de  victime  de  Dieu  :  Agneau  de  Dieu,  lui 
dit-elle  jusqu'à  trois  fois,  qui  effacez  les  péchés  du 
monde,  ayez  pitié  de  nous,  donnez-nous  la  paix.  Elle 
l'invoque  trois  fois  pour  montrer  par  cette  instante 
prière  et  par  ce  nombre  mystérieux  le  besoin  infini 
qu'elle  a  de  sa  grâce  et  de  sa  miséricorde,  pour  être 
réconciliée  avec  Dieu  dans  ce  monde,  et  parfaitement 
unie  à  lui  dans  la  paix  du  ciel.  En  disant  ces  mots  le 
prêtre  se  frappe  la  poitrine,  et  les  fidèles  doivent  l'imi- 
ter, pour  marquer  que  c'est  là  dans  notre  cœur  qu'est 
le  seul  obstacle  à  la  paix,  le  péché,  et  pour  conjurer 
l'Agneau  divin  de  venir  l'ôter. 

Aux  messes  de  morts  on  dit  :  Agneau  de  Dieu  qui 
effacez  les  péchés  du  monde,  donnez-leur  le  repos.  Tout 
occupée  de  ses  enfants  défunts,  l'Eglise  sollicite  pour 
eux  le  seul  bien  désirable,  le  repos  du  ciel;  et  le  prêtre 
ne  se  frappe  pas  la  poitrine  ;  ce  n'est  pas  pour  lui, 
mais  pour  ses  frères  trépassés  qu'il  sollicite  la  paix. 

Pour  devenir  par  la  communion  un  même  corps  et 
un  même  esprit  avec  Jésus-Christ,  il  faut  que  nous  ne 
soyons  tous  entre  nous  qu'un  cœur  et  qu'une  âme  par 
la  charité  ;  il  faut  que  nous  ne  soyons  tous  qu'un  seul 


448  CATÉCHISME 

pain  dans  lequel  tous  les  grains  de  blé  sont  tellement 
pétris  et  mêlés  ensemble,  que  ce  n'est  plus  qu'une  seule 
chose  :  disposition  essentiellement  chrétienne  et  si  né- 
cessaire à  la  communion,  que  l'Eglise  la  demande  avec 
une  nouvelle  ferveur  par  la  prière  suivante. 

Le  prêtre  s'étant  incliné,  les  mains  jointes  sur  l'autel, 
les  yeux  modestement  fixés  sur  le  Dieu  de  la  paix  qui 
repose  devant  lui,  il  dit  :  *  Seigneur  Jésus-Christ,  qui 
avez  dit  à  vos  Apôtres  :  Je  vous  laisse  la  paix,  je  vous 
donne  ma  paix,  n'ayez  pas  égard  à  mes  péchés,  mais  à 
la  foi  de  votre  Eglise,  et  daignez  la  pacifier  et  la  réunir 
selon  votre  volonté,  vous  qui  étant  Dieu  vivez  et  régnez 
dans  tous  les  siècles  des  siècles.  Ainsi  soit-il.  » 

Cette  prière,  qui  remonte  au  neuvième  ou  au  dixième 
siècle  *,  et  que  le  désir  de  la  paix,  si  rare  dans  ces  mauvais 
jours,  a  fait  admettre,  ne  se  récite  pas  aux  messes  de 
morts,  parce  que  la  paix  que  nous  demandons  pour  l'E- 
glise militante  ne  convient  pas  à  l'Eglise  souffrante;  mais 
combien  elle  nous  est  nécessaire  à  nous  qui  vivons  au 
milieu  des  orages  et  des  révolutions!  Craignant  que 
ses  propres  péchés  n'y  soient  un  obstacle,  le  prêtre 
la  demande  par  la  foi  de  l'Eglise.  En  efiFet,  c'est  la  foi 
qui  prie,  et  l'Eglise  seule  étant  la  maison  de  la  foi, 
seule  aussi  elle  est  la  maison  de  la  prière  ;  à  l'exclusion 
de  toutes  les  sectes,  l'Eglise  catholique  seule  a  reçu 
l'esprit  de  la  prière;  il  n'y  a  que  cette  chaste  colombe 
qui  gémisse,  et  dont  les  gémissements  ineffables  soient 

'  Ordre  romain,  Mirro/og.,  messe  d'/lliryc,  etc. 


DK    PERSÉVÉRANCE.  449 

écoutés  du  Seigneur,  parce  que  ceux-là  seuls  sont  for- 
més par  son  Esprit. 

Dans  les  premiers  siècles,  l'Eglise  n'avait  placé  ici 
aucune  oraison,  parce  que  toutes  les  prières  qui  ont 
précédé  la  communion  peuvent  être  regardées  comme 
une  préparation  suffisante;  mais  plusieurs  saints  prêtres 
n'ont  pu  apercevoir  le  moment  de  la  réception  du  pré- 
cieux corps  de  Jésus-Christ  sans  être  saisis  de  respect 
et  d'un  saint  tremblement,  qui  leur  ont  fait  demander 
avec  plus  d'instance  la  rémission  de  leurs  péchés,  et  la 
grâce  de  participer  dignement  à  la  sainte  Eucharistie. 

Cette  disposition  avait  fait  introduire  plusieurs  prières 
pleines  de  sentiments  les  plus  tendres;  l'Eglise  en  a 
choisi  deux  que,  depuis  six  ou  sept  cents  ans,  elle  fait 
réciter  tous  les  jours  *.  Les  fidèles  qui  doivent  commu- 
nier n'ont  rien  de  mieux  à  faire  que  de  s'unir  au  prêtre, 
d'entrer  dans  l'esprit  de  ces  prières,  et  de  les  réciter 
avec  lui. 

Voici  la  première  :  a  Seigneur  Jésus-Christ,  Fils 
du  Dieu  vivant,  qui,  par  la  volonté  du  Père  et  la 
coopération  du  Saint-Esprit,  avez  donné  par  votre  mort 
la  vie  au  monde,  délivrez-moi  par  ce  saint  et  sacré 
corps,  et  par  votre  sang,  de  toutes  sortes  de  maux,  et 
faites  que  je  m'attache  toujours  inviolablement  à  votre 
loi,  et  ne  permettez  pas  que  je  me  sépare  jamais  de 
vous,  qui,  étant  Dieu,  vivez  et  régnez  avec  le  Père  et  le 
Saint-Esprit  dans  tous  les  siècles  des  siècles.  Ainsi 
soit-il.  » 

'  Lebrun,  p.  597. 

T.  VII.  29 


450  CATÉCHISME 

Celle  prière  a  cela  d'admirable  qu'elle  nous  rappelle 
que  ce  n'est  que  par  la  morl  de  Jésus-Christ  que  le 
monde  a  été  vivifié.  Or,  nous  participons  à  la  mort  et 
au  sacrifice  de  Jésus-Christ  par  la  communion,  de  même 
que  les  Juifs  n'avaient  part  aux  sacrifices  de  la  loi 
qu'en  mangeant  la  chair  des  hosties,  et  en  communiant 
ainsi  avec  Dieu  par  le  moyen  des  hosties  qui  lui  étaient 
offertes.  La  communion  eucharistique,  c'est-à-dire 
sensible  au  corps  de  Jésus-Christ,  n'a  été  instituée  que 
comme  un  moyen  pour  communier  intérieurement  et 
invisiblement  à  la  grâce  et  à  l'esprit  de  tous  les  mystères 
de  l'Homme-Dieu*. 

Dans  la  seconde  prière  le  prêtre  ranime  ses  senti- 
ments d'humilité  et  de  componction,  et  demande  à 

•  «  C'est  la  voie  ordinaire,  continue  le  P.  de  Condren,  dont  nous 
venons  de  citer  les  paroles.  Quoique  la  grâce  soit  souvent  reçue 
avant  et  sans  la  communion,  mais  non  sans  rapport  à  la  commu- 
nion, la  réception  même  de  la  grâce  est  une  communion  intérieure 
aux  mérites,  à  l'esprit  et  à  la  grâce  de  Jésus-Christ.  C'est  pour- 
quoi saint  Augustin  a  cru  que  cette  communion  est  nécessaire 
même  aux  enfants  pour  être  sauvés;  non  qu'il  ait  cru  que  les  en- 
fants baptisés  qui  mouraient  sans  recevoir  par  leur  bouche  le 
corps  de  Jésus-Çhrist  sous  les  apparences  du  pain  fussent  privés 
du  salut,  mais  parce  qu'il  y  a  une  si  grande  liaison  et  une  telle 
dépendance  entre  le  Baptême  et  l'Eucharistie,  que  la  nécessité  du 
premier  enferme  la  nécessité  de  l'autre,  le  vœu,  pour  ainsi  dire, 
le  droit,  le  désir  et  la  nécessité  de  l'Eucharistie  étant  renfermés 
dans  le  Baptême,  commi'  la  nécessité  de  la  nourriture  est  insépa- 
rable de  la  vie  d'un  enfant  qui  vient  de  naître,  qui  ne  peut  con- 
server sa  vie  sans  nourriture,  et  qu'il  en  témoigne  le  besoin  et  le 
désir  pnr  tout  ce  qui  paraît  en  lui.  C'est  la  raison  pour  laquelle 
autrefois  on  ne  séparait  pas  ordinairement  ces  trois  sacrements, 
le  Baptême,  la  Confirmation  et  l'Eucharistie.  »  Vidée  du  sacerdoce 
de  Jésus- Christ,  p.  386. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  431 

Notre-Seigneur  que  son  corps  adorable  lui  soitjun  pré- 
servatif contre  les  péchés  mortels,  et  un  remède  salu- 
taire pour  les  péchés  véniels,  il  dit  :  «  Seigneur  Jésus- 
Christ,  faites  que  la  réception  de  votre  corps,  que  je  rae 
propose  de  prendre,  tout  indigne  que  j'en  suis,  ne  tourne 
pas  à  mon  jugement  et  à  ma  condamnation;  mais  que 
par  votre  bonté  il  me  serve  de  défense  pour  mon  âme 
et  pour  mon  corps,  et  de  remède  salutaire,  vous  qui, 
étant  Dieu,  vivez  et  régnez  dans  tous  les  siècles  des 
siècles.  Ainsi  soit-il.» 

Après  ces  oraisons,  le  prêtre,  sur  le  point  de  com- 
mencer le  sacrifice,  fait  une  génuflexion  pour  adorer  le 
Sauveur,  se  relève,  prend  entre  ses  mains  la  sainte 
hostie,  en  disant  :  Je  prendrai  le  pain  céleste,  et  j'in- 
voquerai le  nom  du  Seigneur.  Où  trouver  des  paroles 
qui  conviennent  mieux  à  une  âme  pénétrée  d'amour 
pour  Jésus-Christ,  et  du  désir  de  le  recevoir?  Le  prêtre 
voudrait  s'unir  à  son  Dieu;  dans  son  cœur  est  le  même 
sentiment  qui  faisait  dire  au  Sauveur,  en  parlant  de  sa 
Passiou  :  J'ai  désiré  ardemment  démanger  cette  Pâque 
avec  vous.  Mais  ce  sentiment  d'amour  n'y  est  pas  seul, 
celui  de  son  indignité  l'accompagne.  Et  voilà  que  le 
prêtre  s'anéantit,  s'humilie  devant  le  Dieu  trois  fois 
saint;  et  avec  la  mêm^e  confiance  que  le  centenier,  dont 
il  emprunte  les  paroles,  il  sollicite  un  miracle,  un  mi- 
racle qui,  le  purifiant  de  ses  taches,  le  rende  digne  de 
recevoir  son  Dieu.  Il  se  frappe  la  poitrine  en  répétant 
trois  fois  :  Seigneur,  je  ne  suis  pas  digne  que  vous  en- 
triez dans  ma  maison;  mais  dites  seulement  à  votre 


452  CATÉCHISME 

parole^  et  mon  âme  sera  guérie.  Oui,  dites  à  voire  pa- 
role, messagère  de  votre  volonté  toute-puissante,  elle 
partira,  et  viendra  guérir  mes  blessures. 

Cependant  du  fond  de  son  humilité  le  prêtre  se  sou- 
vient de  ce  commandement  de  Jésus-Christ  :  En  vérité, 
en  vérité,  je  vous  le  dis  :  Si  vous  ne  mangez  la  chair  du 
FilsdeVhomme,et  si  vous  nehuvez  son  sang, vousn' aurez 
point  la  vie  en  vous.  C'en  est  fait,  la  confiance  et  l'amour 
l'emportent,  et  le  prêtre  dit,  en  faisant  le  signe  de  la 
croix  avec  la  sainte  hostie  :  Que  le  corps  de  Jésus- 
Christ  notre  Seigneur  garde  mon  âme  pour  la  vie 
éternelle.  Ainsi  sait-il. 

Cette  prière  nous  fait  connaître  que  le  corps  de  Jésus- 
Christ  nous  est  donné  comme  un  gage  de  la  gloire  du 
ciel,  comme  des  arrhes  de  la  vie  bienheureuse,  comme 
un  viatique  pour  nous  aider  à  passer  de  l'exil  à  la  patrie. 
Le  sang,  la  chair  de  l'Homme-Dieu  devient  en  nous 
comme  un  sel  qui  préserve  notre  âme  de  la  corruption 
du  péché,  qui  consume  ce  qu'elle  a  de  terrestre,  qui  la 
rend  agréable  à  Dieu,  et  lui  donne  pour  ainsi ^dire  le 
goût  du  ciel;  et  le  prêtre,  nourri  de  cette  nourriture 
d'immortalité,  peut  regarder  sans  pâlir  la  tombe  en- 
tr'ouverte  ;  il  y  descendra  sans  crainte  :  dans  sa  chair 
repose  le  gage  de  la  résurrection  future. 

Après  avoir  pris  la  sainte  hostie,  le  prêtre  emploie 
l'instant  dont  il  a  besoin  pour  l'avaler  à  exprimer  vi- 
vement au  Sauveur  son  amour  et  sa  reconnaissance. 
Aussitôt  qu'il  est  en  état  de  parler,  il  dit  :  «  Que  ren- 
drai-je  au  Seigneur  pour  tous  les  biens  qu'il  m'a  accor- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  453 

dés?  Je  prendrai  le  calice  du  salut,  et  j'invoquerai  le 
nom  du  Seigneur  en  chantant  ses  louanges,  et  je  serai 
à  couvert  de  mes  ennemis.  »  Et  en  effet  quel  sentiment 
peut  être  dans  un  cœur  où  Jésus  réside  en  personne, 
sinon  un  sentiment  de  reconnaissance  et  d'admiration? 
et  quelles  paroles  sur  des  lèvres  qu'il  vient  de  sanctifier, 
sinon  un  cantique  de  louanges?  Le  prêtre  découvre 
ensuite  le  calice,  l'adore  en  faisant  la  génuflexion,  puis 
ramasse  avec  un  soin  respectueux  les  parcelles  de  la 
sainte  hostie  qui  pourraient  être  restées  sur  le  corporal 
pour  les  mettre  dans  le  calice,  et  prenant  la  coupe 
sacrée,  il  dit  :  Que  le  sang  de  notre  Seigneur  Jésus- 
Christ  garde  mo7i  âme  pour  la  vie  éternelle.  Àinst 
soit-il. 

C'est  en  ce  moment  qu'a  lieu  la  communion  des 
fidèles.  Nous  avons  expliqué  dans  la  deuxième  partie 
de  cet  ouvrage  de  quelle  manière  communiaient  les 
premiers  Chrétiens  '  ?  Nous  n'avons  qu'un  mot  à  dire 
sur  les  cérémonies  et  les  prières  qui  accompagnent 
aujourd'hui  la  communion  des  fidèles. 

Par  la  bouche  du  clerc  ou  du  diacre,  les  commu- 
niants, agenouillés  sur  les  marches  du  sanctuaire  ou 
sur  les  degrés  de  l'autel,  font  la  confession  générale  de 
leurs  péchés  :  Confiteor.  Cet  usage  remonte  au  delà 
de  cinq  cents  ans.  Le  prêtre  se  tourne  vers  eux  et  dit  : 
«  Que  le  Dieu  tout-puissant  ait  pitié  de  vous,  et,  qu'après 
vous  avoir  pardonné  vos  péchés,  il  vous  conduise  dans 

'  Foy.  encore  là-dessus  les  intéressants  détails  donnes  par  Du- 
rantus,  lit».  2,  c  55. 


454  CATÉCHISME 

la  vie  éternelle.  »  Par  la  bouche  du  ministre  tous  répon- 
dent :  Qu'il  soit  ainsi  :  Amen.  Le  prêtre  ajoute  :  «  Que 
le  Seigneur  tout-puissant  et  miséricordieux  vous  accorde 
l'indulgence,  le  pardon  et  la  rémission  de  tous  vos  pé- 
chés. »  Leurs  cœurs  répondent  :  Qu'il  soit  ainsi  :  Amen. 
Prenant  alors  la  sainte  hostie,  qu'il  tient  élevée  sur  le  ci- 
boire, le  prêtre  dit  :  €  Voici  l'Agneau  de  Dieu,voici  celui 
qui  efface  les  péchés  du  monde.  »  Et  il  ajoute  trois  fois  : 
«  Seigneur,  je  ne  suis  pas  digne  que  vous  entriez  dans 
ma  maison,  mais  dites  seulement  une  parole,  et  mon 
âme  sera  guérie.  »  Le  prêtre  s'approche,  et  donne  la 
sainte  communion  en  faisant  le  signe  de  la  croix  qu'il 
accompagne  de  ces  paroles  :  «  Que  le  corps  de  notre 
Seigneur  Jésus-Christ  garde  votre  âme  pour  la  vie 
éternelle?» 

Dans  plusieurs  églises,  les  fidèles  répondent  :  Qu'il 
soit  ainsi  :  Amen.  Mais  si  partout  ils  ne  l'expriment  pas 
de  bouche,  ils  doivent  le  dire  du  plus  profond  de  leur 
cœur.  Quel  vœu  plus  beau,  plus  utile  pourraient-ils 
former  ? 

En  Allemagne  et  dans  plusieurs  parties  de  la  chré- 
tienté, on  présente  aux  fidèles  qui  viennent  de  com- 
munier du  vin  et  de  l'eau  pour  se  purifier  la  bouche. 
Cet  usage  fort  ancien  a  encore  lieu  dans  les  ordinations 
et,  dans  beaucoup  d'endroits,  le  jour  de  la  première 
communion  générale  '. 

Par  respect  pour  le  Sauveur,  le  prêtre  se  purifie  la 
bouche  et  les  doigts,  afin  qu'il  n'y  reste  rien  des  saintes 

*  Lebrun,  p.  636. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  455 

espèces.  Cetusage  vénérable  remonte  jusqu'au  douzième 
siècle.  Auparavant  on  se  contentait,  après  la  commu- 
nion, de  se  laver  les  mains  et  de  jeter  l'eau  dans  la 
piscine  ou  lavoir;  c'était  un  lieu  décent  et  consacré  à 
cela.  Depuis  cette  époque,  le  prêtre  fait  deux  ablutions, 
une  avec  du  vin  pur,  l'autre  avec  du  vin  et  de  l'eau  que 
le  clerc  ou  le  sous-diacre  lui  verse  sur  les  doigts.  Mais 
pendant  qu'il  est  occupé  de  ces  scènes  extérieures,  son 
âme,  unie  à  son  Dieu,  entretient  avec  lui  un  saint  com- 
merce ;  elle  lui  demande  quoi?  Ah  !  que  peut,  que  doit 
demander  une  âme  voyageuse,  exilée,  qui  est  unie  à  son 
Dieu,  à  son  père,  à  sa  fin,  sinon  qu'il  daigne  immorta- 
liser cette  union?  Tel  est  le  sens  des  deux  prières  sui- 
vantes : 

«  Faites,  Seigneur,  que  nous  conservions  dans  un 
cœur  pur  le  sacrement  que  notre  bouche  a  reçu,  et  que 
ce  don  temporel  devienne  pour  nous  un  remède  éter- 
nel. »  Et  en  se  purifiant  les  doigts,  il  ajoute  :  «  Qu'ils 
demeurent  attachés  à  mes  entrailles,  ô  Seigneur!  votre 
corps  que  j'ai  reçu  et  votre  sang  que  j'ai  bu  ;  et  faites 
qu'il  ne  reste  en  moi  aucune  tache  de  mes  péchés, 
après  avoir  été  nourri  par  des  sacrements  si  saints  et  si 
purs.  Vous  qui  vivez  et  régnez  dans  tous  les  siècles  des 
siècles.  Ainsi  soit-il.  » 

Quelles  plus  belles  prières  les  fidèles  qui  ont  eu  le 
bonheur  de  communier  pourraient-ils  réciter  en  ac- 
tions de  grâces?  Mais  qu'ils  aient  communié  réelle- 
ment ou  spirituellement,  les  assistants  doivent  pendant 
ces  instants  si  précieux  et  si  courts  s'entretenir  avec 


456  CATÉCHISME 

Jésus-Christ,  l'adorer,  le  remercier,  et  lui  demander 
avec  confiance  tout  ce  qui  peut  leur  être  nécessaire 
pour  le  corps  et  pour  l'âme.  Le  moment  qui  suit  la 
communion,  dit  sainte  Thérèse,  est  le  temps  le  plus 
précieux  de  la  vie. 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu!  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
de  m'avoir  permis  d'assister  si  souvent  à  votre  adorable 
sacrifice  ;  je  vous  demande  pardon  de  toutes  les  irrévé- 
rences dont  je  m'y  suis  rendu  coupable. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par -dessus 
toute  chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour 
l'amour  de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je 
communierai  sacramentellement  ou  spirituellement 
toutes  les  fois  que  j' entendrai  la  messe. 


PETIT  CATÉCHISME. 

LE   CHRISTIANISME   RENDU   SENSIBLE. 
Cinquième  partie  de  la  messe. 

Q.  Où  commence  la  cinquième  partie  de  la  messe  ? 

R.  La  cinquième  partie  de  la  messe  commence  au 
Fater.  Le  Pater  est  précédé  d'une  préface  ou  prière 
préparatoire  :  on  la  dit  par  respect  pour  l'Oraison  domi- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  457 

nicale  et  pour  nous  aider  à  la  bien  faire.  Le  peuple,  par 
la  bouche  du  diacre,  récite  cette  demande  du  Pater  qui 
renferme  toutes  les  autres  :  Mais  délivrez-nous  du  mal. 
Dans  la  prière  suivante  le  prôtre  explique  à  Dieu  les 
maux  dont  nous  désirons  la  délivrance,  et  il  la  sollicite 
par  l'intercession  de  la  sainte  Vierge  et  des  Saints. 

Q.  Que  fait-il  ensuite  ? 

R.  Ensuite  le  prêtre  rompt  l'hostie  sur  le  calice,  et 
en  met  une  parcelle  dans  le  précieux  sang,  pour  mar- 
quer l'union  intime  que  nous  allons  contracter  avec 
Notre-Seigneur  parla  comnjunion.  Il  dépose  les  deux 
autres  sur  la  patène  pour  s'en  communier.  Il  dit  en 
même  temps  :  «  Que  la  paix  du  Seigneur  soit  toujours 
avec  vous.  »  C'est  à  ce  moment  que  les  premiers  Chré- 
tiens se  donnaient  le  baiser  de  paix.  Ils  exprimaient 
par  là  qu'ils  s'aimaient  très-tendrement  comme  des 
frères.  La  charité  pour  le  prochain  est  une  condition 
essentielle  pour  bien  communier. 

Q.  Qu'est-ce  que  VAgnus  Dei  ? 

R.  VAgnus  Dei  est  une  prière  par  laquelle  le  prêtre 
demande  à  Noire-Seigneur  qu'il  nous  donne  la  paix, 
la  paix  en  ce  monde  et  en  l'autre;  car  c'est  là  le  pré- 
cieux effet  de  la  sainte  communion.  11  récite  après  cela 
trois  belles  prières  pour  se  disposer  immédiatement  à 
recevoir  Noire-Seigneur.  Nous  devons  nous-mêmes  les 
réciter  avec  une  grande  dévotion,  c'est  un  excellent 
moyen  de  nous  préparer  à  la  communion. 

Q.  De  quoi  sont-elles  suivies  ? 

R.  Ces  prières  sont  suivies  de  ces  paroles  du  cenle- 


45S  CATÉCHISME 

nier  :  «  Seigneur,  je  ne  suis  pas  digne  que  vous  entriez 
dans  ma  maison  ;  mais  dites  seulement  une  parole,  et 
mon  âme  sera  guérie.  »  Le  prêtre  connaît  son  indignité, 
et  il  demande  au  Seigneur  de  guérir  son  âme,  afin 
qu'elle  soit  en  état  de  le  recevoir.  Il  prend  ensuite  le 
corps  et  le  sang  de  Jésus-Christ. 

Q.  Pourquoi  dit-on  le  Confiteor  avant  de  commu- 
nier ? 

R.  Avant  de  communier  on  dit  le  Conjiteor  pour 
s'exciter  à  la  componction  et  à  l'humilité  ;  car  le  Con- 
fiteor  est  une  accusation  générale  et  publique  de  tous 
les  péchés.  En  communiant  les  fidèles  le  prêtre  leur 
dit:  «Que  le  corps  de  notre  Seigneur  Jésus-Christ  garde 
votre  âme  pour  la  vie  éternelle.  »  Nous  devons  désirer 
ardemment  qu'il  en  soit  ainsi. 

Q.  Qu'est-ce  que  les  ablutions? 

R.  Les  ablutions  sont  des  purifications  par  lesquelles 
le  prêtre  nettoie  sa  bouche  et  ses  doigts  afin  qu'il  n'y 
reste  rien  des  saintes  espèces.  En  les  faisant,  il  récite 
des  prières  comme  actions  de  grâces  de  la  communion. 
Nous  devons  les  réciter  aussi,  quand  même  nous  n'au- 
rions fait  que  la  communion  spirituelle. 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
de  m'avoir  permis  d'assister  si  souvent  à  votre  adorable 
sacrifice  ;  je  vous  demande  pardon  de  toutes  les  irrévé- 
rences dont  je  m'y  suis  rendu  coupable. 


DE   PERSÉVÉRANCE.  459 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par- dessus 
toute  chose,  et  mon  prochain  comme  moi-môme  pour 
l'amour  de  Dieu  ;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je 
communierai  sacramentellement  ou  spirituellement 
toutes  les  fois  que  j'entendrai  la  messe. 


460  CATÉCHISME 

XXllP    LEÇON. 

LE    CHRISTIANISME    RENDU    SENSIBLE. 

Sixième  partie  de  la  messe.  —  Communion.  — Postcommunion.  — 
Ite  missa  est.  —  Bénédiction.  —  Evangile  de  saint  Jean.  —  Com- 
ment il  faut  sortir  de  la  messe. 

La  sixième  et  dernière  partie  de  la  messe,  c'est  l'ac- 
tion de  grâces.  Dans  la  société  la  reconnaissance  est  un 
devoir  sacré.  Honte  à  celui  qui  ose  s'en  affranchir,  il 
est  flétri.  La  plus  grande  injure  qu'on  puisse  adresser  à 
quelqu'un,  c'est  de  lui  dire  :  Vous  êtes  un  ingrat.  La 
reconnaissance  est  aussi  un  devoir  commandé  par  la  Re- 
ligion; Jésus-Christ  ne  condamne-t-il  pas  hautement 
ces  lépreux  qui,  après  leur  guérison,  ne  vinrent  pas  le 
remercier? A  la  messe,  il  a  daigné  nous  accorder  la  plus 
grande  de  toutes  les  grâces.  Oh!  il  n'était  pas  à  craindre 
que  l'Eglise,  celte  épouse  si  tendre,  manquât  de  lui  en 
rendre  de  solennelles  actions  de  grâces  ;  elle  l'a  fait 
dans  tous  les  siècles.  «  Après  qu'on  a  participé  à  ce  grand 
sacrement,  dit  saint  Augustin,  toutse  termine  parl'action 
de  grâces  '.» Ce  qui  se  pratiquait  alors  se  pratique  encore 
aujourd'hui,  et  puisse  notre  reconnaissance  égaler  celle 
de  nos  pères  ! 

La  dernière  partie  de  la  messe  contient  XAnlimne 

'  Epist.  149. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  461 

de  la  communion,  Toraison  appelée  Postcommunion, 
Vite  missa  est,  la  Bénédiction  et  l'évangile  de  saint  Jean  : 
In  principio^  etc. 

Dans  les  beaux  jours  de  la  primitive  Eglise,  alors 
que  tout  le  peuple  communiait,  on  chantait  pendant  la 
distribution  de  l'Eucharistie  des  psaumes  qui  avaient 
rapport  à  cette  action  sainte.  En  Orient,  c'était  le  beau 
cantique  commençant  par  ces  mots  :  Comme  le  cerf  al- 
téré soupire  après  la  source  d'eau  vive^  ainsi  mon  âme 
soupire  après  vous,  ô  mon  Dieu  !  En  Occident,  c'était  le 
psaume  trente-trois  :  Je  bénirai  le  Seigneur  en  tout 
temps  :  sa  louange  sera  toujours  sur  mes  lèvres\ 

Nous  imitons  ce  pieux  usage  lorsque  dans  nos  grandes 
solennités  on  chante  des  psaumes  ou  des  cantiques  pen- 
dant la  communion.  Quoi  de  plus  beau?  Les  festins  des 
rois  et  des  grands  de  la  terre  sont  accompagnés  de 
chants  et  de  musique  ;  ne  fallait-il  pas  que  des  chants 
mélodieux  retentissent  pendant  le  festin  sacré  auquel 
Dieu  lui-même,  hôte,  nourriture  et  convive,  invite  ses 
enfants?  Et  pendant  que  les  voûtes  de  nos  temples  ré- 
sonnent des  chants  de  notre  amour,  les  Anges,  présents 
au  divin  banquet,  redisent  sur  leurs  harpes  d'or  et  la 
bonté  de  Dieu  et  le  bonheur  de  l'homme. 

Lorsque  la  communion  touchait  à  sa  fin,  l'évêque 
faisait  signe  au  chef  du  chœur,  et  on  chantait  le  Gloria 
Patri  pour  terminer  l'hymne  du  festin.  La  ferveur  des 
fidèles  ayant  malheureusement  diminué,  on  a  réduit  les 
psaumes  à  un  verset  qu'on  nomme  antienne,  parce  qu'il 

'  Bona,  lib.  2,''c.  17/ 


462  CATlêCHISMB 

se  chantait  alternalivemenl  par  les  deux  chœurs.  Telle 
est  la  prière  de  la  messe  que  nous  appelons  Commu- 
nion. 

Le  prêtre  la  récite  du  côté  de  l'épître,  car,  pendant 
qu'il  a  recouvert  le  calice,  le  clerc  a  reporté  le  missel 
de  ce  côté-là.  C'est  la  place  qui  convient  le  mieux  au 
livre,  parce  qu'elle  est  du  côté  du  siège  de  l'évêque  et  du 
prêtre.  On  l'y  laisserait  toujours  si  une  raison  mysté- 
rieuse n'avait  déterminé  à  lire  l'Évangile  du  côté  de 
l'aquilon,  et  si,  depuis  l'Offertoire,  il  ne  fallait  dégager 
le  côté  de  l'autel  où  l'on  apporte  les  ablutions,  les  bu- 
rettes, où  l'on  prépare  le  calice,  etc.;  la  sacristie,  d'où 
l'on  porte  tout  ce  qui  est  nécessaire,  étant  ordinaire- 
ment de  ce  côté. 

La  Communion  récitée,  le  prêtre  vient  au  milieu  de 
l'autel,  le  baise  par  amour  et  par  respect,  puis,  se  tour- 
nant vers  le  peuple,  il  l'invite  à  la  prière  et  à  la  recon- 
naissance par  ces  mots  :  Que  le  Seigneur  soit  avec  vous, 
et  le  peuple  répond  :  Et  avec  votre  esprit.  Le  prêtre  re- 
vient au  missel,  et,  au  nom  de  tous,  dit  :  Oremus  :  Prions, 
et  il  récite  à  haute  voix  la  Postcommunion,  qui  est 
une  prière  d'actions  de  grâces.  Ah  !  si  nous  connais- 
sons le  don  de  Dieu  et  la  faveur  qu'il  vient  de  nous 
faire,  avec  quel  profond  sentiment  d'amour  ne  dirons- 
nous  pas  à  la  fin  de  cette  prière  :  Amen,  ainsi  soit-il, 
amour,  actions  de  grâces,  reconnaissance  éternelle. 

Le  nombre  des  Postcommunions  est  le  même  que  ce- 
lui des  Collectes  et  des  Secrètes  avant  la  Préface.  En 
effet,  il  est  juste  d'égaler  le  nombre  de  nos  remercî- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  463 

ments  à  celui  de  nos  demandes.  Aux  Postcommunions  on 
ajoute  en  carême  une  oraison  qu'on  appelle  prière  sur 
le  peuple;  elle  est  précédée  de  cette  invitation  faite  par 
le  diacre  :  Humiliate  capita  vestra  Deo  :  Humiliez  vos 
têtes  devant  Dieu.  Quel  que  soit  le  motif  qui  ait  fait  in- 
stituer celte  prière,  qu'on  l'ait  dite  pour  les  fidèles  qui 
n'avaient  pas  communié  ou  pour  les  pécheurs  qui  ac- 
complissaient leur  pénitence,  les  assistants,  pendant 
qu'on  la  récite,  doivent  humilier  leurs  cœurs,  et  de- 
mander à  Dieu  qu'il  les  change  et  les  sanctifie. 

Après  la  Postcommunion,  le  prêtre,  revenu  au  milieu 
de  l'autel  qu'il  baise  avec  amour,  se  retourne  vers  le 
peuple  et  lui  adresse  ses  derniers  vœux  :  Que  le  Seigneur 
soit  avec  vous.  Oh  !  oui,  avec  vous,  pieux  Chrétiens,  qui 
êtes  venus  dès  l'aurore,  comme  les  fidèles  Israélites, 
recueillir  la  manne  tombée  du  ciel  ;  nourrissez-vous  du 
pain  sacré  dans  le  cours  de  cette  journée  qui  commence; 
voyageurs  de  l'éternité,  vous  y  trouverez  la  force  de  con- 
tinuer votre  route  vers  la  patrie  ;  que  le  Seigneur  soit 
avec  vous  pour  vous  éclairer,  vous  protéger,  vous  con- 
soler, vous  conserver  le  fruit  du  sacrifice,  et  vous  rap- 
peler ce  que  vous  avez  vu  ce  malin  et  ce  que  vous  avez 
fait. 

Pénétré  d'une  reconnaissance  plus  vive  que  jamais 
pour  le  prêtre  qui  a  été  le  ministre  du  grand  sacrifice,  le 
peuple  répond  :  Et  avec  votre  esprit.  Voilà  donc  les  sou- 
haits que  le  pasteur  et  le  troupeau,  le  père  et  les  enfants 
s'adressent  au  pioment  de  se  quitter.  En  connaissez- 
vous  de  plus  heureux  et  de  plus  touchants? 


464  CATÉCniSME 

Enfin  le  prêtre  donne  le  signal  du  départ  en  disant  : 
Ite,  missa  est.  Ces  paroles  signifient  littéralement,  al- 
lez, c'est  le  renvoi  ;  pour  dire,  il  est  permis  de  sortir, 
vous  pouvez  vous  en  aller.  A  la  grand'messe,  c'est  le 
diacre  qui  prononce  ces  paroles;  il  le  fait  au  nom  du 
prêtre  ou  de  l'évêque  dont- il  est  le  principal  minisire. 
Dans  les  premiers  siècles,  il  avertissait  les  catéchu- 
mènes et  les  pécheurs  de  sortir  de  l'église  avant  l'of- 
frande et  l'action  du  sacrifice  ;  il  lui  appartenait  donc  à 
la  fin  de  la  messe  de  renvoyer  les  fidèles. 

Autrefois  on  disait  :  Ite,  missa  est,  lorsqu'après  la 
messe  il  n'y  avait  pas  d'autre  office,  alors  le  peuple  pou- 
vait se  retirer;  mais  si  l'on  devait  réciter  d'autres  priè- 
res ou  faire  quelque  cérémonie,  le  prêtre  ou  le  diacre, 
à  la  place  de  Vite  missa  est,  disait  :  Benedicamus  Do- 
mino :  Bénissons  le  Seigneur  ;  et  aux  messes  de  morts  : 
Requiescant  in  pace: Qu'ils  reposent  en  paix.  Ainsi,  au 
lieu  d'avertir  les  fidèles  que  la  prière  était  finie,  on  les 
engageait  à  rester  pour  bénir  le  Seigneur  ou  pour  de- 
mander à  Dieu,  en  faveur  des  défunts,  un  repos  et  une 
paix  éternelle. 

Aujourd'hui,  l'on  dit  Vite  missa  est  toutes  les  fois 
qu'on  a  récité  â  la  messe  le  Gloria  in  excelsis;  on  le  re- 
garde par  conséquent  comme  une  marque  de  joie  et  d'al- 
légresse, et  c'est  sans  doute  ce  qui  l'a  fait  supprimer 
les  jours  de  la  férié,  et  surtout  pendant  tout  le  temps 
de  l'Avent  et  du  Carême.  Ces  jours-là  on  dit  :  Benedi- 
camus Domino,  pour  inviter  les  assistants  à  prier  encore 
et  à  se  sanctifier  par  l'oraison,  le  jeûne  et  la  pénitence. 


DE   PERSIÉVÉRANCE.  465 

Aux  messes  de  morts,  on  dit  :  Requiescant  in  pace  : 
Qu'ils  reposent,  en  paix,  parce  que  l'Eglise  est  tout  oc- 
cupée de  procurer  à  ses  enfants  défunts  le  soulagement 
dont  ils  ont  besoin.  Les  fidèles  répondent  à  Yltemtssa 
est  et  auBcnedicamus  Domino  :  Deo  gratias  :  Rendons 
grâces  à  Dieu.  «  Oui,  disent-ils,  nous  nous  retirons  avec 
joie,  et  nous  bénissons,  pleins  de  reconnaissance,  le 
Dieu  qui  nous  a  comblés  de  bienfaits  en  nous  faisant 
participer  aux  saints  mystères.  »  Ainsi,  ils  imitent  les 
Apôtres  qui,  après  avoir  été  bénis  de  Jésus-Christ  mon- 
tant au  ciel,  s'en  retournèrent  comblés  de  joie,  bénis- 
sant et  remerciant  le  Seigneur. 

Après  le  Requiescantin  pace^  le  peuple  répond^men, 
c'est-à-dire  qu'il  soit  comme  vous  le  désirez,  que  le  Sei- 
gneur comble  vos  vœux  et  donne  la  paix  éternelle  aux 
âmes  qui  souffrent  dans  le  purgatoire'. 

La  messe  est  finie,  mais  il  en  coûte  au  prêtre  de  quit- 
ter l'autel  saint  ;  il  lui  en  coûte  de  se  séparer  de  son 
peuple  fidèle.  Et  voilà  que  depuis  plus  de  sept  ans  la 
dévotion  du  prêtre  et  du  peuple  ont  fait  deux  additions 
autorisées  ensuite  par  l'Eglise  ^ 

La  première  est  l'oraison  suivante  que  le  prêtre  dit 
pour  lui-même  et  pour  le  peuple  ;  il  la  récite  à  voix  basse, 
les  mains  jointes  sur  l'autel  et  les  yeux  baissés  :  «Rece- 
vez favorablement,  ô  Trinité  sainte,  l'hommage  de  ma 
parfaite  dépendance,  et  daignez  agréer  le  sacrifice  que 

'  Lebrun,  p.  642  et  suiv.  Durandus,  lib.  5,  c.  55-57.  Durantus, 
lib.  2,  c.  56.  Bona,  lib.  2,  c.  20.  Esprit  des  ce'rém.,  p.  377. 
»  Microtog.,  c.  Tî. 

T.  VII.     '  30 


466  CATÉCHISME 

j'ai  offert  à  votre  divine  majesté,  quoique  j'en  fusse  in- 
digne. Faites,  par  votre  miséricorde,  qu'il  me  soit  pro- 
pitiatoire et  à  tous  ceux  pour  qui  je  l'ai  offert.  Par  notre 
Seigneur  Jésus-Christ.  Ainsi  soit-il.  » 

Cette  prière  finie,  le  prêtre  baise  l'autel,  élève  les 
mains  et  les  yeux  au  ciel,  puis,  se  tournant  vers  le  peu- 
ple et  étendant  la  main,  il  le  bénit  en  formant  le  signe 
de  la  croix  et  disant  :  Que  le  Dieu  tout-puissant  vous 
bénisse  ;  au  nom  du  Père,  et  du  Fils,  et  du  Saint-Esprit; 
et  le  peuple  répond  par  l'acclamation  ordinaire  :  Amen: 
Dieu  veuille  exaucer  le  vœu  que  vous  formez  pour  nous. 
Aux  messes  de  morts  on  omet  la  bénédiction  :  elle  ne 
peut  leur  servir,  car  elle  n'est  que  pour  les  assistants. 

Qu'elles  sont  belles  les  cérémonies  dont  le  prêtre  ac- 
compagne celle  dernière  bénédiction  !  Il  prend  lui-même 
la  bénédiction  de  Jésus-Christ  en  baisant  l'autel  qui  le 
représente,  il  élève  les  yeux  et  les  mains  au  ciel,  pour 
montrer  que  c'est  à  ce  pontife  éternel  qui  est  assis  à  la 
droite  du  Très-Haut,  comme  le  ministre  du  sanctuaire 
divin,  et  comme  le  véritable  Melchisédech,  de  bénir  le 
peuple  fidèle  et  les  enfants  du  véritable  Abraham;  de 
les  bénir  pour  le  ciel  et  pour  l'éternité,  par  les  mérites 
de  ses  mystères  et  de  sa  croix. 

Le  prêtre,  nous  venons  de  le  dire,  en  forme  le  signe 
adorable,  en  bénissant  le  peuple  et  en  disant  :  Que  le 
Dieu  tout-puissant  vous  bénisse,  etc. 

Que  le  PÈRE  vous  bénisse,  qui  nous  a  comblés  en 
Jésus-Christ  de  toutes  sortes  de  bénédictions  spirituelles 
pour  le  ciel,  ainsi  qu'il  nous  a  élus  en  lui  par  son  amour. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  461 

afin  que  nous  fussions  saints  et  irrépréhensibles ,  nous 
ayant  prédestinés  par  un  pur  effet  de  sa  bonne  volonté^ 
pour  nous  faire  ses  enfants  adoptifs,  par  Jésus-Christ 
à  la  louange  et  à  la  gloire  de  sa  grâce. 

Que  le  Fils  vous  bénisse,  en  qui  le  Père  nous  a  rendus 
agréables  à  ses  yeux;  qui  nous  a  rachetés  par  son  sang, 
nous  donnant  la  rémission  de  nos  péchés  selon  les  ri- 
chesses de  sa  grâce  qu'il  a  versées  sur  nous,  et  en  qui  il 
a  tout  réuni  comme  dans  le  chef,  tant  ce  qui  est  au  ciel 
que  ce  qui  est  sur  la  terre. 

Que  le  Saint-Esprit  vous  bénisse,  qui  est  l'esprit  de 
sagesse  et  de  révélation,  pour  connaître  Dieu,  le  sceau 
dont  nous  avons  été  scellés  pour  croire  en  Jésus-Christ 
par  la  parole  de  vérité,  l'évangile  de  notre  salut,  le  gage 
et  les  arrhes  de  notre  héritage  jusqu'à  la  parfaite  déli- 
vrance du  peuple  que  Jésus-Christ  s'est  acquis  à  la 
louange  de  sa  gloire.  Ainsi  soit  il. 

L'Evangile  de  saint  Jean  esl  la  seconde  addition  faite 
à  la  messe  par  la  dévotion  réunie  des  prêtres  et  des  fi- 
dèles. Dès  le  commencement  de  l'Eglise,  les  Chré- 
tiens avaient  pour  les  sublimes  paroles  du  disciple 
bien-aimé  la  vénération  la  plus  profonde.  Saint  Augustin 
ne  désapprouvait  pas  l'usage  déjà  établi  de  son  temps 
de  placer  ce  saint  Evangile  sur  la  tête  pour  être  guéri 
de  quelque  mal,  et  le  pape  Paul  V  ordonna  qu'en  allant 
visiter  les  malades,  on  mît  la  main  sur  leur  tête  en  ré- 
citant l'Evangile  de  saint  Jean.  Les  Païens  eux-mêmes, 
frappés  de  la  profondeur  et  de  la  sublimité  du  môme 
Evangile,  disaient  qu'on  devrait  l'écrire  en  lettres  d'or 


468  CATÉCHISME 

dans  tous  les  lieux  d'assemblée,  afin  que  le  tout  monde 
pût  le  lire. 

Les  fidèles  ont  désiré  avec  tant  d'ardeur  qu'on  le  ré- 
citât à  la  fin  de  la  messe,  qu'ils  le  demandaient  expres- 
sément dans  les  fondations  qu'ils  faisaient  aux  églises*. 
Bientôt  cette  demande  devint  inutile  :  tous  les  prêtres 
récitèrent  l'Evangile  avant  de  quitter  l'autel.  Le  saint 
pape  Pie  V  en  fît  une  loi.  On  le  dit  chaque  jour,  à 
moins  qu'il  n'y  ait  double  office  à  cause  de  quelque 
fête  :  dans  ce  cas,  on  récite  l'Evangile  de  la  messe 
qu'on  n'a  pas  pu  dire  :  par  exemple,  lorsque  l'As- 
somption de  la  sainte  Vierge  tombe  le  dimanche,  on 
célèbre  l'office  de  celte  fêle  solennelle,  mais  le  dernier 
Evangile  est  celui  de  l'office  du  dimanche  dont  l'office 
est  supprimé. 

La  récitation  de  l'Evangile  de  saint  Jean  est  accom- 
pagnée des  mêmes  cérémonies  que  celle  de  l'Evangile 
ordinaire.  Au  commencement,  le  prêtre  éveille  l'atten- 
tion des  fidèles  en  leur  disant  :  Que  le  Seigneur  soit  avec 
vous  ;  et  le  peuple  répond  :  Et  avec  votre  esprit.  Le 
prêtre  fait  avec  le  pouce  le  signe  de  la  croix  sur  le  car- 
ton où  l'Evangile  est  écrit,  puis  il  le  fait  sur  son  front, 
sur  ses  lèvres  et  sur  son  cœur,  pour  protester  de  son 
amour  et  de  sa  foi.  Il  dit  en  même  temps  :  Commence- 
ment de  l'Evangile  selon  saint  Jean  ;  à  quoi  le  peuple 
répond:  Gloire  soit  à  vous ^  Seigneur. 

Le  prêtre  reprend  : 

«  Au  commencement  était  le  Verbe,   et  le  Verbe 

'  Lebrun,  p.  673. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  469 

était  en  Dieu,  et  le  Verbe  était  Dieu.  Il  était  au  commen- 
cement en  Dieu.  Toutes  choses  ont  été  faites  par  lui,  et 
rien  n'a  été  fait  sans  lui  de  tout  ce  qui  a  été  fait.  En  lui 
était  la  vie,  et  la  vie  était  la  lumière  des  hommes,  et  la 
lumière  luit  dans  les  ténèbres,  et  les  ténèbres  ne  l'ont 
point  comprise.  Il  y  eut  un  homme  envoyé  de  Dieu  qui 
s'appelait  Jean;  il  vint  pour  servir  de  témoin,  pour  ren- 
dre témoignage  à  la  lumière,  afm  que  tous  crussent  par 
lui;  il  n'était  pas  la  lumière,  mais  il  était  venu  pour 
rendre  témoignage  à  celui  qui  était  la  lumière.  Celui-là 
était  la  vraie  lumière  qui  éclaire  tout  homme  venant  en 
ce  monde.  Il  était  dans  le  monde,  et  le  monde  a  été  fait 
par  lui,  et  le  monde  ne  l'a  point  connu.  11  est  venu  chez 
soi,  et  les  siens  ne  l'ont  point  reçu;  mais  il  a  donné  à 
ceux  qui  l'ont  reçu  le  pouvoir  d'être  faits  enfants  de 
Dieu,  à  ceux  qui  croient  en  son  nom,  qui  ne  sont  point 
nés  du  sang,  ni  de  la  volonté  de  la  chair,  ni  de  la  volonté 
de  l'homme,  mais  de  Dieu  même.  Et  le  Verbe  s'est 
FAIT  CHAIR,  et  il  a  habité  parmi  nous,  et  nous  avons  vu 
sa  gloire,  sa  gloire  comme  du  Fils  unique  du  Père, 
étant  plein  de  grâce  et  de  vérité.  » 

A  ces  mots  :  Et  le  Verbe  s'est  fait  chair,  le  prêtre  fait 
une  génufluxion  pour  honorer  le  profond  abaissement 
du  Verbe  divin,  qui,  pour  nous  racheter,  a  bien  voulu 
s'anéantir  jusqu'à  prendre  la  forme  d'esclave,  c'est-à  dire 
de  l'homme  esclave  du  Démon  et  du  péché. 

La  pensée  de  terminer  les  prières  du  saint  sacrifice 
par  l'Evangile  de  saint  Jean  est  pleine  de  sagesse  et  de 
piété.  En  effet,  les  paroles  qu'il  comprend  résument  tout 


470  CATÉCHISME 

ce  que  le  Verbe  a  fait  pour  nous,  dans  l'éternité  et  dans 
le  temps  ;  elles  le  montrent  dans  le  sein  de  son  Père, 
Dieu  comme  lui,  par  qui  tout  a  été  fait,  qui  est  la  vie  et 
la  lumière  du  monde;  elles  le  montrent  descendu  sur 
la  terre,  véritable  soleil  de  justice  qui  a  lui  dans  les  té- 
nèbres, qui  éclaire  ceux  qui  étaient  assis  à  l'ombre  de 
la  mort;  elles  nous  rappellent  que  c'est  par  lui  que  nous 
sommes  enfants  de  Dieu,  car  il  s'est  fait  chair,  et  il  a 
habité  parmi  nous,  afin  de  nous  racheter  de  l'esclavage 
du  péché  et  de  nous  délivrer  de  la  damnation  éternelle. 
Nous  avons  vu  sa  gloire  dans  la  crèche,  sur  le  Thabor, 
au  Calvaire,  au  sépulcre  ;  nous  le  voyons  chaque  jour 
dans  la  sainte  Eucharistie,  et  nous  le  louons  et  nous  le 
bénissons  parce  qu'il  est  plein  de  grâce  et  de  vérité*. 
A  la  fin  de  l'Evangile  de  saint  Jean,  tout  le  peuple, 
par  l'organe  du  clerc,  répond  :  Deo  gratias  :  Nous  ren- 
dons grâces  à  Dieu.  Cette  courte  prière  est  si  sainte,  si 
parfaite  et  si  digne  de  Dieu,  qu'on  ne  pouvait  finir  le 
plus  grand  des  mystères  par  une  parole  plus  mystérieuse 
et  plus  divine.  Que  pourrmis-nous  penser ^  demande 
saint  Augustin,  que  pourrions -nous  dire,  que  pour- 
rions-nous écrire  de  meilleur  que  cette  parole  :  Deo  gra- 
tias :  Grâces  à  Dieu?  Non,  on  ne  peut  rien  dire  de 
plus  court, rien  entendre  de  plus  agréable^  rien  concevoir 
de  plus  grand,  rien  faire  de  plus  utile  et  d^un  plus  grand 
fruit  que  cette  prière  :  Deo  gratias  :  Grâces  à  Ditu*. 

'  Esprit  des  cérém.,  p.  384.  Lebrun,  p.  676.  Le  P.  de  Condren, 
p.  410. 
»  Epis  t.  77. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  471 

Oh  !  oui,  grâces  à  Dieu,  le  ciel  est  réconcilié  avec  la 
terre  :  l'auguste  victime,  attendue  pendant  quarante  siè- 
cles, vient  de  s'immoler  ;  elle  a  été  reçue  de  Dieu  par  le 
sacrifice,  et  des  hommes  par  la  communion.  Grdces  au 
Père  qui  nous  a  donné  son  Fils;  grâces  au  Fils  qui 
s'est  revêtu  de  notre  nature  ;  grâces  au  Saint-Esprit  qui 
nous  a  sanctifiés  en  Jésus-Christ  ;  grâces  à  l'auguste 
Trinité  pour  tous  ses  dons,  pour  toutes  ses  infinies  misé- 
ricordes dont  le  sacrifice  catholique  est  l'abrégé. 

Et  maintenant,  comment  devons -nous  sortir  de  la 
messe?  comment  en  sortaient  nos  pères  dès  les  premiers 
siècles?  Quelle  sainteté  doit  régner  dans  nos  pensées, 
dans  nos  désirs,  dans  nos  paroles,  dans  nos  regards,  dans 
tous  nos  rapports  avec  Dieu  et  avec  le  prochain  !  Ne 
l'oublions  pas;  le  ciel,  la  terre,  l'enfer  même  ont  les 
yeux  fixés  sur  nous  :  le  ciel  pour  se  réjouir  de  notre 
bonheur;  la  terre  pour  s'édifier  de  notre  sainteté;  l'en- 
fer pour  nous  enlever  le  fruit  du  sacrifice.  Quelle  vigi- 
lance de  notre  part  !  Prenons  garde  de  réjouir  l'enfer, 
d'attrister  le  ciel,  et  de  faire  blasphémer  le  nom  de 
Chrétien  parmi  les  hommes.  Vivons  comme  nous  au- 
rions vécu  le  jour  du  crucifiement  de  l'Homme  -  Dieu, 
si  nous  avions  assisté  à  son  immolation  sur  le  Calvaire  : 
en  sortant  de  la  messe,  nous  descendons  de  la  même 
montagne,  nous  venons  d'assister  au  même  sacrifice: 
serons-nous  comme  les  Juifs  qui  descendiren  l  du  Cal- 
vaire plus  endurcis  et  plus  aveugles  ;  ou  comme  le  cen- 
tenier  qui  publiait  hautement  la  gloire  du  Fils  de  Dieu  ; 
ou  comme  Marie  et  saint  Jean  dont  l'amour  pour  le 


472  CATÉCHISME 

Sauveur  s'était  accru  à  proportion  des  douleurs  dont  ils 
venaient  d'être  les  témoins  ?  choisissons. 

PRIÈRE. 

0  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
de  vous  être  immolé  pour  moi  sur  le  Calvaire,  et  de  re- 
nouveler chaque  jour  votre  sacrifice  sur  nos  autels.  Je 
vous  supplie  de  mettre  dans  mon  cœur  les  dispositions 
du  vôtre  lorsque  vous  mourûtes  sur  la  croix. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par -dessus 
toute  chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour 
l'amour  de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amour, 
je  sortirai  de  la  messe  avec  un  profond  recueillement. 


PETIT  CATÉCHISME. 

LE   CHRISTIANISME   RENDU    SENSIBLE. 
Sixième  partie  de  la  messe- 

Q.  Quelle  est  la  sixième  et  dernière  partie  de  la 
messe? 

R.  La  sixième  et  dernière  partie  de  la  messe  est 
l'action  de  grâces.  Elle  comprend  l'antienne  appelée 
Communion,  la  Postcommunion,  Vite  missa  est,  la  Bé- 
nédiction et  l'Evangile  de  saint  Jean. 

Q.  Qu'est-ce  que  l'antienne  appelée  Communion? 

R.  L'antienne  appelée  communion  est  une  prière 
que  le  prêtre  récite,  et  que  le  chœur  chante  aux  grand'- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  473 

messes  aussitôt  après  la  communion.  Dans  les  premiers 
siècles,  lorsque  tout  le  monde  communiait,  on  chantait 
des  psaumes.  Comme  on  chante  dans  les  festins  des 
rois,  l'Eglise  a  voulu  qu'on  chantât  aussi  pendant  le  fes- 
tin où  l'homme  s'assied  à  la  table  de  Dieu  même.  Le 
nombre  des  communiants  ayant  malheureusement  di- 
minué, on  n'a  plus  récité  que  quelques  versets  des 
psaumes.  On  les  chante  à  deux  chœurs;  c'est  ce 
qu'on  appelle  la  Communion  ou  l'antienne  de  la  Com- 
munion . 

Q.  Qu'est-ce  que  la  Postcommunion? 

R.  La  Postcommunion  est  une  prière  qui  se  récite 
après  la  Communion,  c'est  pourquoi  on  l'appelle  Post- 
communion. On  y  remercie  Dieu  du  sacrifice  qui  vient 
d'être  offert  et  de  la  communion  à  laquelle  on  a  parti- 
cipé. Cette  prière  finie,  le  prêtre  vient  au  milieu  de 
l'autel,  salue  le  peuple,  et  dit  l'/fe  mma  est. 

Q.  Que  veut  dire  Vite  missa  est? 

R.  Vite  missa  est  veut  dire  :  Allez,  c'est  le  renvoi, 
c'est-à-dire  vous  pouvez  vous  retirer,  la  messe  est 
finie.  C'est  ainsi  que  dès  les  premiers  siècles  on  an- 
nonçait aux  fidèles  la  fin  du  sacrifice.  Aux  grand'- 
messes,  le  diacre  dit  Vite  missa  est  au  nom  du  prêtre. 
Quand  la  messe  était  suivie  de  quelques  autres  prières, 
on  disait  :  Bénissons  le  Seigneur  :  Benedicamus  Do- 
mino. On  engageait  le  peuple,  non  pas  à  se  retirer, 
mais  à  continuer  les  louanges  de  Dieu.  Voilà  pourquoi 
on  dit  encore  Benedicamus  Domino^  surtout  pendant 
l'Avent  et  le  Carême. 


474  CATÉCHISME 

Q.  Pourquoi  le  prêtre  donne-t-il  la  bénédiction? 

R.  Le  prêtre  donne  la  bénédiction  pour  souhaiter  auï 
fidèles  qu'ils  conservent  les  fruits  du  saint  sacrifice,  et 
pour  leur  témoigner  son  affection  et  le  désir  qu'il  a  de 
leur  salut. 

Q.  Pourquoi  récite-t-il  l'Évangile  de  saint  Jean? 

R.  Il  récite  l'Evangile  de  saint  Jean  à  cause  du  pro- 
fond respect  qu'on  a  toujours  témoigné  pour  ces  saintes 
paroles.  Les  Païens  eux-mêmes  les  admiraient  telle- 
ment, qu'ils  auraient  voulu  qu'elles  fussent  gravées 
en  lettres  d'or  sur  les  lieux  d'assemblée,  afin  que  tout 
le  monde  pût  les  lire.  Du  temps  de  saint  Augustin  on 
plaçait  l'Évangile  de  saint  Jean  sur  la  tête  des  malades 
pour  obtenir  leur  guérison,  et  aujourd'hui  le  prêtre  le 
récite  encore  en  étendant  la  main  sur  le  malade.  A  ces 
mots,  Et  le  Verbe  s'est  fait  chair,  le  prêtre  fait  une  gé- 
nufiexion  pour  honorer  le  profond  abaissement  du 
Fils  de  Dieu,  qui,  pour  nous  sauver,  a  daigné  se  faire 
homme. 

Q.  Que  dit  le  peuple  à  la  fin  de  l'Évangile? 

R.  A  la  fin  de  l'Évangile,  le  peuple,  par  la  bouche 
du  clerc,  dit  :  Deo  grattas  :  Grâces  à  Dieu.  C'est  avec 
bien  de  la  raison.  Oui,  grâces  à  Dieu  le  Père,  qui  nous 
a  donné  son  Fils;  grâces  au  Fils,  qui  s'est  immolé  sur 
l'autel  pour  l'amour  de  nous  ;  grâces  au  Saint-Esprit, 
qui  nous  a  sanctifiés  par  Jésus-Christ  ;  grâces  à  la  très- 
sainte  Trinité  pour  tous  les  bienfaits  dont  le  sacrifice 
de  l'autel  est  l'abrégé.  Nous  devons  sortir  de  la  messe 
avec  beaucoup  de  recueillement,  et  vivre  pendant  la 


DE    PERSÉVÉRANCE.  475 

journée  comme  si  nous  avions  assisté  sur  le  Calvaire  à 
la  mort  du  Sauveur. 

PRIÈRE. 

0  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
de  vous  être  immolé  pour  moi  sur  le  Calvaire,  et  de 
renouveler  chaque  jour  votre  sacrifice  sur  nos  autels; 
je  vous  supplie  de  mettre  dans  mon  cœur  les  dispo- 
sitions du  vôtre  lorsque  vous  mourûtes  sur  la  croix. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu  ;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je  sortirai 
de  la  messe  avec  un  profond  recueillement. 


476  CATÉCUISME 


XXIV^   LEÇON. 

LE   CHRISTIANISME    RENDU    SENSIBLE. 

Jours  de  la  semaine  considérés  sous  le  poiut  de  vue  de  la  foi.  —  Ils 
sont  des  jours  defétc.  — La  vie  est  la  vigile  de  l'éternité.—  Com- 
ment célébrer  cette  fête  continuelle.  —  Noms  païens  des  jours  de 
la  semaine.  —  Noms  chrétiens.  —  Profonde  sagesse  de  l'Eglise. — 
Dévotions  attachées  à  chaque  jour  de  la  semaine.  —  Calendrier 
catholique,  sa  beauté,  son  utilité. 

Le  dimanche  est  la  première  fête  du  christianisme. 
Nous  venons  d'expliquer  en  détail  l'office  divin  et  l'au- 
guste sacrifice  par  lequel  l'Eglise  veut  qu'on  le  sancti- 
fie. Dans  un  sens,  les  autres  jours  de  la  semaine  sont  aussi 
des  fêtes.  L'univers  est  un  temple  ;  l'homme  est  un 
prêtre,  sa  vie  doit  être  une  fête  continuelle  :  telle  est 
la  pensée  des  Pères  de  l'Eglise.  «  Dites-moi,  deman- 
dait Origène  aux  Chrétiens  de  son  temps,  vous  qui  ne 
venez  à  l'église  que  les  jours  solennels,  les  autres  jours 
ne  sont-ils  pas  aussi  des  jours  de  fête?  ne  sont-ils  pas 
des  jours  du  Seigneur,  des  dimanches?  C'est  le  propre 
des  Juifs  de  distinguer  les  jours;  aussi  le  Seigneur  leur 
déclara  qu'il  avait  en  aversion  et  leurs  calendes  et  leurs 
jours  de  repos.  Les  Chrétiens,  au  contraire,  considèrent 
tous  les  jours  comme  les  jours  du  Seigneur,  et  comme 
le  jour  mêmedePâque,  parce  que  tous  les  jours  l'Agneau 
céleste  s'immole  pour  eux,  et  tous  les  jours  ils  le  man- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  477 

genl.  Que  si  le  sacrifice  se  faisait,  suivant  la  loi  de 
Moïse,  vers  le  coucher  du  soleil,  c'est  parce  que  la  vie 
présente  est  comme  un  jour  à  son  déclin,  une  nuit  qui 
doit  être  suivie  du  jour  du  soleil  de  justice,  au  lever 
duquel  nous  entrerons  dans  un  océan  de  joie  et  dans 
une  fêle  éternelle'. 

Deux  choses  résultent  de  ces  magnifiques  paroles  : 
1^  que  la  Religion  complétée  par  Jésus-Christ  a  déve- 
loppé toute  la  loi  ancienne,  tellement  que  si  les  Juifs 
avaient  certains  jours  de  fête,  c'était  une  ombre  de  ce 
qui  devait  avoir  lieu  sous  l'Evangile,  alors  que  tous  les 
jours  ne  formeraient  plus  qu'une  fête,  une  fête  où  les 
hommes  s'abstiendraient  de  tout  ce  qui  peut  offenser 
Dieu  ;  2»  que  les  fêles  et  la  vie  elle-même  lout  entière 
ne  sont  qu'un  apprentissage  de  la  fête  du  ciel  ;  que  le 
temps  est  la  vigile  de  l'éternité,  puisque  ce  n'est  qu'en 
vue  de  l'éternité  que  la  vie  est  donnée  à  l'homme,  le 
temps  au  genre  humain,  et  que  nous  pouvons  toujours 
nous  y  nourrir  de  la  chair  ou  de  la  parole  duYerbe 
incarné,  dont  on  se  nourrit  aussi  dans  le  ciel. 

Insislant  sur  cette  belle  idée  que  la  vie  n'est  qu'une 
longue  fête  où  nous  devons  être  saints  et  pieux 
comme  dans  les  solennités  particulières,  Origène  con- 
tinue en  ces  termes  :  «  Le  Chrétien,  dit-il,  qui  a  l'in- 
telligence de  sa  religion,  est  persuadé  que  chaque  jour 
est  pour  lui  un  jour  de  dimanche,  un  jour  du  Seigneur 
auquel  il  attache  uniquement  son  cœur  et  ses  pensées  ; 
que  chaque  jour  est  pour  lui  un  vendredi,  et  même  un 

»  Homil,  XQin  Gen. 


478  CATÉCHISME 

vendredi  saint,  parce  qu'il  y  dompte  ses  passions,  et 
reçoit  en  sa  chair  les  impressions  de  la  croix  de  Jésus- 
Christ;  que  chaque  jour  est  pour  lui  un  jour  de  Pâque, 
parce  qu'il  continue  incessamment  à  se  séparer  de  ce 
monde  de  corruption  et  de  passer  au  monde  invisible  et 
incorruptible,  en  se  nourrissant  de  la  parole  et  de  la 
chair  du  Verbe  humanisé  ;  enfin,  que  chaque  jour  est 
pour  lui  un  jour  de  Pentecôte,  parce  qu'il  est  ressuscité 
en  esprit  avec  Jésus-Christ,  il  s'est  élevé  avec  lui  jusque 
dans  le  ciel,  jusqu'au  trône  du  Père,  où  il  est  assis  avec 
Jésus-Christ  et  en  Jésus-Christ,  par  lequel  il  reçoit  la 
plénitude  de  l'Esprit  saint  '.  » 

Tous  les  jours  de  Tannée  sont  donc  des  jours  saints, 
des  jours  de  fête.  «  Mais,  continue  le  même  Père, 
comme  il  est  beaucoup  de  Chrétiens  qui  ne  veulent  pas 
ou  qui  ne  peuvent  pas  se  résoudre  à  passer  toute  leur 
vie  comme  un  seul  jour  de  fête,  il  a  fallu,  pour  s'ac- 
commoder à  leur  faiblesse,  déterminer  des  fêtes  parti- 
culières. Dans  sa  maternelle  sollicitude,  l'Eglise  les  a 
établies  afin  que  les  plus  dissipés  et  les  plus  languis- 
sants pussent  y  acquérir  une  nouvelle  vigueur  en  se 
débarrassant,  au  moins  pour  un  peu  de  temps,  des  af- 
faires de  ce  monde.  Toutefois  ce  ne  sont  là,  suivant 
l'expression  de  saint  Paul,  que  des  parties  d'un  jour  de 
fête,  de  cette  fête  continuelle  que  les  justes  célèbrent 
toute  leur  vie  et  que  les  bienheureux  célébreront  dans 
l'éternité"^.  » 

*Contr.  Cels.,  lîb.  8. 
»  Contr.  Cels.,  lib.  8.  S.  Hier.,  in  Epist.  ad  Gai.,  c.  4. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  479 

Telle  est  l'idée  sublime  que  le  Christianisme,  par 
l'organe  de  ses  docteurs,  nous  donne  du  monde  et  du 
temps.  Le  monde  est  un  temple,  la  vie  est  une  fêle , 
mais  une  fête  où  l'homme  déchu  cherche  à  se  réha- 
biliter; et  pour  caractériser  la  vie  du  Chrétien  sous 
l'Evangile,  ils  ajoutent:  «C'est  une  vérité  également 
importante  et  incontestable,  que  le  culte  religieux  de  la 
Divinité  a  eu  plus  d'étendue  et  de  liberté,  et  s'est  moins 
laissé  borner  à  des  temps,  à  des  années,  à  des  semaines, 
à  des  jours,  à  des  lieux,  à  des  temples  et  à  des  autels 
particuliers  dans  l'état  d'innocence  et  dans  les  siècles 
qui  l'ont  suivi  de  près,  que  dans  les  suivants.  On  sait 
par  combien  de  lois  et  de  prescriptions  il  était  gêné 
sous  la  loi  mosaïque.  L'Eglise  tient  le  milieu  entre  la 
synagogue  et  le  ciel  ou  l'état  d'innocence. 

Sous  l'Evangile  nous  sommes  donc  comme  dans  un 
état  intermédiaire,  où  la  première  innocence  se  recou- 
vre, mais  où  elle  n'est  pas  entièrement  recouvrée.  Bien 
plus,  nous  espérons  dans  la  vie  future  une  liberté  tout 
autre  que  celle  du  premier  état,  parce  que  Dieu  y  sera 
lui  seul  notre  temple,  nous  y  serons  le  sien  ;  nous  entre- 
rons dans  sa  joie  et  dans  son  repos,  dont  toutes  les  fêtesde 
l'état  d'innocence,  de  la  synagogue  et  de  l'Eglise  même 
n'auront  été  que  des  ombres.  Dans  les  fêtes  d'ici-bas 
Dieu  retrace  en  nous,  par  la  justification,  l'image  de 
notre  première  pureté  ainsi  que  de  la  liberté  et  du  bon- 
heur dans  lequel  il  avait  créé  l'homme;  par  là  il  forme 
en  nous  quelques  traits  de  la  sainteté  et  de  la  liberté 
parfaite  qu'il  nous  prépare  dans  le  ciel.  Les  justes  tien- 


480  CATKCUISME 

nenl  donc  maintenant  du  premier  et  du  dernier  état  de 
la  liberté  sainte  des  enfants  de  Dieu  K  i 

Mais  comment  faire  de  notre  vie  terrestre  une  fête 
continuelle?  comment  la  célébrer  dignement?  Il  faut, 
suivant  la  pensée  des  Pères,  nous  rappeler,  même  lors- 
que nous  célébrons  des  fêtes  particulières,  que  toute  la 
durée  des  siècles  n'est  qu'un  jour  de  fête  dont  tous  les 
moments  sont  consacrés  à  Dieu;  que  tout  venant  de  lui, 
tout  lui  appartient  et  tout  doit  retourner  à  lui;  que, 
quelque  part  que  nous  soyons,  nous  sommes  dans  son 
temple,  nous  marchons  en  sa  présence,  et  nous  vivons 
en  lui  et  de  lui  ;  que,  soit  que  nous  buvions,  soit  que  nous 
mangions,  soit  que  nous  fassions  une  autre  aciion,  nous 
devons  la  lui  rapporter  et  lui  en  faire  le  sacrifice;  que 
l'amour  de  la  vérité  et  de  la  justice,  qui  est  l'amour  de 
Dieu  même,  doit  demeurer  dans  notre  âme  aussi  bien 
dans  la  joie  que  dans  la  tristesse,  dans  la  fortune  comme 
dans  le  dénùment;  et  que  cette  divine  flamme  doit  con- 
tinuellement brûler  dans  notre  cœur,  comme  sur  un 
autel  plus  pur  et  plus  précieux  que  les  autels  les  plus 
saints  et  les  plus  magnifiques  de  la  terre. 

A  la  célébration  de  cette  fête  perpétuelle  qui  compose 
la  vie  des  justes,  et  qui  devrait  composer  celle  de  tous 
les  hommes,  ne  sont  opposés  ni  le  travail  des  mains,  ni 
les  emplois  les  plus  bas,  ni  les  œuvres  serviles;  car  le 
juste  animé  de  la  charité  est  libre,  libre  de  la  liberté 
des  enfants  de  Dieu  :  aucune  de  ses  œuvres  n'est  servile. 
Soit  qu'il  taille  sa  vigne,  soit  qu'il  cultive  ses  champs 

«  Clem.  Alexand.,  Strom.,  lib.  ',  n.  512. 


DE    PERSÉVÉRÂirCE.  481 

OU  qu'il  navigue  sur  la  mer,  il  ne  cesse  pas  de  célébrer 
celle  fêle  continuelle  des  justes,  puisqu'il  ne  cesse  point, 
parmi  ces  occupations,  d'aimer  son  Père  céleste  et  de 
chanter  ses  louanges  '. 

De  là  saint  Jérôme  ne  craint  pas  de  tirer  cette  con- 
clusion, que  les  jours  de  fête  n'ont  rien  par  eux-mêmes 
de  plus  grand  que  les  autres  ^;  mais  qu'il  a  été  néces- 
saire de  distinguer  et  d'ordonner  ces  jours  d'assemblée 
dans  les  églises,  afin  de  renouveler  et  d'enflammer  da- 
vantage la  charité  des  fidèles  envers  Dieu,  en  la  pré- 
sence duquel  ils  s'assemblent,  et  envers  leurs  frères 
avec  lesquels  ils  s'assemblent. 

On  peut  dire  dans  le  même  sens  que  les  heures  d'un 
jour  de  fête  n'ont  rien  en  elles-mêmes  de  plus  saint  les 
unes  que  les  autres,  parce  qu'elles  composent  toutes 
ensemble  un  jour  de  fête.  Toutefois  il  a  été  nécessaire 
d'en  affecter  quelques-unes  au  service  divin,  afin  que 
la  ferveur  de  ces  heures  plus  saintement  employées 
se  répandît  sur  les  autres  et  parfumât  en  quelque 
sorte  tout  le  reste  de  la  journée.  Les  fêtes  particulières 
de  l'année  ont  le  même  but  et  le  même  rapport  avec 
cette  fête  continuelle  que  les  justes  tâchent  de  célé- 
brer pendant  toute  leur  vie,  comme  un  prélude  à  la 
fête  éternelle. 


«  Clem.  Alexand.,  Strom.,  lib,  7,  n.  512. 

*  Propterea  dies  aliqui  constituti  sunt,  ut  in  unum  omnes  parî- 
tor  conveaireraus.  Non  quo  ct^lehiior  sit  dies  illa,  qua  convenimus, 
sed  quo  qwacunique  die  conveniendum  sit,  ex  conspectu  rautuo 
Isetitia  major  oriatur.  In  Epist.  ad  Gai.,  c.  4. 

T.  VII.  31 


482  GATlJ.CHlSMK 

La  vie  de  l'homme  ici-bas  esl  donc  une  fête;  mais  une 
fêle  qu'il  doit  célébrer  comme  le  guerrier  au  milieu 
des  combats,  en  remportant  de  continuelles  victoires; 
comme  l'exilé,  en  marchant  constamment  vers  sa  pa- 
trie ;  comme  un  roi  tombé  du  trône,  en  cherchant  par 
de  continuels  efforts  à  y  remonter.  Pour  le  Chrétien, 
c'est-à-dire  pour  l'homme  qui  comprend  sa  destinée, 
la  fête  de  la  vie  est  donc,  s'il  est  permis  de  le  dire,  une 
fête  souffrante  el  laborieuse.  Mais  courage,  ô  homme  ! 
guerrier,  e\ilé,  roi  déchu,  courage!  pour  toi  viendront 
en  leur  temps  la  joie  et  le  repos. 

Quelle  haute  philosophie  dans  celte  idée  que  la  reli- 
gion nous  donne  de  notre  existence  temporelle  !  comme 
elle  oriente  nos  pensées,  nos  affections,  nos  entreprises! 
comme  elle  nous  ennoblit  !  comme  elle  nous  encourage 
à  la  vertu!  Or,  celte  précieuse  notion,  l'homme,  hélas! 
l'avait  oubliée,  et  il  avait  fait  de  sa  vie  la  fête  des  dé- 
mons, et  son  existence  temporelle  n'était  qu'un  ache- 
minement à  l'horrible  fêle  de  l'enfer.  Dans  son  aveu- 
glement, il  avait  distingué  chacun  de  ses  jours  par  le 
nom  d'une  créature  ou  d'une  divinité  infâme  au  culte 
desquelles  il  ravpil  consacré.  Le  premier  des  jours  de 
la  semaine  il  lavait  dédié  au  soleil,  le  second  à  la  lune, 
le  troisième  à  Mars,  le  quatrième  à  Mercure,  le  cin- 
quième à  Jupiter,  le  sixième  h  Vénus,  le  septième  à  Sa- 
turne ;  et  tous  ces  noms,  chargés  de  honteux  souvenirs 
el  souillés  par  des  sacrifices  horribles  ou  des  actions 
indignes,  faisaient  succéder  les  crimes  aux  crimes,  el 
écartaient  de  plus  en  plus  l'homme  coupable  de  sa  fin 
dernière. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  483 

Réparatrice  universelle,  l'Eglise  calholique  s'em- 
pressa de  détruire  les  dieux  el  de  bannir  leurs  noms 
du  langage.  Elle  désigna  tous  les  jours  de  la  semaine 
par  un  seul  mot,  celui  de  férié,  mol  plein  d'un  sens 
profond,  car  il  veut  dire  fête  ou  repos  :  fête,  nous  sa- 
vons pourquoi  ;  repos,  parce  que  tous  les  jours  de  la  vie 
doivent  être  la  cessation  du  travail  de  péché,  du  travail 
de  ruine  et  de  désordre  auquel  le  genre  humain  se  li- 
vrait comme  un  furieux  depuis  sa  chute  sous  l'esclavage 
de  Satan.  Dans  lu  langue  de  l'Eglise,  le  premier  jour 
de  la  semaine  fut  appelé  le  jour  du  Seigneur,  ou  pre- 
mière (érie;  le  lundi  seconde  férié;  le  mardi,  le  mer- 
credi, le  jeudi  et  le  vendredi,  troisième,  quatrième,  cin- 
quième et  sixième  férié.  Le  septième  jour  retint  le  nom 
de  samedi  ou  de  sabbat,  qui  veut  dire  repos,  et  qui  rap- 
pelle les  traditions  judaïques,  et  le  repos  du  Seigneur 
après  la  création. 

Dés  lors,  la  vie  el  les  jours  qui  la  distinguent  rappe- 
lèrent à  l'homme,  par  leur  nouveau  nom,  le  but  du 
temps  el  l'emploi  auquel  il  doit  être  consacré.  L'Eglise 
ne  négligea  rien  pour  bannir  du  langage  civil  les  noms 
profanes  donnés  aux  jours,  tant  elle  connaît  la  puissance 
des  mots,  tant  elle  avait  à  cœur  de  réhabiliter  la  société, 
enôlanlauPaganisme  jusqu'au  dernier  moyen  d'exercer 
sa  trop  funeste  influence.  Le  génie  pénétrant  de  saint 
Augustin  avait  bien  saisi  la  pensée  de  l'Eglise  calho- 
lique :  «  Plaise  à  Dieu,  s'écriait  l'aigle  d'Hippone,  que 
les  Chrétiens  soient  chrétiens  dans  leur  langage,  et 
qu'on  cesse  de  désigner  les  jours  de  la  semaine  par  les 
noms  païens  !  Parlons  la  langue  qui  nous  est  propre,  ne 


484  CATÉCHISME 

profanons  pas  notre  bouche  par  des  noms  qui  sentent 
l'idolâtrie;  que  par  leurs  noms  mêmes  nous  soyons 
avertis  que  tous  nos  jours  sont  autant  de  jours  de  repos 
et  de  fête,  et  que  notre  vie  tout  entière  est  une  fête  con- 
sacrée au  Dieu  de  toute  sainteté  *.  » 

Ce  n'était  pas  assez  pour  l'Eglise  d'avoir  banni  le 
langage  de  l'idolâtrie;  mère  tendre  et  éclairée,  elle 
connaît  bien  la  faiblesse  de  ses  enfants.  Et  voilà  que 
pour  tenir  la  ferveur  constamment  en  haleine  par  de 
nouveaux  motifs,  de  pieuses  et  antiques  traditions  atta- 
chèrent à  chaque  férié  une  dévotion  particulière.  La 
première  férié,  ou  le  dimanche,  fut  de  tout  temps  con- 
sacré au  Seigneur.  Au  commencement  du  moyen  âge, 
le  lundi,  ou  la  seconde  férié,  était  consacré  au  culte  spé- 
cial du  Fils  de  Dieu,  la  Sagesse  éternelle.  Plus  tard 
on  le  dédia  au  Saint-Esprit,  pour  implorer  son  assistance 
au  commencement  des  travaux  de  la  semaine.  Enfin 
aujourd'hui  on  le  consacre  au  soulagement  des  tré- 
passés ;  mais  c'est  une  dévotion  libre  et  volontaire  que 
l'Eglise  approuve  sans  la  prescrire. 

Le  m.ardi,  ou  la  troisième  férié,  est  généralement  con- 
sacré au  culte  des  saints  Anges,  et  spécialement  des 
Anges  gardiens.  Voyez-vous  comme  la  piété  est  ingé- 
nieuse à  entretenir  dans  l'homme  de  touchants  souve- 
nirs, de  nobles  idées  de  lui-même  et  des  sentiments  de 
reconnaissance?  Croyez-moi,  en  rendant  l'homme  re- 
connaissant, on  le  rend  bon  '. 

Le  mercredi,  ou  la  quatrième  férié,  a  été  depuis  les 

'  In  PsaL  xi.m. 

»  Amalar..  Divin    Ofjtc,  Jil).  4,  c    M, 


DE    PERSÉVÉRANCE.  485 

temps  apostoliques  l'objet  d'une  dévolion  particulière 
daos  l'Eglise  d'Orient  etdans  l'Eglise  d'Occident*  ;  c'é- 
tait un  jour  de  station,  c'est-à-dire  de  jeûne  et  d'assem- 
blée aux  lieux  de  prière  ou  aux  tombeaux  des  Martyrs. 
On  s'y  rendait  de  grand  matin  et  l'on  n'en  sortait  qu'a- 
près l'heure  de  none,  c'est-à-dire  à  trois  heures  après- 
midi,  où  finissaient  la  messe  et  le  petit  jeûne  qui  se  pra- 
tiquait ce  jour-là.  On  l'appelait  petit  jeùne^  parce  qu'il 
était  de  trois  heures  moins  long  que  le  jeûne  du  Carême, 
des  Quatre-Temps,  des  veilles  de  grandes  fêtes,  et  quiil 
n'était  point  d'une  obligation  si  étroite,  du  moins  en 
Occident  ^. 

Les  mêmes  exercices  de  piété  et  de  pénitence  avaient 
lieu  le  vendredi,  ou  la  sixième  férié.  Voulez-vous  savoir 
pourquoi  l'Eglise  avait  consacré  ces  deux  jours  à  rani- 
mer la  piété  de  ses  enfants  par  le  jeûne  et  l'oraison? 
C'était  en  mémoire  de  ce  qui  était  arrivé  à  Notre- 
Seigneur  l'avant-veille  et  le  jour  de  la  Passion.  Le  pre- 
mier jour  elle  rappelait  à  ses  enfants  le  Conseil  des 
Juifs  où  s'était  prise  la  résolution  de  faire  mourir  Jésus- 
Christ;  dans  le  second,  elle  leur  montrait  l'exécution  de 
leur  dessein.  L'Eglise  a  donc  cru,  et  qui  peut  la  blâ- 
mer? que  les  crimes  des  hommes,  véritable  cause  de  la 
mort  du  Fils  de  Dieu,  devaient  être  pour  ses  enfants  un 
sujet  de  tristesse  et  de  pénitence  en  ces  deux  jours  de  la 
semaine,  comme  sa  résurrection  était  pour  eux  un  sujet 
de  consolation  et  de  réjouissance  au  jour  du  dimanche  \ 

'  s.  Epipb.,  Hœres.  3,  n.  22. 

»  Âibaspin.,  Observ.y  lib.  1,  c.  10.  TertuH.,  de  Oral. 

^  Aug.,  Epist.  36  ad.  CasuL,  u,  iO.Jiaron.,  sa.  34,  n.  168. 


486  CATÉCHISME 

L'Eglise  grecque,  malgré  toutes  ses  tribulations  et 
les  diverses  révolutions  qu'elle  a  subies,  s'est  maintenue 
jusqu'à  présent  dans  l'usage  de  jeûner  tous  les  mer- 
credis et  les  vendredis  de  l'année,  à  quelques  exceptions 
près.  Dans  l'Eglise  latine,  le  jeûne  de  ces  deux  jours 
étant  demeuré  libre  jusqu'au  neuvième  siècle,  se  chan- 
gea depuis  en  simple  abstinence.  Celle  du  vendredi  fut 
bientôt  après  regardée  comme  d'obligation,  et  passa  en 
loi.  L'abstinence  du  mercredi  et  du  samedi  demeura  li- 
bre jusqu'au  quatorzième  siècle.  Mais  l'abstinence  du 
mercredi  s'étant  peu  à  peu  abolie,  celle  du  samedi  se 
fortifia  de  telle  sorte,  qu'elle  devint  aussi  indispensable 
que  celle  du  vendredi*. 

Au  jeudi,  ou  à  la  cinquième  férié,  se  rattache  un  sou- 
venir si  consolant,  que  les  fidèles  ont  honoré  ce  jour 
par  une  faveur  particulière.  En  eflfet,  c'est  le  jeudi  que 
le  Fils  de  Dieu  institua  le  sacrement  de  l'Eucharistie, 
dans  lequel  il  lègue  à  perpétuité  au  genre  humain  sa 
chair  à  manger  et  son  sang  à  boire  :  sacrement  auguste 
qui  fait  du  Sauveur,  triomphant  dans  le  ciel,  le  com- 
pagnon de  notre  pèlerinage  et  le  prisonnier  de  son  amour 
dans  nos  tabernacles.  Depuis  l'institution  de  la  Fête- 
Dieu  surtout,  les  jeudis  de  l'année  semblent  avoir  été 
destinés  à  renouveler  celte  fête,  tant  par  des  offices  pu- 
blics que  par  des  dévolions  particulières.  De  sorte  qu'il  en 
est  à  peu  près  de  lous  les  jeudis  de  l'année  par  rapport 
à  la  Fête-Dieu,  comme  de  tous  les  dimanches  à  l'égard 
de  la  fête  de  Pâque,  c'est-à-dire  que  ceux-là  ne  sont 

•  Thomass.,  des  Jeûnes,  part.  2,  c  15,  n.  3,  4,  et  5. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  48Î 

qu'une  octave  continuelle  du  mystère  de  l'Eucharistie, 
comme  ceux-ci  de  la  résurrection. 

Le  vendredi,  ou  la  sixième  férié,  est  consacré  à  la 
Passion.  Dans  une  partie  de  la  chrétienté  on  fermait  le 
barreau  ce  jour-là';  car  le  jeûne  y  fut  observé  lanl  en 
Orient  qu'en  Occident  jusqu'au  neuvième  siècle.  A  celte 
époque  il  se  changea  en  une  simple  abstinence,  mais 
dont  l'Eglise  fit  une  loi  si  rigoureuse,  qu'elle  n'en  dis- 
pense plus  qu'à  la  fêie  de  Noël  lorsqu'elle  tombe  le 
vendredi  ^  A  l'abstinence,  les  fidèles  ont  coutume  de 
joindre  ce  jour-là,  vers  les  trois  heures  du  soir,  la  réci- 
tation de  cinq  Pater  et  de  cinq  Ave  Maria,  en  l'honneur 
des  cinq  plaies  de  Jésus-Christ. 

Le  samedi  fut,  pendantplusieurs siècles,  fêté  comme  le 
dimanche,  et  cela  pour  plusieurs  raisons  :  d'abord,  pour 
honorer  le  repos  du  Seigneur  après  la  création,  et  rap- 
peler à  l'homme  que  lui  aussi,  image  de  Dieu,  créait  en 
quelque  sorte  durant  cette  vie,  et  qu'il  entrerait  un  jour 
dans  le  sabbat,  ou  le  repos  éternel,  figuré  par  le  septième 
jour.  Ensuite,  on  se  souvint  que  le  Sauveur  avait  souvent 
choisi  le  jour  du  sabbat  pour  opérer  des  guérisons  et  des 
miracles,  et  pour  aller  prêcher  dans  les  synagogues.  Ce 
fut  celte  dernière  considération  qui  détermina  l'empe- 
reur Constantin  à  porter  sa  loi  pour  faire  honorer  particu- 
lièrement le  samedi  '. 

Dans  l'Eglise  de  Rome  ce  jour  était  consacré  au 

'  Sozora.,  lib.  I,  c.  8. 

•  Thomass.,  des  Jeûnes,  part.  2,  c.  14  et  15. 

*  Euseb.,  rit.  Const.,  lib.  4,  c.  18,  p.  534. 


488  CATÉCHISME 

jeûne.  Il  en  était  de  même  à  Alexandrie  d'Egypte.  Ces 
deux  églises,  fondées  l'une  par  saint  Pierre,  et  l'autre 
par  saint  Marc  son  disciple,  pratiquant  un  même  usage, 
sont  une  nouvelle  preuve  du  fait  auquel  on  en  rapporte 
l'origine.  Les  anciens  Romains  disaient  que  saint  Pierre, 
lors  de  son  premier  voyage  à  Rome,  où  saint  Marc  l'a- 
vait accompagné,  devant  combattre  Simon  le  magicien, 
un  jour  de  dimanche,  jeûna  le  samedi,  et  ordonna  à 
tous  les  fidèles  de  l'imiter.  En  mémoire  du  triomphe 
que  le  saint  Apôtre  remporta  sur  le  suppôt  du  Démon, 
on  retint  l'usage  de  jeûner  le  samedi  '  ;  il  s'est  conservé 
pendant  bien  des  siècles. 

Mais  si  le  jeûne  était  particulier  à  l'Eglise  de  Rome, 
il  n'en  fut  pas  de  même  de  l'abstinence.  Dès  le  onzième 
siècle,  en  1078,  le  pape  saint  Grégoire  VII,  dans  un 
concile  de  Rome,  en  fit  une  loi  générale  pour  toute 
l'Eglise  ^.  Cette  loi  néanmoins  ne  fut  pas  reçue  par- 
tout. Plusieurs  provinces  de  la  chrétienté  conservèrent 
l'habitude  de  manger  de  la  viande.  Au  quinzième  siè- 
cle, saint  Antonin ,  archevêque  de  Florence ,  mort 
en  1459,  fut  consulté  sur  l'obligation  de  cette  absti- 
nence du  samedi.  Il  fit  cette  réponse  :  «  Il  y  a  péché  à 
manger  de  la  chair  en  ce  jour  dans  les  pays  où  la  cou- 
tume de  n'en  point  manger  est  généralement  établie  ; 
mais  si  l'on  vit  dans  les  lieux  où  règne  la  coutume  con- 
traire, comme  en  France  et  en  Catalogne,  on  peut  sans 

•  Cassian.,  Instit.,  lib.  3,  c.  t)  et  10. 

*  Grat.,  Decr.  de  constcrat.,  lib.  5,?c.  31.  Lup.,  t.  5,  Comm,, 
p  167  et  168. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  489 

scrupule  se  conformer  aux  usages  de  ces  royaumes  *.  » 
Quelques  années  après  la  mort  de  saint  Antonin, 
toute  l'Eglise  de  France  reçut  la  loi  de  l'abstinence  du 
samedi  ;  elle  se  contenta  d'en  excepter  ceux  d'entre 
Noël  et  la  Purification.  Le  diocèse  de  Besançon  ne  les 
exempte  même  pas.  Cette  loi  ne  s'est  point  établie  en 
Espagne  ;  dans  ce  royaume  on  n'a  point  apporté  jus- 
qu'ici d'autre  modification  à  la  liberté  de  manger  de 
la  chair,  que  celle  de  se  contenter  des  intestins  et 
des  issues  ou  extrémités  des  animaux  les  jours  de  sa- 
medi ^.  Quoique  moins  générale  que  celle  du  vendredi, 
l'abstinence  du  samedi  ne  doit  pas  être  moins  religieu- 
sement observée  ;  l'autorité  qui  prescrit  l'une  et  l'autre 
est  la  même  :  c'est  l'autorité  de  l'Eglise  notre  mère, 
l'épouse  de  Jésus -Christ,  dont  le  Sauveur  lui-même 
dit  :  «  Si  quelqu'un  n'obéit  pas  à  l'Eglise,  qu'il  soit  pour 
vous  comme  un  païen  et  un  publicain.  » 

Comme  on  le  voit,  le  samedi  a  été  depuis  le  commen- 
cement de  l'Eglise  en  grande  vénération  parmi  les  fi- 
dèles^. Vers  la  fin  du  onzième  siècle,  en  1095,  le  pape 
Urbain  II,  pour  attirer  sur  les  Croisades  les  bénédictions 
du  Ciel  par  l'intercession  de  Marie,  consacra  le  samedi 
à  la  sainte  Vierge,  et  ordonna  qu'on  en  ferait  l'office  ce 
jour-là^.  Depuis  cette  époque  les  fidèles  se  font  un  de- 
voir d'ofl'rir  le  samedi  en  l'honneur  de  Marie  ;  de  témoi- 


•  Summ.  Thoin.,  part.  1,  tit.  12,  c.  1,  §  4. 

*  Maiian.,  Hist.  Hisp.,  lib.  5,  c.  6,  et  lib.  11,  c.  24. 
'  Amalar.,  Divin.  Officy  lib.  4,  c.  17. 
\Moreri,  art.  Office. 


4l^  CATÉCHISME 

gner  à  cette  divine  mère  leur  tendresse  et  leur  recon- 
naissance, soit  par  le  jeûne,  soit  par  l'assistance  au 
saint  sacrifice  de  la  messe,  ou  par  quelque  autre  exer- 
cice de  piété.  Rien  n'est  plus  touchant  et  plus  utile. 

Ainsi,  chaque  jour  de  la  semaine  apporte  au  Chrétien 
un  nouveau  motif  de  ferveur  et  de  sainteté.  Croyez-vous 
que  cette  manière  de  distinguer  les  jours  ne  soit  pas 
aussi  morale  que  celle  des  gens  du  monde,  qui  ne  dis- 
tinguent les  leurs  que  par  la  variété  de  leurs  affaires  ou 
de  leurs  plaisirs? 

Ce  que  l'Eglise  a  fait  pour  chaque  jour  de  la  semaine 
elle  l'a  fait  pour  les  mois  et  les  années.  Partez  de  ce 
principe,  que  l'homme  faible  et  inconstant  a  sans  cesse 
besoin  de  nouveaux  motifs  pour  s'exciler  à  la  vertu; 
que  tousies  états  ayantleurs  devoirs  et  leurs  peines  par- 
ticuliers, il  faut  aux  hommes  de  tous  les  états  des  mo- 
dèles de  sainteté;  enfin,  que  la  vie  de  l'homme  est  une 
alternative  continuelle  d'adversités  et  de  prospérités, 
où  se  trouvent  quelques  joies  et  beaucoup  de  larmes  ; 
et  vous  ne  pourrez  vous  défendre  d'admirer  le  calen- 
drier catholique.  Quel  haut  enseignement  de  vertu, 
quelle  source  intarissable  de  consolations,  quelle  va- 
riété de  motifs  il  présente  aux  hommes  de  tout  âge,  de 
tout  état  dans  les  positions  de  la  vie  ! 

L'impiété  du  dernier  siècle  en  avait  compris  toute 
l'influence,  lorsque,  dans  sa  haine  aveugle  du  Christia- 
nisme, elle  proscrivit  le  calendrier,  et  voulut  remplacer 
nos  fêtes  chrétiennes  par  des  fêtes  comme  celle  de  la 
déesse  Raison  ;  nos  modèles  catholiques,  par  des  plantes 


DE    PERSÉVÉRANCE.  491 

OU  des  instruments  aratoires,  et  des  créatures  inanimées, 
et  substituer  aux  noms  de  nos  saints  des  noms  tels  que 
celui  de  Marat'  !  Le  temps,  et  un  temps  très-court,  a 
fait  justice  de  leur  abjecte  pensée.  Ah  !  si  vous  aimez 

'  Nous  dfinnons  iri  le  Calendrier  de  la  république  une  et  ifidii-i- 
sible  C'est  un  monument  déjà  fort  rare  et  «>n  ne  peut  plus  curieux 
de  l'absurdité  des  prétendus  réformateurs-  Voici  donc  les  modèles 
et  les  sujets  de  méditation  qu'ils  proposaient  aux  citoyens  français 
Je  ne  vous  impose  pas,  lisez  : 


VENDEMIAIRE 

BRUMAIRE. 

FRIMAIRE. 

1*"^  MOIS. 

2'  MOIS. 

3^  MOIS. 

1 

Raisin- 

1 

Pomme. 

1 

Raiponce. 

2 

Safran. 

2 

Céleri. 

2 

Turneps. 

3 

Châtaigne. 

3 

Foire. 

3 

Chicorée. 

4 

Colchique. 

4 

Betterave. 

4 

Nèfle. 

5 

Cheval 

5 

Oie. 

5 

Cochon - 

6 

Balsamine. 

6 

Héliotrope. 

6 

Mâche 

7 

Carotte. 

7 

Figue. 

7 

Chou-flcur. 

8 

Amaranthe. 

8 

Scorsonère. 

S 

Miel. 

9 

Panais. 

9 

Alisier. 

9 

Genièvre 

10 

CUVf. 

10 

CHARRUE. 

10 

PIOCHE. 

11 

Pomme-de-terre. 

11 

Salsifis. 

11 

Cire. 

12 

Immortelle. 

12 

M acre. 

12 

Raifort. 

13 

Potiron. 

13 

Topinambour. 

13 

Cèdre. 

14 

Réséda. 

14 

Endive. 

14 

Sapin. 

15 

A?.E. 

15 

Dindon. 

15 

Che\reijil. 

10 

Belle-de-nuit. 

16 

Chervi. 

16 

Ajonc. 

17 

Citrouille. 

17 

Cresson. 

17 

Cyprès. 

18 

Sarrasin. 

18 

Dentelaire. 

IS 

Lierre. 

l-J 

Tournesol. 

19 

Grenade. 

19 

Sabine. 

20 

PRESSOIR. 

20 

HERSE. 

20 

HOYAU- 

21 

Chanvre. 

21 

Bacchante. 

21 

Erable-sucre- 

122 

Pèche. 

22 

Azérole. 

22 

Bruyère. 

23 

Navet. 

23 

Garance. 

23 

Roseau. 

24 

Amaryllis. 

24 

Orange. 

24 

O.scille. 

25 

Boeuf. 

25 

Faisan. 

25 

GRILLOIV- 

26 

Aubert^ine. 

26 

Pistache. 

26 

Pijiuèn 

127 

Piment. 

27 

Macjonc. 

27 

Liège. 

128 

Tomate. 

28 

Coing. 

28 

Truffe. 

29 

Orge. 

29 

Cormier. 

29 

Olive. 

30 

TONNEAU- 

30 

ROULEAU. 

30 

PHLLE. 

492  CATÉCHISME 

l'homme,  si  vous  le  comprenez,  lui  el  sa  destinée,  et  ses 
faiblesses,  et  ses  combats, et  ses  douleurs,  laissez,  laissez- 
le  chercher  des  exemples,  des  encouragements  et  des 
consolations  où  il  peut  en  trouver  ;  et  convenez  qu'après 
celui  de  l'Eternel,  le  culte  des  Saints  est  encore  une  des 
plus  belles  institutions  dont  la  morale  du  citoyen  soit 
redevable  au  catholicisme. 
Où  trouverez-vous,  en  effet,  une  succession  de  vertus 


NIVOSE 

PLUVIOSE 

VENTOSE 

4*  MOIS. 

5'  MOIS. 

6'  .MOIS. 

1 

Tourbe. 

1 

Lauréole. 

1 

Tussilage. 

2 

Houille. 

2 

Mousse. 

2 

Cornouiller. 

3 

Bitume. 

3 

Fragen. 

3 

Violier. 

4 

Soufre. 

4 

Perce-neige. 

4 

Troène. 

ô 

Chien. 

5 

Taureau. 

5 

Bouc. 

6 

Lave. 

6 

Laurier-thym. 

6 

Asaret. 

7 

Terre  végétale. 

7 

Amadouvier. 

7 

Alaterne. 

8 

Fumier. 

8 

Mézcréon, 

8 

Violette. 

9 

Salpêtre. 

9 

Peuplier. 

9 

Marceau. 

10 

FLEAU. 

10 

COGNEE. 

10 

BÊCHE. 

11 

Granit. 

11 

Ellébore. 

11 

Narcisse. 

12 

Argile. 

12 

Brocoli. 

12 

Orme. 

13 

Ardoise. 

13 

Laurier. 

13 

Fumeterre. 

14 

Grès. 

14 

Avelinier. 

14 

Vélar. 

15 

Lapin 

15 

Vache. 

15 

Chèvre. 

16 

Silex. 

16 

Buis. 

16 

Epiriards. 

17 

Marne. 

17 

Lichen. 

17 

Doronic. 

18 

Pierre  à  chaux. 

18 

if. 

18 

Mouron. 

19 

Marbre. 

19 

Pulmonaire. 

19 

Cerfeuil. 

20 

VAN. 

20 

SERPETTE. 

20 

CORDEAU. 

21 

Pierre  à  plâtre. 

21 

Thlaspi. 

21 

Mandragore. 

23 

Sel. 

22 

Thymelé. 

22 

Persil. 

23 

Fer, 

23 

Chiendent. 

23 

Cochléaria. 

24 

Cuivre. 

24 

Traînasse. 

24 

Pâquerette. 

25 

Chat. 

25 

Lièvre. 

25 

Thon. 

2G 

Etain. 

26 

Guède. 

26 

Pissenlit. 

|27 

Plomb. 

27 

Noisetier. 

27 

Sylvie. 

28 

Zinc. 

28 

Cielamen. 

28 

Capillaire. 

29 

Mercure. 

29 

Chelidoine. 

29 

Frêne. 

30 

, 

CRIBLE. 

30 

TRAINEAU 

30 

PLANTOIR. 

DE   PERSlSvéRANCE.  493 

plus  variée  et  plus  féconde  que  dans  la  Vie  des  Saints  ? 
Vertus  simples  et  populaires,  qui  sont  ù  la  portée  de 
tous,  qui  ont  pour  objet  le  bonheur  de  tous,  qui  con- 
viennent également  à  toutes  les  conditions  et  à  tous  les 
âges,  qui  offrent  aux  pauvres  comme  aux  riches,  aux 
heureux  et  aux  malheureux,  des  exemples  à  suivre, 
des  œuvres  à  imiter,  la  môme  récompense  à  espérer, 
et  qui  portent  avec  elles  nn  attrait  assez  divin  pour 


GERMINAL 

FLORÉAL. 

PRAIRIAL. 

?•  MOIS. 

8'   MOIS. 

9*  MOIS 

1 

Prime-vère. 

1 

Rose. 

1 

Luzerne. 

2 

Platane. 

2 

Chêne. 

2 

Hémérocalle. 

3 

Asperge. 

3 

Fougère. 

3 

Treffle. 

4 

Tulipe. 

4 

Aubépine. 

4 

Angélique. 

5 

Poule. 

5 

ROSSIGNOL. 

5 

Canard. 

6 

Blette. 

6 

Ancolie. 

6 

Mélisse. 

7 

Bouleau. 

7 

Muguet. 

7 

Fromental. 

8 

Jonquille. 

8 

Champignon. 

8 

Martagon. 

9 

Aulne. 

9 

Hyacinthe. 

9 

Serpelet. 

)0 

COUVOIR. 

10 

RATEAU. 

10 

FAULX. 

II 

Pervenche. 

11 

Rhubarbe. 

11 

Fraise. 

12 

Charme. 

12 

Sainfoin. 

12 

Bétoine. 

13 

Morille. 

13 

Râtot-d'or. 

13 

Pois. 

14 

Hêtre. 

14 

Chamérisier. 

14 

Acacia. 

15 

ABEILLE. 

15 

Ver-a-soie. 

15 

Caille. 

IG 

Laitue. 

16 

Consoude. 

16 

OEillet. 

17 

Mélèse. 

17 

Pimprenelle. 

17 

Sureau. 

18 

Ciguë. 

18 

Corbeillc-<i'or. 

18 

l'avot. 

19 

Radis. 

19 

Arroche. 

19 

Tilleul. 

20 

RUCHE. 

20 

SARCLOIR. 

20 

FOURCHE. 

21 

Gainier. 

21 

Staticée. 

21 

Barbeau. 

22 

Romaine. 

22 

Fritillaire. 

22 

Camomille. 

23 

Marronnier. 

23 

Bourrache. 

23 

Chèvre-feuille. 

24 

Roquette. 

24 

Valériane. 

24 

Caille-lait. 

25 

Pigeon- 

25 

Carpe. 

25 

Tanche. 

26 

Lilas. 

26 

Fusain. 

26 

Jasmin. 

il 

Anémone. 

27 

Civette. 

27 

Verveine. 

28 

Pensée. 

28 

Buglose. 

28 

Thym. 

29 

Myrtille. 

29 

Sénevé. 

29 

Pivoine. 

30 

GREFFOIR. 

30 

HOULETTE. 

30 

CHARIOT. 

1^4  CATÉCHISME 

exciter  l'âme  à  les  suivre,  à  les  cultiver  et  à  faire  des 
efforts  pour  y  atteindre. 

Grâce  au  calendrier  catholique,  il  n'y  a  point  de  jour 
dans  l'année  où  le  pèlerin  de  l'éternité,  l'exilé  du  ciel, 
l'antagoniste  du  mal,  soit  délaissé  à  lui-même;  il  n'y  a 
point  de  jour  où  il  ne  reçoive,  en  quelque  sorte,  la  visite 
d'un  homme  juste  qui  vient  lui  offrir  comme  en  tribut 
tout  le  bien  qu'il  a  feit.  Ainsi,  l'année  religieuse  ne  se 


MESSIDOR. 

THERMIDOR 

FRUCTIDOR 

10"    MOIS 

11'   MOIS. 

12"  MOIS 

1 

Seigle. 

1 

Épeautre. 

1 

Prune. 

2 

Avoine. 

2 

HouilloQ  blanc. 

i 

Jlillel. 

.{ 

Oignon. 

3 

Melon. 

■^ 

Ljcoperde. 
Escourpeou. 

4 

Véronique. 

4 

Ivraie. 

£ 

S*c«os. 

3 

Mllet. 

5 

RÉLIER. 

6 

Tubéreuse. 

6 

7 

Romarin. 
C;>ncoinbre. 

6 

Pcéle. 
Armoise. 

7 
8 
g 

Sucrion. 
Apocjn. 
Réglisfe. 

8 

Ec1j;i  lottes. 

8 

Carthame. 

lo 

ECUELLE. 

9 

Absinthe. 

9 

Mûres. 

11 

Pasièque. 
Fenouil. 
Epincïineiie. 

lu 

FaUULLE. 

10 

ARROSOIR. 

12 

15 

M 

Coriandre. 

11 

Panis. 

U 

\o\x. 

i  2 

Artichaut. 

12 

Salicor. 

i5 

Teoitb. 

IJ 

Giroflée 

13 

Abricot. 

16 

Cilron. 

CarHière. 

Nerprun. 

14 

Lavande- 

14 

Basilic. 

»7 

iS 

\b 

(  HAMOIS. 

15 

Rrebis. 

>9 

T.igel)e. 

IG 

Tabac. 

16 

Guimauve. 

20 

HOTTE. 

17 

Groseille. 

17 

Lin 

21 

Eglantier. 

18 

Gesse. 

18 

Amande. 

23 

j3 

Houblon. 

19 

Cerise. 

19 

Gentiane. 

24 

Sorgo. 

20 

PARC. 

20 

ECLUSE. 

25 

Echeîisse. 

21 

Menthe. 

21 

Carline. 

27 

Bigarade. 
Vergp-d  or. 

22 

Cumin. 

22 

Câprier. 

98 

Mais. 

23 

Haricots. 

23 

Lentille. 

39 

Marron. 

24 

Orcanète. 

24 

Aunée. 

5n 

PiNIEi;. 

25 

FiNTAUE. 

25 

Loutre. 

20 

Sauce. 

26 

Myrte. 

SANS-COLOTIDES. 

27 

Ail. 

27 

Colza. 

FÎTES. 

28 

Vesce. 

28 

Lupin. 

1 

De   la  Venu. 

29 

Bié. 

29 

Coton. 

3 

Du  Génie. 

30 

CHALÉMIE. 



30 

MOULIN. 

£, 

Du  TraTail. 
De  rOpiuioD. 
Des  Bécoinpeiises, 

DE    PERSî^VléRANCE.  495 

passe  point  que  toutes  les  vertus  dont  l'homme  est  ca- 
pable n'aient  été  mises  à  sa  portée,  et  que  la  morale  la 
plus  parfaite  ne  lui  ait  été  enseignée  sous  tous  ses  rap- 
ports. 

Familles  chrétiennes,  ah  !  vous  avez  peut-être  trop 
oublié  le  fruit  immense  que  vous  pouvez  retirer  d'un 
tel  culte  pour  le  bonheur  de  vos  enfants!  Comme 
la  lecture  journalière  de  la  Vie  des  Saints  leur  serait 
une  excellente  leçon  d'égalité,  de  sobriété,  d'obéissance, 
de  charité  et  de  modestie  !  Comme  cette  morale  en  ac- 
tion leur  serait  plus  utile  que  celle  des  héros  de  roman, 
ou  même  que  celle  des  personnages  de  l'histoire  pro- 
fane, si  souvent  dénaturée  par  l'imperfeclion  de  leurs 
œuvres  !  Comme  ils  seraient  animés  puissamment  à  faire 
le  bien  qu'ils  verraient  pratiquer,  car  je  ne  sais  quelle 
grâce  secrète  et  quelle  voix  du  ciel  accompagnent  le 
naïf  récit  des  œuvres  du  juste  !  Or,  il  est  impossible, 
dans  le  premier  âge  surtout,  de  ne  pas  se  livrer  au  désir 
de  leur  ressembler.  Et  qui  doute  que  ce  désir,  confié  à 
la  prudence  maternelle,  ne  puisse  devenir  un  jour,  pour 
les  enfants,  le  germe  de  la  plus  pure  vertu,  et  pour  les 
parents  la  source  des  plus  abondantes  consolations? 
Faut-il  rappeler  l'exemple  de  saint  Augustin,  de  saint 
Ignace,  de  sainte  Thérèse,  et  de  tant  d'autres  qui  ne 
durent  qu'à  la  lecture  de  la  Vie  des  Saints  leur  retour 
à  la  Religion,  et  les  miracles  de  sainteté  qui  en  feront 
l'admiration  éternelle  des  siècles? 

El  puis  voyez  quelle  grande  leçon  d'équité  dans  la 
Vie  des  Saints  :  le  calendrier  catholique  est  comme  une 


496  CATÉCHISME 

révélation  du  jugement  de  Dieu.  Toutes  les  vertus  y 
sont  honorées.  Dans  nos  saints,  vous  ne  voyez  pas  seule- 
ment des  solitaires  et  des  pontifes  et  des  martyrs  ;  vous 
y  voyez  des  serviteurs  et  des  maîtres,  des  riches  et  des 
pauvres,  des  hommes  de  retraite  et  des  hommes  du 
monde,  des  magistrats  et  des  guerriers,  des  vierges  et 
des  époux,  des  savants  et  des  ignorants,  des  Grecs  et  des 
Barbares.  Toutes  les  conditions,  tous  les  pays,  tous  les 
âges,  y  sont  représentés.  Chaque  vertu,  qu'elle  vienne 
de  l'Orient  ou  de  l'Occident,  des  siècles  passés  ou  des 
temps  modernes,  qu'elle   ait   été  pratiquée  sous  le 
chaume  ou  dans  les  palais,  y  est  également  admise.  La 
faveur  du  peuple  ou  celle  des  grands  a-t-elle  jamais 
exercé  ici  quelque  influence?  La  richesse  y  a-t-elle 
jamais  donné  un  rang  plus  distingué,  et  le  glaive  des 
despotes  y  a-l-il  jamais  fait  insérer  leurs  noms?  La 
bergère  de  Nanterre,  l'humble  Geneviève,  n'y  est-elle 
pas  assise  au-dessus  de  la  génération  de  nos  reines  ? 
El  si  Louis  IX  est  honoré  sur  nos  autels,  est-ce  sa 
royauté  qui  l'y  a  mis?  Il  a  été  le  soutien  des  faibles 
et  le  défenseur  des  opprimés,  il  a  porté  les  pauvres  dans 
son  cœur,  il  a  aimé  Dieu  et  les  hommes,  il  a  été  juste; 
et  c'est  pourquoi  la  Religion  l'a  une  seconde  fois  cou- 
ronné. Ainsi  le  héros  disparaît  devant  l'homme  chrétien, 
et  il  ne  lui  survit  de  toutes  ses  vertus  que  celles  qui 
méritent  de  lui  survivre  et  de  servir  d'exemple  à  la 
vertu  de  tous  les  mortels  *. 

«  f'oy.  Godescard,  Préface  de  la  Fie  des  Saints;  le  Spectateur 
français  au  \i\.^  siècle^  et  Jaiiffret,  du  Culte  public. 


DE   PERSÉVÉRANCE.  497 

Le  calendrier  catholique  est  donc  une  école  de  toutes 
les  vertus,  un  itinéraire  de  la  terre  au  ciel,  un  guide 
placé  sur  le  chemin  de  la  vie,  qui  dit  à  tout  homme, 
à  toute  heure  et  sur  tous  les  tons  :  Voici  les  vestiges 
que  les  saints  vous  ont  laissés  en  retournant  dans  la 
patrie,  suivez-les  ;  à  droite  et  à  gauche  sont  des  abîmes. 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
de  m' avoir  donné  dans  la  vie  des  Saints,  et  dans  chaque 
jour  de  la  semaine,  de  nouveaux  exemples  et  de  nou- 
veaux motifs  de  me  sanctifier  ;  faites-moi  la  grâce  d'en 
profiter  pour  votre  gloire  et  pour  le  bonheur  de  mes 
frères. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu  ;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je  lirai  cha^ 
que  jour  la  vie  du  saint. 

PETIT  CATÉCHISME. 

LE   CHRISTIANISME   RENDU   SENSIRLE. 
Jours  de  la  semaine  et  du  mois. 

Q.  Comment  devons-nous  envisager  les  jours  de  la 
semaine  ? 

R.  Nous  devons  envisager  les  jours  de  la  semaine 
comme  une  fête  continuelle  où  nous  devons  nous  abste- 
nir de  loules  les  œuvres  qui  peuvent  offenser  Dieu,  où 
X.  VII.  32 


498  OATÉCHISMB 

nous  devons  le  louer,  le  prier,  le  bénir  et  rhonorer  par 
la  sainteté  de  notre  conduite.  Les  Pères  de  l'Eglise  nous 
disent  que  tous  les  jours  sont  saints  et  qu'ils  forment  le 
commencement  de  la  fêle  éternelle  que  nous  célébre- 
rons dans  le  ciel. 

Q.  Pourquoi  donc  a-l-on  établi  des  fêles  particu- 
lières? 

R.  On  a  établi  des  fêles  particulières  pour  ranimer 
la  ferveur  des  tièdes  et  exciter  leur  courage  en  leur  rap- 
pelant les  grands  événements  de  la  Religion,  et  leur 
proposant  de  nouveaux  motifs  d'être  vertueux.  C'est 
par  la  même  raison  qu'on  a  consacré  certaines  heures 
du  jour  et  de  la  nuit  à  la  prière  et  à  l'office  divin,  quoi- 
que toutes  les  heures  du  jour  et  de  la  nuit  soient  éga- 
lement saintes. 

Q.  Quel  nom  l'Eglise  donne-t-elle  aux  jours  de  la  se- 
maine ? 

R.  L'Eglise  donne  aux  jours  de  la  semaine  le  nom 
de  férié.  Le  mol  férié  veut  dire  repos  et  fête.  L'Eglise 
veut  nous  rappeler  que  chaque  jour  doit  être  pour  nous 
un  jour  de  repos  par  la  cessation  du  péché  et  par  le 
détachement  des  créatures.  Le  lundi  s'appelle  la  pre- 
mière férié,  le  mardi  la  seconde  férié,  etc.  Le  samedi  a 
conservé  son  ancien  nom,  qui  veut  dire  repos. 

Q.  Quelles  dévotions  particulières  sont  altachées  à 
chaque  jour  de  la  semaine  ? 

R.  Voici  les  dévotions  particulières  et  libres  qui  sont 
attachées  à  chaque  jour  de  la  semaine.  Le  lundi  est 
consacré  aux  âmes  du  purgatoire,  le  mardi  aux  Anges 


DE    PERSÉVéHANCK.  499 

gardiens,  le  mercredi  à  la  Passion,  le  jeudi  à  l'Eucha- 
ristie, le  vendredi  k  la  mort  de  Noire-Seigneur,  le  sa- 
medi à  la  sainte  Vierge.  Dans  les  premiers  siècles,  le 
mercredi  et  le  vendredi  étaient  des  jours  de  stations, 
c'est-à-dire  des  jours  de  jeûne,  de  prière  et  d'assem- 
blée aux  tombeaui  des  Martyrs.  C'est  de  là  qu'est  venu 
l'usage  et  la  loi  de  l'abstinence  pour  le  vendredi.  A 
Rome,  on  jeûnait  le  samedi  depuis  les  premiers  siè- 
cles. C'est  de  là  qu'est  venue  la  loi  de  l'abstinence  pour 
ce  jour-là. 

Q.  Que  remarquez-vous  sur  les  jours  du  mois  ? 

R.  Je  remarque  sur  les  jours  du  mois,  que  l'Eglise  a 
donné  à  chacun  d'eux  le  nom  d'un  saint.  C'est  un  Irès- 
bon  moyen  de  nous  rappeler  chaque  jour  l'exemple  de 
nos  frères  qui  sont  dans  le  ciel,  et  de  nous  encourager 
à  imiter  leurs  vertus.  Les  riches  et  les  pauvres,  les  sa- 
vants et  les  ignorants,  les  enfants  et  les  vieillards,  y 
trouvent  des  modèles  ;  car  il  y  a  dans  le  ciel  des  saints 
de  tous  les  états  et  de  tous  les  âges. 

Q.  Que  devons-nous  faire  pour  répondre  à  cette  in- 
tention de  l'Eglise  ? 

R.  Pour  répondre  à  cette  intention  de  l'Eglise,  nous 
devons  lire  la  vie  du  saint  de  chaque  jour.  Les  parents  ne 
peuvent  rien  faire  de  plus  utile  que  de  la  faire  lire  à 
leurs  enfanis  et  de  la  leur  expliquer. 

PRIÈRE. 

0  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
de  m'avoir  donné  dans  la  vie  des  Saints,  et  dans  chaque 


500  CATÉCHISME 

jour  de  la  semaine,  de  nouveaux  exemples  et  de  nou- 
veaux motifs  de  me  sanctifier  ;  faites-moi  la  grâce  d'en 
profiter  pour  votre  gloire  et  pour  le  bonheur  de  mes 
frères. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je  lirai  cha- 
que jour  la  vie  du  saint. 


DE   PERSÉVÉRANCE.  501 

XXV^  LEÇON. 

LE    CHRISTIANISME  RENDU    SENSIBLE. 

Avent.  —  Sagesse  de  l'Eglise.  —  Antiquité  de  l'Avcnt.  —  Pratiques 
de  dévotion  et  de  péntience.  —  Liturgie  de  l'Avent.  —  Premier 
dimanche.  —  Deuxième  dimanche.  ~  Troisième,  quatrième.  — 
Fête  de  l'cspectation-  — Antiennes  0. 

La  vie  de  l'homme  doit  être  une  fête  continuelle  ; 
tous  les  jours,  toutes  les  heures  qui  la  composent 
doivent  être  sanctifiés,  en  sorte  qu'il  n'y  ait  pas  un 
moment  dans  notre  existence  qui  ne  soit  un  hymne  à 
la  gloire  de  celui  qui  a  créé  l'homme  et  le  temps.  Mais 
telle  est  notre  faiblesse,  telle  la  préoccupation  des  af- 
faires, telle  la  violence  de  nos  passions,  que  l'Eglise, 
dans  sa  sollicitude,  a  déterminé  des  jours  et  des  temps 
particuliers,  spécialement  destinés  à  purifier  notre  cœur 
par  la  prière,  la  pénitence  et  la  méditation  des  vérités 
éternelles  :  voilà  ce  que  nous  avons  vu  dans  le  caté- 
chisme précédent. 

Au  premier  rang  de  ces  époques  salutaires  il  faut 
placer  le  temps  de  l'Avent.  En  effet,  l'Avent  est  un 
temps  de  prière  et  de  pénitence  que  l'Eglise  a  établi 
pour  préparer  ses  enfants  à  la  naissance  du  Sauveur.  Ce 
que  les  Vigiles  sont  aux  fêtes  ordinaires,  ce  que  le  Ca- 
rême est  à  Pâque,  ce  que  les  quatre  mille  ans  de  l'an- 
cien monde  furent  à  la  venue  du  Messie,  l'Avent  l'est 


502  CATÉCHISME 

à  fa  fête  de  Noùl.  Quatre  semaines  de  préparations  ne 
vous  paraîtront  pas  trop  longues  si  vous  considérez  l'èx- 
cellence  du  mystère  qui  les  suit.  Si  le  peuple  d'Israël 
dut  se  préparer  avec  tant  de  soin  pour  recevoir  la 
loi  promulgui^e  au  sommet  du  Sinaï,  pour  franchir  les 
eaux  du  Jourdain  et  pénétrer  dans  la  Terre  promise, 
pour  participer  à  ses  victimes  impuissantes,  ou  pour 
célébrer  ses  fêles  figuratives  :  quelles  pensez-vous  que 
doivent  être  les  préparations  des  Chrétiens  pour  rece- 
voir le  Dieu  du  ciel,  le  Verbe  éternel,  le  législateur 
suprême,  la  victime  sans  tache,  le  type  éternel  de  toutes 
les  fêles  et  de  tous  les  sacrifices? 

Pénétrée  de  ces  grandes  pensées,  l'Eglise  a  institué 
l'Avent  pour  aplanir  au  Messie  le  chemin  de  nos  cœurs. 
L'institution  de  l'Avent  paraît  aussi  ancienne  que  celle 
de  la  fête  de  Noël,  quoique  la  discipline  de  l'Eglise  à 
cet  égard  n'ait  pas  toujours  été  la  même.  Pendant 
plusieurs  siècles,  l'Avent  fui  de  quarante  jours  comme 
le  Carême  :  il  commençait  à  la  Saint-Martin.  Fidèle  à 
ses  ancier.'j  usages,  l'Eglise  de  Milan  a  conservé  les  six 
semaines  de  l'Avent  primitif,  qui  avaient  été  adoptées 
par  les  Eglises  d'Espagne.  De  bonne  heure  l'Eglise  de 
Rome  le  réduisit  à  quatre  semaines,  c'est-à-dire  à  qua- 
tre dimanches  avec  la  partie  de  la  semaine  qui  reste 
jusqu'à  Noél.  Tout  l'Occident  a  suivi  cet  exemple. 

Autrefois  on  jeûnait  pendant  l'Avent;  dans  certains 
pays  ce  jeûne  était  de  précepte  pour  tout  le  monde, 
ailleurs  de  simple  dévotion.  L'obligation  du  jeûne  est 
aMribuée  à  saint  Grégoire  le  Grand,  qui  toutefois  n'eut 


DE    PERSÉVÉRANCE.  503 

jamais  l'inlenlion  d'en  faire  une  loi  générale.  Dès  le 
milieu  du  v»  siècle,  l'an  -^62,  saint  Perpétue,  évéque  de 
Tours,  ordonna,  pour  son  diocèse,  trois  jours  de  jeûne 
par  semaine,  depuis  la  fêle  de  Saint-Martin  jusqu'à  Noël. 
Ce  règlement  devint  général  dans  l'Eglise  de  France 
au  septième  siècle,  après  la  tenue  du  concile  de  Mâcon, 
en  581.  Cette  sainte  assemblée  prescrivit  que  pour  le 
commun  des  fidèles  les  jeûnes  se  feraient  le*  lundis, 
mercredis  et  vendredis  de  chaque  semaine,  depuis  la 
férié  ou  fêle  de  Saint-Martin  jusqu'à  celle  de  la  nais- 
sance de  Notre-Seigneur  ;  et  que  les  offices,  particu- 
lièrement le  sacrifice  de  la  messe,  y  seraient  célébrés 
comme  en  Carême;  il  interdit  aussi  l'usage  de  la  viande 
tous  les  jours  pendant  le  temps  de  l'Avent. 

La  même  abstinence  s'observait  dans  les  autres  ré- 
gions catholiques  :  une  donation  pieuse  de  cette  époque 
nous  en  fournit  la  preuve.  En  753,  Astolphe,  roi  des 
Lombards,  en  Italie,  ayant  concédé  les  eaux  de  Nonan- 
tula  à  l'abbaye  de  ce  nom,  s'était  réservé  quarante 
brochets  pour  l'usage  de  sa  table  pendant  le  Carême 
de  la  Saint-Martin.  De  là  on  peut  inférer  que,  dans  le 
huitième  siècle,  les  Lombards  observaient  le  jeûne  du- 
rant les  quarante  jours  qui  précèdent  la  fête  de  Noël,  ou 
qu'ils  pratiquaient  du  moins  l'abstinence  des  viandes  '. 

Au  jeûne  on  joignait  la  prière  et  d'autres  exercices 
•de  pénitence.  «  Parmi  nous,  dit  un  ancien  auteur, 
depuis  la  fêle  de  Sainl-Martin  jusqu'à  celle  de  Noël, 
l'abstinence  de  toute  viande  et  la  continence  conjugale 

•  Martène,  de  rtntiq.  y.ccl.  discii>l.,  c.  10,  n.  5. 


504  CATÉCHISME 

est  commandée  à  tous  les  enfants  de  l'Eglise,  comme 
un  moyen  indispensable  de  s'approcher  des  sacrements 
le  jour  de  la  naissance  du  Sauveur.  «  Le  pape  Boni- 
face  VIII,  dans  la  bulle  de  canonisation  de  saint  Louis, 
déclare  que  ce  digne  successeur  de  Charlemagne  passait 
les  jours  de  l'Avent  en  jeûnes  et  en  prières'.  Telle  était 
la  conduite  des  simples  fidèles. 

Pour  les  religieux,  ils  jeûnaient  comme  pendant  le 
Carême;  la  plupart  ont  retenu  ce  pieux  usage  jusqu'à 
ce  jour.  Nous  ajouterons  qu'il  en  est  toujours  ainsi  ;  c'est 
celui  dont  tous  les  jours  sont  une  continuelle  préparation 
aux  choses  éternelles,  qui  conserve  les  strictes  obser- 
vances de  préparation  et  de  jeûnes  ;  c'est  celui  qui  n'est 
plus  dans  la  m.êlée  qui  garde  son  armure,  et  celui  dont 
toute  la  vie  est  une  distraction,  un  enchaînement  de 
plaisirs  et  de  dangers,  se  désarme  et  ne  veille  plus  pour 
se  défendre  de  l'ennemi  ^. 

Cependant  l'Eglise  ne  néglige  aucun  moyen  de  ré- 
veiller dans  ses  enfants  l'antique  ferveur  de  leurs  pères. 
N'est-ce  pas  avec  juste  raison?  Le  petit  Enfant  que 
nous  attendons  est-il  moins  aimable,  moins  saint,  moins 
digne  de  tout  notre  amour  aujourd'hui  qu'autrefois? 
A-t-ii  cessé  d'être  l'ami  des  cœurs  purs?  Sa  venue  dans 
nos  âmes  est-elle  moins  nécessaire?  Hélas!  peut-être 


'  Rainald.,  ann.  1287,  n.  64.  Insuper  deconsensu  uxoris  suœ  re- 
ginae  per  totum  Adventum,  per  totam  Quadragesimam  ab  usu  ma- 
trimonii  mutuo  continebant.  Insuper  in  solenioitatibus,  quibus 
comraunicare  debebat.  Ducbesnc,  t  5,  p.  448. 

-  Fêtes  chrét.,  p.  46. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  505 

y  avons-nous  relevé  toutes  les  idoles  qu'il  était  venu 
renverser  il  y  a  dix-huit  siècles.  Soyons  donc  plus  sages, 
entrons  dans  les  vues  de  l'Eglise,  voyons  comme  celte 
tendre  mère  redouble  de  sollicitude  pour  former  en 
nous  les  dispositions  de  pénitence  et  de  charité  néces- 
saires à  la  bonne  réception  de  l'Entant  de  Bethléem. 

Dans  ses  offices  elle  quitte  ses  ornements  de  joie,  elle 
prend  le  violet  en  signe  de  componction.  Le  Gloria  in 
excelsis  est  omis  à  la  messe  ;  mais  sa  tristesse  est  tem- 
pérée par  l'espérance.  Voilà  pourquoi  le  dimanche  à  la 
messe  elle  répète  V Alléluia.  Elle  le  retranche  aux  fériés 
afin  de  nous  rappeler  à  la  pénitence,  et  de  dire  aux 
Chrétiens  d'aujourd'hui  :  Pour  vos  pères  tous  les  jours 
de  l'Avent  étaient  des  jours  d'abstinence  et  de  jeûne, 
qu'ils  soient  du  moins  pour  vous  des  jours  de  repentir 
et  de  prières. 

Et  pour  exciter  dans  toutes  les  âmes  ce  double  senti- 
ment d'espérance  et  de  componction,  voici  tour  à  tour  la 
voix  du  grand  Paul,  la  voix  d'Isaïe,  la  voix  de  Jean  sur 
les  bords  du  Jourdain,  la  voix  du  Messie  lui-même  qui 
se  môle  aux  accents  des  prédicateurs  et  aux  hymnes  de 
l'Eglise.  Il  est  temps  de  nous  réveiller,  l'heure  de  notre 
rédemption  approche,  la  nuit  avance,  le  jour  va  luire  : 
hâtons-nous  donc  de  quitter  les  œuvres  de  ténèbres,  et 
revétons-nous  des  armes  de  lumière.  Marchons  avec 
bienséance  et  honnêteté,  comme  il  convient  durant  le 
jour;  ne  vous  laissez  point  aller  aux  vices,  mais  revêtez- 
vous  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ \  Tels  sont  les 

'  Ad  Ruai.,  XIII,  11. 


506  CATÉCHISME 

avertissements  que  nous  donne  l'apôtre  saint  Paul  dans 
l'épître  du  premier  dimanche  de  l'Avent. 

Afin  de  rendre  cette  leçon  plus  pressante,  l'Eglise 
nous  rappelle  dans  l'Évangile  le  jugement  dernier  et  le 
second  avènement  du  Fils  de  Dieu,  comme  si  elle  nous 
disait  :  «  Si  vous  voulez  voir  arriver  sans  crainte  le  Dieu 
que  je  vous  annonce,  lorsqu'il  descendra  comme  juge 
suprême  des  vivants  et  des  morts,  préparez- vous  à  le 
recevoir  maintenant  qu'il  vient  comme  Sauveur.  Heu- 
reux si  vous  êtes  dociles  à  mes  avis!  car  voyez  combien 
son  second  avènement  sera  formidable.  Il  y  aura  des 
signes  dans  le  soleil,  dans  la  lune  et  dans  les  étoiles  ; 
les  nations  de  la  terre  seront  dans  la  consternation  ;  les 
hommes  sécheront  de  crainte  dans  l'attente  de  ce  qui 
doit  arriver  à  l'univers  ;  les  colonnes  des  cieux  seront 
ébranlées;  alors  on  verra  venir  le  Fils  de  l'homme  sur 
une  nuée  avec  une  grande  puissance  et  une  grande 
majesté.  Pour  vous,  quand  vous  verrez  ces  choses  arri- 
ver, ouvrez  les  yeux  et  levez  la  tête,  parce  que  votre 
rédemption  est  proche.  Jugez-en  par  la  comparaison 
du  figuier  et  des  autres  arbres  :  lorsque  vous  les  voyez 
bourgeonner,  vous  dites  :  Reconnaissez  que  l'été  va 
venir.  De  même,  quand  vous  verrez  ce  que  je  vous  an- 
nonce, sachez  que  le  royaume  de  Dieu  est  proche.  En 
vérité,  je  vous  le  dis,  celte  génération  ne  s'écoulera  pas 
sans  que  ceci  s'accomplisse  ;  le  ciel  et  la  terre  passeront, 
mais  ses  paroles  ne  passeront  pas.  » 

L'Eglise,  dites-moi,  pouvait  elle  trouver  une  vérité 
plus  capable  de  porter  la  terreur  dan&  les  âmes,  el  de  for- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  507 

cerlesChrétiens  à  rentrer  en  eux-mêmes?  Mais  elle  veut 
qu'aux  larmes  de  la  pénitence  et  aux  terreurs  du  juge- 
menl  se  mêlent  les  soupirs  et  les  consolations  de  l'es- 
pérance. Et  voici  qu'à  l'office  du  soir  elle  les  fait  éclater 
dans  cette  hymne  :  Slatuta  décréta,  dont  les  notes  et  les 
paroles  expriment  une  douce,  mais  profonde  mélancolie. 

«  Enfin,  voici  venir  les  temps  marqués  par  les  décrets 
du  Seigneur; 

))Voici  venir  le  jour  qui  s'est  fait  attendre  tant  de 
siècles  ; 

»  La  postérité  d'un  père  coupable  gisait  souffrante 
et  désolée  dans  un  lit  de  douleurs; 

»  Les  hommes  étaient  sans  force,  découragés,  cou- 
chés dans  l'ombre  de  la  mort; 

»  Les  terreurs  de  la  tombe,  les  tourments  de  l'enfer, 
c'était  là  leur  partage. 

»  Les  enfants  d'Adam  tremblaient  et  se  desséchaient 
dans  l'attente  du  souverain  Juge; 

»  Hélas  !  qui  pouvait  les  délivrer  de  si  grands  maux? 
quelle  main  assez  puissante  pour  guérir  une  si  profonde 
plaie? 

•Vous  seul,  ô  Christ!  vous  seul  vous  pouvez,  quittant 
votre  trône,  rendre  à  votre  image  sa  forme  el  sa  beauté: 

»  Cieux,  ouvrez-vous  au-dessus  de  nos  têtes,  el  laissez 
tomber  votre  précieuse  rosée;  que  la  terre  fécondée 
donne  au  monde  son  Sauveur  ; 

»  O  Fils,  qui  venez  pour  être  notre  libérateur,  à  vous 
soit  loute  louange,  avec  le  Père  et  avec  l'Esprit,  dans 
les  siècles  éternels.  » 


SOS  CATÉCHISME 

Tout  le  peuple,  qui  le  matin  tremblait  au  souvenir 
de  la  vallée  de  Josaphat,  tressaille  le  soir  d'une  déli- 
cieuse espérance,  en  entrevoyant  la  crèche  de  Beth- 
léem ,  et  mille  chants  naïfs  expriment  ses  senti- 
ments. Témoin  ce  cantique  populaire  que  l'enfant  et 
le  vieillard  aiment  à  répéter  le  soir  au  coin  du  foyer  : 
Venez,  divin  Messie,  changer  nos  jours  infortunés  ;  ve- 
nez, source  de  vie  ;  venez,  venez,  venez,  etc. 

Le  second  dimanche  de  l'Avent  l'Eglise  continue  ses 
instructions  :  elles  deviennent  de  plus  en  plus  précises, 
à  mesure  que  le  grand  événement  approche  :  c'est  la 
lumière  qui  devient  de  plus  en  plus  vive  à  mesure  que 
le  soleil  approche  de  l'horizon.  Dansl'Epître,  le  grand 
Apôtre  fait  encore  entendre  sa  voix.  Il  annonce  que  Jésus- 
Christ  est  envoyé  pour  accomplir  toutes  les  figures  et 
réunir  les  Juifs  et  les  Gentils  dans  une  seule  bergerie. 

L'Evangile  nous  présente  le  précurseur,  montrant 
dans  la]  personne  de  Jésus-Christ  le  Rédempteur  at- 
tendu depuis  quarante  siècles.  Il  le  connaissait,  lui, 
cet  Agneau  de  Dieu,  mais  *es  disciples  ne  le  con- 
naissaient pas.  Pour  les  instruire,  il  envoya  vers  Jésus 
deux  de  ses  disciples,  avec  ordre  de  lui  proposer  cette 
question  et  d'en  attendre  la  réponse  :  «  Etes-vous 
celui  qui  doit  venir,  ou  devons-nous  en  attendre  un 
autre  ?  »  Jésus  ayant  opéré  en  leur  présence  plusieurs 
miracles  auxquels,  suivant  Isaïe,  on  reconnaîtrait  le 
Christ,  Jésus  leur  répondit  :  «  Allez  dire  à  Jean  ce  que 
vous  avez  vu  :  les  aveugles  voient,  les  boiteux  mar- 
chent, les  lépreux  sont  guéris,  les  sourds  entendent, 


DE   PERSÉVÉRANCE.  509 

les  morts  ressuscitent  ;  l'Evangile  est  annoncé  aux  pau- 
vres :  et  bienheureux  celui  qui  ne  se  scandalisera  pas 
à  mon  sujet.  » 

Plus  le  moment  solennel  approche  où  le  Messie 
doit  faire  son  entrée  dans  le  monde,  plus  l'Eglise  re- 
double ses  exhortations.  Le  troisième  dimanche  saint 
Paul  nous  parle  encore  dans  l'Epître  et  nous  invite  à  la 
joie  :  l'aurore  de  notre  délivrance  brille  à  l'horizon  ;  à 
la  joie  il  veut  que  nous  joignions  la  prière,  c'est-à-dire 
ce  désir  ardent  qui  attire  Dieu  en  nous  et  qui  appellera 
le  Messie  dans  nos  cœurs.  Dans  l'Evangile,  saint  Jean- 
Baptiste,  plus  que  prophète,  n'annonce  plus  le  Messie, 
il  dit  qu'il  est  déjà  dans  le  monde.  El  en  effet  il  était  déjà 
parmi  les  Juifs  ;  et  nous  aussi  nous  l'adorons  déjà  dans 
le  sein  de  sa  mère,  lorsque  nous  entendons  cet  Evangile. 
Le  précurseur  ajoute  une  parole  qui  se  vérifie,  hélas  ! 
encore  aujourd'hui  :  Il  est  au  milieu  de  vous,  et  vous  ne 
le  connaissez  pas.  Puis  empruntant  la  voix  d'Isaïe,il  fait 
retentir  les  voûtes  de  nos  temples,  comme  autrefois  les 
échos  du  Jourdain,  de  ces  puissantes  paroles  :  «Voix  de 
celui  qui  crie  au  désert  :  rendez  droites  les  voies  du 
Seigneur;  abaissez  les  collines,  comblez  les  vallées, 
c'est-à-dire  préparez  et  votre  esprit  et  votre  cœur  et 
vos  sens  à  la  réception  du  Messie.  Le  voici  qui  vient, 
et  je  ne  suis  pas  digne  de  délier  les  cordons  de  ses 
souliers.  »  Et  celui  qui  tient  ce  langage  est  le  plus  grand 
des  enfants  des  hommes  î  Oh  !  combien  le  Messie  est 
grand,  sainf,  respectable!  Avec  quel  zèle  ne  devons- 
nous  pas  nous  préparer  à  le  recevoir  ! 


510  GATÎÉCHISMB 

Enfin,  le  quatrième  dimanche,  lorsque  le  divin  En- 
fant est  au  moment  d'entrer  dans  le  monde,  lorsque 
cet  aimable  époux  frappe  déjà  à  la  porte  de  nos 
cœurs,  l'Eglise  termine  toutes  ses  instructions  par  cette 
parole  :  Toute  chair  verra  le  Sauveur  envoyé  de  Dieu  ; 
parole  ravissante  qui  nous  dit  :  Soyez  prêts,  les  temps 
sont  accomplis,  le  soleil  de  justice  et  de  vérité  va  briller 
à  l'horizon  ;  sa  lumière  va  se  répandre  sur  tous  les 
hommes  sans  distinction  de  riches  ou  de  pauvres,  de  sa- 
vants ou  d'ignorants  :  encore  un  coup,  soyez  prêts. 
Sentez-vous  tout  ce  qu'il  y  a  de  saisissant  dans  cette 
dernière  parole  :  Toute  chair  verra  le  Sauveur  envoyé  de 
Dieu?  Ne  nous  contentons  pas  d'admirer  la  sagesse  avec 
laquelle  l'Eglise  gradue  ses  instructions  pendant  l'Avenl, 
entrons  dans  son  esprit  ;  augmentons  de  ferveur  et  de 
recueillement  à  mesure  que  nous  approchons  de  la 
naissance  du  Désiré  des  nations,  qui  doit  être  aussi  le 
désiré  de  notre  cœur. 

Atin  de  rendre  brûlants  nos  soupirs  et  nos  vœux,  l'E- 
ghse  a  établi  la  fête  de  V Expectation  ou  de  l'attente  du 
divin  enfantement.  Celte  fête,  fixée  au  16  décembre, 
continue  pendant  toute  une  octave '.En  France  même 
elle  dure  neuf  jours.  Voilà  pourquoi,  à  partir  du  15  dé- 
cembre jusqu'au  23,  l'Eglise  chante  à  Vêpres,  avant  et 
après  le  cantique  de  la  sainte  Vierge,  les  grandes  antien- 
nes. On  les  appelle  vulgairement  les  antiennes  0,  parce 
qu'elles  commencent  toutes  par  cette  invocation.  Elles 
se  répètent  trois  fois  chaque  jour  à  l'office  du  soir,  en 

'  Fo}-.  Bailiet,  2a  décembre  588. 


DE    PERSÉVÉRAirCB.  511 

sorte  que  la  fêle  de  l'expeclation  est  une  espèce  de  neu- 
vaine  de  soupirs,  de  gémissements,  d'invocations.  Il  est 
impossible  d'avoir  la  foi  et  de  ne  pas  les  réciter  sans  en- 
trer dans  les  sentiments  qu'elles  expriment.  On  les  dit 
pendant  neuf  jours,  en  l'honneur  des  neuf  chœurs  an- 
géliques.  On  conjure  les  esprits  célestes  de  soupirer 
avec  nous  après  la  venue  du  libérateur  qui  a  pacifié  tout 
ce  qui  est  au  ciel  et  sur  la  terre.  Par  leur  variété,  ces 
antiennes  expriment  et  les  différentes  qualités  du  Messie 
et  les  différents  besoins  du  genre  humain. 

Depuis  sa  chuto  l'homme  est  un  ignorant,  il  a  besoin 
de  science  :  l'Eglise  la  demande  pour  lui  par  la  première 
antienne: 

OSapientia  :«  O  Sagesse  qui  êtes  sortie  de  la  bouche 
du  Très-Haut  !  qui  atteignez  votre  but  avec  force  et  qui 
disposez  toutes  choses  avec  douceur  ;  venez  nous  en- 
seigner la  voie  de  la  prudence.  » 

Depuis  sa  chute  l'homme  est  un  esclave  du  Démon, 
il  a  besoin  d'un  puissant  libérateur:  l'Eglise  le  demande 
pour  lui  par  la  seconde  antienne  : 

Oi4do«m;«0  Dieu  puissant,  et  Conducteur  de  la  mai- 
son d'Israël!  qui  vous  êtes  montré  à  Moïse  dans  le  buis- 
son ardent,  et  qui  lui  avez  donné  la  loi  au  Sinai,  venez 
nous  racheter  par  la  puissance  de  votre  bras.  » 

Depuis  sa  chute  l'homme  est  vendu  à  l'iniquité,  et  a 
besoin  d'un  Rédempteur  :  l'Eglise  le  demande  pour  lui 
par  la  troisième  antienne  :  > 

O  Radix  Jesse  ;«  O  Racine  de  Jessé  I  qui  êtes  exposée 
comme  un  étendard  aux  yeux  des  nations  devant  qui 


512  CATÉCHISME 

les  rois  garderont  le  silence,  à  qui  les  Gentils  offriront 
leurs  prières;  venez  nous  racheter,  ne  tardez  pas.  » 

Depuis  sa  chute  l'homme  est  un  prisonnier  enfermé 
dans  la  prison  ténébreuse  de  l'erreur  et  de  la  mort  ;  il 
a  besoin  d'une  clef  pour  en  sortir  :  l'Eglise  la  demande 
pour  lui  par  la  quatrième  antienne  : 

O  Claris  David  :  «  0  Clef  de  David,  et  sceptre  de  la 
maison  d'Israël  1  qui  ouvrez  et  personne  ne  ferme,  qui 
fermez  et  personne  n'ouvre  ;  venez  et  tirez  le  prisonnier 
de^la  prison,  le  malheureux  qui  est  assis  dans  les  ténè- 
bres à  l'ombre  de  la  mort.  » 

Depuis  sa  chute  l'homme  est  un  aveugle,  il  a  besoin 
d'un  soleil  qui  l'éclairé  :  l'Eglise  le  demande  pour  lui 
par  la  cinquième  antienne  : 

O  Oriem  :  «  0  Orient,  Splendeur  de  la  lumière  éter- 
nelle et  soleil  de  justice  î  venez  et  éclairez  ceux  qui 
sont  assis  dans  les  ténèbres  et  dans  l'ombre  de  la 
mort.  » 

Depuis  sa  chute  l'homme  est  tout  souillé,  il  a  besoin 
d'un  sanctificateur  :  l'Eglise  le  demande  pour  lui  par  la 
sixième  antienne  : 

O  Sancte  sanctorum  :  «  0  Saint  des  Saints,  Miroir 
sans  tache  de  la  majesté  de  Dieu  et  Image  de  sa  bonté  ! 
venez  détruire  l'iniquité  et  apporter  la  justice  éternelle.  » 

Depuis  sa  chute  l'homme  est  comme  une  grande 
ruine,  il  a  besoin  d'un  restaurateur  :  l'Eglise  le  demande 
pour  lui  par  la  septième  antienne  : 

0  Bex  gentium  :  «  0  Roi  des  nations,  Dieu  et  Sauveur 
d'Israël,  Pierre  angulaire  qui  unissez  en  un  seul  édifice 


DE   PERSéVÉRAMCE.  513 

les  Juifs  elles  Gentils!  venez  et  sauvez  l'homme  que 
vous  avez  formé  du  limon  de  la  terre.  » 

Depuis  sa  chute  l'homme  a  courbé  la  tête  sous  le 
joug  de  toutes  les  tyrannies,  il  a  besoin  d'un  législateur 
équitable  :  l'Eglise  le  demande  pour  lui  par  la  huitième 
antienne  : 

0  Emmanuel  :  «  0  Emmanuel,  notre  Roi  et  notre 
Législateur,  l'Attente  des  nations,  l'Objet  de  leurs  dé- 
sirs !  venez  nous  sauver,  Seigneur,  notre  Dieu.  » 

Depuis  sa  chute  l'homme  est  une  brebis  égarée  et 
exposée  à  la  fureur  des  loups  ;  il  a  besoin  d'un  berger 
qui  le  défende  et  qui  le  conduise  dans  de  bons  pâtu- 
rages :  l'Eglise  le  demande  pour  lui  par  la  neuvième 
antienne  : 

0  Pastor  Israël  :«  O  Pasteur  et  Dominateur  de  la  mai- 
son de  David  !  vous  qui  étiez  au  commencement  depuis  le 
jour  de  l'éternité  ;  venez  paître  votre  peuple  dans  toute 
l'étendue  de  votre  puissance,  et  régnez  sur  lui  dans  la 
justice  et  la  sagesse  *.  » 

Connaissez-vous  quelque  chose  de  plus  touchant,  de 
plus  complet  que  ces  magnifiques  invocations?  Pour 
nous,  il  nous  semble  qu'une  des  meilleures  prépa- 
rations à  la  fête  de  Noël  est  de  répéter  souvent  ces 
belles  antiennes,  en  nous  laissant  pénétrer  des  sen- 
timents qu'elles  expriment.  Oh!  oui,  si  nous  voulons 
passer  saintement  le  temps  de  l'Avent,  unissons  nos 
soupirs  à  ceux  de  l'Eglise,  des  Patriarches,  des  Pro- 
phètes et  des  Justes  de  l'ancienne  loi  :  adoptons  quel- 

•  Foy.  Durandus,  lib.  6,  c.  11. 

T.  VII.  33 


514  CATÉCHISME 

qu'une  de  leurs  brûlantes  paroles;  qu'elle  soit  notre 
oraison  jaculatoire  de  chaque  jour,  et,  s'il  est  possible,  de 
chaque  heure  du  jour,  afin  que  Dieu  puisse  dire  de  nous  : 
Voilà  un  homme  de  désir,  et  il  nous  exaucera.  Si  nous 
aimons  mieux,  choisissons  parmi  les  prières  suivantes  : 
elles  sont  également  propres  à  former  en  nous  les  dis- 
positions que  l'Eglise  demande  :  Je  vous  en  conjure^ 
Seigneur,  envoyez  celui  que  vous  devez  envoyer.  Venez, 
Seigneur  Jésus,  et  ne  tardez  pas.  deux,  ouvrez-vous, 
laissez  descendre  votre  rosée.  Divin  enfant  Jésus,  venez 
naître  dans  mon  cœur  pour  en  bannir  le  péché  et  y  pla- 
cer vos  vertus. 

A  la  prière  joignons  un  recueillement  plus  grand, 
une  vigilance  plus  continuelle  ;  descendons  plus  sou- 
vent dans  notre  cœur,  afin  de  le  purifier  et  de  l'em- 
bellir. Songeons  qu'il  doit  devenir  le  berceau  de  l'enfant 
divin.  Mais  la  grande  préparation,  c'est  le  renoncement 
au  péché,  au  péché  mortel  surtout.  Que  peut-il  y  avoir 
de  commun  entre  le  Fils  de  Marie  et  un  cœur  souillé 
d'iniquités? 

Ecoutons  saint  Charles  exhortant  son  peuple  à  sancti- 
fier r  Avent,  et  prenons  pour  nous  les  paroles  de  ce  grand 
archevêque  :  «  Pendant  l'Avent  nous  devons  nous  pré- 
parer à  recevoir  le  Fils  de  Dieu  quittant  le  sein  de  son 
Père  pour  se  faire  homme  et  converser  avec  nous.  Il 
faut  tous  les  jours  dérober  un  peu  de  temps  à  nos  occu- 
pations pour  méditer  en  silence  sur  les  questions  sui- 
vantes :  Quel  est  celui  qui  vient?  D'où  vient-il?  Com- 
ment vient-il?  Quels  sont  les  hommes  pour  qui  il  vient? 


DE    PERSÉVÉRANCE.  515 

Quels  soiitles  motifs  et  quel  doit  être  le  fruit  de  sa  venue  ? 
Appelons-le  de  tous  nos  vœux  avec  les  justes  et  les  Pro- 
phètes de  l'Ancien  Testament  qui  l'ont  tant  attendu;  et 
pour  lui  ouvrir  le  chemin  de  notre  cœur,  purifions-nous 
par  la  confession,  par  le  jeûne  et  par  la  communion. 

»  N'oublions  pas  qu'autrefois  on  jeûnait  tout  l'Avent, 
comme  étant  la  veille  de  Noël.  On  avait  raison,  la 
grandeur  et  la  sainteté  de  cette  fêle  demandent  bien 
une  aussi  longue  vigile  et  une  aussi  grande  préparation  : 
du  moins  chacun  doit  encore  jeûner  un  jour  par  semaine 
ou  plusieurs  à  sa  dévotion.  11  faut  répandre  de  plus 
abondantes  aumônes  dans  le  sein  des  pauvres  en  ce 
temps  où  le  Père  éternel  nous  donna  et  nous  donne 
encore  tous  les  ans  son  propre  Fils  comme  une  grande 
aumône,  et  un  trésor  de  grâces  et  de  miséricordes  ;  il 
faut  être  plus  appliqué  que  jamais  aux  bonnes  œuvres 
et  à  la  lecture  des  livres  de  piété.  Enfin  il  faut  nous 
disposer  à  ce  premier  avènement  du  Fils  de  Dieu,  de 
manière  que  nous  puissions  attendre  son  second  avène- 
ment, non-seulement  sans  crainte,  mais  avec  cette  con- 
fiance et  cette  joie  qui  accompagne  toujours  une  bonne 
conscience  '.  > 

De  puissants  motifs  nous  engagent  à  suivre  les  con- 
seils de  ce  grand  Apôtre  des  temps  modernes  et  à  sanc- 
tifier l'Avent. 

1"  L'obéissance  au  précepte  de  l'Eglise.  «  Je  suis  la 
voix  de  celui  qui  crie  au  désert  :  Préparez  les  voies  du 
Seigneur,  rendez  droits  ses  sentiers  ;  la  cognée  est  déjà  à 

'  Acta  Eccl.  Medioî.,  p.  lOl'i. 


516  CATÉCUISME 

la  racine  de  l'arbre.  »  Cette  invitation  que  le  saint  précur- 
seur adressait  aux  Juifs  regarde  également  les  hommes 
de  tous  les  siècles.  Jésus-Christ  vient  au  monde  pour  tous  ; 
c'est  donc  un  devoir  indispensable  pour  tous  de  le  re- 
cevoir. De  peur  que  nous  ne  négligions  un  point  aussi 
essentiel,  l'Eglise,  toujours  occupée  du  bonheur  spirituel 
de  ses  enfants,  et  fidèle  interprète  des  oracles  divins 
dont  le  dépôt  lui  est  confié ,  proclame  de  la  manière 
la  plus  pressante  et  la  plus  solennelle  l'invitation  du 
saint  précurseur,  pendant  tout  le  temps  de  l'Avent.  La 
Judée  s'émut  aux  accents  de  cette  voix  prophétique 
qui  retentissait  sur  les  bords  du  Jourdain  ;  les  prêtres, 
les  lévites,  les  militaires,  les  publicains,  les  pécheurs 
de  tout  rang  et  de  tout  état  accouraient  en  foule  pour 
demander  le  baptême  de  la  pénitence.  La  même  voix 
retentit  dans  nos  temples.  Avons-nous  moins  besoin  de 
conversion  et  de  pénitence?  avons-nous  moins  à  craindre 
de  ce  grand  Dieu,  qui  vient  maintenant  comme  sau- 
veur, et  qui  viendra  un  jour  comme  juge?  Laisserons- 
nous  l'Eglise  s'épuiser  en  vain  à  nous  répéter  :  «  Pré- 
parez vos  cœurs  ;  voici  que  toute  chair  verra  bientôt  le 
Sauveur  envoyé  de  Dieu  ?  » 

2°  La  reconnaissance  envers  le  Sauveur.  Qu'était 
l'homme  avant  l'incarnation  du  Sauveur,  que  sommes- 
nous  sans  lui?  Pauvres,  aveugles,  esclaves,  victimes 
du  Démon,  du  péché  et  de  l'enfer,  que  ne  lui  devons- 
nous  pas?  Et  pour  nous  éclairer,  nous  délivrer,  nous  ra- 
cheter, nous  rendre  nos  droits  perdus,  que  n'en  a-t-il 
pas  coulé  au  Fils  de  Dieu?  Un  Dieu  qui  se  revêt  de  la 


DE    PERSÉVÉRANCE.  517 

forme  d'esclave,  qui  se  dévoue  à  toutes  les  misères  de 
la  misérable  humanité  ;  un  Dieu  pauvre,  un  Dieu  en- 
fant: cela  ne  dira-t-il  rien  à  notre  cœur?  Nous  qui  avons 
de  la  reconnaissance  pour  les  moindres  bienfaits,  nous 
n'en  aurons  pas  pour  un  Dieu  qui  se  donne  lui-même 
à  nous  ! 

3"  Notre  intérêt  spirituel.  La  source  des  grâces  ne 
tarit  dans  aucun  temps;  mais  les  grandes  fêtes  sont 
des  jours  plus  propices,  des  jours  où  ces  gr<1ces  sont 
répandues  avec  plus  d'abondance.  Toute  l'Eglise,  ani- 
mée alors  du  même  esprit,  offre  à  Dieu  un  hommage 
plus  solennel,  lui  adresse  des  prières  plus  ferventes,  et 
le  fléchit  par  des  larmes  plus  sincères.  Jésus-Christ  est 
né  pour  notre  salut  ;  mais  il  ne  répand  ses  grâces  que 
sur  ceux  qui  se  présentent  avec  un  cœur  préparé  pour 
les  recevoir.  Les  dispositions  qu'il  trouve  en  nous  sont 
la  mesure  de  ses  faveurs.  Eh  bien,  n'avons-nous  rien  ou 
peu  de  chose  à  lui  demander?  Descendons  dans  le  fond 
de  notre  cœur,  interrogeons  notre  vie  passée,  notre 
état  présent,  notre  avenir  :  l'abîme  de  nos  misères  ré- 
pondra'. 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  établi  le  saint  temps  de  l'Avent  pour  me  prépa- 
rer à  la  Fête  de  Noël  ;  faites-moi  la  grâce  de  la  passer 
saintement. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 

'  i^cf^ez  Thomassin,  Crléb.  des  fêtes ;Ooé.^Ji'«Ht. 


518  CATÉCHISME 

chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'a- 
mour de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je  ré- 
péterai tou$  les  jours,  durant  VAvênt,  cette  prière:  Di- 
vin Enfant  Jésus,  venez  naître  dans  mon  cœur. 


PETIT  CATÉCHISME. 

LE    CHRISTIANISME    RENDU    SENSIBLE. 

Avent. 

Q.  Qu'est-ce  que  l' Avent? 

R.  Le  mol  avent  veut  dire  arrivée,  avènement.  L'A- 
vent  est  un  temps  de  prière  et  de  pénitence,  établi  par 
l'Eglise  pour  nous  préparer  à  la  fête  de  Noël.  Autre- 
fois on  jeûnait  pendant  l' Avent,  les  ordres  religieux  le 
font  encore.  Les  prières  sont  plus  longues  et  plus  fré- 
quentes que  dans  les  autres  temps  de  l'année. 

Q.  Quels  sentiments  l'Eglise  veut-elle  nous  inspirer 
durant  l'Avent? 

R.  Durant  l'Avent,  l'Eglise  veut  nous  inspirer  un 
sentiment  de  pénitence  el  un  sentiment  d'espérance. 
C'est  par  la  pénitence  que  nous  pouvons  préparer  nos 
cœurs  à  la  naissance  du  Messie  ;  et  l'Eglise  nous  redit 
les  paroles  que  saint  Jean  adressait  aux  Juifs  sur  les  bords 
du  Jourdain  :  «  Faites  pénitence  ;  préparez  les  voies  du 
Seigneur;  rendez  droits  ses  sentiers.»  Elle  revêt  des  or- 
nements violets  ;  elle  supprime  V  Alléluia  dans  une  partie 
de  ses  offices,  afin  de  nous  rappeler  par  ces  signes  ex- 
térieurs l'obligation  de  faire  pénitence.  En  même  temps, 


DE    PERSÉVÉRANCE.  519 

elle  nous  annonce  dans  les  épîlres  el  dans  les  évangiles 
de  la  messe  la  prochaine  arrivée  du  Messie,  el  nous 
engage  à  ranimer  notre  espérance. 

Q.  Que  fait-elle  encore? 

R.  L'Eglise  nous  rappelle  encore  que  l'Avent  repré- 
sente les  quatre  mille  ans  pendant  lesquels  le  Sauveur 
fut  attendu.  Elle  nous  invite  à  soupirer  après  sa  venue 
comme  les  Patriarches  et  les  Prophètes.  Et  depuis  le 
15  décembre  jusqu'au  23  elle  nous  fait  répéter  ses 
grandes  antiennes,  qui  sont  autant  de  soupirs  ardents 
vers  le  Messie. 

Q.  Que  devons-nous  faire  pour  bien  passer  l'Avent? 

R.  Pour  bien  passer  l'Avent  nous  devons  :  1°  re- 
noncer au  péché  ;  2°  faire  quelques  œuvres  de  mortifi- 
cation ;  3°  désirer  ardemment  la  venue  du  Messie  dans 
nos  cœurs;  4°  vivre  dans  un  plus  grand  recueillement 
et  avec  plus  de  ferveur  que  pendant  les  temps  ordi- 
naires. 

Q.  Quels  motifs  avons-nous  de  bien  passer  l'Avent? 

R.  Plusieurs  motifs  nons  engagent  à  bien  passer 
l'Avent  :  1°  l'obéissance  à  l'Eglise  :  cette  tendre  mère 
veut  que  nous  ne  négligions  rien  pour  recevoir  le  Sau- 
veur dans  des  cœurs  bien  préparés  ;  2°  la  reconnaissance 
envers  Jésus-Christ  :  un  Dieu  qui  se  fait  homme  pour 
l'amour  de  nous  mérite  bien  la  reconnaissance  de  notre 
cœur;  3'  notre  intérêt  spirituel.  Le  Sauveur  ne  nous 
communiquera  ses  grâces  qu'autant  que  nous  serons 
préparés  à  les  recevoir.  Notre  ferveur  sera  la  mesure  de 
ses  libéralités. 


520  CATÉCHISME 

PRIÈRE. 

0  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  établi  le  saint  temps  de  l'Avent  pour  me  prépa- 
rer à  la  fête  de  Noël  ;  faites-moi  la  grâce  de  le  passer 
saintement. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'a- 
mour de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je  ré- 
péterai tous  les  jours,  durant  l'Avent,  cette  prière  : 
Divin  Enfant  Jésus,  venez  naître  dans  mon  cœur. 


DE   PERSÉVÉRANCE.  521 


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XXVP   LEÇON. 

LE   CHRISTIANISME   RENDU    SENSIBLE. 

Immaculée  Conception  de  1  a  sainte  Vierge.  —  Croyance  de  l'Église. 
—  Histoire  fie  la  fête.  —  Sagesse  de  l'Église.  —  Influence  de  cette 
fête.  —  Office.  —  Comment  célébrer  la  fête  de  l'Immaculée 
Conception  ? 

Le  8  du  mois  de  décembre  l'Eglise  catholique  cé- 
lèbre la  fête  de  l'Immaculée  Conception  de  la  sainte 
Vierge.  Unanalhème  divin,  juste  châtiment  d'un  grand 
crime,  pèse  depuis  six  mille  ans  sur  toute  la  race  hu- 
maine, et  la  souillure  du  péché  accompagne  la  concep- 
tion et  la  naissance  de  tous  les  fils  du  premier  des  cou- 
pables. Le  péché  originel  est  un  triste  héritage  qui  se 
transmet  de  génération  en  génération,  et  qui  se  trans- 
mettra tant  qu'il  y  aura  dans  les  veines  du  genre  hu- 
main une  goutte  du  sang  d'Adam.  Cette  loi  terrible, 
universelle,  incontestable,  qui  nous  condamne  à  naître 
enfants  de  colère,  a  été  une  fois  suspendue,  et  c'est  en 
faveur  de  Marie.  Jamais,  depuis  le  premier  instant  de 
son  existence,  la  Vierge  de  Juda,  la  mère  future  de 
l'Homrae-Dieu,  ne  fut  souillée  de  la  moindre  tache.  Tel 
est  le  miracle  et  le  bienfait  dont  l'Eglise  remercie  Dieu 
dans  la  fête  de  l'Immaculée  Conception. 

Que  Marie  ait  été  conçue  sans  péché,  il  n'y  a  rien 
de  plus  certain  après  les  dogmes  de  foi.  Les  Pères  de 


522  CATÉCHISME 

l'Eglise,  organes  de  la  tradition,  déposent  en  faveur  de 
cette  vérité.  Il  fallait  qu'elle  fût  bien  générale  et  bien 
accréditée  parmi  les  Chrétiens,  pour  que  les  Mahomé- 
tans  eux-mêmes  en  aient  consacré  le  souvenir.  Qui  le 
croirait  ?  l'Alcoran  est  un  des  premiers  monuments  où 
elle  se  trouve  consignée  *  ? 

Déjà  au  quatrième  siècle  la  plus  brillante  lumière  de 
l'Eglise,  saint  Augustin,  exceptait  Marie  toutes  les  fois 
qu'il  parlait  du  péché  originel.  «  C'est,  dit-il,  par  respect 
pour  Marie,  el  pour  l'honneur  qui  est  dû  à  son  Fils,  que 
nous  ne  parlons  point  d'elle  toutes  les  fois  qu'il  est  ques- 
tion du  péché  ^  »  El  le  concile  de  Trente,  résumant  la 
tradition  de  tous  les  âges  chrétiens,  s'exprime  ainsi  dans 
son  célèbre  décret  touchant  le  péché  originel  :  «  Le  saint 
Concile  déclare  que  son  intention  n'est  pas  de  compren- 
dre dans  le  décret  où  il  est  question  du  péché  originel 
la  bienheureuse  et  immaculée  Vierge  Marie,  mère  de 
Dieu;  mais  il  ordonne  de  suivre  sur  ce  point  les  consti- 
tutions du  pape  Sixte  IV,  sous  les  peines  portées  dans  ces 
constitutions^.  » 

Or,  en  1479,  Sixte  IV  avait  accordé  des  indulgences 
à  ceux  qui  assisteraient  à  l'office  et  à  la  messe  de  la 
fête  de  la  Conception.  Quatre  ans  plus  tard  il  donna  une 
autre  constitution  dans  laquelle  il  défendit  de  censu- 
rer cette  fête  ou  de  condamner  l'opinion  de  ceux  qui 
croyaient  l'Immaculée  Conception. 

•  Bergier,  art.  Mahomet. 

»  lib.  de  Nat.  et  Grnt.,  c.  36,  n.  42. 

»  Sess.  5. 


DE    PERSÉVÉRANCE,  523 

Cette  opinion,  en  effet,  est  si  bien  fondée,  qu'il  y  au- 
rait témérité  extrême  à  la  combattre.  Ce  serait  d'ailleurs 
enfreindre  les  décrets  du  saint  Siège  qui,  en  1622,  dé- 
fendit, par  l'organe  du  pape  Grégoire  XV,  de  soutenir, 
même  dans  les  disputes  particulières,  que  Marie  n'a  pas 
été  conçue  sans  péché.  El  pourquoi,  je  le  demande.  Dieu 
n'aurait-il  pas  opéré  ce  miracle  en  faveur  de  sa  Mère? 
il  le  pouvait,  cela  lui  convenait,  donc  il  l'a  fait  *.  Ainsi 
raisonnait  un  célèbre  théologien  du  moyen  âge,  et  tous 
les  enfants  de  Marie  ont  applaudi  au  raisonnemeut  de 
ce  grand  docteur. 

1°  Cela  convenait  au  Père  éternel.  Destinée  à  être  la 
mère  de  Jésus,  Marie  fut  toujours,  en  vertu  de  l'adop- 
tion divine,  considérée  du  Père  comme  sa  fille  chérie. 
Il  convenait  donc,  pour  l'honneur  du  Fils,  que  le  Père 
préservât  Marie  de  toute  souillure.  De  plus,  le  Père  avait 
choisi  cette  fille  bien-aimée  pour  écraser  la  tête  du  ser- 
pent infernal  :  comment  aurait-il  pu  permettre  que 
Marie  en  fût  d'abord  l'esclave? Enfin,  Marie  était  des- 
tinée à  être  l'avocate  des  pécheurs  :  il  convenait  donc 
qu'elle  fût  exemple  de  tout  péché,  afin  qu'elle  pût  tou- 
jours se  présenter  devant  Dieu  pure  de  toute  lâche. 
0  Pour  apaiser  un  juge,  dit  saint  Grégoire,  on  ne  lui 
envoie  pas  celui  qui  est  ou  qui  a  été  son  ennemi  :  un  tel 
messager  ne  ferait  qu'augmenter  son  courroux.  » 

2"  Cela  convenait  au  Fils.  Comment  croire  que  le 
Fils  de  Dieu,  la  sainteté  même,  qui  pouvail  avoir  une 
mère  immaculée  et  toujours  amie  de  Dieu,  aurait  voulu 

'  Potuit,  decuit,  crgo  fecit.  Scot. 


524  CATÉCHISME 

ravoir  souillée  et  ennemie  de  Dieu  dans  un  temps? 
De  plus,  dit  saint  Augustin,  la  chair  de  Jésus-Christ, 
c'est  la  chair  de  Marie.  Le  Fils  de  Dieu  aurait  eu  hor- 
reur de  prendre  un  corps  dans  le  sein  de  sainte  Agnès, 
de  sainte  Gertrude,  de  sainte  Thérèse,  parce  que  ces 
vierges,  toutes  pures  qu'elles  étaient,  avaient  été  en 
naissant  souillées  par  le  péché.  S'il  en  eût  été  ainsi  de 
Marie,  le  Démon  n'aurail-il  pas  pu  reprocher  à  Jésus- 
Christ  que  celte  même  chair  dont  il  était  revêtu  avait 
été  souillée  de  son  venin,  que  cette  mère  dont  il  se  glo- 
rifiait avait  d'ahord  été  son  esclave? La  mère  de  Dieu 
esclave  du  Démon  !...  oh  !  il  y  a  là  quelque  chose  de  si 
choquant,  de  si  offensif  des  oreilles  pieuses,  qu'il  est  im- 
possible de  l'entendre.  Enfin,  saint  Thomas  dit  que  Ma- 
rie fut  préservée  de  tout  péché  actuel,  même  véniel, 
parce  que  sans  cela  elle  n'aurait  pas  été  digne  de  Dieu. 
Mais  combien  en  aurait-elle  été  moins  digne  si  elle  avait 
été  souillée  du  péché  originel,  qui  fait  de  l'homme  un 
objet  de  colère  aux  yeux  de  Dieu? 

3°  Cela  convenait  au  Saint-Esprit.  Marie  est  l'épouse 
du  Saint-Esprit.  Si  un  peintre  habile  était  appelé  à  choi- 
sir une  épouse  belle  ou  difforme,  suivant  le  portrait 
qu'il  en  aurait  fait  lui-même,  quels  soins  n'apporterait-il 
pas  à  réunir  dans  son  tableau  tous  les  genres  de  beauté? 
Qui  oserait  dire  que  le  Saint-Esprit  ait  pu  agir  autre- 
ment avec  Marie,  et  qu'étant  maître  absolu  de  former 
son  épouse  à  son  gré,  il  ne  l'ait  pas  enrichie  de  toute  la 
beauté  qu'il  pouvait  lui  donner,  et  qu'il  lui  convenait 
d'avoir?  Non,  non,  le  Seigneur  n'a  point  fait  ainsi,  té- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  525 

moin  les  noms  qu'il  donne  à  Marie.  Après  l'avoir  formée, 
il  contemple  avec  une  complaisance  infinie  ce  chef-d'œu- 
vre de  sa  grâce,  et  il  lui  dit  ;  «  Vous  êtes  toute  belle,  ô 
ma  bien-aimée  !  et  il  n'y  a  point  de  tache  en  vous  :  les 
jeunes  filles  sont  sans  nombre,  mais  ma  colombe  est 
seule  belle,  seule  pure,  seule  parfaite  entre  les  filles  de 
sa  mère^  »  Cela  veut  dire  que  toutes  les  âmes  justes 
sont  filles  de  la  grâce  divine;  mais  il  en  est  une  parmi 
elles  qui  a  mérité  le  nom  de  colombe,  parce  qu'elle  est 
sans  tache;  et  enfin  d'unique,  parce  qu'elle  seule  a  été 
conçue  dans  la  grâce  ^. 

Telles  sont  quelques-unes  des  autorités  et  des  hautes 
convenances  qui  ont  fait  admettre  l'immaculée  concep- 
tion de  Marie.  Ils  n'étaient  donc  pas  des  esprits  faibles 
tous  ces  Pères  de  l'Eglise,  tous  ces  théologiens,  la  lu- 
mière de  leur  siècle  et  l'admiration  de  la  postérité,  qui 
soutenaient  avec  tant  d'éloquence,  qui  croyaient  avec 
tant  de  sincérité  cette  auguste  prérogative  de  Marie  ! 
Ils  n'étaient  pas  non  plus  des  esprits  faibles  tous  ces 
docteurs  des  universités  catholiques  de  France,  d'An- 
gleterre, d'Espagne  et  d'Italie,  qui  faisaient  profession 
de  croire  à  l'immaculée  conception  de  la  mère  de 
Dieu,  et  qui  s'obligeaient  par  serment  à  défendre  cette 
croyance  !  Les  esprits  faibles  sont  tous  ces  grands  gé- 
nies qui  courent  les  rues,  et  qui  sans  motifs,  sans  étude, 


•  Cant.,  VII. 

*  Voy.  Gloires  de  Marie,  par  le  B.  Liguori.  On  y  trouve  un  grand 
nombre  de  passages  des  Pères  de  l'Eglise  sur  l'immaculée  concep- 
tion. T.  2,  p.  1. 


526  CATÉCHISME 

blâment,  rejelleni  ce  qu'ils  ne  connaissent  pas,  unique- 
ment parce  que  cela  ne  convient  ni  à  leur  débile  rai- 
son ni  h  leur  cœur  dépravé,  ou  parce  que  l'Eglise  ca- 
tholique l'admet. 

Cependant,  quelque  bien  établie  qu'elle  soit,  l'imma- 
culée conception  de  la  sainte  Vierge  n'est  pas  un  dogme 
de  foi  catholique.  «  Mais  cette  opinion,  dit  le  grand 
Bossuel,  a  je  ne  sais  quelle  force  qui  persuade  les  âmes 
pieuses.  Après  les  articles  de  foi,  je  ne  connais  guère 
de  chose  plus  assurée.  C'est  pourquoi  je  ne  m'étonne 
pas  que  cette  école  de  théologiens  de  Paris  oblige  tous 
ses  enfants  à  défendre  celte  doctrine...  Pour  moi,  je  suis 
ravi  de  suivre  aujourd'hui  ses  intentions.  Après  avoir 
été  nourri  de  son  lait,  je  me  soumets  volontiers  à  ses 
ordonnances,  d'autant  plus  que  c'est  aussi,  ce  me  sem- 
ble, la  volonté  de  l'Eglise.  Elle  a  un  sentiment  fort 
honorable  de  la  conception  de  Marie  ;  elle  ne  nous  oblige 
pas  de  la  croire  immaculée  ;  mais  elle  nous  fait  entendre 
que  cette  créance  lui  est  agréable.  Il  y  a  des  choses 
qu'elle  commande  où  nous  faisons  connaître  notre  obéis- 
sance ;  il  y  en  a  d'autres  qu'elle  insinue  où  nous  pou- 
vons témoigner  notre  affection.  Il  est  de  notre  piété,  si 
nous  sommes  de  vrais  enfants  de  l'Eglise,  non-seule- 
ment d'obéir  aux  commandements,  mais  de  fléchir  aux 
moindres  signes  de  la  volonté  d'une  mère  si  bonne  et 
si  tendre  *.  » 

'  Premier  sermen  sur  la  Conception- 

Sur  la  demandedeMonseigneurrarcbe?êque  de  Paris,  Hyacinthe 
de  Quélen,  le  souverain  pontife  Grégoire  XVI,  actuellement  ré- 
gnant, vient  d'autoriser  l'addition  du  mot  immaculée  dans  la  Pré- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  527 

La  fêle  de  l'Immaculée  Conception  manifeste  bien  le 
sentiment  et  la  volonté  de  l'Eglise  sur  ce  point.  Celte 
fête  remonte  au  delà  du  douzième  siècle.  Célébrée  d'a- 
bord par  quelques  églises  particulières,  elle  fut  forte- 
ment soutenue  et  propagée  par  saint  Anselme,  arche- 
vêque de  Cantorbéry,  mort  en  1109.  Deux  cents  ans 
plus  tard,  un  concile  de  Londres  la  rendit  obligatoire. 
De  la  Grande-Bretagne  cette  fête  passa  sur  le  continent, 
et  se  répandit  promptement  en  France,  en  Espagne, 
en  Italie  et  dans  les  autres  parties  de  la  chrétienté. 
Enfin,  au  quinzième  siècle,  le  concile  de  Bâle,  et  sur- 
tout le  pape  Sixte  IV,  lui  donnèrent  encore  plus  de 
cours  et  de  consistance  par  les  indulgences  qui  y  furent 
attachées  *. 

L'institution,  en  apparence  si  tardive,  d'une  fête  où 
l'on  honore  le  plus  glorieux  privilège  de  Marie,  donne 
lieu  à  une  réflexion  qui  s'applique  avec  la  même  jus- 
tesse à  l'établissement  des  autres  fêtes.  Comme  l'Eglise 
n'a  pas  tout  d'un  coup,  et  dès  son  origine,  décidé  toutes 
les  questions  de  dogme  et  de  morale,  de  même  elle  n'a 
pas  établi  tout  d'un  coup  les  différentes  pratiques  de  son 
culte;  elle  a  suivi  les  temps  et  s'est  proportionnée  aux 
besoins  des  fidèles.  C'est  une  nouvelle  preuve  de  sa 
profonde  sagesse.  En  définissant  aujourd'hui  des  vé- 
rités de  foi  qui  sont  attaquées  et  qui  ne  l'étaient  pas 

face  de  l'office,  en  lucme  temps  que,  pour  donner  à  cette  fêle  plus 
de  solennité,  il   la  transfère  au  deuxième  dimanche  de   l'Avent. 
Pouvait-il  insinuer  plus  clairement  le  sentimentde  l'Eglise  au  su- 
jet de  l'immaculée  conception  de  Marie? 
'  Extrui'og.  Comm.,  lib.  3,  tit.  12,  c.  1. 


528  CATÉCHISME 

hier,  l'Eglise  ne  s'est  pas  crue  plus  sage  pour  cela  ;  elle 
a  fait  ce  que  les  conciles  antérieurs  auraient  fait  s'ils 
eussent  été  placés  dans  les  mêmes  circonstances.  Il  en 
est  de  même  de  celte  augmentation  de  fêles,  de  confré- 
ries, de  dévotions  et  de  pratiques  saintes  ;  elles  ne  vien- 
nent point  d'une  présomption  vaine  et  insoutenable, 
comme  si  nous  prétendions  en  savoir  plus  que  les  an- 
ciens. Autres  temps,  autres  mœurs,  autres  besoins.  L'E- 
glise les  connaît  et  prend  soin  d'y  satisfaire  :  personne 
mieux  qu'une  mère  ne  sait  ce  qui  convient  à  ses  en- 
fants. 

En  effet,  il  faut  juger  de  l'Eglise,  cette  divine  épouse 
de  l'Homme-Dieu,  cette  incarnation  permanente  de 
Jésus-Christ*,  comme  de  Jésus-Christ  même.  A  me- 
sure qu'il  avançait  en  âge,  nous  dit  l'Ecriture,  Jésus 
croissait  aussi  en  sagesse  et  en  grâce  devant  Dieu  et 
devant  ies/iommes.  Ce  n'est  pas  que  la  Sagesse  éternelle, 
bien  que  revêtue  de  notre  chair,  pût  augmenter  en 
science  et  en  sainteté;  mais  le  Fils  de  Dieu,  se  propor- 
tionnant aux  lois  de  notre  nature,  faisait  éclater  de  jour 
en  jour  plus  de  sagesse  et  de  piété,  selon  le  progrès  de 
l'âge,  quoique  dès  le  premier  instant  de  sa  conception 
il  eût  été  la  sagesse  et  la  sainteté  consommées. 

On  peut  dire,  ajoute  le  célèbre  Thomassin,  qu'il  en 
est  de  même  de  l'Eglise  :  cette  divine  épouse  éclaircit, 
en  déployant  de  temps  en  temps  les  trésors  de  la  tradi- 
tion, des  points  de  doctrine  et  des  usages  de  piété  qui 

*  Expression  du  célèbre  théologien  Mœlher,  dans  sa  Symbolique, 
2  vol. 


DE    PERSÉVÉRANCE.  529 

n'avaient  point  encore  paru,  parce  que  le  temps  n'était 
pas  encore  venu  de  les  faire  paraître  ni  d'en  dévelop- 
per les  traditions.  La  plénitude  du  Saint-Esprit  réside 
et  a  résidé  dès  le  commencement  dans  le  cœur  de  l'E- 
glise. En  elle  et  avec  elle  a  été,  est,  et  sera  toujours 
la  Sagesse  éternelle  '  ;  mais  elle  ne  la  montre  et  ne  la 
répand  au  dehors  que  suivant  les  conseils  de  la  Provi- 
dence divine  ;  Providence  maternelle  qui  atteint  infail- 
liblement son  but,  tout  en  disposant  les  moyens  avec 
douceur  ;  qui  conduit  le  genre  humain  comme  un  seul 
homme,  et  chaque  homme  comme  tout  le  genre  hu- 
main, par  les  degrés  des  différents  âges,  et  par  des  pro- 
grès proportionnés  à  ces  âges  divers*. 

Du  reste,  la  fête  de  l'immaculée  conception  n'est  pas 
une  fête  purement  spéculative.  Comme  toutes  les  so- 
lennités catholiques,  elle  a  une  grande  influence  sur 
les  mœurs.  Et  d'abord,  la  pensée  que  Marie  est  une 
rose  qui  ne  fut  jamais  flétrie,  une  glace  que  le  moindre 
souffle  ne  ternit  jamais,  sanctifie  l'imagination  en  lui 
présentant  les  images  les  plus  gracieuses,  les  plus  sua- 
ves et  les  plus  pures.  N'est-ce  donc  rien  pour  la  perfec- 
tion de  l'humanité  que  d'avoir  substitué  un  type  si  pur 
de  la  femme  au  type  infâme  que  présentait  le  Paga- 
nisme, Marie  à  Vénus?  entre  ces  deux  idées,  il  y  a 
l'infini.  Et  puis  la  raison  ne  se  demande-t-elle  pas,  au 
jour  de  la  conception  de  la  Vierge  :  Pourquoi  ce  mi- 
racle étonnant  qui  suspend  en  faveur  de  Marie  la  loi 

'  Mattb.,  xxviii. 

'  Foy.  Thomassin,  des  Fêtes,  p.  217. 

T.  Vil.  34 


530  CATÉCHISME 

qui  condamne  tous  les  fils  et  toutes  les  filles  d'Adam  à 
naître  dans  l'iniquité?  Pourquoi  cette  sainteté  par- 
faite? 

Et  la  foi  venant  au  secours  de  la  raison,  son  enfant 
et  sa  pupille,  lui  fournit  cette  réponse  :  Ah  !  c'est  que 
Marie  devait  être  un  jour  la  mère  de  Dieu  ;  son  chaste 
sein  devait  être  le  tabernacle  duYerbe  éternel.  Si  l'arche 
d'alliance  devait  être  sainte  et  revêtue  de  l'or  le  plus 
pur  en  dedans  et  en  dehors,  parce  qu'elle  devait  ren- 
fermer les  tables  de  la  loi,  combien  ne  fallait-il  pas 
que  Marie  fût  plus  sainte  et  plus  pure,  pour  porter  dans 
ses  entrailles  le  Maître  de  la  loi  ! 

A  cette  leçon  de  la  foi,  l'homme  s'écrie  aussi  :  Oh 
oui,  je  le  comprends,  Marie  devait  être  sans  tache  ; 
mais  quoi  ?  l'honneur  de  recevoir  en  moi  mon  Dieu 
en  personne  ne  m'est-il  pas  réservé  ?  Dans  la  commu- 
nion, ne  suis-je  pas  associé  en  quelque  sorte  à  la  ma- 
ternité divine?  Et  cette  communion,  ne  suis-je  pas,  sous 
peine  de  mort,  obligé  de  la  faire?  N'est-il  pas  écrit  : 
Si  vous  ne  mangez  la  chair  du  Fils  de  l'Hommey  et  si 
vousne  huvez  son  sang  ^vous  n'aurez  point  la  vieenvous? 
Oui,  il  faut  que  je  communie.  Mais  quelle  est  ma  sain- 
teté, comparée  à  celle  de  Marie  !  Et  voilà  que  des  sen- 
timents profonds  d'humilité,  des  remords  salutaires,  de 
généreuses  résolutions,  se  forment  dans  l'âme;  la  con- 
duite se  modifie,  et  la  vigilance,  et  la  douceur,  et  la 
tendre  piété,  et  l'obéissance,  que  sais-je?  et  toutes  les 
vertus  qui  font  le  charme  de  la  vie,  le  bonheur  des  fa- 
milles et  la  force  de  la  société,  éclosent  comme  par  en- 


DE   PERSÉVÉRANCE.  591 

enchantement  au  souvenir  de  Marie  conçue  sans  péché, 
de  Marie  toujours  pure  et  sans  tache,  parce  qu'elle  de- 
vait recevoir  son  Dieu;  et  voilà  les  sens,  l'esprit  et  le 
cœur  qui  se  régénèrent;  et  voilà  l'homme  qui  fait  un 
pas  de  plus  vers  la  fin  à  laquelle  il  doit  tendre  ;  et  voilà, 
pour  la  famille  et  pour  la  société,  une  garantie  de  plus 
de  paix  et  de  bonheur. 

Pour  rendre  aussi  vive  que  possible  l'influence  salu- 
taire du  type  divin  que  cette  fête  nous  présente,  l'E- 
glise nous  le  fait  envisager  sous  toutes  ses  faces  ;  elle 
l'environne  des  plus  gracieuses  images,  elle  le  fait  pour 
ainsi  dire  poser,  afin  que  chacun  de  nous  puisse  l'étu- 
dier à  loisir  et  le  copier  tout  entier, 

Ainsi  la  messe  de  la  Conception  nous  montre  Marie 
réunissant  tous  les  genres  Je  gloire  et  de  noblesse.  Dans 
l'Introït,  l'auguste  fille  des  rois  de  Juda  nous  apparaît 
comme  l'objet  des  antiques  prophéties,  comme  la  Vierge 
par  excellence,  la  Vierge  mère  d'Emmanuel,  qui  doit 
occuper  le  trône  de  David.  L'Epître  nous  parle  de  sa 
puissance  et  de  la  victoire  qu'elle  remportera  sur  le  dra- 
gon séducteur  de  la  race  humaine  ;  le  Graduel  et  le  Ver- 
set nous  expliquent  la  cause  et  le  moyen  de  cette  grande 
victoire  :  Marie  est  parfaitement  sainte  ;  le  Très-Haut  a 
sanctifié  son  tabernacle,  il  y  a  fixé  sa  demeure.  Voici 
maintenant  l'Evangile  qui  nous  raconte  que  cette  Vierge 
auguste  joint  à  la  noblesse  de  la  vertu  la  noblesse  de 
la  naissance  :  Marie  est  la  fille  des  rois  ;  le  sang  d'A- 
braham et  de  David  coule  dans  ses  veines. 

Marie,  objet  des  pensées  et  des  complaisances  de 


532  CATÉCHISME 

Dieu  depuis  l'éternité  ;  Marie,  libératrice  du  genre  hu- 
main ;  Marie,  entrevue,  désirée,  saluée  de  loin  par  les 
Prophètes;  Marie,  brillant  d'une  sainteté  parfaite  parmi 
les  descendants  souillés  du  premier  Adam,  comme  le 
lis  sans  tache  au  milieu  des  épines;  Marie,  noble  reje- 
ton d'une  longue  suite  d'aïeux  illustres  :  tels  sont  les 
différents  points  de  vue  sous  lesquels  l'Eglise  nous  pré- 
sente cette  enfant,  qui  est  aujourd'hui  conçue.  Con- 
naissez-vous un  meilleur  moyen  d'exciter  dans  nos 
cœurs  le  respect,  la  confiance  et  l'amour;  de  sanctifier 
notre  imagination  par  des  images  plus  nobles  et  plus 
sûres  ? 

De  là,  il  est  facile  de  comprendre  ce  que  nous  de- 
vons faire  pour  célébrer  dignement  la  fête  de  l'Imma- 
culée Conception  :  1°  remercier  Dieu  d'avoir  préservé 
Marie  de  la  tache  originelle  ;  2°  féliciter  Marie  de  ce 
glorieux  privilège  ;  3°  exciter  en  nous  une  grande  con- 
fiance en  cette  Vierge  très-sainte.  La  sainteté  est  la 
mesure  du  pouvoir  que  les  Saints  ont  auprès  de  Dieu. 
Quel  est  donc  celui  de  Marie,  la  plus  sainte  de  toutes 
les  créatures?  quelle  est  sa  bonté  pour  nous? Elle  est 
notre  sœur,  elle  est  notre  mère,  elle  estnolre  avocate. Ses 
prérogatives  lui  ont  été  données  pour  le  bien  des  hom- 
mes; elle  doit  les  faire  servir  à  la  gloire  de  son  Fils,  et 
la  gloire  de  son  Fils,  c'est  le  salut  du  genre  humain  ; 
4°  former  la  résolution  d'approcher  le  plus  près  que  nous 
pourrons  de  la  sainteté  de  Marie,  puisque,  d'une  part, 
c'est  un  moyen  de  lui  plaire  ;  et  que,  de  l'autre,  nous 
sommes  appelés  à  recevoir  dans  notre  cœur  le  Dieu  en 


DE  PERSÉVÉRANCE.  533 

vue  duquel  elle  a  616  sancliri6e  ;  5»  louer  Marie  en 
d6posant  chaque  jour  sur  son  autel  le  tribut  de  notre 
tendresse  filiale.  On  peut  le  faire,  soit  par  quelques  lé- 
gères mortifications  ou  par  quelques  prières  courtes, 
mais  ferventes.  En  voici  une,  entre  autres,  à  laquelle 
sont  attachées  de  grandes  indulgences  ;  Bénie  soit  la 
très-pure  et  immaculée  conception  de  la  bienheureuse 
Vierge  Marie. 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  préservé  la  sainte  Vierge  de  la  tache  du  péché 
originel  ;  faites-moi  la  grâce  de  conserver  toute  ma  vie 
ou  de  recouvrer  promptement  l'innocence  de  mon  bap- 
tême. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu  ;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je  réciterai 
tous  les  jours  trois  Ave  Maria  en  l'honneur  de  l'imma- 
culée conception. 

PETIT  CATÉCHISME. 

LE   CHRISTIANISME   RENDU    SENSIBLE. 
Immaculée  Conception  de  la  sainte  Vierge. 

Q.  Quelle  fête  célèbre-t-on  le  8  décembre  ? 
R.  Le  8  décembre  on  célèbre  la  fête  de  l'Immaculée 
Conception  de  la  sainte  Vierge.  La  sainte  Vierge  devant 


534  Catéchisme 

être  la  mère  de  Dieu  a  été  préservée  du  péché  ori- 
ginel. Cela  convenait  à  l'honneur  des  trois  personnes 
de  la  sainte  Trinité  :  au  Père,  dont  Marie  est  la  fille  ; 
au  Fils,  dont  elle  est  la  mère  ;  au  Saint-Esprit,  dont  elle 
est  l'épouse.  Dieu  pouvait  préserver  Marie  du  péché 
originel  et  la  former  dans  un  état  de  sainteté  comme  il 
avait  formé  Eve  et  les  Anges  ;  puisque  Dieu  le  pouvait 
et  que  cela  lui  convenait,  il  faut  conclure  qu'il  l'a  fait. 

Q.  L'immaculée  conception  de  la  sainte  Vierge  est- 
elle  un  dogme  de  foi? 

R.  L'immaculée  conception  de  la  sainte  Vierge  n'est 
pas  un  dogme  de  foi,  mais  elle  est  très-certaine.  Cette 
croyance  repose  sur  l'autorité  des  Pères,  des  théolo- 
giens, et  sur  la  conduite  de  l'Eglise.  Si  l'Eglise  ne  re- 
gardait pas  comme  assurée  l'immaculée  conception  de 
Marie,  elle  n'aurait  pas  établi  une  fête  pour  l'honorer. 

Q.  Cette  fête  est-elle  bien  ancienne? 

R.  Celte  fête  est  très-ancienne,  puisqu'elle  remonte 
au  delà  du  douzième  siècle.  Saint  Anselme,  archevê- 
que de  Cantorbéry,  contribua  beaucoup  à  la  propager. 
Enfin,  les  souverains  pontifes  ont  accordé  des  indul- 
gences à  ceux  qui  la  célébreraient  dignement.  En  éta- 
blissant cette  fête,  l'Eglise  n'a  pas  acquis  de  nouvelles 
lumières  qu'elle  n'avait  pas  dans  le  commencement. 
Comme  Notre-Seigneur  croissait  en  grâce  et  en  sagesse 
à  mesure  qu'il  avançait  en  âge,  c'est-à-dire  qu'il  faisait 
paraître  successivement  la  sagesse  et  la  piété  qui  étaient 
en  lui,  de  même  l'Eglise,  qui  possède  dès  son  origine 
la  sagesse  de  Dieu,  ne  la  fait  paraître  que  suivant 


BiE   PERSÉVÉRANCE.  535 

l'ordre  de  la  Providence  et  les  besoins  de  ses  enfants. 

Q.  La  fête  de  l'Immaculée  Conception  est-elle  bien 
propre  à  nous  sanctifier? 

R.  Oui,  la  fête  de  l'Immaculée  Conception  est  bien 
propre  à  nous  sanctifier;  elle  sanctifie  notre  imagination 
en  nous  présentant  l'image  de  la  plus  pure  de  toutes 
les  vierges  ;  elle  sanctifie  notre  esprit  en  nous  avertis- 
sant que  nous  devons  imiter  autant  que  nous  le  pou- 
vons la  sainteté  de  Marie,  puisque  nous  devons  recevoir 
dans  la  communion  le  même  Dieu  dont  elle  fut  l'au- 
guste mère  ;  elle  sanctifie  notre  cœur  en  nous  inspirant 
la  résolution  de  le  purifier  ou  de  le  conserver  sans 
souillure.  Ce  sont  les  grandes  leçons  que  l'Eglise  nous 
donne  dans  cette  fête. 

Q.  Que  devons-nous  faire  pour  la  célébrer  digne- 
ment? 

R.  Pour  la  célébrer  dignement  nous  devons  :  1°  re- 
mercier Dieu  d'avoir  préservé  la  sainte  Vierge  de  la 
tache  originelle  ;  2°  féliciter  Marie  de  ce  glorieux  pri- 
vilège ;  30  former  la  résolution  d'éviter  les  moindres 
fautes  ;  4**  faire  quelques  mortifications  ou  quelques 
prières  pour  honorer  la  sainte  Vierge. 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  préservé  la  sainte  Vierge  de  la  tache  du  péché 
originel;  faites -moi  la  grâce  de  conserver  toute  ma 
vie  ou  de  recouvrer  promptemenl  l'innocence  de  mon 
baptême. 


536  CATÉCHISME 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus  toute 
chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour  l'amour 
de  Dieu;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je  réciterai 
tous  les  jours  trois  Ave  Maria  en  l'honneur  de  l'imma- 
cuUe  conception. 


DE   PERSÉVÉRANCE.  537 


XXVIF   LEÇON. 

LE  ' CHRISTIANISME   RENDU   SENSIBLE. 

Quatre-Temps  de  l'Avent.  —  Antiquité  des  Quatre-Temps.  —  Sa- 
gesse et  bonté  de  l'Eglise.  —  OEuvres  satisfactoires  opposées  aux 
trois  grandes  concupiscences.  —  Esprit  du  jeûne.  —  Crime  des 
hérétiques  et  des  impies.  —  Pourquoi  les  Quatre-Temps  sont 
établis. 

La  troisième  semaine  de  l'Avent  arrivent  les  Quatre- 
Temps  d'automne.  Les  Quatre-Temps  sont  trois  jours 
de  jeûne  qui  s'observent  à  la  fin  de  chaque  saison.  Si 
l'antiquité  d'une  pratique  d'ailleurs  salutaire  est  propre 
à  la  rendre  vénérable,  je  vous  laisse  à  penser  quel  res- 
pect nous  devons  avoir  pour  ces  jours  consacrés  à  la  pé- 
nitence, et  avec  quelle  religieuse  exactitude  nous  devons 
les  observer?  L'institution  des  Quatre-Temps  remonte 
aux  premiers  siècles  de  l'Eglise*;  la  Synagogue  elle- 
même  nous  en  offre  des  vestiges.  Le  jeûne  des  sai- 
sons de  l'été,  de  l'automne  et  de  l'hiver  est  clairement 
marqué  par  le  prophète  Zacharie  ^.  Héritière  de  toutes 
les  saintes  pratiques  aussi  bien  que  de  toutes  les  vérités 
anciennes,  l'épouse  de  Jésus-Christ  a  conservé,  sanc- 
tifié et  perfectionné  l'usage  du  jeûne  aux  quatre 
saisons. 

'  Baron.,  an  57,  n.  126  et  127.  S.  Isid,,  Offic,  c.  37  et  38.  Raban 
Maur.,  Instit.,  lib,  2, 19,  etc. 
*  vm,  19. 


538  CATÉCHISME 

Pour  peu  que  nous  veuillions  nous  donner  la  peine 
de  chercher  les  raisons  de  sa  conduite,  nous  la  trouve- 
rons empreinte  d'une  profonde  sagesse,  c'est-à-dire 
tout  à  la  fois  d'une  parfaite  connaissance  :  1°  de  la 
condition  de  l'homme  ici -bas;  2»  de  son  caractère; 
3°  d'une  grande  sollicitude  pour  son  bonheur. 

En  effet,  qu'est-ce  que  l'homme?  c'est  un  roi  dé- 
chu, c'est  un  être  dégradé.  Voilà  ce  que  nous  dit  l'in- 
définissable mélange  de  grandeur  et  de  bassesse  que 
nous  trouvons  en  nous-mêmes. 

Qu'est-ce  encore  que  l'homme?  c'est  un  coupable. 
Voilà  ce  que  nous  crient  tous  les  siècles  et  tous  les 
peuples  ;  voilà  ce  que  nous  disent  les  sacrifices,  les 
expiations  de  tous  genres  qui  se  retrouvent  partout, 
aussi  bien  que  les  misères  sans  nombre  qui  nous  ac- 
cablent. Ouvrage  d'un  Dieu  bon,  l'homme  n'est  mal- 
heureux que  parce  qu'il  est  dégradé,  et  il  n'est  dégradé 
que  parce  qu'il  est  coupable.  Puisque  nous  sommes 
coupables,  nous  sommes  donc  obligés'de  faire  pénitence. 
Oui,  il  est  ainsi;  c'est  la  voix  de  la  raison;  c'est  aussi 
l'enseignement  de  la  foi.  Toutes  les  pages  de  l'Ancien 
Testament  rappellent  cette  nécessité  de  la  pénitence. 
L'Evangile  confirme  cette  loi  immuable.  Combien  de 
fois  le  Sauveur  du  monde  n'a-t-il  pas  dit  que  la  pénitence 
était  la  condition  indispensable  du  salut  ?  N'est-ce  pas 
de  sa  bouche  que  sont  sorties  ces  paroles  :  Si  vous  ne 
faites  pénitence,  vous  périrez  tous? 

Qu'est-ce  encore  que  l'homme?  c'est  un  être  qui  est 
appelé  à  imiter  un  modèle  divin,  dont  la  vie  a  été  une 


DE   PERSÉVÉRANCE.  539 

pénitence  continuelle.  Ainsi,  comme  hommes,  comme 
pécheurs  et  comme  chrétiens,  nous  sommes  tenus  à  la 
pénitence;  elle  est  pour  nous  de  droit  naturel  et^e 
droit  divin;  elle  est  l'unique  moyen  de  remonter  sur 
le  trône  d'où  nous  sommes  tombés,  de  rentrer  dans 
l'ordre  dont  nous  nous  sommes  écartés,  enfin  d'imiter 
le  modèle  auguste  auquel,  sous  peine  de  mort,  nous 
devons  ressembler. 

Mais  cette  pénitence,  de  quelle  manière  doit-elle  se 
faire?  dans  quel  temps?  Quelles  œuvres  faut-il  s'im- 
poser ?  Si  vous  laissez  à  chaque  particulier  le  soin  de 
résoudre  ces  questions,  vous  arriverez  d'abord  à  une 
horrible  confusion  d'idées,  puis  à  des  pratiques  absur- 
des, ridicules,  monstrueuses  peut-être.  Interrogez  l'his- 
toire :  dans  le  Paganisme,  les  sacrifices  humains  ;  au 
commencement  de  l'Eglise,  les  excès  des  Donalistes 
et  des  Gnostiques  ;  au  moyen  âge  et  depuis  la  réforme, 
les  incroyables  pratiques  des  Flagellants,  des  Frérots, 
des  Anabaptistes,  des  Momiers  barbus,  etc.,  etc.,  ne 
sont-elles  pas  autant  de  monuments  de  cette  triste  vé- 
rité? Ensuite,  vous  verrez  le  précepte  lui-même  de  la 
pénitence  tomber  en  ruine;  car  tel  est  l'homme  :  sa  lé- 
gèreté, son  amour-propre,  sa  préoccupation  des  choses 
temporelle,  son  attrait  pour  le  plaisir,  son  horreur  pour 
tout  ce  qui  gêne  ses  inclinations;  que  sais -je?  toutes 
ces  choses  réunies  feront  reléguer  le  précepte  de  la 
pénitence  dans  l'empire  de  la  lune. Si  l'on  n'en  conteste 
pas  la  vérité,  on  trouvera  mille  moyens  d'en  éluder 
l'accomplissement  :  il  sera  comme  s'il  n'était  pas. 


540  CATÉCHISME 

Celui  qui  a  créé  l'homme  connaissait  trop  bien  son 
caractère  pour  ne  pas  obvier  à  ces  inconvénients.  Aussi 
le  ^auveur  a-t-il  chargé  son  Eglise  de  déterminer  le  pré- 
cepte de  la  pénitence,  d'en  fixer  la  pratique,  et  de  dire 
à  l'homme  avec  une  infaillible  autorité  :  Le  précepte 
divin  de  la  pénitence  oblige  dans  telle  circonstance; 
pour  y  satisfaire,  vous  ferez  telle  pratique.  Paroles  pré- 
cieuses, puisqu'elles  mettent  un  frein  au  relâchement, 
tranquillisent  les  âmes  timorées  eu  leur  apprenant  ce 
que  Dieu  demande  d'elles,  et  tendent  à  prévenir 
l'homme  du  malheur  affreux  de  tomber  entre  les  mains 
de  son  juge  sans  avoir  rien  fait  pour  expier  une  longue 
vie  d'inutilités,  d'iniquités  peut-être. 

Voyez  ensuite  avec  quelle  habileté  l'Epouse  de  Jésus- 
Christ,  notre  bonne  mère,  a  mis  le  doigt  sur  la  plaie  du 
grand  malade  dont  la  guérison  lui  est  confiée.  Cette 
habileté  va  vous  paraître  évidente,  si  vous  faites  ré- 
flexion à  la  nature  des  œuvres  satisfactoires  que  l'E- 
glise nous  prescrit. 

Semblable  à  ce  voyageur  laissé  pour  mort  sur  le 
chemin  de  Jéricho,  l'homme  a  reçu  trois  grandes  bles- 
sures :  l'amour  désordonné  des  richesses,  l'amour 
désordonné  des  honneurs,  et  l'amour  désordonné  des 
plaisirs.  Voilà  ses  plaies  ;  plaies  mortelles,  plaies  gan- 
grenées que,  dans  sa  langue  profondément  philoso- 
phique, l'apôtre  saint  Jean  appelle  les  trois  grandes 
concupiscences. 

Quels  remèdes  à  ces  maux,  causes  fatales  de  toutes 
les  larmes  que  l'homme  répand,  et  il  en  répand  beau- 


DE    PERSÉVÉRANCE.  541 

coup  !  sources  de  tous  les  crimes  qui  bouleversent  le 
monde,  et  ces  crimes  sont  tels  qu'ils  font  quelquefois 
rougir  de  porterie  nom  d'homme?  Cherchez,  cherchei 
encore  ;  en  attendant  nous  disons,  nous,  Catholiques  : 
le  remède  de  l'orgueil,  c'est  l'humilité  ;  de  l'avarice, le 
détachement;  de  la  volupté,  la  mortification.  Hommes 
légers,  qui  souriez  avec  dédain  aux  préceptes  de  l'E- 
glise, voyons,  parlez  :  connaissez-vous  d'autres  remèdes? 
L'homme  est  malade,  vous  le  savez,  vous  le  dites,  vous 
vous  en  plaignez  ;  puisque  vous  vous  flattez  d'en  savoir 
plus  que  le  Christianisme,  à  l'œuvre,  guérissez  l'huma- 
nité. Je  vous  vois  venir,  la  bouche  pleine  de  pompeuses 
maximes  dont  vous  l'assourdissez,  les  mains  chargées  de 
lois  innombrables  que  vous  lui  jetez  sur  la  tête  comme 
un  filet  pour  prendre  une  proie  ;  puis  après  vous  des 
armées  de  gendarmes,  des  chaînes,  des  cachots,  et 
enfin  le  bourreau.  Ah  !  nous  savons  ce  que  peuvent  tous 
ces  remèdes  ;  ils  ont  irrité  le  mal,  exaspéré  le  malade, 
et  rendu  sa  guérison  mille  fois  plus  difficile. 

Bien  plus  éclairée  est  l'Eglise  catholique.  Avec  sa 
douce  voix  de  mère,  elle  dit  à  l'homme  :  «  Mon  fils, 
depuis  la  chute  de  votre  père,  il  y  a  deux  hommes  en 
vous;  l'un  qui,  vous  entraînant  de  tout  son  poids  vers 
la  terre  et  vers  les  grossières  jouissances,  tend  à  vous 
ravaler  jusqu'au  niveau  de  la  brute  ;  l'autre  qui,  tendant 
incessamment  à  vous  soustraire  à  l'empire  des  sens, 
vous  élève  vers  Dieu  et  vous  fait  aspirer  à  tout  ce  qui 
est  bien,  noble,  grand,  digne  de  vous  ;  c'est-à-dire  d'une 
gloire  immortelle  et  d'un  bonheur  infini.  Opposés  d'in- 


542  CATÉCHISME 

tentions,  de  désirs,  de  sentiments,  ces  deux  hommes, 
vous  le  savez,  se  livrent  au  dedans  de  vous  un  combat 
sans  cesse  renaissant,  un  combat  dont  le  premier  théâ- 
tre fut  votre  berceau,  et  dont  votre  lit  de  mort  sera  le 
dernier.  Voilà  pourquoi  le  Saint-Esprit  vous  appelle  un 
soldat  et  votre  vie  une  milice  '. 

»  Vous  voyez,  mon  fils,  que  l'homme  bon  qui  est  en 
vous  doit  incessamment  se  tenir  sur  ses  gardes  et  tra- 
vailler sans  relâche  à  déjouer  les  ruses,  à  émousser  les 
traits  et  à  briser  les  armes  meurtrières  de  son  adver- 
saire. A  ce  prix  est  pour  vous  la  victoire  et  le  bonheur 
dans  ce  monde  et  dans  l'autre. 

»  Or,  votre  ennemi  cherche  à  vous  vaincre  en  attisant 
dans  votre  cœur  l'amour  des  plaisirs  sensuels  ;  vous  mor- 
tifierez donc  vos  sens,  vous  lui  répondrez  par  lejeîme.  Il 
tente  de  vous  éblouir  par  l'éclat  séduisant  des  biens 
d'ici-bas  ;  il  vous  dit  :  Heureux  ceux  qui  ont  ces  choses. 
Vous  détournerez  la  tête  pour  ne  point  voir  fa  vanité  ; 
vous  lui  répondrez  :  Heureux  celui  dont  le  Seigneur  est 
la  richesse,  et  vous  ferez  l'aumône.  Enfin,  redoublant 
d'astuce,il  essaie  de  réveiller  en  vous  cet  orgueil  funeste, 
qui  des  Anges  même  fit  en  un  clin  d'œil  d'horribles  dé- 
mons. Vous  vous  jetterez  aux  pieds  de  votre  Dieu,  vous 
lui  confesserez  votre  néant  et  votre  dépendance,  vous 
prierez. 

»  Le  jeûne ,  l'aumône ,  la  prière ,  voilà,  mon  fils ,  les 
trois  armes  dont  vous  devez  vous  servir  ;  voilà  les  trois 

•  Job,  VII,  1. 


DE    PERSÉVléRANCE.  543 

remèdes  que  le  céleste  Médecin  nous  a  prescrits  ',  et 
moi  je  vous  indique  le  temps  et  la  manière  d'en  faire 
usage.  » 

Et  maintenant,  s'il  est  quelqu'un  sur  la  terre  qui  ne 
soit  pas  fils  d'Adam  et  héritier  de  sa  corruption,  qu'il  se 
dispense  de  ces  prescriptions  salutaires,  à  la  bonne 
heure,  il  est  d'une  autre  nature  que  nous  :  les  lois  de 
l'humanité  ne  sont  pas  pour  lui  ;  mais  si  tous,  sans 
exception,  nous  trouvons  en  nous  cette  loi  des  membres 
qui  répugne  à  la  loi  de  l'esprit  ;  si  tous  nous  ressentons 
plus  ou  moins  cet  aiguillon  de  la  chair  dont  Paul  lai- 
même,  ravi  au  troisième  ciel,  éprouvait  les  atteintes, 
quel  moyen  de  mépriser  les  armes  sacrées  par  lesquelles 
tous  les  Saints  ont  vaincu,  et  de  repousser  les  remèdes 
qui  seuls  peuvent  opérer  notre  guérison  ? 

Telle  est  donc  la  sagesse  de  l'Eglise  dans  les  œuvres 
de  pénitence  qu'elle  nous  prescrit.  Attaquant  tout  à  la 
fois  nos  trois  grandes  passions,  elle  ne  sépare  jamais  les 
trois  œuvres  qui  leur  sont  opposées  :  le  jeûne,  l'aumône 
et  la  prière.  L'avantage  qui  en  revient  ne  nous  est  pas 
personnel,  et  s'étend  au  prochain.  Dans  l'intention  de 
cette  tendre  mère,  un  des  motifs  du  jeûne  est  de  nous 
priver  d'une  portion  de  nos  aliments  pour  en  nourrir 
les  pauvres.  C'est  ainsi  que,  dans  le  Christianisme  pra- 
tiqué suivant  l'esprit  de  l'Evangile,  chaque  jour  de  jeûne 

'  Haec  tria  remediorum  gênera  spiritaliter  commcDdaTit  nohis 
cœlestis  medicus,  elecniosynam  scilicet  et  jejuuium  et  orationem, 
quibus  taaquam  medicinalihus  antidotis  possemus  ioTeterata  mala 
curare,  prsesentanea  pellere,  et,  servaudo  saluteai,  futura  carere. 
S.  Aug.,  Serm,  in  P'igil.  Peatecost. 


544  CATÉCHISME 

est  un  jour  de  dévouement  pour  le  riche  et  d'assistance 
pour  l'indigent;  c'est  ainsi  que  le  Calholicisme  est,  par 
excellence,  la  religion  de  l'humanité  et  une  loi  d'amour; 
c'est  ainsi  que  la  Religion  de  Jésus-Christ  ne  conduit 
pas  seulement  l'homme  à  donner  de  son  superflu  à  ceux 
qui  manquent  du  nécessaire;  elle  veut  un  sacrifice 
plus  parfait  et  une  sorte  d'immolation  de  soi-même 
pour  les  malheureux,  en  exigeant  de  ses  disciples  qu'ils 
prennent,  chaque  jour  de  jeûne,  sur  leur  propre  sub- 
stance pour  en  nourrir  celui  qui  a  faim. 

Plusieurs  fois  l'année  elle  multiplie  ce  sacrifice  volon- 
taire et  le  sanctifie  par  le  précepte  de  l'amour  divin, 
sans  lequel  toute  vertu  est  imparfaite  et  tout  dévoue- 
ment intéressé.  On  voit  de  là  quel  est  le  véritable  esprit 
du  jeûne  dans  les  intentions  de  l'Eglise.  Jeûner  autre- 
ment, c'est-à-dire  jeûner  au  lever  du  soleil  pour  faire 
un  repas  plus  somptueux  au  milieu  du  jour  ;  jeûner  en 
s'abstenant  de  la  chair  des  animaux  pour  y  substituer 
avec  le  même  luxe  celle  des  poissons,  c'est  jeûner  à  la 
manière  d'Epicure  ;  jeûner  et  ne  pas  unir  le  jeûne  à 
l'aumône,  c'est  en  quelque  sorte  voler  sur  le  pauvre 
l'économie  d'un  repas;  c'est  corrompre  le  précepte  dans 
son  sens  le  plus  sublime,  et  prêter  un  sujet  de  scandale 
trop  réel  à  la  dérision  des  impies  '. 

'  Ce  n'est  point  là  une  interprétation  arbitraire  du  précepte  du 
jeûne,  c'est  l'intention  formelle  de  l'Eglise  :  «  Les  jours  de  jeûne, 
disent  les  saints  canons,  on  doit  faire  Taumône,  et  chacun  doit 
donner  aux  pauvres  la  nourriture  ou  la  boisson  qu'il  eût  consom- 
mée lui-même  s'il  n'avait  jeûné.  Le  jeûne,  sans  veilles,  sans  prières, 
sans  aumônes,  n'est  presque  d'aucune  râleur  :  Diebus  jejuiUi  elee- 


DE   PERSÉVÉRANCE.  545 

Mais  les  hérétiques  du  seizième  siècle  et  les  phi- 
losophes du  dix-huitième  ne  sont  pas  moins  coupables 
d'avoir  accusé  le  Catholicisme  de  ces  abus  qu'il  ré- 
prouve. Qu'ont-ils  fait,  eu  soulevant  leurs  disciples  con- 
tre le  précepte  du  jeûne  et  de  l'abstinence?  Jls  ontôté 
aux  pécheurs  un  des  moyens  les  plus  salutaires  de  re- 
pentir ;  à  la  vertu,  un  de  ses  meilleurs  appuis  ;  au  dé- 
vouement social,  un  de  ses  plus  fréquents  exercices  : 
ils  ont  mis  l'homme  en  contradiction  avec  la  morale 
universelle  ;  car  tous  les  peuples,  sans  en  excepter  on 
seul,  ont  jeûné,  parce  qu'ils  ont  cru  l'homme  responsa- 
ble de  ses  œuvres  envers  Dieu,  et  obligé  de  satisfaire 
pour  ses  offenses  ^ 

Elle  est  donc  bien  sage  l'Eglise  catholique,  dans 
l'obligation  générale  qu'elle  nous  impose  de  jeûner  ; 
elle  ne  l'est  pas  moins  en  fixant  l'accomplissement  de 
ce  précepte  à  la  fin  des  quatre  saisons.  En  effet,  les 

niosyna  facienda  est  ;  et  cibuin  vel  potum  quo  quisque  uti  debe- 
ret,  si  non  jejunaret,  pauperibus  eroget.  Pêne  non  valet  jejuniurn 
quod  orationes,  vigiliœ  et  eleemosynœ  non  commendant .  Ex  Capi» 
tular.  Theodulph.  Aurelian.  episc,  an.  797,  c.  34  et  38. 

Ecoutons  encore  saint  Léon  :  «  Qu'y  a-t-il  de  plus  utile,  de  plus 
efficace  que  le  jeûne  pour  désarmer  l'ennemi  du  salut,  dompter 
les  passions  et  résister  à  la  séduction  du  vice  ?  Le  jeûne  est  l'ali- 
ment de  la  vertu  ;  il  inspire  de  bonnes  pensées  et  de  saints  désirs; 
il  fait  taire  les  appétits  charnels,  et  renouvelle  l'homme  spirituel. 
Mais,  comme  la  vigueur  de  l'âme  n'est  pas  maintenue  par  le  jeûne 
seul,  notre  abstinence,  pour  être  agréable  à  Dieu,  doit  être  accom- 
pagnée des  œuvres  de  charité.  Il  faut  que  tout  ce  qui  est  retran- 
ché à  la  sensualité  soit  donné  à  la  vertu,  que  notre  abstinence  de- 
vienne la  nourriture  du  pauvre,  etc.  Serm.  2  de  Jejun.  10  mens. 

•  Woyez  Jauffret.  Culte  public,  p.  205. 

T.  VU.  35 


546  CATÉCHISME 

Qualre-Temps  sont  établis  :  l°pour  demander  pardon  à 
Dieu  des  fautes  commises  pendant  la  saison  qui  vient 
de  s'écouler;  2°  pour  remercier  Dieu  des  faveurs  qu'il 
nous  y  a  faites  ;  3"  pour  attirer  sur  les  ordinations  les 
grâces  du  Saint-Esprit;  4<»  enfin  pour  nous  retremper 
et  nous  aider  à  passer  plus  chrétiennement  la  saison  qui 
va  commencer. 

1"  Les  Quatre-Temps  sont  établis  pour  demander  par- 
don à  Dieu  des  fautes  commises  pendant  la  saison  qui 
vient  de  s'écouler.  Hélas  !  chaque  saison,  en  variant  nos 
jouissances,  ne  fait  trop  souvent  que  varier  nos  péchés. 
Le  printemps,  qui  devrait  être  pour  nous  l'époque  d'une 
résurrection  à  la  grâce,  à  la  piété  et  à  la  ferveur,  nous 
dissipe,  nous  absorbe,  par  la  pensée  des  entreprises 
temporelles,  et  nous  écarte  de  notre  fin  au  lieu  de  nous 
en  rapprocher.  Il  passe  sans  que  nous  unissions  une  seule 
lois  notre  cœur  et  noire  voix  à  celle  de  toute  la  nature, 
pour  remercier  le  Dieu  qui,  dans  le  renouvellement  de 
toutes  choses,  pourvoit  à  notre  subsistance  et  nous  pré- 
sente l'image  de  la  résurrection  future. 

L'été  excite  la  fougue  de  nos  passions  ;  le  riche  se 
livre  dans  ces  beaux  jours  à  des  voyages,  à  des  amuse- 
ments souvent  très-criminels;  l'habitant  des  campagnes 
viole  par  le  travail  les  jours  consacrés  au  Seigneur.  Le 
cœur  de  l'un  et  de  l'autre  reste  insensible  aux  présents 
variés  que  le  Créateur  nous  fait.  En  automne,  l'avare 
entasse  dans  ses  greniers  les  biens  du  père  de  famille  ; 
sur  ses  lèvres,  pas  une  bénédiction  pour  le  Dieu  qui  a 
fertilisé  ses  campagnes,  ses  vignes  et  ses  prairies.  L'hi- 
ver voit  les  banquets  somptueux,  les  bals,  les  spectacles  ; 


DE    PEttSÉVÉRAKCE.  547 

il  voil  aussi  la  misère  cl  les  larmes  du  pauvre  qui  souf- 
fre la  faim  et  le  froid.  L'égoïsme  dur,  impitoyable, 
règne  dans  toute  sa  force  ;  et  si,  dans  cette  saison,  Dieu 
est  quelquefois  offensé  des  murmures  du  pauvre,  il  l'est 
bien  autrement  de  la  cruelle  insensibilité  du  riche. 

Qui  de  nous,  en  rentrant  au  fond  de  sa  conscience, 
ne  trouve  pas  quelques  remords  ?  Quelle  est  la  saison 
que  nous  avons  passée  chrétiennement  ?  Hélas  !  plutôt 
quelle  est  celle  où  nous  n'avons  pas  abusé  des  bienfaits 
de  Dieu?  En  faisons-nous  pénitence?  nous  n'y  pensons 
même  pas.  L'Eglise  a  donc  bien  fait  de  nous  en  rappeler 
l'obligation,  de  nous  en  prescrire  les  œuvres ,  de  nous 
en  déterminer  les  jours.  Sans  elle,  nous  laisserions  accu- 
muler nos  dettes,  et  nous  arriverions,  débiteurs  insolva- 
bles,aux  portes  de  l'éternité,  n'ayant  d'autre  recomman- 
dation auprès  du  juge  suprême  qu'une  vie  d'iniquités. 

2<*  Les  Quatre -Temps  sont  établis  pour  remercier 
Dieu  des  grâces  qu'il  nous  a  faites  dans  la  saison  qui 
vient  de  finir.  Ils  sont  nombreux  et  variés  les  bienfaits 
dont  le  Père  céleste  nous  comble  dans  les  différentes 
saisons  ;  chacune  nous  apporte  son  tribut  particulier,  et 
leur  succession  met  la  nature  entière  à  notre  usage.  Eh 
bien,  dites-nous  :  pour  trois  mois  de  libéralités  con- 
stantes, trois  jours  de  prières  et  de  bonnes  œuvres, 
est-ce  trop?  Il  est  bien  à  plaindre  le  cœur  qui  trouve 
trop  pesant  le  fardeau  de  la  reconnaissance.  Ajoutez 
que  nos  remercîments  sont  encore  à  notre  avantage. 
L'ingratitude  est  un  vent  brûlant  qui  dessèche  la  source 
des  grâces,  tandis  que  la  reconnaissance  ouvre  la  main 
du  bienfaiteur. 


548  CATÉCHISME 

3"  Pour  attirer  sur  les  ordinations  la  grâce  du  Saint- 
Esprit.  Point  de  société  sans  religion,  point  de  religion 
sans  prêtres,  mais  point  de  prêtres  utiles  à  la  religion 
et  à  la  société  sans  les  vertus  de  leur  saint  état.  Quand 
l'Eglise  n'aurait  eu  que  cette  seule  raison  d'appeler  tous 
ses  enfants  à  la  prière,  au  jeûne,  à  l'aumône  pendant 
les  Quatre-Teraps ,  croyez-vous  que  son  commande- 
ment ne  serait  pas  fondé  ?  Ne  sommes-nous  pas  tous 
intéressés  à  obtenir  de  bons  ministres?  n'est-ce  pas 
de  leurs  exemples  et  de  leurs  leçons  que  dépendent,  en 
grande  partie,  notre  vertu,  la  paix  des  familles,  le  bon- 
heur du  monde  ?  Ne  sont-ils  pas  établis  par  le  Seigneur 
lui-même  pour  être  le  salut  et  la  ruine  d'un  grand 
nombre  en  Israël? 

Le  samedi  des  Quatre-Temps  l'Eglise  multiplie  ses 
prières  ;  on  disait  autrefois  douze  leçons  à  la  messe, 
le  nombre  en  a  été  réduit  à  cinq.  L'Eglise  veut  offrir 
à  ses  enfants  d'utiles  sujets  de  méditations  sur  les 
bienfaits  de  Dieu,  et  les  exhorter  par  l'organe  du 
prophète  à  solliciter  plus  instamment  les  bénédictions  du 
Ciel  sur  ceux  qui  doivent  participer  aux  saints  ordres*. 

4°  Pour  nous  retremper  et  nous  aider  à  passer  plus 
saintement  la  saison  qui  va  commencer.  Il  est  utile, 
nécessaire  même  au  voyageur  qui  parcourt  une  route 
pénible,  de  se  reposer  de  temps  en  temps  ;  il  est  utile, 
nécessaire  même  au  soldat  qui  est  en  campagne  d'avoir 
des  jours  de  trêve,  soit  pour  panser  ses  blessures,  soit 
pour  réparer  ses  armes  :  à  ce  double  titre,  les  Quatre- 
Temps  sont  utiles,  nécessaires  même  au  Chrétien  ; 

*  Rabau,  Instit.y  lib.  2,  c.  24. 


DE   PERSÉVÉRANCR.  549 

n'est-il  pas  tout  à  la  fois  un  voyageur  et  un  soldat? 
Voyageur,  le  chemin  de  la  vie,  nous  le  savons  bien, 
n'est  pour  lui,  ni  sans  danger,  ni  sans  fatigue;  son  âme 
a  besoin  de  reprendre  haleine.  Elle  le  fait  en  se  rap- 
prochant de  Dieu  par  la  prière  et  par  la  mortification 
de  la  chair.  Soldat,  l'homme,  dans  la  lutte  qu'il  soutient 
depuis  le  berceau  jusqu'à  la  tombe,  reçoit,  hélas!  plus 
d'une  blessure,  il  a  besoin  de  remèdes,  il  les  trouve 
encore  dans  la  prière  et  le  jeûne.  Fortifié,  guéri  par 
ces  salutaires  pratiques,  il  peut  recommencer  son  com- 
bat et  reprendre  sa  route  avec  plus  de  confiance.  Ses 
pensées  élevées  au-dessus  de  la  terre,  ses  affections 
purifiées  et  ennoblies,  le  travail  lui  devient  plus  méri- 
toire, la  vie  plus  douce;  et  sa  famille  et  la  société  y 
gagnent  de  bons  exemples,  du  repos  par  conséquent 
et  du  bonheur. 

C'est  aussi  pour  nous  rendre  meilleurs  et  plus  heu- 
reux que  l'Eglise  a  établi  les  Vigiles  ou  veilles  de  gran- 
des fêtes.  Autrefois  la  nuit  qui  précédait  nos  solenni- 
tés se  passait  à  l'église  :  de  là  le  nom  de  veille.  Au- 
jourd'hui on  nomme  vigile  ou  veille  tout  le  jour  qui 
précède  une  solennité  pendant  lequel  on  observe  l'ab- 
stinence et  le  jeûne.  Il  y  en  a  cinq  :  celles  de  Noël,  de 
Pâque,  de  la  Pentecôte,  de  l'Assomption  et  de  la  Tous- 
saint. Dans  quelques  diocèses,  la  fête  de  saint  Pierrre 
et  de  saint  Paul  est  aussi  précédée  d'une  vigile. 

Comment  ne  pas  admirer  la  sollicitude  avec  laquelle 
l'Eglise  prépare  ses  enfants  aux  grandes  fêtes  de  la 
Religion?  La  prière,  le  jeûne,  les  œuvres  de  charité, 
oilà  les  moyens  qu'elle  emploie  pour  affaiblir  en  nous 


550  CATÉCHISME 

la  vje  des  sens,  et  donner  à  notre  âme  la  vigueur,  la 
pur('t(i,  les  saints  désirs  nécessaires  àl'effusioji  plus  abon- 
dante des  gr<1ces  divines  qui  a  lieu  dans  les  gran- 
des fêles.  Ce  mot  de  vigile  est  tout  une  instruction, 
Le  temps  est  la  vigile  de  l'éternité.  Notre  vie  est  un 
jour  de  jeûne,  de  prières  et  de  travail;  l'éternité 
est  la  solennité  que  nous  attendons. 

Si  notre  âge  nous  oblige  au  jeûne,  accomplissons-le 
fidèlement;  si  nous  sommes  dispensés  de  cette  loi, 
faisons-nous-en  une  d'adresser  à  Dieu,  la  veille  des 
grandes  fêtes,  des  prières  plus  ferventes,  défaire  quel- 
que retour  sur  nous-mêmes,  et  de  former  de  saintes 
résolutions  '. 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu!  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  établi  les  Quatre-Temps;  faites-moi  la  grâce  de 
bien  entrer  dans  l'esprit  de  cette  salutaire  institution. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par -dessus 
toute  chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour 
l'amour  de  Dieu  ;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je 
joindrai  l'aumône  au  jeûne  et  à  la  prière. 


PETIT  CA.TÉCHISME. 

LE    CHRISTIANISME  RENDU    SENSIBLE. 

Quatre-Temps  et  Vigiles. 

Q.  Qu'est-ce  que  les  Quatre-Temps  ? 

R.  Les  Quatre-Temps  sont  trois  jours  de  jeûne  qui 

'  Voyez  Thom,,  Traité  du  jeûne.,  1  p.irt.,  c.  18  ;  2  part.,  c,  14. 


DE    PERSïîVÉRANClî.  55i 

reviennent  h  la  fin  de  chaque  saison  de  rannt'-e.  L'ori- 
gine des  Quatre-Temps  remonte  aux  temps  des  Apô- 
tres. L'Eglise  a  conservé  et  étendu  cette  pratique  qui 
était  déjà  en  vigueur  chez  les  Juifs  ;  en  cela,  elle  a  fait 
preuve  d'une  grande  sagesse  et  d'une  grande  sollici*» 
lude  pour  notre  bonheur. 

Q.  Comment  cela  ? 

R,  Le  voici.  Comme  hommes,  comme  pécheurs  et 
comme  Chrétiens,  nous  sommes  obligés  de  faire  péni- 
tence. Notre-Seigneur  a  dit  :  Si  vous  ne  faites  péni^ 
tence,  vous  périrez  tous.  L'Eglise  a  déterminé  ce  pré- 
cepte en  nous  indiquant  le  temps  et  la  manière  de 
l'accomplir;  sans  cela,  la  plupart  des  hommes  n'au- 
raient fait  aucune  pénitence  de  leurs  péchés,  et  ils  se- 
raient arrivés  devant  Dieu  chargés  de  dettes  et  condam- 
nés à  l'enfer,  ou  du  moins  à  un  rigoureux  purgatoire. 
L'Eglise  s'est  donc  montrée  bien  tendre  en  nous  obli- 
geant à  accomplir  le  précepte  divin  de  la  pénitence. 

Q.  Quelles  œuvres  nous  ordonne-t-cUe? 

R'  Les  œuvres  qu'elle  nous  ordonne  sont  :  le 
jeûne,  la  prière  et  l'aumône.  Ces  trois  œuvres  sont 
opposées  aux  très-grandes  passions  qui  sont  en  nous  ; 
l'amour  du  plaisir,  l'amour  des  honneurs  et  l'amour  des 
richesses.  C'est  ainsi  que  l'Eglise  nous  guérit,  c'est  pour 
cela  qu'elle  a  établi  les  jeûnes  et  les  abstinences. 

Q.  Pourquoi  a-t-elle  établi  les  Quatre  -  Temps  en 
particulier  ? 

R.  Elle  a  établi  les  Quatre-Temps  en  particulier  pour 
quatre  raisons  :  1"  pour  demander  pardon  c'i  Dieu  des 


552       CATÉCHISME  DE  PERSÉVÉRANCE. 

péchés  commis  pendant  la  saison  qui  vient  de  s'écouler; 
2°  pour  le  remercier  des  grâces  qu'il  nous  y  a  faites  ; 
3"  pour  attirer  les  bénédictions  du  Ciel  sur  les  ordina- 
tions; 4*»  pour  nous  aider  à  passer  plus  chrétiennement 
la  saison  qui  va  commencer. 

Q.  Qu'est-ce  que  les  vigiles  ? 

R.  Le  mot  vigile  veut  dire  veilles.  Les  Vigiles  sont 
un  jour  d'abstinence  et  de  jeûne  qui  précède  les  gran- 
des fêtes  de  l'année.  On  en  compte  cinq  :  celles  de  Noël, 
de  Pâque,  de  la  Pentecôte,  de  l'Assomption  et  de  la 
Toussaint.  Dans  quelques  diocèses,  la  fête  de  saint  Pierre 
et  de  saint  Paul  est  aussi  précédée  d'une  vigile.  Quel 
que  soit  notre  âge,  nous  devons  passer  ces  jours  plus 
saintement  que  les  autres,  afin  de  nous  préparer  à  la 
célébration  de  la  solennité  et  recevoir  les  grâces  que 
Dieu  ne  manque  pas  d'y  accorder  avec  plus  d'abon- 
dance. 

PRIÈRE. 

O  mon  Dieu  !  qui  êtes  tout  amour,  je  vous  remercie 
d'avoir  établi  les  Quatre-Temps  ;  faites-moi  la  grâce 
de  bien  entrer  dans  l'esprit  de  cette  ss|lutaire  institu- 
tion. 

Je  prends  la  résolution  d'aimer  Dieu  par-dessus 
toute  chose,  et  mon  prochain  comme  moi-même  pour 
l'amour  de  Dieu  ;  et,  en  témoignage  de  cet  amour,  je 
joindrai  Vaumône  au  jeûne  et  à  la  prière. 

FIN   DU    SEPTIÈME   VOLUME. 


TABLE  DES  MATIERES 

CONTENUES 

DANS  LE  SEPTIÈME  VOLUME. 

aUATRlÉlIE   PARTIE. 

r«  LEÇON.  —  LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSIBLE. 

L'avocat  et  le  mathématicien.  —  Définition  du  culte  intérieur  et 
extérieur.  —  Cérémonies,  rites,  liturgie.  —  Culte  extérieur  né- 
cessaire à  l'homme,  à  la  société.  —  Premier  avantage  du  culte 
extérieur.  — 11  redit  à  nos  sens  toutes  les  vérités  de  la  Religion, 
sous  les  patriarches,  sous  la  loi  de  Moïse,  sous  l'Evangile.         1 

U«  LEÇON.  —  LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSIBLE. 

Second  avantage  du  culte  extérieur,  il  fixe  toutes  les  vérités  de  la 
R(;ligion.  —  Troisième  avantage,  c'est  le  premier  lien  social.  — 
Quatrième  avantage,  il  influe  admirablement  sur  les  arts.  — 
Origine  des  cérémonies.  —  Variété  des  cérémonies.  —  Respect 
qui  leur  est  dû.  —  Empressement  à  les  étudier.  23 

UT  LEÇON.  —  LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSIBLE. 

Eglises ,  leur  nécessité.  —  Nécessité  de  leur  décoration.  —  Habil- 
lements convenables  et  décents  pour  les  jours  de  fête.  —  Des- 
cription des  anciennes  églises.  —  Nos  églises  actuelles  pleines 
des  souvenirs  des  Catacombes.  —  Crypte.  —  Autel.  —  Balus- 
trade. 41 

Vf"  LEÇON.  —LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSIBLE. 

Suite  de  la  description  de  nos  églises.  —  Flambeaux.  —  Chapelles 
latérales.  —  Peintures.—  Décorations. —  Cloche.  — Son  baptême. 
—  Pourquoi  on  la  sonne  dans  les  orages.  —  Harmonie  des  clo- 
ches avec  nos  sentiments.  6* 

V»  LEÇON.  —  LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSIBLE. 

Des  bénédictions  en  général.  —  Principes  sur  lesquels  elles  repo- 
sent.—Enseignement  qu'elles  nous  donnent.  —  Leur  antiquité 


554  TABLE 

—  Leurs  effets.—  Ceuï  qui  ont  le  pouvoir  de  bénir.  —  Cimetière. 
— Cimetières  en  Suisse.—  Cimetières  près  des  églises,  sentiments 
qu'ils  inspirent.  — Bénédiction  du  cimetière.  86 

VI«  LEÇON.  —  LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSIBLE. 

Définition,  division  du  temps.  —  Fêtes.  —  Leur  objet  sous  les  pa- 
triarches, sous  Moïse,  sous  l'Evangile.  —  Fêtes  des  martyrs  et 
des  saints.  —  Supériorité  des  fêtes  chrétiennes.  —  Leur  beauté, 
leurs  harmoni<'s,  leurs  avantages  sociaux.  —  Sanctification  des 
fêtes.  109 

VII*  LEÇON.  —  LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSIBLE. 

Dimanche.  —  Son  histoire.  —  Son  objet.  —  Dimanche  chez  les  pre- 
miers Chrétiens. —  Prière  en  commun,  Office. — Origine  de  l'Of- 
fice divin.  —Différentes  heures  de  l'Office.  —Leur  harmonie 
avec  Dieu ,  l'homme  et  le  monde. —  Beauté  de  l'Office.  —  Office 
de  la  nuit.  —  Matines.  —  Invitatoire.  —  Psaume  Venite.  ■- 

Vm«  LEÇON.  —LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSIBLE. 

Matines  (  suite  ).  —  Hymne.  —  Antienne.—  Psaumes.  —  Versets.  — 
Bénédictions.  —  Leçons  —  Répons.  —  Différence  des  matines  de 
neuf  et  de  trois  leçons.  —  Te  Deum.  — Verset  sacerdotal.  — 
Laudes.  —  Capitule.  —  Hymne.  —  Verset.  —  Cantique.  151 

IX"  LEÇON.  —  LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSUSLE. 

Office  du  jour.  —  Prime.  —  Tierce.  —  Sexte.  —  None.  —Vêpres.   172 

X*  LEÇON. —  LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSIBLE. 

Compiles.  —  Usjge  de  la  langue  latine  dans  la  liturgie.  — Sagesse 
de  l'Eglise  —  Chant,  sa  raison,  son  origine,  sa  beauté.  —  Exem- 
ple de  saint  Augustin,  — de  Jean-Jacques  Rousseau.  192 

XP  LEÇON.  —  LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSIBLE. 
Nature  du  sacrifice.  —  Sa  nécessité.  —  Sacrifices  anciens.  —  Sacri- 
fice du  Calvaire.  — Sacrifice  sanglant.  —  11  réunit  en  les  accom- 
plissant tous  les  sacrifices  anciens.  —  La  messe  est  un  vrai  sacri- 
fice, le  même  que  celui  du  Calvaire. — La  messe  est  nécessaire.  2l4 

XII'  LEÇON.  —  LE  CHRISTUNISME  RENDU  SENSIBLE. 

Excellence  du  sacrifice  de  la  messe.— Le  prêtre. — Ses  préparations. 

—  Ses  vêtements.  —  Amict.  —  Aube.  —  Cingulon.  —  Manipule.  — 

Etole.  —  Chasuble.  —  Etole  du  diacre.  —  Dalmatique.— Tunique 

du  sous-diacre.  — Surplis.  —  Chape.  236 


DES    MATIÈRES.  555 

XIII»  LEÇON.  —  LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSIBLE. 

Vêtements  des  évoques.  —  Les  pantoufles  et  les  bas.  —  La  croix 
pectorale.  —  La  petite  tunique  et  la  dalmatique.  —  Les  gants.  — 
l'anneau.  —  La  mitre.  —  La  crosse.  —  Le  pallium*  —  Le  grémial. 
—Couleurs  des  ornements.  —  parements  de  l'autel.  259 

XIV«  LEÇON.  —  LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSIBLE. 

Vases  sacrés.  —  Calice.  — Patène.  —  Ciboire.  — Ostensoir.  —  Béné- 
diction  de  l'eau  bénite  avant  la  messe  du  dimaucbe.  —  Aspersion 
de  l'eau  bénite.  279 

XV*  LEÇON.  —  LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSIBLE. 

Processions  en  général.  —  Procession  du  dimanche  avant  la  messe. 
—  Division  de  la  messe.  —  Signification  de  ce  mot.  —  Première 
partie  de  la  messe,  la  préparation  au  bas  de  l'aatel.  298 

XVI»  LEÇON.  —  LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSIBLE. 

Encensements.  —  Seconde  partie  de  la  messe,  depuis  l'Introït  jus- 
qu'à l'Offertoire.  —  Introït.  —  Kyrie  eleison*  —  Gloria  in  Ex- 
celsis.  317 

XVir  LEÇON.— LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSIBLE. 

Deuxième  partie  de  la  messe  (  Suite ).  —  Oraison .  —  Epître.  —  Gra- 
duel. —  Trait.  —  Alléluia.  —  Prose.  33C 

XVIIl»  LEÇON.  —  LE  CHRISTUNISME  RENDU  SENSIBLE. 

Seconde  partie  de  la  messe  (  Suite  ).  —  Evangile.  —  Credo  —  Troi- 
sième partie  de  la  messe.  —  Offertoire.  —  Offertoire  dans  les 
premiers  siècles.  3M 

XIX«  LEÇON.  —  LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSIBLE. 

Troisième  partie  de  la  messe  (Suite).  —  Offertoire  dans  les  temp.s 
actuels.  377 

XX-^  LEÇON. —LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSIBLE. 
Troisième  partie  de  la  messe  (Suite).— Ora/e  fratres.  —  Quatrième 
partie  de  la  messe.— Préface — Sanctus.— Canon.— Dyptiques.  398 

XXI*  LEÇON.  —  LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSIBLE. 

Quatrième  partie  de  la  messe  (Suite).  —  Consécration.  —  Eléva- 
tion. —  Prières  qui  la  suivent.  419 


556  TABLE  DES   MATIÈBES. 

XXU*  LEÇON.  —  LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSIBLE. 

Cinquième  partie  de  la  messe. — Pater. —  Prières  et  cérémonies  qui 
le  suivent.  — Fraction  de  l'hostie. — Le  baiser  de  paix.  —  uignus 
Dei.  —  Prières  avant  la  communion.  —  Communion.  —  Prières 
après  la  communion.  440 

XXm«  LEÇON.—  LE  CHRISTL^ISME  RENDU  SENSIBLE. 

Sixième  partie  de  la  messe.  —  Communion.  —  Postcommunion.  — 
Ite  missa  est.  —  Bénédiction.  —  Evangile  de  saint  Jean.  —  Com- 
ment il  faut  sortir  de  la  messe.  460 

XXIV»  LEÇON.  —  LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSIBLE. 

Jours  de  la  semaine  considérés  sous  le  point  de  vue  de  la  foi.  —  Ils 
sont  des  jours  de  fête. —  La  vie  est  la  vigile  de  l'éternité — Com- 
ment célébrer  cette  fête  continuelle.  —  Noms  païens  des  jours  de 
la  semaine.  —  Noms  chrétiens.  —  Profonde  sagesse  de  l'Eglise.— 
Dévotions  attachées  à  chaque  jour  de  la  semaine.  —  Calendrier 
catholique,  sa  beauté,  sou  utilité.  476 

XXV«  LEÇON.  —  LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSIBLE. 

Avent.  —  Sagesse  de  l'Eglise.  —  Antiquité  de  l'Avent.  —  Pratiques 
de  dévotion  et  de  pénitence.  —  Liturgie  de  l'Avent.  — Premier 
dimanche.  —  Deuxième  dimanche.  —  Troisième,  quatrième.  — 
Fête  de  l'expectation.  —  Antiennes  O.  501 

XXVl^  LEÇON.  — LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSIBLE. 

Immaculée  Conception  de  la  sainte  Vierge.  —  Croyance  de  l'Eglise, 
—  Histoire  de  la  féte.^  Sagesse  de  l'Eglise.  —  Influence  de  cette 
fête.  —  Office.  —  Comment  célébrer  la  fête  de  l'Immaculée  Con- 
ception? 521 

XXVU«  LEÇON.  —  LE  CHRISTIANISME  RENDU  SENSIBLE. 

Quatre-Temps  de  l'Avent.  —  Antiquité  des  Quatre-Temps.  —  Sa- 
gesse et  bonté  de  l'Eglise. —  OEuvres  satisfactoires  opposées  aux 
trois  grandes  concupiscences.  —  Esprit  du  jeune.  —  Crime  des 
hérétiques  et  des  impies.  —  Pourquoi  les  Quatre-Temps  sont 
éUblis.  537 

FIN  OB  LA  TABLE  DES  KATlàRES. 


La  Bibliothèque 
Uni?ersité  d'Ottawa 

Edxéanoe 

Celai  qni  rapporte  an  volame  après  la 
dernière  date  timbrée  ci-dessoas  devra 
payer  une  amende  de  cinq  soas,  plus  un 
sou  pour  chaque  jour  de  retard. 


The  Library 
Universitj  of  Ottawa 

Date  due 

For  failnre  lo  relaro  a  book  on  or  be- 
fore  the  last  date  slamped  below  there 
will  be  a  fine  of  five  cents,  and  an  extra 
charge  of  one  cent  for  each  additional  day. 


La  Bibliothèque 
Université  d'Ottawa 
Echéance 


The  Library 
University  of  Ottawa 
Date  Due 


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